Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20190424


Dossiers : A-311-17

A-313-17

Référence : 2019 CAF 95

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NEAR

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE WOODS

 

 

Dossier : A-311-17

ENTRE :

LA COMMISSAIRE À L’INFORMATION DU CANADA

appelante

et

LE PREMIER MINISTRE DU CANADA

intimé

Dossier : A-313-17

ENTRE :

LE PREMIER MINISTRE DU CANADA

appelant

et

LA COMMISSAIRE À L’INFORMATION DU CANADA

intimée

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 17 septembre 2018.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 24 avril 2019.

MOTIFS PUBLICS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LA JUGE WOODS

 


Date : 20190424


Dossiers : A-311-17

A-313-17

Référence : 2019 CAF 95

CORAM :

LE JUGE NEAR

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE WOODS

 

 

Dossier : A-311-17

ENTRE :

LA COMMISSAIRE À L’INFORMATION DU CANADA

appelante

et

LE PREMIER MINISTRE DU CANADA

intimé

Dossier : A-313-17

ENTRE :

LE PREMIER MINISTRE DU CANADA

appelant

et

LA COMMISSAIRE À L’INFORMATION DU CANADA

intimée

MOTIFS PUBLICS DU JUGEMENT

LE JUGE DE MONTIGNY

[1]  La Cour est saisie de deux appels d’une décision rendue par la Cour fédérale (sous la plume du juge O’Reilly). Dans cette décision (2017 CF 827) datée du 13 septembre 2017, la Cour a accueilli en partie la demande de contrôle judiciaire présentée par la commissaire à l’information du Canada (la commissaire) à l’encontre du premier ministre du Canada (le premier ministre). Le litige portait sur le rejet d’une demande formulée par un journaliste en 2013 afin d’obtenir des copies de certains documents conservés par le Bureau du Conseil privé (le BCP) en lien avec quatre sénateurs. Dans sa décision, la Cour fédérale a ultimement ordonné au BCP de communiquer une partie des documents en question.

[2]  Pour les motifs exposés ci-dessous, je suis d’avis que les deux appels devraient être accueillis en partie.

I.  Les faits

[3]  Le 22 août 2013, un journaliste a demandé, conformément à la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. 1985, c. A-1 (la Loi), la communication de [traduction] « [t]out document créé entre le 26 mars 2013 et maintenant [le 22 août 2013] en lien avec les sénateurs Mike Duffy, Mac Harb, Patrick Brazeau et/ou Pamela Wallin ».

[4]  Le BCP a répondu à la demande d’accès le 20 septembre 2013. Il a trouvé 28 pages de documents correspondant aux renseignements demandés, mais n’en a communiqué qu’une seule. Le BCP a refusé de communiquer les documents pour le motif qu’ils contenaient des renseignements de nature personnelle (paragraphe 19(1) de la Loi), des renseignements protégés par le secret professionnel des avocats (article 23 de la Loi), ainsi que des recommandations et des avis à l’intention du premier ministre (alinéa 21(1)a) de la Loi).

[5]  Les documents concernent des |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[6]  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[7]  Le 10 octobre 2013, le journaliste a transmis une plainte à la commissaire au sujet du refus du BCP de communiquer les documents demandés; la commissaire a accusé réception de cette plainte le 23 octobre 2013. Le 13 novembre 2013, la commissaire a fait savoir au BCP que cette plainte ferait l’objet d’une enquête.

[8]  Le 21 février 2014, le BCP a fourni à la commissaire des observations écrites quant à son refus d’accès à l’information. Il a indiqué qu’il continuait de s’appuyer sur les exemptions susmentionnées, tout en revoyant quelque peu sa position quant aux dispositions invoquées pour chaque partie des documents.

[9]  Le 23 mai 2014, au cours de l’enquête, la commissaire a écrit au BCP, conformément à l’alinéa 35(2)b) de la Loi, pour demander des observations supplémentaires étayant son refus d’accès à l’information et la façon dont il avait exercé son pouvoir discrétionnaire. La lettre soulignait qu’il incombait au BCP de prouver que les renseignements en cause étaient visés par les exemptions invoquées et qu’il avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable lorsqu’il y avait lieu de le faire.

[10]  Le 13 juin 2014, dans sa réponse à la lettre de la commissaire, le BCP a confirmé s’être appuyé sur les exemptions citées et a expliqué de quelle façon il avait examiné les facteurs favorables et défavorables à la communication lorsqu’il a exercé son pouvoir discrétionnaire.

[11]  Le 23 mars 2015, la commissaire a transmis les résultats de son enquête au premier ministre Harper, aux termes du paragraphe 37(1) de la Loi. Dans sa lettre, elle a expliqué pourquoi elle estimait que la plainte en question était bien fondée et a recommandé que le BCP rende possible une communication partielle des documents pertinents.

[12]  Le 8 mai 2015, le BCP a répondu qu’après avoir pris connaissance du rapport, il demeurait convaincu que les exemptions prévues aux articles 19 et 23 ainsi qu’à l’alinéa 21(1)a) de la Loi s’appliquaient, et qu’il avait exercé de façon raisonnable son pouvoir discrétionnaire afin de refuser la communication. Dans sa lettre, le BCP a ajouté qu’il avait conclu, après une réévaluation de l’application de l’article 25 de la Loi, que d’autres renseignements pouvaient être communiqués, comme les signatures, les dates et les noms.

[13]  Le 24 juillet 2015, un compte rendu de décision concernant les documents définitifs à communiquer a été signé au nom du BCP; on y approuvait les exemptions obligatoires au titre du paragraphe 19(1) et les exemptions discrétionnaires aux termes de l’alinéa 21(1)a) et de l’article 23 de la Loi.

[14]  Le 11 septembre 2015, la commissaire a présenté à la Cour fédérale une demande de contrôle judiciaire de la décision du BCP. Cette demande était déposée contre le premier ministre du Canada.

II.  La décision de la Cour fédérale

[15]  Le juge de première instance a établi que la norme de contrôle était celle de la décision correcte pour l’examen des exemptions appliquées par le BCP, et celle de la décision raisonnable pour l’exercice de tout pouvoir discrétionnaire résiduel du BCP (au paragraphe 3 des motifs).

[16]  En ce qui concerne l’article 19 de la Loi, le juge a conclu que, dans la mesure où les renseignements en question (c’est-à-dire les renseignements concernant |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||) étaient liés à des « avantages financiers facultatifs », ils relevaient de l’une des exceptions à l’exemption concernant les « renseignements personnels » tels qu’ils sont définis à l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, ch. P-21 (au paragraphe 9). Le juge a donc rejeté les arguments du premier ministre qui soutenait que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ne constituait pas un avantage (aux paragraphes 10 à 16), qu’il ne s’agissait pas d’un pouvoir discrétionnaire (aux paragraphes 17 à 22) et que, pour ces raisons, les renseignements concernant les avantages allégués ne devaient pas être communiqués.

[17]  Au sujet de l’alinéa 21(1)a) de la Loi, le juge a conclu que les documents contenant des avis et des recommandations à une institution fédérale sont exempts de la communication, mais que leur fondement factuel ne l’est pas (au paragraphe 26). Les « parties factuelles » des documents peuvent donc, selon le juge, être séparées du reste et communiquées (au paragraphe 27). Il s’agit des renseignements suivants :

  • Description de ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

  • ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

  • |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

  • Décisions prises ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[18]  Le juge a conclu que les décisions prises par le premier ministre ne constituaient pas des avis ou des recommandations et pouvaient donc être communiquées (au paragraphe 27).

[19]  Le juge a également établi que le BCP avait exercé de façon raisonnable son pouvoir discrétionnaire afin de ne pas communiquer les renseignements visés par l’exemption aux termes de l’alinéa 21(1)a) de la Loi (au paragraphe 30). Bien que les facteurs qui favorisent la communication n’aient pas été énoncés explicitement dans cette analyse (contrairement aux facteurs défavorables à la communication), le juge était persuadé qu’ils avaient été pris en compte implicitement (au paragraphe 30). Selon le juge, « il s’agirait d’un exercice quelque peu artificiel pour ces hauts fonctionnaires d’établir explicitement les facteurs favorisant la divulgation publique » (au paragraphe 31).

[20]  En ce qui concerne l’article 23 de la Loi, le juge a convenu avec la commissaire que certains renseignements que le BCP n’a pas communiqués « [n’étaient] pas visés par la portée du secret professionnel des avocats » (au paragraphe 34). Il a fondé cette conclusion sur le fait que certaines parties de ces renseignements, qui comprennent les |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, « ne concernaient pas des communications [...] ayant trait à la fourniture d’avis juridiques qui devaient être confidentiels » (Ibid). S’appuyant sur l’arrêt Solosky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821 [Solosky], rendu par la Cour suprême du Canada, le juge a conclu que ces parties des documents n’étaient donc pas protégées par le secret professionnel. En ce qui a trait aux documents qu’il estimait clairement protégés par le secret professionnel, le juge était « convaincu que le BCP [avait] exercé de manière raisonnable son pouvoir discrétionnaire appropriée afin de ne pas les divulguer » (au paragraphe 35). Là aussi, le juge considérait que les facteurs favorisant la communication avaient été pris en compte implicitement.

[21]  Le 13 octobre 2017, le premier ministre et la commissaire ont fait appel de ce jugement.

III.  Les questions en litige

[22]  Voici à quoi se résument les six grandes questions soulevées par les deux appels :

  1. Quelle est la norme de contrôle applicable pour l’examen en appel?

  2. Le BCP avait-il le droit de refuser de communiquer les documents en s’appuyant sur l’alinéa 21(1)a) de la Loi?

  3. Le BCP avait-il le droit de refuser de communiquer les documents en s’appuyant sur l’article 23 de la Loi?

  4. Dans la mesure où le BCP était autorisé à refuser la communication des dossiers aux termes de l’alinéa 21(1)a) ou du paragraphe 23 de la Loi, a-t-il exercé son pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable afin de ne pas communiquer ces documents?

  5. Le BCP avait-il le droit de refuser de communiquer les documents en s’appuyant sur le paragraphe 19(1) de la Loi?

  6. Le BCP a-t-il exercé de façon raisonnable son pouvoir discrétionnaire afin de ne pas communiquer les renseignements en question aux termes du paragraphe 19(2) de la Loi?

[23]  Ces questions seront abordées à tour de rôle.

IV.  Analyse

A.  Quelle est la norme de contrôle applicable pour l’examen en appel?

[24]  Quelques incertitudes ont plané au sein de notre Cour quant à la norme applicable pour l’examen en appel des conclusions d’une cour de révision relatives à l’applicabilité d’une exemption au droit d’accès aux termes de la Loi. Cette confusion découle de l’incohérence apparente des arrêts rendus par la Cour suprême dans Merck Frosst Canada Ltd. c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, [2012] 1 R.C.S. 23 [Merck Frosst], et dans Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 SCC 36, [2013] 2 R.C.S. 559 [Agraira].

[25]  Dans Merck Frosst, la Cour suprême a conclu à l’unanimité qu’une décision de la Cour fédérale en lien avec l’application d’une exemption aux termes de la Loi devait être examinée conformément au cadre établi dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 [Housen]. La juge Deschamps (qui a souscrit au jugement de la majorité à cet égard) a expliqué que cette exception à la « démarche classique » de contrôle judiciaire découle des particularités du processus de révision prévu par l’article 44 de la Loi. Elle a mentionné, en particulier, l’intention du législateur « d’établir un processus de révision indépendant », l’absence de « pouvoir décisionnel » accordé à la commissaire fédérale à l’information, l’absence de poids conféré à l’opinion du gouvernement, ainsi que le rôle de la Cour fédérale en tant que « premier décideur impartial » (aux paragraphes 249 et 250).

[26]  Un peu plus d’un an après l’arrêt Merck Frosst, la Cour suprême a rendu l’arrêt Agraira. Dans ses motifs faisant l’unanimité, le juge LeBel a appliqué le raisonnement suivi par notre Cour dans l’arrêt Canada Agence du revenu c. Telfer, 2009 CAF 23 [Telfer], et a conclu que la démarche appropriée lors d’un appel du jugement d’une cour de révision statuant sur une demande de contrôle judiciaire d’une décision administrative « consiste simplement à [se demander] si la juridiction inférieure a employé la norme de contrôle appropriée et si elle l’a appliquée correctement » (Telfer, au paragraphe 18, cité avec approbation par le juge LeBel au paragraphe 45 de ses motifs dans l’arrêt Agraira). Bien que l’arrêt Agraira ait été rendu dans le contexte du droit de l’immigration, rien dans les motifs du juge LeBel n’indique, de manière explicite ou implicite, que sa démarche se limite aux faits de cette affaire et ne devrait pas être appliquée plus largement lorsqu’une cour d’appel traite une décision rendue par une cour de révision saisie d’une demande de contrôle judiciaire (en effet, l’arrêt Telfer était un appel d’une décision rendue par la Cour fédérale dans le contexte du contrôle judiciaire d’une décision du ministre aux termes du paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), c. 1 (5e suppl.) [Loi de l’impôt sur le revenu]).

[27]  Comme l’ont indiqué les parties, ces deux décisions ont amené notre Cour à prendre des décisions apparemment contradictoires quant à la norme appropriée pour l’examen en appel en ce qui concerne l’application d’une disposition d’exemption aux termes de la Loi (voir Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. Canada (Commissaire à l’information), 2013 CAF 104, au paragraphe 18 [Canada (Commissaire à l’information)]; Blank c. Canada (Justice), 2016 CAF 189, aux paragraphes 22 à 24 [Blank 2016]; Canada (Commissariat à l’information) c. Calian Ltd., 2017 CAF 135, aux paragraphes 26 et 27; Husky Oil Operations Limited c. Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers, 2018 CAF 10, aux paragraphes 9 à 17, 59 et 61 [Husky Oil]; Suncor Energy Inc. c. Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers, 2018 CAF 11, aux paragraphes 14 et 26).

[28]  Il n’est pas nécessaire que je répète les avis divergents sur la question ni que je réitère la position que j’ai exprimée dans des décisions antérieures. Je demeure convaincu que lors d’un appel d’une décision dans laquelle la Cour fédérale a statué sur une demande de contrôle judiciaire, notre Cour doit se concentrer sur la décision administrative ou, pour reprendre les propos de la juge Deschamps dans Merck Frosst, « se [mettre] à la place » du tribunal d’instance inférieure (au paragraphe 247; Husky Oil, aux paragraphes 9 à 17). Dans le contexte du droit administratif, la norme de contrôle applicable pour un examen en appel ne sera celle énoncée dans Housen que lorsque les questions soulevées en appel sont liées à des décisions rendues par un juge de la Cour fédérale (comme les décisions liées au caractère théorique, à la prématurité, à l’admissibilité de la preuve et au remède) et non à l’examen, par un juge, d’une décision rendue par un décideur administratif.

[29]  J’admets volontiers que le débat est loin d’être terminé et pourrait même devenir purement théorique advenant que le projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence, 1re session, 42e législature, 2017, article 21 (adopté par la Chambre des communes le 6 décembre 2017) soit adopté(étant donné qu’un nouvel article 44.1 disposerait, aux fins de « précision », qu’une demande aux termes des articles 41 ou 44 serait soumise à une révision de novo).

[30]  Il n’est pas contesté en l’espèce, en supposant que le cadre de l’arrêt Agraira s’applique, que le juge a retenu à juste titre la norme de la décision correcte pour décider si les exemptions invoquées par le premier ministre s’appliquaient (Blank 2016, au paragraphe 24; Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25, [2011] 2 R.C.S. 306, aux paragraphes 21 et 22 [PM Agendas], Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre d’industrie), 2001 CAF 254, aux paragraphes 28 à 42 [Telezone]; Blank c. Canada (Justice), 2010 CAF 183, aux paragraphes 16 et 17 [Blank 2010]). J’en suis d’autant plus convaincu qu’il manque, en l’espèce, l’un des principaux facteurs contextuels favorables à une plus grande déférence : l’expertise du décideur. Comme la Cour l’a déjà mentionné, il est loin d’être évident que le premier ministre et les ministres, même avec l’aide des unités spécialisées chargées de traiter les demandes d’accès à l’information, disposent d’une expertise supérieure à celle de la Cour pour ce qui est des exemptions statutaires. J’estime que l’importance d’un examen indépendant des refus d’accès va fortement dans le sens d’une norme de contrôle rigoureuse. Bien qu’il ait été exprimé avant l’arrêt Dunsmuir, je ne peux que rappeler l’avis exprimé par le juge Richard, qui était alors juge en chef, au paragraphe 13 de l’arrêt Wyeth-Ayerst Canada Inc. c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 257 :

Étant donné que le ministre ne possède pas une plus grande expertise que la Cour, l’application d’une norme de contrôle moins rigoureuse est justifiée. Le ministre, par l’entremise d’unités spécialisées connues sous le nom de Bureau d’accès à l’information, possède l’expertise nécessaire pour répondre aux demandes d’accès à l’information. Toutefois, en ce qui concerne les exceptions prévues par la Loi, le Bureau ne possède pas plus d’expertise que la Cour, qui doit régulièrement appliquer de telles exceptions. La Cour est en meilleure position de juger de l’équilibre à maintenir entre le droit du public à l’information et le droit des personnes à la confidentialité. De plus, tel que l’a justement expliqué le juge Evans dans l’affaire [Telezone] au paragraphe 36 : « ...si la Cour devait limiter l’obligation qui lui est imposée... à la révision des demandes de communication refusées par le ministre en se fondant sur les interprétations et les applications de la Loi faites par le ministère, cela équivaudrait à confier la garde du poulailler au renard. » La vaste expertise de la Cour suppose qu’il n’y a pas lieu d’appliquer une norme de contrôle plus rigoureuse.

(Voir également PM Agendas, aux paragraphes 21 et 22; Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), 2003 CSC 8, [2003] 1 R.C.S. 66, aux paragraphes 14 à 19; Conseil canadien des œuvres de charité chrétiennes c. Canada (Ministre des Finances), [1999] 4 C.F. 245 (C.A.), au paragraphe 13.)

[31]  Je tiens à ajouter que nulle controverse n’est soulevée à l’égard de la norme de contrôle applicable aux conclusions du juge relativement à l’exercice, par le premier ministre, de son pouvoir discrétionnaire d’accepter ou de refuser de communiquer les renseignements exclus. Les décisions de nature discrétionnaire rendues par des décideurs administratifs doivent être examinées selon la norme de la décision raisonnable, et c’est cette norme que le juge a appliquée (voir Blank 2016, au paragraphe 24; Husky, aux paragraphes 17 et 62).

[32]  Dans l’analyse qui suit, le cadre de l’arrêt Agraira sera appliqué de la manière décrite plus haut. Le rôle de notre Cour est donc de déterminer si le juge a correctement appliqué ces normes.

B.  Le BCP avait-il le droit de refuser de communiquer les documents en s’appuyant sur l’alinéa 21(1)a) de la Loi?

[33]  Le premier ministre soutient que certains des renseignements que le juge a prélevés parce qu’il les jugeait purement factuels contiennent en fait des éléments d’avis normatifs qui devraient continuer d’être soustraits à la divulgation, ou qui sont étroitement liés à l’analyse devant être examinée ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, ou encore qui ne peuvent raisonnablement être séparés du reste sans révéler, directement ou indirectement, des renseignements assujettis à une exception. Il affirme également que les motifs du juge n’indiquent pas clairement pourquoi certaines parties des renseignements ont prélevés pour divulgation et qu’ils sont incohérents pour ce qui est des renseignements considérés ou non comme étant purement factuels.

[34]  Il a été dit de façon répétée que le but de la Loi est d’établir un équilibre entre la démocratie et l’efficacité de la gouvernance. Au paragraphe 61 de l’arrêt Dag c. Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 R.C.S. 403, le juge La Forest (dissident, mais non sur ce point) a souligné avec force que la législation en matière d’accès à l’information a pour objet général de favoriser la démocratie en aidant à garantir, d’une part, que les citoyens possèdent l’information nécessaire pour participer utilement au processus démocratique et, d’autre part, que les politiciens et bureaucrates sont tenus de rendre des comptes. Plus récemment, la Cour suprême a confirmé cet objet à l’unanimité, en déclarant ce qui suit dans le paragraphe d’introduction de l’arrêt Ontario (Sûreté et Sécurité publique) c. Criminal Lawyers’ Association, 2010 CSC 23, [2010] 1 R.C.S. 815 [Criminal Lawyers’ Association] :

L’accès à l’information détenue par les institutions publiques peut accroître la transparence du gouvernement, aider le public à se former une opinion éclairée et favoriser une société ouverte et démocratique. Certains renseignements détenus par ces institutions doivent toutefois être protégés pour empêcher une atteinte à ces mêmes principes et promouvoir une bonne gouvernance.

(Voir également PM Agendas, aux paragraphes 15 et 78 à 83.)

[35]  Cet exercice d’équilibre trouve son expression au paragraphe 2(1) de la Loi, qui énonce l’intention du législateur de la manière suivante :

2 (1) La présente loi a pour objet d’élargir l’accès aux documents de l’administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif.

2 (1) The purpose of this Act is to extend the present laws of Canada to provide a right of access to information in records under the control of a government institution in accordance with the principles that government information should be available to the public, that necessary exceptions to the right of access should be limited and specific and that decisions on the disclosure of government information should be reviewed independently of government.

[36]  Le paragraphe 4(1) de la Loi fait état du droit d’accès ayant été créé à cette fin :

4 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi mais nonobstant toute autre loi fédérale, ont droit à l’accès aux documents relevant d’une institution fédérale et peuvent se les faire communiquer sur demande :

4 (1) Subject to this Act, but notwithstanding any other Act of Parliament, every person who is

a) les citoyens canadiens;

(a) a Canadian citizen, or

[EN BLANC]

has a right to and shall, on request, be given access to any record under the control of a government institution.

[37]  Quoique non absolu (voir Criminal Lawyers’ Association, au paragraphe 35; Rubin c. Canada (Greffier du Conseil privé), [1994] 2 CF 707, à la p. 712 (C.A.), confirmé par [1996] 1 R.C.S. 6), le droit d’accès est généralement interprété de manière libérale conformément à une interprétation téléologique, et les exceptions précises énoncées aux articles 13 à 26 de la Loi font l’objet d’une interprétation étroite (Macdonell c. Québec (Commission d’accès à l’information), 2002 CSC 71, [2002] 3 R.C.S. 661, au paragraphe 18). Il y a présomption d’un droit d’accès, et il incombe à l’institution fédérale qui s’oppose à la divulgation d’établir que les documents en cause correspondent à l’une des exemptions prévues dans la Loi (voir l’article 48 de la Loi; PM Agendas, au paragraphe 22). De plus, l’article 25 de la Loi dispose que, lorsqu’un accès est demandé à l’égard d’un document dont la communication peut être refusée par l’institution vu la nature des renseignements qu’il contient, l’institution est néanmoins tenue de communiquer « les parties dépourvues des renseignements en cause, à condition que le prélèvement de ces parties ne pose pas de problèmes sérieux ».

[38]  C’est en gardant ces principes à l’esprit que je vais maintenant me pencher sur les diverses exemptions invoquées par le premier ministre, la première étant l’exemption concernant les « avis ou recommandations élaborés par ou pour une institution fédérale ou un ministre » (alinéa 21(1)a) de la Loi). La raison justifiant cette exemption a été décrite avec justesse par le juge Evans (tel était alors son titre) dans la décision Conseil canadien des œuvres de charité chrétiennes c. Canada (Ministre des Finances), [1999] 4 CF 245 (C.A.) :

[30] [...] Autoriser ou exiger la communication d’avis donnés par des fonctionnaires, soit à d’autres fonctionnaires soit à des ministres, et la communication de délibérations confidentielles au sein de la fonction publique concernant certaines options politiques, éroderaient la capacité du gouvernement de formuler et de justifier ses politiques.

[31] Cela constituerait un fardeau intolérable que de forcer les ministres et leurs conseillers à soumettre à l’examen du public l’évolution interne des politiques qui sont finalement adoptées. La communication de ces renseignements révélerait souvent que le processus d’élaboration des politiques s’accompagne de faux départs, d’impasses, de mauvais virages, de changements d’orientation, de demandes d’avis ultérieurement rejetés, de réévaluations des priorités et de repondération de l’importance relative des facteurs pertinents au fur et à mesure de l’analyse du problème. Si ce matériau hautement inflammable tombait entre les mains de journalistes ou d’opposants politiques, il pourrait facilement alimenter un brasier capable de détruire rapidement la crédibilité et l’efficacité du gouvernement.

[39]  La Cour suprême a explicitement souscrit à ce raisonnement dans l’arrêt Untel c. Ontario (Finances), 2014 CSC 36, [2014] 2 R.C.S. 3, au paragraphe 44 [Untel], quoique ce fût dans le contexte de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée, L.R.O. 1990, ch. F.31. S’exprimant au nom de la cour, le juge Rothstein a ajouté que solliciter la communication de tels avis et de telles recommandations irait à l’encontre de la neutralité politique de la fonction publique au Canada et pourrait donner lieu à de l’autocensure (au paragraphe 45).

[40]  Les mots « avis » et « recommandation » ne sont pas définis dans la Loi. La distinction entre ces deux concepts n’est pas évidente d’emblée, bien que le premier doive revêtir un sens distinct et semblerait avoir un sens plus vaste que le second. C’est que le juge Evans a conclu dans l’arrêt Telezone (au paragraphe 50). La Cour suprême a également adopté cette approche dans l’arrêt Untel (au paragraphe 24). Il appert qu’une « recommandation » désigne une ligne de conduite suggérée qui peut ou non être adoptée par la personne conseillée, alors qu’un « avis » ne dicte pas nécessairement une ligne de conduite, englobant plutôt une série d’options étant chacune accompagnées d’avantages et d’inconvénients, sans toutefois préconiser une option en particulier (Telezone, aux paragraphes 61 à 64; Untel, aux paragraphes 25 à 28). Cependant, aussi vaste que puisse être le terme « avis », il n’englobe manifestement pas les renseignements de nature essentiellement factuelle et objective (Untel, au paragraphe 26). Les renseignements de cette nature doivent être extraits et communiqués lorsqu’il est raisonnablement possible de le faire conformément à l’article 25 de la Loi.

[41]  Bien que le premier ministre convienne que l’alinéa 21(1)a) de la Loi exempte uniquement les éléments normatifs, politiques ou consultatifs d’un avis et ne s’applique pas aux faits sur lesquels il est fondé, il soutient que [traduction]« [l]a plupart des documents internes qui analysent un problème, en commençant par identifier celui-ci, et qui proposent ensuite un certain nombre de solutions avant de terminer sur une recommandation précise, sont tout de même susceptibles d’être visés par [le paragraphe] 21(1), sans égard à leurs composantes factuelles » (mémoire des faits et du droit du premier ministre à titre d’appelant, au paragraphe 66). Le juge a rejeté cet argument – et à juste titre – puisqu’il va beaucoup trop loin et ne cadre pas avec le raisonnement qui sous-tend cette disposition de la Loi. Les catégories de renseignements jugés comme étant dissociables par le juge (c’est-à-dire des renseignements tels que la description des ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, le fait que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, l’identité ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, et les décisions prises ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||) sont manifestement de nature factuelle et ne révéleraient pas – directement ou indirectement – des renseignements exclus.

[42]  Par exemple, l’information figurant dans la note de service à l’intention du premier ministre datée du 10 juillet 2013, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||. Bien que le greffier ait légèrement reformulé |||||||||||||||||||||||||||||||| dans sa note de service, il communique manifestement les mêmes renseignements objectifs et ne formule pas d’avis ni de recommandation; en outre, comme ces renseignements ne sont pas étroitement liés à l’analyse devant être examinée par le premier ministre, ils peuvent raisonnablement être prélevés du document.

[43]  Il en est de même pour l’information présentée au deuxième et au troisième point de la note de service à l’intention du greffier, datée du 6 août 2013, concernant l’issue de |||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||| (Dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11), à la page 208). De toute évidence, il s’agit de renseignements factuels et objectifs dénués de tout élément normatif.

[44]  Je suis du même avis en ce qui concerne l’information présentée au deuxième point de la note de service à l’intention du greffier datée du 2 juillet 2013 (Dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11), à la page 222). Ici, l’information en cause est une énumération, selon les propres termes employés par le greffier, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| au moment de la rédaction de la note de service. Encore une fois, aucun avis ni aucune recommandation n’est formulé; il ne s’agit que d’un simple résumé des arguments avancés par |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||, sans aucune fioriture. Cela doit être mis en contraste avec le troisième point de la même note de service, où l’auteur a exprimé les points de vue du sous-secrétaire du Cabinet et de l’avocat du greffier en ce qui concerne ||||||||||||||||||||||||||. L’information présentée au deuxième point de la note de service datée du 2 juillet est bien différente de cette information, et de celle examinée par la Cour dans l’extrait ci-dessous de la décision Telezone :

[63] [...] une note de service à l’intention du ministre indiquant qu’une décision doit être prise sur une question, précisant les points saillants d’une demande ou présentant une gamme d’options de politique sur une question comporte implicitement le point de vue de l’auteur sur ce que devrait faire le ministre, la manière dont il devrait envisager une question ou les paramètres de la décision à prendre. Tous ces éléments sont de nature normative et font partie intégrante du processus décisionnel d’une institution. On ne peut pas dire qu’ils servent simplement à informer le ministre de questions qui, par leur nature, sont largement factuelles. Je ne pense pas non plus que le mot « avis », qui est généralement traduit en anglais par le mot « opinion », dans le texte français de l’alinéa 21(1)a) a un sens plus limité dans ce contexte que le mot « advice » dans le texte anglais.

[45]  À la lecture du deuxième point de la note de service susmentionnée, il n’y a absolument rien qui laisse deviner le point de vue de l’auteur concernant les mesures que devrait prendre le greffier et la façon dont la |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| devrait être traitée. L’avis ou la recommandation est entièrement exposé en détail au troisième point, où l’auteur aborde successivement les ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Le deuxième point est entièrement neutre et est formulée comme une description fidèle et objective des observations de ||||||||||||||||||, qui n’attire même pas l’attention sur ce qui aurait pu être considéré comme étant l’argument le plus important ou convaincant de ce dernier.

[46]  La seule information qui ne puisse être considérée comme étant purement factuelle et que le juge aurait dû exclure est celle qui se trouve au troisième point du sommaire faisant partie de la note de service à l’intention du premier ministre datée du 10 juillet 2013 (Dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11), à la page 212). Il est clair que cet élément d’information « touche une mesure préconisée qui sera en fin de compte acceptée ou rejetée par la personne conseillée » (Untel, au paragraphe 23). En effet, un libellé quasi identique se trouvant dans le corps de la note de service a été caviardé par le juge (Dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11), page 214, avant-dernière puce). Je tiens également à souligner que la commissaire partage l’opinion du premier ministre voulant que cette information constitue une recommandation aux termes de l’alinéa 21(1)a) de la Loi; sans pour autant lier notre Cour, cet argument vient étayer davantage la thèse selon laquelle cette information aurait dû être caviardée par le juge.

C.  Le BCP avait-il le droit de refuser de communiquer les documents en s’appuyant sur l’article 23 de la Loi?

1)  Principes généraux

[47]  L’article 23 de la Loi reconnaît une autre exception discrétionnaire au droit d’accès étendu conféré par l’article 4, précisant qu’une institution fédérale « peut refuser » la communication de documents contenant des « renseignements protégés par le secret professionnel qui lie un avocat à son client ».

[48]  La common law reconnaît deux types de secrets professionnels des avocats : le privilège de la consultation juridique et le privilège relatif au litige. Dans l’arrêt Blank c. Canada (Ministre de la Justice), 2006 CSC 39, [2006] 2 R.C.S. 319, la Cour suprême a confirmé que les termes « secret professionnel de l’avocat » à l’article 23 de la Loi fait référence aux deux types de privilèges (au paragraphe 4). Dans le cas qui nous occupe, le premier ministre a seulement invoqué le privilège de la consultation juridique pour exclure certains renseignements présentés dans les 27 pages des documents en cause. Le juge a accepté que certains renseignements que le premier ministre cherchait à soustraire à la communication fussent privilégiés, mais a conclu que les documents ne comportaient, pour la plupart, pas de communications entre un avocat et un client (motifs, au paragraphe 34).

[49]  Le privilège de la consultation juridique s’attache à toutes les communications effectuées dans le cadre d’une relation client-avocat dans le but d’obtenir ou de donner un avis juridique. Le critère permettant de déterminer si un document ou une communication est assujetti à ce privilège a été énoncé par la Cour suprême dans l’arrêt Solosky. Trois conditions doivent être satisfaites pour qu’un document puisse être considéré comme un avis juridique donnant lieu au privilège : 1) il doit y avoir une communication confidentielle entre un avocat et son client; 2) cette communication doit comporter une consultation ou un avis juridique; et 3) les parties doivent avoir souhaité que la communication demeure confidentielle (Solosky, à la page 837; Blank 2016, au paragraphe 44).

[50]  La Cour suprême a souvent réitéré l’importance cruciale que revêt le secret professionnel des avocats pour le bon fonctionnement de notre système juridique, ayant même été jusqu’à affirmer qu’il ne devrait être levé que dans les « circonstances les plus exceptionnelles » (Pritchard c. Ontario (Commission des droits de la personne), 2004 CSC 31, [2004] 1 R.C.S. 809, au paragraphe 17; voir également Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. University of Calgary), 2016 CSC 53, [2016] 2 R.C.S. 555, au paragraphe 34). Cela dit, il incombe à la partie qui allègue qu’un document est assujetti à un privilège d’établir ce privilège; elle ne doit pas simplement tenir le privilège pour acquis, et celui-ci ne s’appliquera que s’il y a suffisamment d’éléments de preuve pour étayer que les trois critères énoncés dans Solosky sont satisfaits (voir Canada (Procureur général) c. Williamson, 2003 CAF 361, aux paragraphes 11 à 13).

[51]  Le secret professionnel des avocats s’applique aux communications qui ont lieu dans ce que la jurisprudence désigne comme le « continuum des communications ». Cette notion a été examinée comme suit par notre Cour dans l’arrêt Canada (Commissaire à l’information) :

[27] Le continuum des communications protégées par le secret professionnel touche notamment [traduction] « les questions de tous ordres, à des stades divers […] y compris les conseils sur les mesures raisonnables et prudentes à prendre dans le contexte juridique en cause », et d’autres sujets [traduction] « directement liés à l’exécution par l’avocat de ses obligations professionnelles à titre de conseiller juridique du client ».

[28] Pour déterminer où s’arrête le continuum des communications protégées, il s’agit de se demander si une communication donnée fait [traduction] « partie de cet échange nécessaire de renseignements dont l’objet est la prestation de conseils juridiques » [...]. Si la réponse à cette question est affirmative, les renseignements appartiennent au continuum des communications protégées. En d’autres termes, la divulgation de la communication risque-t-elle de nuire à l’objectif qui sous-tend le secret professionnel – soit de permettre aux avocats et à leurs clients d’échanger librement et ouvertement des renseignements et des conseils de manière à ce que les clients puissent connaître leurs droits et obligations véritables et agir en conséquence?

[52]  Le premier ministre affirme que le juge a eu raison de conclure qu’une lettre datée du 31 juillet 2013 |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||| dans divers documents, étaient soustraits à la communication aux termes de l’article 23 de la Loi. Cependant, le premier ministre est d’avis que le juge n’a pas appliqué le critère juridique permettant de déterminer s’il existait un continuum des communications pour protéger d’autres parties du document; s’il l’avait fait, il est allégué qu’il aurait conclu que la note de service du greffier à l’intention du premier ministre (Dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11), aux pages 212 à 215), l’annexe à la décision (Dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11), à la page 220), les deux ébauches de lettre jointes à la note de service (Dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11), aux pages 217 et 219) et une lettre de quatre pages datée du 18 juin 2013 de la part de |||||||||||||||||| au greffier |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| (Dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11), aux pages 225 à 228), étaient assujetties au privilège. Il va sans dire que la commissaire adopte le point de vue contraire pour tous ces documents.

2)  La lettre ||||||||||||||||||||||||||||||

[53]  Je vais maintenant me pencher sur chacun de ces documents, en commençant par la lettre que ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, a envoyé au greffier |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||| (Dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11), aux pages 210 et 211). Le juge a exclu cette lettre, sans trop expliquer pourquoi il est arrivé à cette décision. L’avocat de la commissaire affirme que ce faisant, le juge a commis une erreur puisque la lettre ne satisfait pas au critère énoncé dans Solosky et ne peut avoir été considérée comme ayant été transmise à l’avocat du BCP dans le but d’offrir un avis juridique au greffier.

[54]  Le deuxième volet de cet argument peut rapidement être écarté. Si la lettre |||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||| avait été envoyée directement à Simon Fothergill, en sa capacité d’avocat du greffier, ou si elle avait été acheminée par le greffier aux Opérations juridiques du BCP, elle aurait vraisemblablement pu être considérée comme faisant partie de l’avis juridique ultimement formulé en ce qui concerne ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Puisque l’avis juridique doit comprendre la vérification ou l’examen des faits en fonction desquels l’avis sera formulé, cette lettre pourrait être considérée comme étant sous-jacente à l’avis juridique offert au greffier et, par conséquent, comme une communication étant survenue dans le cadre d’une relation avocat-client entre le greffier, ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, et ses conseillers juridiques au sein du BCP. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[55]  La difficulté que pose ce raisonnement est que les fonctionnaires du BCP ont reconnu que la lettre de |||||||||||||||||||||||| au greffier existait non seulement en tant que pièce jointe à des communications confidentielles entre l’avocat du BCP et le greffier, mais également en tant que document autonome placé sous la responsabilité du BCP. Ainsi, la lettre de |||||||||||||||||||||||| doit être examinée en tant que document indépendant, hors du continuum des communications entre le greffier et l’avocat du BCP. De ce point de vue, le simple fait que la lettre ait subséquemment été transmise aux Opérations juridiques du BCP dans le but d’obtenir un avis juridique concernant le |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ne rend pas la lettre rétroactivement privilégiée pour autant. Un document qui n’est pas privilégié ne le devient pas simplement parce qu’il se retrouve entre les mains d’un avocat (Redhead Equipment v. Canada (Attorney General), 2016 SKCA 115, au paragraphe 33 [Redhead]); voir également Adam Dodek, Solicitor-Client Privilege, Markham, Ont., LexisNexis Canada, 2014, à la page 53).

[56]  Qu’en est-il alors de l’argument voulant que la lettre de |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ne satisfasse pas au critère de Solosky parce qu’il ne s’agissait pas d’une communication entre |||||||||||||||||||||||| et son client, qu’elle n’eût pas pour but d’obtenir ou de fournir un avis juridique, et qu’elle n’était pas une communication confidentielle entre un avocat et son client? S’appuyant sur l’arrêt Descôteaux et autre c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860, 141 D.L.R. (3D) 590 [Descôteaux], le premier ministre a répliqué que la lettre de |||||||||||||||||||||||| à l’intention de M. Fothergill (directement et par l’entremise du greffier) était une communication qui avait eu lieu dans le cadre de la relation avocat-client entre |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[57]  Je suis d’accord avec la commissaire que les faits dans le présent appel diffèrent quelque peu de ceux qui ont été présentés à la Cour suprême dans Descôteaux, où |||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[58]  Dans le cas qui nous occupe, il ne fait aucun doute que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| lorsque celui-ci a écrit au greffier et à M. Fothergill. Cependant, je ne crois pas que cela porte un coup fatal à l’affirmation du premier ministre selon laquelle la lettre de |||||||||||||||||||||||| avait été envoyée dans le cadre de la relation avocat-client de ce dernier avec ||||||||||||||||||.

[59]  À mon avis, l’information communiquée par |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| à l’appui |||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| est tout aussi confidentielle que l’information divulguée |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||; cette information devrait donc être privilégiée. Je suis conscient que, tel qu’il a été souligné par la commissaire, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Néanmoins, je tiens à faire remarquer que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| vu l’urgence de l’affaire, et a demandé à ce que || |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||

|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

(Dossier d’appel, vol. 4, onglet 7(E), à la page 530)

[60]  Plus important encore, la communication de |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| était manifestement liée à l’obtention d’un avis juridique. Je suis d’accord avec le premier ministre |||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||. À ce titre, le rôle du greffier |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||| était au cœur même de la relation avocat-client ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, et, pour cette raison, s’inscrit dans le cadre d’une relation avocat-client. Il importe peu que l’information ait été fournie au greffier |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||.

[61]  En outre, le secret professionnel des avocats repose sur la nécessité d’assurer la confidentialité des communications entre une personne et son avocat, et, de ce fait, de veiller à la promotion des intérêts de la justice (Descôteaux, aux pages 883 et 893). |||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||| Dans les deux cas, la communication de l’information aurait pour effet de révéler de l’information privilégiée au sujet de la relation avocat-client, et pourrait mener directement ou indirectement à la révélation de communications assujetties au secret professionnel |||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Elle permettrait de tirer des conclusions au sujet des directives données, et révèlerait les services juridiques spécifiquement fournis ou permettrait de faire des déductions exactes à propos de ceux-ci.

[62]  Pour tous les motifs qui précèdent, je suis d’avis que la lettre de |||||||||||||||||||||||| doit être visée par le secret professionnel de l’avocat; une telle conclusion n’est qu’une suite logique (et graduelle) de la jurisprudence se rapportant à ||||||||||||||||||||||||||||||, selon laquelle il faut préserver le caractère confidentiel de toutes les communications effectuées dans le cadre d’une relation avocat-client. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||| Le juge a donc eu raison de caviarder la lettre dans son intégralité. Ne pas reconnaître l’application du secret professionnel des avocats en l’espèce aurait probablement un effet dissuasif sur |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||| et serait contraire au fondement qui sous-tend ce privilège.

3)  Les ||||||||||||||||||||||||||||||||||

[63]  La deuxième série de documents à examiner comprend ceux dans lesquels |||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ont été caviardés sur ordonnance du juge. Cette information figure dans la lettre de |||||||||||||||||| au greffier (dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11), aux pages 225 et 227), dans l’annexe à la décision (dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11), à la page 220), dans les courriels échangés entre |||||||||||||||||||||||| et M. Fothergill (dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11), aux pages 229 à 234), ainsi que dans la lettre que le greffier a envoyée à |||||||||||||||||| (dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11), à la page 209).

[64]  Je suis d’accord avec la commissaire pour dire que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||, qui étaient en partie connus publiquement, n’étaient pas des renseignements confidentiels destinés à permettre d’obtenir des avis juridiques et ne devraient donc pas être exemptés aux termes de l’article 23 de la Loi. Contrairement aux relevés comptables d’un notaire ou d’un avocat en cause dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Chambre des notaires du Québec, 2016 CSC 20, [2016] 1 R.C.S. 336, au paragraphe 74, ou aux documents de facturation de la Legal Services Society dans l’arrêt Legal Services Society v. British Columbia (Information and Privacy Commissioner), 2003 BCCA 278, les parties des documents en cause qui contiennent |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| en l’espèce ne sont pas des communications faites dans le contexte d’une relation avocat-client. En outre, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| en l’espèce ne révèlent aucun renseignement confidentiel sur la nature de l’avis juridique, car l’information était publiquement connue. |||||||||||||||||| n’étaient pas non plus des renseignements fournis dans le but d’obtenir un avis juridique. En effet, une communication révélant |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||| et rien d’autre, sera rarement considérée comme un conseil juridique exempté aux termes de l’article 23 de la Loi (voir la décision Canada (Revenu national) c. Revcon Oilfield Constructors Incorporated), 2015 CF 524, au paragraphe 25, confirmé dans l’arrêt 2017 CAF 22, au paragraphe 3). Par conséquent, le juge a commis une erreur en concluant que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| étaient visés par l’exemption au titre du paragraphe 23.

4)  La note de service du greffier au premier ministre

[65]  En ce qui a trait à la note de service du greffier au premier ministre concernant les |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| (dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11), aux pages 212 à 215), il ne ressort pas clairement des motifs laconiques du juge concernant cette question s’il a écarté la notion selon laquelle le greffier fait partie de la chaîne de communication tenue au secret professionnel des avocats ou s’il n’a pas admis que la note de service contenait des avis juridiques. Quoi qu’il en soit, je crois que le juge a commis une erreur à cet égard.

[66]  Il ressort des éléments de preuve que le greffier a agi en tant qu’« agent » du client, le premier ministre, lorsqu’il a envoyé la note de service offrant des avis juridiques sur les |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Le premier ministre, |||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, avait le droit de solliciter des avis auprès de fonctionnaires, y compris des avis juridiques, avant de prendre une décision (||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||). Selon l’affidavit non contredit de Monique Oliveira, parajuriste principale au sein de l’unité Opérations juridiques au sein du BCP, un avocat désigné (||||||||||||||||||) a préparé ses avis juridiques et y a apposé une mention indiquant qu’ils étaient protégés par le secret professionnel des avocats. Ces avis ont ensuite été examinés par le directeur des opérations juridiques et par le secrétaire adjoint du Cabinet, en conformité avec la pratique courante en vigueur au BCP et avec les directives ministérielles en matière de production de rapports. Les avis juridiques ont ensuite été approuvés par le greffier, puis communiqués à |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| le premier ministre Harper (voir l’affidavit de Mme Oliveira, dossier d’appel, vol. 5, onglet 8, aux pages 652 à 654, aux paragraphes 15 et 19 à 20).

[67]  Il ne fait aucun doute que le greffier a servi de [traduction] « canal de communication entre un avocat et son client », pour citer la Cour d’appel de la Saskatchewan dans l’arrêt Redhead (au paragraphe 45). À cet égard, la note de service constitue une communication effectuée [traduction] « dans l’exercice d’une fonction essentielle à la relation avocat-client ou au continuum des avis juridiques offerts par l’avocat » (Ibid).

5)  L’annexe à la décision

[68]  En ce qui a trait à l’annexe à la décision, qui consiste en une courte déclaration signée par le premier ministre Harper |||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||, le premier ministre se fonde sur une décision de la Cour dans l’arrêt Canada (Commissaire à l’information) pour proposer que les instructions d’un client sur la manière de procéder, selon l’avis juridique d’un avocat, seront considérées comme faisant partie du continuum des avis juridiques et sont protégées. À mon avis, ce principe ne s’applique pas en l’espèce.

[69]  La décision du premier ministre ne fait pas partie du continuum des communications entre l’avocat et son client pour la simple raison que nous n’en sommes plus au stade consistant à demander et à obtenir des avis juridiques. À mon avis, la décision à l’annexe n’est pas le genre de document auquel la Cour pensait en parlant d’instruction sur « le déroulement de certaines procédures » (Canada (Commissaire à l’information), au paragraphe 29). Nous en sommes plutôt au stade au cours duquel le client, « dans le cours de leurs activités normales, a commenc[é] à suivre les conseils qu’[il a] reçus » et les renseignements ne constituent plus un avis juridique (au paragraphe 33). La communication de ces renseignements ne « nuir[ait] » clairement pas « à l’objectif » qui sous-tend le secret professionnel, pour reprendre les observations du juge Stratas dans l’arrêt précité (au paragraphe 28).

[70]  En outre, je suis d’accord avec la commissaire pour dire que même si l’annexe à la décision était visée par le privilège de la consultation juridique, il serait possible d’affirmer que le premier ministre y a renoncé. Lorsqu’il a fait part de sa décision ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, qui sont ici des tiers à l’égard de la relation avocat-client, il a clairement renoncé à toute possibilité d’invoquer le secret professionnel des avocats relativement à cette communication.

6)  Ébauches de lettre ||||||||||||||

[71]  La note de service à l’intention du premier ministre était également accompagnée de deux ébauches de lettre préparées par les avocats et reflétant les avis juridiques |||||||||||| |||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Ni les motifs du juge ni l’annexe qu’il a préparée ne font mention de ces deux ébauches de lettre. À mon avis, ces deux lettres (que le premier ministre n’a finalement pas envoyées) sont manifestement des communications entre un avocat et son client; lorsqu’il a transmis ces ébauches de lettre préparées par les avocats, le greffier agissait clairement comme agent du client, c’est-à-dire le premier ministre. Il s’agit donc, comme dans le cas de la note de service préparée par le greffier, d’une communication « entre l’avocat et son client » (Solosky, à la page 837).

[72]  Ces deux ébauches de lettre |||||||||||||| respectent également la deuxième exigence du critère énoncé dans l’arrêt Solosky, dans la mesure où elles font partie intégrante des communications qui supposent de chercher ou de donner des avis juridiques. Dans la décision Samson Indian Nation and Band c. Canada, [1995] 2 C.F 762 (C.A.), voici comment notre Cour a défini la portée de la notion de « conseils juridiques » :

[8] [...] Le privilège des conseils juridiques protège toutes les communications entre un avocat et son client, écrites ou orales, qui sont directement liées à la demande, à la formulation ou à la fourniture de conseils juridiques; il n’est pas nécessaire que la communication constitue une demande ou une offre expresse de conseils, dans la mesure où elle peut être tenue pour faire partie d’une communication continue au cours de laquelle l’avocat dispense des conseils; la communication protégée ne se limite pas à l’exposé du droit présenté au client, et elle comprend les conseils touchant les mesures à prendre dans le contexte juridique pertinent. (Non souligné dans l’original.)

(Voir également Blank c. Canada (Ministre de l’environnement), 2001 CAF 374, au paragraphe 19.)

[73]  En l’espèce, les ébauches de lettre de réponse reflètent les avis juridiques |||||||||||| |||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. La communication de ces ébauches pourrait donc révéler la nature des avis juridiques donnés par les avocats. Ces ébauches doivent donc être protégées par le secret professionnel des avocats.

7)  La lettre ||||||||||

[74]  Le dernier document examiné est la lettre de quatre pages, datée du 18 juin 2013, que |||||||||||||||||| a envoyée au greffier |||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||. Le juge n’a pas traité cette lettre de façon explicite, mais il y a fait référence indirectement lorsqu’il a tranché que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| n’étaient pas visées par le secret professionnel des avocats (motifs, au paragraphe 34). Le juge n’a pas expliqué pourquoi cette lettre devrait être traitée différemment de celle, contenant des renseignements similaires, envoyée |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, à M. Fothergill, l’avocat du greffier.

[75]  J’estime que les deux lettres devraient être traitées de la même manière pour ce qui est du secret professionnel des avocats. Les renseignements que |||||||||||||||||| a fournis au greffier sont |||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Il n’existe pas de différence de principe entre ces deux communications, et la justification indiquée aux paragraphes 59 à 62 des présents motifs quant aux raisons pour lesquelles la deuxième lettre est protégée par le secret professionnel s’applique tout autant à la première lettre. Dans les deux cas, l’information transmise est de la même nature que celle qui a été déclarée protégée dans l’arrêt Descôteaux, et sa communication pourrait faire en sorte que des conclusions soient tirées quant aux avis juridiques demandés et obtenus. Par conséquent, la lettre |||||||||| n’aurait pas dû être communiquée aux termes de l’article 23 de la Loi.

8)  Prélèvement de renseignements

[76]  Avant de déterminer s’il était raisonnable pour le BCP, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, de ne pas communiquer certains documents relevant de l’alinéa 21(1)a) ou de l’article 23 de la Loi, j’examinerai brièvement l’argument du premier ministre selon lequel le juge a prélevé à tort des parties de documents protégés par le secret professionnel des avocats. L’avocat affirme que le juge a commis une erreur en prélevant d’importantes parties des deux notes de service destinées au greffier (ces notes, datées du 2 juillet 2013 et du 6 août 2013, se trouvent respectivement aux pages 222 et 208 du dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11)), bien qu’il semble être parti du principe que ces renseignements étaient soustraits à la communication conformément à l’article 23 de la Loi.

[77]  Lorsqu’un gouvernement reçoit une demande d’accès à un document qu’il est en droit de refuser de communiquer, l’article 25 de la Loi dispose que le responsable de l’institution doit communiquer « les parties dépourvues des renseignements [visés par une exemption], à condition que le prélèvement de ces parties ne pose pas de problèmes sérieux ». Autrement dit, cette disposition « impose l’obligation de prélever les parties de documents qui ne contiennent pas les renseignements à l’égard desquels une exemption est revendiquée et qui peuvent être raisonnablement prélevés, sans qu’il y ait communication des renseignements exemptés » (Canada (Justice) c. Blank, 2007 CAF 87, au paragraphe 2 [Blank 2007]).

[78]  Bien que l’article 25 semble s’appliquer à chacune des dispositions de la Loi, il convient néanmoins de le nuancer afin de tenir pleinement compte du secret professionnel des avocats. Dans l’arrêt Blank 2007, voici comment notre Cour a tenu compte de l’interaction entre les articles 23 et 25 de la Loi :

[7] L’article 25 [...] n’exige pas le prélèvement de renseignements d’un document faisant partie d’une communication protégée par le secret professionnel qui lie un avocat et son client. Lorsqu’il examine la question de savoir si une communication a été refusée à tort, un juge ne devrait pas aborder un document contenant une communication protégée par le secret professionnel liant un avocat et son client en se demandant si la divulgation de parties de la communication causerait un préjudice. Une telle approche minerait la confiance d’un client selon laquelle les communications faites aux fins de solliciter ou de donner un avis juridique ne sont pas assujetties à la communication sans le consentement du client et le dissuaderait de faire preuve de la franchise nécessaire dans un tel contexte.

[…]

[13] […] [L]’article 25 doit être appliqué aux communications assujetties au secret professionnel d’une manière qui reconnaît la pleine mesure de la protection. L’intention du législateur n’est pas d’exiger le prélèvement de renseignements qui font partie d’une communication privilégiée en exigeant, par exemple, la communication de renseignements qui révéleraient le sujet précis de la communication ou les hypothèses actuelles de l’avis juridique donné ou sollicité.

(Voir aussi la décision Congrès juif canadien c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1996] 1 CF 268, aux pages 296 à 298 (T.D.).)

[79]  Sur ce fondement, je suis d’accord avec le premier ministre pour dire que les deux premiers points et la première phrase du troisième point de la note de service du 2 juillet 2013 (dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11), à la page 222) et les quatre premiers points de la note de service du 6 août 2013 (dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11), à la page 208) auraient dû être caviardés, comme le reste de ces documents. Les parties du dossier en question « ne contiennent pas d’éléments étrangers à l’affaire, tels que des conseils en matière de politique ou des sujets personnels » (Blank 2007, au paragraphe 12). Il s’agit plutôt de renseignements qui, s’ils sont divulgués, « révéleraient le sujet précis de la communication ou les hypothèses actuelles de l’avis juridique donné ou sollicité » (Blank 2007, au paragraphe 13). Pour citer la Cour dans l’arrêt Blank c. Canada (Ministre de l’environnement), 2001 CAF 374, il s’agit d’« énoncés de fait » qui sont « inextricablement liés à la question juridique discutée » et qui devraient ainsi être traités comme faisant partie d’une communication confidentielle (au paragraphe 22).

D.  Dans la mesure où le BCP était autorisé à refuser la communication des dossiers aux termes de l’alinéa 21(1)a) ou du paragraphe 23 de la Loi, a-t-il exercé son pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable afin de ne pas communiquer ces documents?

[80]  La commissaire affirme que le pouvoir discrétionnaire conféré par l’alinéa 21(1)a) et l’article 23 de la Loi n’a pas été exercé de manière raisonnable par les fonctionnaires du BCP, étant donné que les facteurs qui favorisent la divulgation n’ont pas été énoncés explicitement lorsque la décision de refuser la divulgation a été prise. Dans ce contexte, on prétend que le juge, de la même manière, ne pouvait pas conclure que le pouvoir discrétionnaire a été exercé de manière raisonnable puisqu’il n’a pas pu déterminer comment les facteurs pour et contre la divulgation ont été soupesés.

[81]  Avant d’aborder cette observation, il est utile de reproduire ce que le juge a écrit à cet égard.

[30] La commissaire ne m’a pas convaincu que le pouvoir discrétionnaire du premier ministre a été exercé de façon incorrecte. Je conclus que divers facteurs ont été pris en compte, y compris le préjudice qui découlerait de la divulgation, la nature sensible et personnelle des renseignements et l’importance des renseignements pour la Couronne. Même si les facteurs qui favorisent la divulgation ne sont pas énoncés explicitement, ils étaient implicites dans l’analyse du BCP. Je suis convaincu que, dans les circonstances, les hauts fonctionnaires chargés d’établir un équilibre entre les facteurs pour et contre la divulgation seraient pleinement au courant de l’intérêt public important relatif à la communication de renseignements concernant une question de débat public important.

[31] Je suis d’avis qu’il s’agirait d’un exercice quelque peu artificiel pour ces hauts fonctionnaires d’établir explicitement les facteurs favorisant la divulgation publique. Je suis persuadé qu’ils seraient pleinement au courant de l’intérêt public général qui appuierait généralement la communication de renseignements que le gouvernement a en sa possession, surtout en ce qui concerne une question qui fait l’objet d’un débat public considérable et qu’ils fonderaient leur analyse sur l’hypothèse selon laquelle les facteurs importants favorisant la divulgation publique étaient manifestement présents. Lorsque, comme en l’espèce, l’analyse est principalement axée sur les facteurs qui militent contre la divulgation, on ne devrait pas conclure que les facteurs favorisant la divulgation n’ont pas été soupesés.

[82]  Après avoir examiné attentivement le dossier dont le juge était saisi, je suis d’avis qu’il pouvait raisonnablement déduire que tous les facteurs ont été dûment examinés et qu’il serait inapproprié d’évaluer après coup la décision discrétionnaire du BCP. Je suis entièrement d’accord avec la commissaire pour dire qu’un pouvoir discrétionnaire conféré par la loi n’est jamais absolu et qu’il doit toujours être exercé conformément aux objets qui sous-tendent l’octroi de ce pouvoir discrétionnaire. Toutefois, il est vrai que les cours ne modifieront pas à la légère des décisions comme celles en cause en l’espèce (voir Blank 2016, au paragraphe 24 et Husky, aux paragraphes 17 et 62).

[83]  Dans le contexte de la Loi, le pouvoir discrétionnaire qui est conféré au responsable d’une institution fédérale de divulguer de l’information par ailleurs exemptée aux termes du paragraphe 21(1) ou du paragraphe 23, doit évidemment être exercé en gardant à l’esprit non seulement les facteurs qui favorisent la non-divulgation, mais aussi les facteurs qui tendent à la réalisation des objets sous-jacents de la Loi visant à favoriser la démocratie et ses principes généraux d’un accès optimal du public à l’information. Pour qu’une telle décision soit jugée acceptable lors d’un contrôle judiciaire, une déclaration standard selon laquelle le pouvoir discrétionnaire a été exercé et que tous les facteurs pertinents ont été pris en compte ne serait évidemment pas suffisante. D’autre part, il n’est pas nécessaire de fournir une analyse détaillée de chaque facteur qui a une incidence sur la décision et de la manière dont ils ont été soupesés les uns en fonction des autres (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 R.C.S. 708, au paragraphe 16).

[84]  Comme l’a indiqué la Cour dans l’arrêt Leahy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CAF 227 (Leahy), l’exigence de transparence et d’intelligibilité des décisions administratives ne peut être respectée que si les motifs font état de renseignements de base et si le dossier devant le décideur administratif permet de faire ressortir les raisons pour lesquelles la décision a été prise (au paragraphe 121). Au paragraphe 141 de cette décision, la Cour a précisé le type de renseignements qui peuvent être requis pour qu’une décision soit intelligible et transparente :

[...] [un tribunal de révision] n’a besoin que de renseignements suffisants pour pouvoir s’acquitter de sa tâche. Dans les cas comme celui de l’espèce, il s’agit alors de s’assurer que les renseignements suivants figurent dans la lettre de décision ou le dossier : 1) l’identité de la personne qui a rendu la décision dans le dossier; 2) le pouvoir qui lui permet de rendre sa décision; 3) s’est-elle prononcée et sur l’applicabilité des exceptions et sur la possibilité de divulguer malgré tous les renseignements en vertu de son pouvoir discrétionnaire? 4) les critères pris en compte; 5) a-t-elle précisé si ces critères ont été remplis et pourquoi?

[85]  En l’espèce, la commissaire allègue qu’aucun facteur qui favorise la divulgation n’a été explicitement énoncé dans la décision de refuser de divulguer les renseignements demandés et que le juge ne pouvait pas légitimement tenir pour acquis que d’importants facteurs militant en faveur de la divulgation ont été justement pris en compte par les fonctionnaires du BCP dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire. Au paragraphe 69 de son mémoire des faits et du droit en tant qu’appelante, la commissaire donne des exemples de facteurs qui favorisaient la divulgation et qui n’ont pas été mentionnés dans la décision du BCP. Il s’agit notamment de la mesure dans laquelle les renseignements étaient dans le domaine public, l’intérêt important et justifié des Canadiens relativement à |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, l’intérêt élevé du public quant à la divulgation des renseignements liés au scandale des dépenses du Sénat et le fait que les renseignements en cause permettraient de mieux comprendre la spéculation dans les médias |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[86]  Il est vrai que ni la lettre du greffier à la commissaire datée du 8 mai 2015 ni les lettres envoyées à M. Fothergill (qui bénéficiait d’une délégation complète en ce qui a trait à l’exercice du pouvoir discrétionnaire) en février et en juin 2014 n’étaient à ce point détaillées. Ces lettres offrent toutefois beaucoup plus de renseignements que ce dont la cour de révision était saisie dans l’arrêt Leahy. Dans ce cas, les exemptions qui s’appliquaient ont simplement été énoncées dans la lettre de décision, sans qu’aucun autre motif soit fourni, et les documents au dossier n’offraient même pas les renseignements de base soulignés dans l’extrait susmentionné.

[87]  Il y a lieu de différencier cette situation de la présente affaire. Tout d’abord, le 8 mai 2015, la lettre du greffier à la commissaire établit clairement que le pouvoir discrétionnaire d’autoriser la divulgation de documents exemptés, conformément au paragraphe 19(2), à l’alinéa 21(1)a) et à l’article 23 de la Loi, a été dûment pris en compte (dossier d’appel, vol. 3, onglet 6(14)). Plus important encore, la justification de la décision a été donnée par M. Fothergill dans sa lettre du 13 juin 2014 au sous-commissaire (dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11)). Dans cette lettre, il n’a pas fait seulement référence aux facteurs à l’appui de la non-divulgation, comme les attentes des personnes touchées, la nature sensible des renseignements, la probabilité de préjudice et la mesure limitée dans laquelle le public avait déjà accès à ces renseignements. Il est clair qu’il avait aussi à l’esprit des raisons d’intérêt public à l’égard de l’accès à l’information et le principe de transparence du gouvernement (dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11), aux pages 204 et 205). Il a consacré une page entière de sa lettre à ces facteurs (sous la rubrique [traduction] « Intérêt public ») dans sa discussion sur le paragraphe 19(2) de la Loi (aux pages 200 à 202). Le fait qu’il n’ait pas répété la même discussion dans le contexte de l’alinéa 21(1)a) et de l’article 23 de la Loi ne peut pas être interprété comme une indication qu’il n’/tait ni au fait ni conscient de ces considérations lorsqu’il a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu de ces deux dispositions.

[88]  Enfin, une note de service interne des fonctionnaires du BCP, au sein de la Section de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels, datée du 10 décembre 2013 (dossier d’appel, vol. 6, onglet 9(5), à la page 1041), nous apprend aussi que des questions d’intérêt public étaient au cœur de l’exercice du pouvoir discrétionnaire conféré par la Loi. Sous la rubrique [traduction] « Facteurs [...] et préjudices probables [...] pris en compte dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire », se trouve le paragraphe suivant :

Le processus décisionnel comprend deux étapes. Tout d’abord, le BCP a examiné si [une] exemption s’appliquait ou pas aux renseignements et a conclu que c’était le cas. Ensuite, le BCP a examiné tous les intérêts pertinents (y compris l’intérêt public relatif à la divulgation) ainsi que la question de savoir si tout le dossier ou certaines parties du dossier pouvaient être divulgués. Dans le but de communiquer le plus de renseignements possible, le BCP a évalué attentivement le risque que la divulgation de ces renseignements occasionnerait par rapport au droit à la divulgation du public. Il s’agissait de documents confidentiels qui n’ont pas été rédigés aux fins de publication.

(Dossier d’appel, vol. 6, onglet 9(5), à la page 1043.)

[89]  Bien sûr, ces fonctionnaires n’avaient pas le pouvoir délégué de prendre des décisions concernant une divulgation aux termes de l’alinéa 21(1)a) ou du paragraphe 23 de la Loi. La note de service a néanmoins été transférée aux fonctionnaires du BCP qui relevaient de M. Fothergill et ses lettres au sous-commissaire doivent être interprétées dans le contexte de cette information.

[90]  En bref, il y a suffisamment d’éléments de preuve établissant que le BCP a examiné tous les facteurs pertinents dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de ne pas divulguer les renseignements, y compris l’intérêt public relatif à l’accès à l’information et le principe de transparence du gouvernement. En outre, il existait un fondement suffisant permettant au juge de jouer son rôle et de déterminer que le pouvoir discrétionnaire avait été exercé de manière raisonnable. La décision du BCP de refuser de divulguer les renseignements était transparente et intelligible.

E.  Le BCP avait-il le droit de refuser de communiquer les documents en s’appuyant sur le paragraphe 19(1) de la Loi?

[91]  L’article 19 de la Loi établit qu’en règle générale, la communication de « documents contenant les renseignements personnels » visés à l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels doit être refusée par l’institution fédérale. Cette dernière disposition définit en termes généraux cette notion comme des « renseignements, quels que soient leur forme et leur support, concernant un individu identifiable ». Ces mots d’introduction sont suivis d’une liste d’exemples de ce qui constitue des renseignements personnels, ainsi que d’une liste d’exceptions. Parmi ces exceptions figurent les renseignements définis à l’alinéa l) de la définition de « renseignements personnels » de l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels :

l) des [renseignements concernant des] avantages financiers facultatifs, notamment la délivrance d’un permis ou d’une licence accordés à un individu, y compris le nom de celui-ci et la nature précise de ces avantages…

(l) information relating to any discretionary benefit of a financial nature, including the granting of a licence or permit, conferred on an individual, including the name of the individual and the exact nature of the benefit…

[92]  La seule question en litige dans le présent appel est de savoir si ce paragraphe s’applique. Le juge a conclu que les renseignements en cause sont liés à un avantage financier étant donné que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| a une valeur monétaire importante (motifs, aux paragraphes 10 à 15). |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||; le juge est d’avis que cela correspond à un avantage de nature financière.

[93]  Il a aussi conclu qu’accorder un tel avantage est de nature discrétionnaire |||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| | 

[94]  Le juge a également tiré les conclusions suivantes :

[15] De plus, je suis d’avis que [traduction] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| constitue un avantage financier. La justification de l’avantage est l’équité – s’assurer que les fonctionnaires [traduction] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Toutefois, le fait que l’équité guide |||||||||||||||||||||| ne signifie pas que |||||||||||||||||||||| n’offre pas aux fonctionnaires un avantage financier. En l’absence de ||||||||||||||||||||||, les fonctionnaires pourraient ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Au contraire, ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Je suis d’avis qu’il s’agit d’un avantage fiscal.

[95]  La phrase « avantages financiers facultatifs » n’est pas définie dans la Loi sur la protection des renseignements personnels et n’a pas beaucoup retenu l’attention des tribunaux. Dans un des rares cas portant sur cette exception, la décision Sutherland c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1994] 3 FC 527, le juge Rothstein (alors juge à la Cour fédérale) a adopté la définition d’un dictionnaire du mot [traduction] « avantage », renvoyant à The Shorter Oxford English Dictionary (3e éd.) et à sa description du mot comme signifiant [traduction] « faveur », [traduction] « don », [traduction] « bénéfice » ou [traduction] « profit ».

[96]  Je suis d’accord avec la commissaire pour dire qu’il n’est pas nécessaire d’invoquer la jurisprudence interprétant le terme [traduction] « avantage » dans la Loi de l’impôt sur le revenu. Comme le souligne à juste titre la commissaire, la Loi et la Loi sur la protection des renseignements personnels sont loin de porter sur le même sujet, ou d’avoir le même objet, que la Loi de l’impôt sur le revenu. Ce qui constitue un « avantage » aux fins du calcul d’un revenu imposable n’a aucun rapport sur ce qui constitue un « avantage financier » dans le contexte de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il faut donc se garder de transposer la signification des mots d’une loi à l’autre.

[97]  J’admets aussi l’argument de la commissaire voulant qu’un « avantage » ne se limite pas à un avantage positif, comme le versement d’une somme d’argent, mais qu’il puisse aussi s’agir d’un avantage négatif. Dans son mémoire des faits et du droit en tant qu’intimée, la commissaire, se fondant sur deux arrêts sur l’enrichissement sans cause, l’arrêt Peel (Municipalité régionale) c. Ontario, [1992] 3 R.C.S. 762, à la page 790 (Peel) et l’arrêt Garland c. Consumers’ Gas Co., 2004 CSC 25 [2004] 1 R.C.S. 629, au paragraphe 31 (Garland), écrit qu’[traduction] « [un] ‘‘avantage’’ peut aussi être un avantage négatif comme le refus du paiement d’une dépense » (au paragraphe 26). Or, cela constitue une formulation incomplète de ce que la Cour suprême a écrit dans chacune de ces affaires. Il y manque la notion selon laquelle l’avantage négatif a trait au refus du paiement d’une dépense « à laquelle [le bénéficiaire] aurait par ailleurs été tenu » (Garland, au paragraphe 31) ou « à laquelle il aurait été tenu » (Peel, à la page 790). À mon avis, c’est un aspect essentiel de l’« avantage » auquel l’alinéa l) de la définition de « renseignements personnels » de l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels fait référence.

[98]  Aussi général que le terme « avantage » puisse être, il ne peut pas être interprété de manière absolue au point d’exagérer son sens ordinaire ou comme n’ayant aucun lien avec l’objet sous-jacent de la Loi. Un « avantage » doit être quelque chose qui offre un bénéfice ou qui est utile à la personne à qui il est conféré. Pour tirer un avantage, un bénéficiaire doit être mieux placé que s’il n’en avait pas bénéficié.

[99]  La commissaire affirme que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| leur a permis de se trouver dans une meilleure situation financière qu’ils n’auraient connue par ailleurs, étant donné que les citoyens ordinaires n’ont pas l’avantage que les |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||. À mon avis, cette analogie n’est pas la bonne. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Dans un tel cas, le personnel exonéré tirerait un bénéfice négatif, |||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Un tel avantage pourrait être comparé à d’autres régimes d’assurance ou de soins dentaires offerts par divers employeurs à leurs employés : ces avantages viendraient clairement augmenter le salaire auquel les employés auraient droit à titre de rémunération pour le travail effectué.

[100]  Ceci doit être distingué du remboursement des dépenses que les employés engageraient s’ils n’occupaient pas un poste particulier et celles découlant directement de l’exercice de leur tâche. Les coûts de réinstallation, les frais de déplacement et les coûts liés à l’achat de vêtements ou d’uniformes de travail, par exemple, pourraient tout à fait être compris dans cette catégorie. Il serait exagéré d’assimiler le paiement de ces postes de dépense par un employeur à un avantage financier pour l’employé. Loin d’être une augmentation salariale ou une prime, de tels paiements ne visent qu’à s’assurer que les employés ne sont pas négativement touchés après avoir été déclarés responsables de coûts qu’ils n’auraient pas engagés par ailleurs.

[101]  Cette approche est conforme à l’inclusion expresse de la délivrance d’un permis ou d’une licence accordés au titre d’avantage discrétionnaire de nature financière aux termes de l’alinéa l) de la définition de « renseignements personnels » de l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Un permis ou une licence ont une valeur monétaire et offrent un avantage qu’un citoyen ordinaire intéressé serait tenu de payer. Il en va de même pour les « avantages sociaux » souvent associés à un emploi, comme la couverture des soins dentaires ou l’assurance-vie. En revanche, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[102]  Pour les raisons qui précèdent, je suis d’avis que le juge a commis une erreur en concluant que l’information dans les documents susmentionnés n’est pas exemptée de divulgation aux termes du paragraphe 19(1) de la Loi. Lorsqu’elle est interprétée comme il se doit, |||||||||||||||||||||| ne donne pas ouverture à un avantage de nature financière et l’exception de l’exemption relative aux renseignements personnels figurant à l’alinéa l) de la définition de « renseignements personnels » de l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels ne s’applique donc pas.

F.  Le BCP a-t-il exercé de façon raisonnable son pouvoir discrétionnaire afin de ne pas communiquer les renseignements en question aux termes du paragraphe 19(2) de la Loi?

[103]  L’article 19(2) de la Loi prévoit la divulgation de renseignements personnels dans les cas où : « a) l’individu qu’ils concernent y consent »; « b) le public y a accès »; « c) la communication est conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels ». Après avoir conclu que le premier ministre n’avait pas établi qu’il était autorisé à refuser la divulgation aux termes du paragraphe 19(1) de la Loi, le juge a déterminé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner l’applicabilité du paragraphe 19(2). Puisque j’en suis arrivé à la conclusion contraire, je dois maintenant aborder cette question.

[104]  La commissaire ne prétend pas que les alinéas a) ou b) de cette disposition trouvent application. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| n’ont pas voulu consentir à la divulgation de leurs renseignements personnels, et le premier ministre a ordonné aux fonctionnaires ministériels de protéger ses instructions aux termes de l’article 21 de la Loi. En outre, il était raisonnable pour le BCP de conclure, comme il l’a fait lors de l’enquête du commissaire, que les renseignements limités qui étaient accessibles au public ne pouvaient être rendus publics sans communiquer involontairement d’autres renseignements non publics au sujet des personnes concernées.

[105]  Le sous-alinéa 8(2)m)(i) de la Loi sur la protection des renseignements personnels dispose que des renseignements personnels peuvent être communiqués « dans les cas où, de l’avis du responsable de l’institution [...] des raisons d’intérêt public justifieraient nettement une éventuelle violation de la vie privée ». La commissaire affirme, comme elle l’a fait dans le contexte de l’alinéa 21(1)a) et de l’article 23 de la Loi, que le délégué du premier ministre n’a pris en considération aucun facteur en faveur de la communication lorsqu’il a exercé son pouvoir discrétionnaire. Conformément à ce que j’ai indiqué précédemment dans la section D) des présents motifs, je suis d’avis que cet argument doit être rejeté. En fait, à la lumière du dossier (dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11), aux pages 200 à 202), la prise en compte par le BCP de tous les facteurs pertinents est encore plus manifeste lors de l’exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 19(2) que lors de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire aux termes de l’alinéa 21(1)a) et de l’article 23 de la Loi.

V.  Conclusion

[106]  Pour ces motifs, j’accueillerais en partie l’appel du premier ministre et celui de la commissaire à l’information, et ce, sans dépens puisqu’aucune des deux parties n’en a demandé. Par conséquent, je modifierais l’annexe jointe à l’ordonnance rendue par le juge de première instance afin de tenir compte des conclusions suivantes :

  • L’information qui se trouve au troisième point du sommaire qui fait partie de la note de service à l’intention du premier ministre datée du 10 juillet 2013 (dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11), à la page 212) est visée par l’exemption prévue à l’alinéa 21(1)a) de la Loi.

  • L’information concernant |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| au greffier (dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11), aux pages 225 et 227), dans l’annexe à la décision (dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11), à la page 220), dans les courriels échangés entre |||||||||||||||||||||||| et M. Fothergill (dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11), aux pages 229 à 234), ainsi que dans la lettre que le greffier a envoyée à |||||||||||||||||| (dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11), à la page 209), ne sont pas visés par l’exemption prévue à l’article 23 de la Loi.

  • La note de service que le greffier a transmise au premier ministre, datée du 10 juillet 2013 (dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11), aux pages 212 à 215), est visée par l’exemption prévue à l’article 23 de la Loi.

  • Les deux ébauches de lettre |||||||||||||| jointes à la note de service susmentionnée que le greffier a transmise au premier ministre (dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11), aux pages 217 et 219) sont visées par l’exemption prévue à l’article 23 de la Loi.

  • La lettre que |||||||||||||||||| a envoyée au greffier le 18 juin 2013 (dossier d’appel, vol. 2, onglet 6(11), aux pages 225 à 227) est visée par l’exemption prévue à l’article 23 de la Loi.

  • Les renseignements pour lesquels une exemption a été invoquée conformément à l’article 19 de la Loi doivent être caviardés.

« Yves de Montigny »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

D.G. Near, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Judith Woods, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-311-17

 

 

INTITULÉ :

COMMISSAIRE À L’INFORMATION DU CANADA c. PREMIER MINISTRE DU CANADA

 

 

ET DOSSIER :

A-313-17

 

 

INTITULÉ :

PREMIER MINISTRE DU CANADA c. COMMISSAIRE À L’INFORMATION DU CANADA

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 17 septembre 2018

 

MOTIFS PUBLICS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LA JUGE WOODS

 

DATE DES MOTIFS :

Le 24 avril 2019

 

COMPARUTIONS :

Patricia Boyd

Richard G. Dearden

 

Pour la commissaire à l’information du Canada

 

Catherine A. Lawrence

Sharon Johnston

Adrian Johnston

 

Pour le procureur général du Canada

 


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Commissariat à l’information du Canada

Gatineau (Québec)

Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

Pour la commissaire à l’information du Canada

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour le procureur général du Canada

 

 

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