Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20190522


Dossier : A-253-18

Référence : 2019 CAF 157

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NEAR

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LOCKE

 

ENTRE :

JUDY SJOGREN

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 15 mai 2019.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 22 mai 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LOCKE

 


Date : 20190522


Dossier : A-253-18

Référence : 2019 CAF 157

CORAM :

LE JUGE NEAR

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LOCKE

 

ENTRE :

JUDY SJOGREN

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NEAR

[1]  La demanderesse, Mme Judy Sjogren, a présenté une demande de pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-8 (le RPC), après avoir subi des blessures à la colonne vertébrale en mai 2009 alors qu’elle travaillait comme technicienne en radiologie. Elle a cessé de travailler à cette époque. Elle était alors âgée de 48 ans et avait travaillé comme infirmière par le passé. Le ministre de l’Emploi et du Développement social (le ministre) a rejeté sa première demande ainsi que sa demande de réexamen; puis la demanderesse a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[2]  À la demande de la demanderesse, son appel devant la division générale a été entendu au moyen de questions et réponses écrites par application de l’article 21 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, D.O.R.S./2013-60. La demanderesse a fait savoir que, si une audience devait avoir lieu, elle se réservait le droit d’appeler deux témoins, soit son médecin de famille, le Dr Patricia Campbell, et sa préposée personnelle aux soins. Il n’y a pas eu d’audience et la demanderesse n’a pas fait témoigner ces personnes.

[3]  La division générale a rejeté l’appel de la demanderesse au motif qu’elle ne souffrait pas d’une invalidité grave et prolongée au sens du RPC. Selon la division générale, « [b]ien que les médecins de [la demanderesse aient] établi des limites quant à sa capacité de travail, le Tribunal ne peut conclure avec certitude qu’elle est incapable d’occuper tout type de poste, y compris des postes sédentaires » (décision de la division générale datée du 30 janvier 2017, au paragraphe 29, recueil du défendeur, vol. 1, p. 315 et 316). La demanderesse a demandé l’autorisation d’interjeter appel de la décision défavorable de la division générale auprès de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale.

[4]  Le 2 novembre 2017, la division d’appel a accordé à la demanderesse l’autorisation d’interjeter appel au motif qu’elle avait démontré qu’il était défendable de soutenir que la division générale avait commis une erreur de fait « de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissance », aux termes de l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, L.C. 2005, ch. 34 (la LMEDS). Plus particulièrement, la division d’appel a conclu qu’on pouvait soutenir que la division générale avait commis une erreur en affirmant que « la preuve médicale ne permet pas de conclure » à l’incapacité de la demanderesse à occuper un emploi véritablement rémunérateur malgré un rapport daté du 12 novembre 2010 rédigé par le Dr Campbell selon lequel la demanderesse « était incapable de faire tout type de travail » (décision d’autorisation de la division d’appel datée du 2 novembre 2017, au paragraphe 12; recueil du défendeur, vol. 1, p. 227-232).

[5]  Néanmoins, le 31 mai 2018, la division d’appel a rejeté l’appel de la demanderesse (décision de la division d’appel datée du 31 mai 2018; recueil du défendeur, vol. 1, p. 15). Elle a conclu que la division générale était parvenue à sa conclusion après avoir expressément tenu compte du rapport de novembre 2010 du Dr Campbell et que la demanderesse cherchait indûment à faire apprécier à nouveau la preuve en appel. La division d’appel n’a pas non plus souscrit aux autres observations de la demanderesse voulant qu’il y ait eu atteinte à son droit à l’équité procédurale parce que la division générale n’avait pas communiqué avec les deux témoins qu’elle voulait faire entendre à l’audience et ne leur avait posé aucune question et voulant que les motifs de la division générale fussent inadéquats parce que, dans la version anglaise, la division générale avait utilisé l’adjectif possessif masculin « his » à son égard une fois dans le texte de sa décision. La division d’appel a conclu que la division générale avait « respecté le droit de la [demanderesse] d’être entendue en lui offrant la possibilité de répondre à des questions et de présenter des observations sur tout fait ou facteur susceptible d’influencer la décision » (à la page 349).

[6]  La demanderesse demande maintenant le contrôle judiciaire de la décision de la division d’appel devant notre Cour. Pour la plupart des questions, la norme de contrôle applicable à la décision de la division d’appel est celle de la décision raisonnable (Garvey c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 118, au paragraphe 1; Atkinson c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 187, aux paragraphes 24 à 32). Toutefois, la norme de contrôle applicable aux questions d’équité procédurale est celle de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43, [2009] 1 R.C.S. 339; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, au paragraphe 54). La division générale avait une obligation d’équité procédurale envers la demanderesse et la division d’appel était chargée de veiller au respect de celle-ci. Notre Cour veillera également à ce qu’il n’y ait aucun manquement à cette obligation.

[7]  À mon sens, la demanderesse ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer l’existence d’une erreur susceptible de contrôle dans la décision de la division d’appel, que ce soit quant aux conclusions de fait de la division générale ou quant aux allégations de manquement à l’équité procédurale ou à la justice naturelle.

[8]  La division générale a tenu compte du rapport de novembre 2010 du Dr Campbell ainsi que de sa conclusion selon laquelle la demanderesse [traduction] « était incapable d’occuper tout type d’emploi en raison d’une incapacité permanente à supporter son propre poids, à se tenir debout, ou à s’asseoir pendant de longues périodes de temps » (lettre du Dr P. Campbell, datée du 12 novembre 2010, recueil du défendeur, vol. II, p. 550). Toutefois, la division générale a accordé davantage de poids au rapport subséquent du DCampbell, daté du 27 février 2014, dans lequel cette dernière observe que la demanderesse ne pourrait pas [traduction] « occuper un emploi dont le titulaire doit demeurer debout [ou] assis pendant de longues périodes de temps ou soulever un poids supérieur à 20 lb » (lettre de la Dre P. Campbell, datée du 27 février 2014, recueil du défendeur, vol. II, p. 649). La division générale a conclu que le second rapport témoignait d’une amélioration de la condition de la demanderesse et d’une certaine capacité à travailler, particulièrement à la lumière de la preuve d’août 2010 montrant que la demanderesse avait participé à un programme de réadaptation de huit semaines et à un programme de réentraînement à l’effort de quatre semaines. En conséquence, la division générale a estimé que « la preuve médicale ne permet pas de conclure [que la demanderesse] était incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice » (au paragraphe 29).

[9]  La division d’appel a examiné ces conclusions et a conclu que la division générale n’avait pas fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée visée à l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS. Je suis du même avis, et j’en viens à cette conclusion en grande partie pour les mêmes motifs que la division d’appel. La division d’appel a fait observer à juste titre (au paragraphe 22) que, « [m]ême si la déclaration de la division générale pouvait donner à penser qu’il se pourrait qu’elle n’ait pas tenu compte de l’opinion formulée en 2010 par le docteur Campbell, le reste de la décision révèle que la division générale a analysé la preuve du docteur Campbell et conclu que la requérante possédait une capacité de travail ». Vu cette interprétation des conclusions de la division générale, à mon sens, la décision de la division d’appel était raisonnable.

[10]  De plus, la division d’appel a conclu correctement qu’il n’y avait pas eu manquement au droit à l’équité procédurale ni à la justice naturelle visé à l’alinéa 58(1)a) de la LMEDS. La demanderesse s’est réservé le droit de faire comparaître ses deux témoins advenant la tenue d’une audience devant la division générale. Étant donné qu’il n’y a pas eu d’audience, la division générale n’était pas tenue d’entendre ces deux témoins. De plus, la demanderesse n’a pas soulevé la possibilité que ses témoins fournissent des témoignages écrits. Par conséquent, je conclus que la division d’appel a correctement conclu que la division générale avait agi équitablement en l’espèce. Je suis également du même avis que la division d’appel quant à l’utilisation erronée de l’adjectif possessif masculin; cette erreur ne rend pas les motifs de la division générale inadéquats puisqu’ils sont par ailleurs justifiés, transparents et intelligibles, conformément à l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 R.C.S. 190.

[11]  La Cour reconnaît que la demanderesse doit surmonter des difficultés physiques depuis son accident et la Cour n’est pas insensible aux combats qu’elle a dû mener. Toutefois, pour les motifs exposés ci-dessus, je rejetterais la demande. Le défendeur ne demande pas de dépens, et je n’en adjugerais aucuns.

« D. G. Near »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Donald J. Rennie, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

George R. Locke, j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL D’UNE DÉCISION RENDUE PAR LA DIVISION D’APPEL DU

TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE DU CANADA LE 31 MAI 2018

(NUMÉRO DE DOSSIER DU TRIBUNAL : AD-17-270)

DOSSIER :

A-253-18

 

INTITULÉ :

JUDY SJOGREN c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 mai 2019

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LOCKE

DATE DES MOTIFS :

Le 22 mai 2019

COMPARUTIONS :

Judy Sjogren

POUR SON PROPRE COMPTE

Marcus Dirnberger

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour le défendeur

 

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