Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20190516


Dossier : A-110-19

Référence : 2019 CAF 149

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Présent : le juge Stratas

ENTRE :

LA PREMIÈRE NATION DE ‘NAMGIS

appelante

et

LE MINISTRE DES PÊCHES, DES OCÉANS ET DE LA GARDE CÔTIÈRE

CANADIENNE ET MOWI CANADA WEST LTD.

(AUPARAVANT CONNUE SOUS LE NOM DE MARINE HARVEST INC.)

intimés

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 16 mai 2019.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

Le juge Stratas

 


Date : 20190516


Dossier : A-110-19

Référence : 2019 CAF 149

Présent : le juge Stratas

ENTRE :

LA PREMIÈRE NATION DE ‘NAMGIS

appelante

et

LE MINISTRE DES PÊCHES, DES OCÉANS ET DE LA GARDE CÔTIÈRE

CANADIENNE ET MOWI CANADA WEST LTD.

(AUPARAVANT CONNUE SOUS LE NOM DE MARINE HARVEST INC.)

intimés

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

Le juge Stratas

[1]  Déboutée par la Cour fédérale de sa demande de contrôle judiciaire du refus par le ministère des Pêches et des Océans de délivrer un permis de transfert, l’appelante se pourvoit devant notre Cour. Son appel est en instance.

[2]  Dans le cadre de l’appel, l’appelante demande que soit rendue une ordonnance fixant le contenu du dossier d’appel. À son avis, le dossier d’appel devrait contenir des documents qui n’ont pas été présentés à la Cour fédérale.

[3]  Les observations écrites qui nous ont été présentées sont judicieuses. Or, dans une certaine mesure, elles ne précisent pas clairement tous les principes de droit qui s’appliquent à la question en litige. Ainsi, nous présentons ci-après un énoncé de ces principes, lequel pourrait également être utile aux parties plaidantes dans d’autres causes. En effet, le droit dans ce domaine est bien établi et, pour l’essentiel,  ne varie pas d’un tribunal canadien à l’autre.

Le décideur administratif, juge des faits et juge du fond

[4]  Il est bien établi qu’en l’absence de dispositions législatives contraires, les éléments de preuve se rapportant aux questions à trancher par le décideur administratif doivent être présentés à ce décideur, et non à un autre ultérieurement.

[5]  La plupart des régimes législatifs, dont celui en cause en l’espèce, confèrent au décideur administratif les pouvoirs nécessaires pour constater les faits, appliquer les règles de droit et rendre une décision. En bref, il appartient au décideur administratif de statuer sur le fond, et non, en général, à la cour de révision de première instance : Association des universités et collèges du Canada c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, par. 17 et 18; Delios c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 117, par. 41.

[6]  Dans ce contexte, la cour de révision agit en fait comme juge du fond uniquement lorsqu’une ordonnance de mandamus peut être prononcée ou lorsque la cour de révision décide qu’il serait vain de renvoyer l’affaire au décideur administratif et exerce en ce sens le pouvoir discrétionnaire l’habilitant à accorder réparation : s’agissant du bref de mandamus, voir Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. LeBon, 2013 CAF 55, et D’Errico c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 95 (pouvoir beaucoup plus étendu, plus considérable et plus utile en Cour d’appel que ce qu’a laissé entendre la Cour suprême au paragraphe 65 de l’arrêt récent Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. Chhina, 2019 CSC 29); s’agissant du pouvoir discrétionnaire habilitant à accorder réparation, voir Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada (Agence d’inspection des aliments), 2017 CAF 45, aux paragraphes 51 et 52, et la jurisprudence qui y est mentionnée.

La cour de révision de première instance

[7]  Par conséquent, sous réserve de quelques exceptions, la règle générale veut que les seuls éléments de preuve admissibles lors d’un contrôle judiciaire soient ceux qui ont été produits au décideur administratif, soit le juge du fond : voir, par exemple, Association des universités, au paragraphe 17; Delios, au paragraphe 42; Bernard c. Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263. La cour de révision de première instance doit rejeter toute tentative de dépôt d’éléments de preuve intéressant au fond  la décision administrative qui n’ont pas été présentés au décideur administratif.

[8]  La règle générale doit être appliquée avec souplesse, en conformité avec son objet. Les éléments qui n’ont pas été officiellement déposés en preuve devant le décideur administratif, mais dont ce dernier a néanmoins tenu compte, peuvent à juste titre être versés au dossier présenté à la cour de révision de première instance : Bell Canada c. 7262591 Canada Ltd. (Gusto TV), 2016 CAF 123, par. 11 à 16.

[9]  La règle générale admet des exceptions, dans les cas où l’admission, par la cour de révision, d’éléments de preuve n’est pas incompatible avec les rôles différents joués par la cour de révision et par le tribunal administratif : Association des universités, par. 20.

[10]  Parmi les catégories précises d’exceptions admises, mentionnons les suivantes :

  • a) Affidavits contenant des informations générales. Il peut arriver que notre Cour admette en preuve un affidavit contenant des informations générales susceptibles de l’aider à comprendre les questions se rapportant au contrôle judiciaire : voir, notamment, Association des universités, au paragraphe 20, et la jurisprudence qui y est mentionnée, ainsi que le cadre précis d’application de cette exception aux paragraphes 44 à 46 de Delios. Par exemple, on doit s’assurer que l’affidavit ne va pas plus loin en fournissant des éléments de preuve se rapportant au fond de la question déjà tranchée par le tribunal administratif, au risque de s’immiscer dans le rôle que joue le tribunal administratif en tant que juge des faits et juge du fond.

  • b) Affidavits portant sur les motifs de révision, lorsque les éléments de preuve ne figurent pas dans le dossier du décideur administratif. Les affidavits servent parfois à attirer l’attention de la cour saisie du contrôle judiciaire sur des lacunes ne pouvant être décelées dans le dossier de preuve du tribunal administratif et lui permettent ainsi de s’acquitter de sa fonction de révision : voir, par exemple, Keeprite Workers’ Independent Union c. Keeprite Products Ltd., (1980) 29 O.R. (2d) 513 (C.A.). Mentionnons l’exemple de la partie qui découvre que son adversaire a versé un pot-de-vin au décideur administratif et que les éléments de preuve attestant ce fait ne figurent pas dans le dossier de preuve du décideur administratif; ces éléments de preuve peuvent être présentés à la cour de révision pour étayer une allégation de partialité. Par ailleurs, il peut arriver qu’un demandeur fonde sa contestation de la décision administrative devant la cour de révision sur un motif dont le décideur administratif ne pouvait légalement tenir compte : voir, par exemple, Nation Gitxaala c. Canada, 2016 CAF 187, [2016] 4 R.C.F. 418, et Tsleil-Waututh Nation c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 116 (le décideur administratif ne pouvait se pencher sur le respect par la Couronne de son obligation de consulter les peuples autochtones, et le manquement à cette obligation invaliderait la décision administrative). Constitue un autre exemple le cas de la partie qui fait valoir l’existence d’un but illégitime et qui fonde sa prétention sur des éléments de preuve ne figurant pas au dossier : Tsleil-Waututh Nation c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 128, par. 99.

  • c) Affidavits mettant en lumière des lacunes dans le dossier. Parfois, lors du contrôle judiciaire, le juge admet en preuve un affidavit montrant que le tribunal administratif n’était saisi d’aucun élément de preuve lui permettant de tirer une conclusion donnée (Keeprite, précitée).

  • d) Affidavits portant sur le pouvoir discrétionnaire de la cour de révision l’habilitant à accorder réparation. Il peut arriver que des événements survenus après le prononcé de la décision administrative influent sur l’exercice par la cour de révision du pouvoir discrétionnaire l’habilitant à accorder réparation. Par exemple, du fait de tels événements, il se pourrait qu’annuler la décision et renvoyer l’affaire pour réexamen ne servent aucune fin utile : voir, par exemple, Comité de la bande indienne d’Adams Lake c. Bande indienne d’Adams Lake, 2011 CAF 37. Ainsi, les éléments de preuve ne servent pas à compléter le dossier du décideur administratif, mais aident plutôt la cour de révision à prendre la mesure de réparation qui convient.

[11]  Dans certaines circonstances, la cour de révision de première instance peut se trouver saisie de certains faits en conséquence de l’application des doctrines de l’autorité de la chose jugée, de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, de l’abus de procédure et de la connaissance d’office, ainsi que de dispositions législatives selon lesquelles des faits sont réputés exister : s’agissant des doctrines de l’autorité de la chose jugée, de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée et de l’abus de procédure, voir Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., 2001 CSC 44, [2001] 2 R.C.S. 460; Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, 2003 CSC 63, [2003] 3 R.C.S. 77; s’agissant de la connaissance d’office, voir R. c. Spence, 2005 CSC 71, [2005] 3 R.C.S. 458.

[12]  Il arrive parfois que les parties tentent de soulever, devant la cour de révision de première instance, des questions qui auraient dû d’abord être soumises à l’examen du décideur administratif, puis tentent de présenter des éléments de preuve à l’appui de ces nouvelles questions. Les cours de révision sont, à juste titre, très réticentes à entendre de nouvelles questions : Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654; relativement à l’examen de nouvelles questions constitutionnelles, voir Okwuobi c. Commission scolaire Lester-B.-Pearson; Casimir c. Québec (Procureur général); Zorrilla c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 16, [2005] 1 R.C.S. 257, et Forest Ethics Advocacy Association c. Canada (Office national de l’énergie), 2014 CAF 245, [2015] 4 R.C.F. 75, aux paragraphes 43 à 47. Il en est ainsi du fait notamment de la règle générale expliquée plus haut selon laquelle la cour de révision ne peut pas normalement admettre des éléments de preuve autres que ceux qui ont été présentés au décideur administratif. Cette règle respecte également la position du législateur, qui a investi le décideur administratif, et non notre Cour, du pouvoir de trancher les questions en litige.

La cour d’appel

[13]  La cour d’appel est saisie du même dossier de preuve que la cour de révision de première instance. Il s’agit de la règle générale, qui n’admet que peu d’exceptions. Quant aux nouvelles questions, elles ne peuvent être introduites en appel si elles requièrent un dossier factuel : Quan c. Cusson, 2009 CSC 62, [2009] 3 R.C.S. 712; Performance Industries Ltd. c. Sylvan Lake Golf & Tennis Club Ltd., 2002 CSC 19, [2002] 1 R.C.S. 678.

[14]  Les éléments de preuve exclus ou jugés non admissibles par la cour de révision de première instance ne font pas partie du dossier de la cour d’appel et ne devraient pas figurer dans le dossier d’appel. Cependant, si l’appelant conteste la décision de la cour de révision de première instance d’exclure ou de refuser d’admettre certains éléments de preuve, ceux-ci peuvent alors être versés au dossier d’appel. Ces éléments peuvent uniquement servir à démontrer à la cour d’appel la nature des éléments de preuve en litige. Si la cour d’appel se penche sur l’admissibilité des éléments et conclut que ceux-ci auraient dû être admis en preuve par la cour de révision de première instance, elle peut alors en tenir compte dans son examen.

[15]  Supposons que des éléments de preuve soient découverts après le prononcé par la cour de révision de première instance de sa décision. Supposons également que la cour de révision ait jugé ces éléments admissibles (selon les principes examinés plus haut) s’ils avaient été connus au moment pertinent et lui avaient été présentés. Comment la cour d’appel devrait-elle traiter cette preuve déposée tardivement?

[16]  Comme d’habitude, les principes de base doivent demeurer au premier plan. La cour de révision de première instance est la tribune où a été constitué le dossier de contrôle judiciaire. La cour d’appel n’offre pas pareille tribune. Par conséquent, tout élément de preuve nouveau présenté à la cour d’appel comme complément du dossier de contrôle judiciaire constitue une nouvelle preuve qui n’est admissible que s’il est satisfait au critère pertinent défini dans l’arrêt Palmer c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 759.

[17]  Soulignons toutefois que des éléments de preuve peuvent être présentés à la cour d’appel à des fins autres que la constitution du dossier de contrôle judiciaire. Mentionnons notamment les éléments permettant d’établir que la cour de révision de première instance a tenu une audience ou rendu une décision entachée d’un vice de procédure résultant par exemple d’une iniquité procédurale ou d’un manque d’impartialité. Les éléments de ce type n’entrent pas en jeu relativement à l’annulation d’une décision administrative, ni ne servent de complément au dossier de contrôle judiciaire. Ils permettent plutôt de vérifier si la cour de révision de première instance a agi d’une manière équitable ou impartiale sur le plan procédural. Ainsi, le critère rigoureux régissant l’admission de nouvelles preuves énoncé dans l’arrêt Palmer ne s’applique pas : Mediatube Corp. c. Bell Canada, 2018 CAF 127; R. c. McKellar (1994), 19 O.R. (3d) 796, p. 799, 34 C.R. (4th) 28, p. 31 (C.A.); Comtois-Barbeau c. R., [1996] R.J.Q. 1127 (C.A.).

[18]  Sauf dans des circonstances très exceptionnelles autorisées par la cour d’appel, les intervenants qui se présentent devant elle doivent composer avec les questions telles qu’elles sont formulées, sans en ajouter de nouvelles ni modifier le dossier de la preuve : Bande indienne de Batchewana (membres non-résidents) c. Bande indienne de Batchewan (C.A.), [1997] 1 C.F. 689; Université York c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2018 CAF 81; Tsleil-Waututh Nation c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 174, par. 55.

[19]  La requête visant à fixer le contenu du dossier d’appel, notamment les difficiles questions portant sur l’admissibilité de la preuve, ne doit pas forcément être tranchée de manière interlocutoire : Collins c. Canada, 2014 CAF 240; Bernard c. Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263, par. 9 à 11, MediaTube Corp. c. Bell Canada, 2018 CAF 127, par. 9 à 14, McKesson Canada Corporation c. Canada, 2014 CAF 290, par. 9 et 10, et la jurisprudence qui y est mentionnée. Le soin de statuer sur l’admissibilité des éléments de preuve peut être laissé à la formation saisie de l’appel.

[20]  D’ailleurs, plusieurs facteurs régissent l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire : voir la jurisprudence mentionnée, Association des universités, au paragraphe 11, et Groupe SNC-Lavalin Inc. c. Canada (Service des poursuites pénales), 2019 CAF 108, aux paragraphes 16 et 17. Les facteurs dont il faut tenir compte sont notamment les suivants : en tranchant la requête de manière interlocutoire, faisons-nous en sorte d’assurer le déroulement rapide et ordonné de l’audience? L’issue de la requête est-elle claire et évidente? L’article 3 des Règles régit généralement l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire : nous devons adopter la démarche qui permettra « d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible ».

Les ententes entre les parties quant à l’admissibilité de la preuve

[21]  Dans toutes les instances judiciaires, les parties peuvent reconnaître que certains éléments de preuve peuvent être admis et pris en compte, ou encore convenir de certains faits.

[22]  Tous les tribunaux judiciaires peuvent admettre ces faits et éléments de preuve, dès lors que ne s’appliquent pas des dispositions législatives ou d’autres raisons juridiques empêchant leur admissibilité, car celles-ci ne sauraient  être écartées par un accord : Pfizer Canada Inc. c. Teva Canada Limited, 2016 CAF 161, par. 79 et 80. Au final, il appartient toujours au tribunal judiciaire d’apprécier le poids à accorder, le cas échéant, aux faits et aux éléments de preuve. En matière de contrôle judiciaire, il se peut que la cour de révision de première instance et la cour d’appel doivent, malgré l’entente des parties sur une question donnée, refuser de se prononcer parce que le décideur administratif est le juge du fond.

Le réexamen par le décideur administratif

[23]  S’il se dégage de nouveaux faits liés à la décision administrative pendant l’examen qui en est fait par la cour de révision de première instance ou la cour d’appel, il est possible, et ce, en tout temps, de demander au décideur administratif de modifier sa décision ou de la revoir s’il est investi de ce pouvoir.

[24]  Pour savoir si le décideur administratif est investi de ce pouvoir et, le cas échéant, dans quelles circonstances, il faut se reporter à la loi régissant son domaine d’activité : Chandler c. Alberta Association of Architects, [1989] 2 R.C.S. 848. Les décideurs administratifs ne sont investis que des pouvoirs que leur confère explicitement ou implicitement la loi : Tranchemontagne c. Ontario (Directeur du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées), 2006 CSC 14, [2006] 1 R.C.S. 513, par. 16; Chrysler Canada Ltd. c. Canada (Tribunal de la concurrence), [1992] 2 R.C.S. 394, et, pour une analyse et une application plus récentes de cette règle, voir Hillier c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 44, par. 10.

L’article 351 des Règles des Cours fédérales

[25]  Les parties ont invoqué l’article 351 des Règles, selon lequel, dans des « circonstances particulières », la Cour peut, sur requête, permettre à toute partie de présenter des éléments de preuve sur une question de fait. L’article 351 n’élargit pas les fondements d’admissibilité examinés plus haut.

L’application de ces principes en l’espèce

[26]  L’appelante souhaite ajouter de nouveaux documents au dossier de preuve de notre Cour : l’affidavit Svanvik, le dossier modifié, remodifié et certifié provenant d’une autre demande de contrôle judiciaire, l’avis de demande de contrôle judiciaire de la politique, l’avis modifié de demande de contrôle judiciaire de la politique, ainsi que les documents intitulés collectivement [traduction] « Recommandations de gouvernement à gouvernement (G à G) ».

[27]  Cette liste figure dans les observations écrites de l’appelante. Cependant, elle ne semble pas correspondre exactement à la mesure de réparation demandée dans l’avis de requête.

[28]  D’un point de vue juridique, la Cour ne peut accorder que la mesure de réparation demandée dans l’avis de requête. L’appelante aurait dû modifier l’avis de requête pour que la mesure de réparation qui y est indiquée corresponde à celle figurant dans les observations écrites. Cela dit, j’accepte en l’espèce de tenir compte de la liste figurant dans les observations écrites de l’appelante.

[29]  Les nouveaux documents ne doivent pas être ajoutés au dossier d’appel de notre Cour, car ils ne peuvent faire partie du dossier de preuve devant notre Cour.

[30]  La Cour fédérale a été saisie d’une autre demande de contrôle judiciaire opposant les mêmes parties (T‑430‑18), laquelle n’a toutefois pas été jointe à la demande de contrôle judiciaire T‑744‑18 en cause en l’espèce. Les documents présentés dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire T‑744‑18 n’ont jamais été présentés à la Cour fédérale dans le dossier T‑430‑18. Par conséquent, les documents du dossier T‑430‑18 ne peuvent être versés au dossier présenté à notre Cour. De plus, l’appelante n’a pas satisfait au critère régissant l’admission de nouveaux éléments de preuve : soit l’appelante aurait pu obtenir ces documents si elle avait fait preuve de diligence raisonnable au moment du contrôle judiciaire en première instance, soit les documents ne sont pas suffisamment importants pour avoir un effet déterminant sur l’issue de l’appel.

[31]  La décision de la Cour fédérale dans le dossier T‑744‑18 n’a pas été portée en appel; elle est donc définitive. Elle pourrait contenir des constatations de fait intéressant les parties en l’espèce qui se rapportent à la question dont notre Cour est saisie et qui sont admissibles devant notre Cour du fait de l’application des principes de l’autorité de la chose jugée et de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée. Cela n’a toutefois aucune incidence sur le contenu du dossier d’appel en l’espèce, soit la question actuellement à l’étude.

[32]  L’intimé, le ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, serait disposé à accepter l’ajout au dossier d’appel de l’avis de demande et de l’avis modifié de demande dans le dossier T‑430‑18. Il n’existe toutefois pas d’accord entre les parties; en effet, l’intimée, Mowi Canada West Ltd., s’y oppose au motif que ces documents proviennent d’une cause différente, qui n’a pas été portée en appel. Elle qualifie ces documents d’éléments [traduction« qui détournent l’attention » et « qui sont inutiles au règlement des questions portées en appel ». Je suis du même avis.

[33]  L’appelante demande l’ajout en l’espèce du dossier modifié, remodifié et certifié d’un autre contrôle judiciaire (T‑1710‑16). Cette demande est semblable à la demande d’ajout des documents du dossier T‑430‑18 dont il a été question. Cette demande d’ajout au dossier d’appel est rejetée pour les mêmes motifs.

[34]  L’appelante souhaite également ajouter au dossier d’appel les documents intitulés collectivement « Recommandations de G à G ». À son avis, ces documents fournissent la preuve que la Couronne fédérale peut tenir des consultations utiles et proposer des mesures d’adaptation se rapportant au saumon de l’Atlantique d’élevage. Ces documents sont postérieurs au jugement rendu par la Cour fédérale.

[35]  Je ne suis pas convaincu qu’ils soient admissibles à titre de nouvelle preuve. Selon le critère énoncé dans Palmer, ces documents ne revêtent pas une importance telle qu’ils pourraient avoir un effet déterminant sur l’issue de l’appel, à savoir si la Cour fédérale a commis une erreur en refusant d’annuler la décision administrative en litige. Par exemple, selon l’un des documents contenus dans les « Recommandations de G à G », nul ne peut utiliser le document et tout acte en découlant [traduction] « comme élément de preuve ou reconnaissance de la nature, de la portée ou de la teneur de tout droit ou titre ancestral et de tout droit ou titre de la Couronne », ni l’interpréter ou l’invoquer ainsi.

[36]  L’appelante souhaite également ajouter un affidavit, l’affidavit Svanvik, dans le dossier d’appel. Or la Cour fédérale a radié cet affidavit du dossier au motif qu’il n’a pas été présenté au décideur administratif dont elle devait revoir la décision. L’appelante n’interjette pas appel de cette décision de la Cour fédérale. Par conséquent, rien ne justifie l’ajout de ce document au dossier d’appel.

Le dispositif

[37]  Je rendrai une ordonnance fixant le contenu du dossier d’appel qui est conforme aux présents motifs. Les nouveaux éléments de preuve dont l’ajout a été demandé par l’appelante ne seront pas versés au dossier d’appel.

« David Stratas »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Andrée Morin, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-110-19

 

INTITULÉ :

LA PREMIÈRE NATION DE ‘NAMGIS c. LE MINISTRE DES PÊCHES, DES OCÉANS ET DE LA GARDE CÔTIÈRE CANADIENNE et MOWI CANADA WEST LTD. (AUPARAVANT CONNUE SOUS LE NOM DE MARINE HARVEST INC.)

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

Le juge Stratas

 

DATE DES MOTIFS :

Le 16 mai 2019

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Me Sean Jones

Pour l’appelante

Me Tim Timberg

Me Gwen MacIsaac

 

Pour l’intimé, le ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne

 

Me Chris Watson

Me Ian Knapp

Pour l’intimée, MOWI CANADA WEST LTD.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MLT Aikins LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour l’appelante

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimé, le ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne

MacKenzie Fujisawa SRL

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR L’INTIMÉE, MOWI CANADA WEST LTD.

 

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