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Date : 20190522


Dossier : A-58-18

Référence : 2019 CAF 155

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE RIVOALEN

 

 

ENTRE :

 

 

RANDY WILSON

 

 

appelant

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

Audience tenue à Calgary (Alberta), le 9 mai 2019.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 22 mai 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA COUR

 


Date : 20190522


Dossier : A-58-18

Référence : 2019 CAF 155

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE RIVOALEN

 

 

ENTRE :

 

 

RANDY WILSON

 

 

appelant

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

[1]  Le ministre du Revenu national a établi des nouvelles cotisations à l’égard de l’appelant, dans lesquelles il a refusé la déduction de pertes d’entreprise demandée pour les années d’imposition 2007 et 2010 et a imposé des pénalités pour faute lourde en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.)) L’appelant a fait appel devant la Cour canadienne de l’impôt de la partie des nouvelles cotisations lui imposant des pénalités pour faute lourde. Après le dépôt de sa réponse par l’intimée, un juge a été chargé de la gestion de l’instance.

[2]  L’intimée a ensuite demandé par voie de requête la radiation de certains paragraphes de l’avis d’appel de l’appelant, sans autorisation de modification. Dans une ordonnance datée du 13 février 2017, le juge chargé de la gestion de l’instance a radié des parties précises de l’avis d’appel de l’appelant. Le 13 février 2017, le juge a rendu une ordonnance donnant à l’appelant 60 jours pour déposer un avis d’appel modifié et précisant que cet avis d’appel devait spécifier [traduction] « les dispositions légales invoquées par l’appelant ainsi que la mesure demandée, comme l’exigent les Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), sans autre modification ».

[3]  L’appelant ne l’a pas fait. Dans une ordonnance rendue le 17 juillet 2017, le juge chargé de la gestion de l’instance a ordonné à l’appelant de déposer et de signifier un avis d’appel modifié [traduction] « conforme à l’ordonnance datée du 13 février 2017 dans les 60 jours suivant la date de la présente ordonnance, faute de quoi l’appel sera rejeté ».

[4]  Aucun appel n’a été interjeté à l’égard de l’une ou l’autre de ces ordonnances.

[5]  L’appelant a ensuite déposé un avis d’appel modifié daté du 14 septembre 2017.

[6]  Selon la Cour canadienne de l’impôt, l’avis d’appel modifié n’était pas conforme aux ordonnances du 13 février 2017 et du 17 juillet 2017. En conséquence, la Cour canadienne de l’impôt a rejeté l’appel de l’appelant, avec dépens, par une ordonnance rendue le 15 janvier 2018.

[7]  C’est sur cette ordonnance de la Cour canadienne de l’impôt que porte le présent appel.

Question préliminaire

[8]  Avant d’examiner le fond de l’appel, nous devons expliquer un élément de nature procédurale.

[9]  Dans une ordonnance rendue le 29 mars 2019, l’affaire a été ajoutée au rôle en vue d’une audience devant se tenir à 9 h 30 le jeudi 9 mai 2019, à Calgary. Le 25 avril 2019, l’appelant s’est adressé par écrit à la Cour afin de demander l’ajournement de l’appel jusqu’à la session d’automne de notre Cour. Le 26 avril 2019, l’avocat de l’intimée a écrit à la Cour pour faire savoir que l’intimée s’opposait à la demande d’ajournement. Le 29 avril 2019, la Cour a donné une directive indiquant que, s’il souhaitait obtenir l’ajournement de l’audience, l’appelant devait déposer un avis de requête, un affidavit ainsi que des observations écrites exposant les motifs de sa demande.

[10]  Le 6 mai 2019, l’appelant a déposé un dossier de requête demandant l’ajournement de l’audience prévue pour le 9 mai 2019. Dans ses observations écrites, l’appelant a soutenu ce qui suit : la Cour canadienne de l’impôt n’a pas compétence [traduction] « pour entendre une affaire portant sur l’exécution d’une déclaration alléguée qui n’est pas une dette relative à l’impôt sur le revenu »; l’avocat de l’intimée [traduction] « est impliqué et complice dans cette tentative de faire appliquer une dette qui est sans lien aucun avec le revenu imposable en litige »; l’avocat de l’intimé a manqué aux [traduction] « obligations d’équité et de divulgation incombant à un procureur de la Couronne »; dans une autre affaire, la Couronne a consenti à un jugement accueillant dans sa totalité un appel [traduction] « portant sur des questions identiques à celles dont est saisie la Cour »; dans une autre affaire, l’avocat de l’intimée a affirmé [traduction] « qu’il n’y avait aucun fondement juridique pour l’imposition d’une pénalité par [l’Agence du revenu du Canada] dans une situation identique à celle du présent appel »; l’intimée a [traduction« omis d’aviser la Cour que, parce qu’il n’y a pas d’impôt sur le revenu en litige dans les demandes de remboursement, aucune pénalité ne pouvait être imposée à l’égard des dépenses déclarées pour examen et que [l’Agence du revenu du Canada] pouvait seulement accepter ou refuser de reconnaître ces dépenses »; d’autres contribuables non seulement n’ont pas été ainsi pénalisés, mais ont plutôt reçu des lettres de l’Agence du revenu du Canada dans lesquelles elle [traduction] « refusait poliment de reconnaître les dépenses déclarées et soumises à un premier examen »; dans les circonstances, [traduction] « ce serait du jamais vu considérant les règles de l’OCDE » que d’autres contribuables soient ainsi [traduction] « profilés illégalement en contravention avec les dispositions antiprofilage du Code criminel canadien »; si notre Cour ne faisait rien [traduction« afin de rectifier ce scandale, cela aurait des conséquences destructrices, tant à l’échelle nationale qu’internationale, pour le Canada, car l’OCDE et l’organisme de surveillance contre les crimes gouvernementaux de l’ONU ont tous deux envoyé des lettres menaçantes au gouvernement fédéral actuel à la suite de l’atteinte perverse à la primauté du droit commise par le gouvernement actuel dans le dossier SNC-Lavilin [sic] et le scandale Wilson-Raybould ».

[11]  Le 7 mai 2019, l’intimée a signifié et déposé à la Cour ses observations en réponse, dans lesquelles elle s’est opposée à la requête de l’appelant.

[12]  Le 8 mai 2019, l’appelant a déposé sa réponse aux observations de l’intimée.

[13]  La demande d’ajournement a été rejetée dans une ordonnance datée du 8 mai 2019. Dans les attendus de l’ordonnance, le rejet de la requête en ajournement est motivé par l’absence d’explications justifiant la nécessité de l’ajournement, le fait que la seule question en litige dans l’appel soit celle de savoir si la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en rejetant l’appel parce que l’appelant n’avait pas déposé d’avis d’appel en bonne et due forme dans le délai qu’elle avait fixé, le fait que les observations de l’appelant dans sa requête en ajournement de l’audience n’étaient pas pertinentes et le fait qu’il ne serait pas dans l’intérêt de la justice d’ajourner l’audience. La requête en ajournement de l’audience de l’appelant ayant été déposée trois jours avant la date prévue pour l’audience, l’intimée a dû déposer ses observations en réponse dans un délai très court et l’appelant a dû faire de même pour ses observations en réplique. Après avoir reçu ces observations, la Cour a fait de cette ordonnance une priorité afin que les parties qui devaient se rendre à Calgary depuis Sundre et Edmonton sachent le plus rapidement possible si l’appel allait avoir lieu ou non comme prévu.

[14]  L’explication sur la procédure ayant été donnée, nous examinerons maintenant l’appel.

L’audience sur l’appel

[15]  Le matin du 9 mai 2019, l’appelant a écrit à la Cour pour l’aviser qu’il ne serait pas présent à l’audience. En conséquence, la Cour a commencé l’audience en informant l’avocat de l’intimée que, conformément aux pratiques de la Cour dans de tels cas, l’appel serait tranché sur le fondement du dossier écrit, sous réserve de questions posées à l’avocat de l’intimée pour clarifier certaines observations formulées dans son mémoire des faits et du droit. Plus précisément, la Cour a demandé à l’avocat de l’intimée de donner des détails sur l’allégation, figurant dans le mémoire, voulant que l’avis d’appel modifié n’ait pas été conforme à l’ordonnance de février 2017 et qu’il ait au contraire [traduction] « contenu des modifications que l’appelant n’avait pas été autorisé à apporter ». L’avocat a répondu à cette question, et la Cour a pris l’affaire en délibéré.

Le fond de l’appel

[16]  Commençons par rappeler que l’intervention de notre Cour dans un jugement porté en appel n’est justifiée que si la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur sur une question de droit ou une erreur manifeste et dominante sur une question de fait ou sur une question mixte de fait et de droit (Corporation de soins de la santé Hospira c. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215, [2017] 1 R.C.F. 331, aux paragraphes 64 à 66 et 69).

[17]  À notre avis, la Cour canadienne de l’impôt n’a commis aucune erreur justifiant l’intervention de notre Cour. Notre conclusion est fondée sur les motifs qui suivent.

[18]  Comme nous l’avons mentionné plus haut, les ordonnances rendues le 13 février 2017 et le 17 juillet 2017 n’ont pas été portées en appel. En conséquence, l’appelant était tenu de déposer un acte de procédure modifié dans un délai de 60 jours à compter de l’ordonnance du 17 juillet 2017, dans lequel il devait énoncer les dispositions légales pertinentes ainsi que la mesure demandée, [traduction] « sans autre modification ». Si l’appelant ne se conforme pas à ses ordonnances, la Cour canadienne de l’impôt a compétence pour se prononcer sur toute question d’abus de procédure dans le déroulement des instances dont elle est saisie (voir, par exemple, Lynch c. Canada, 2017 CAF 248, [2017] A.C.F. no 1279 (QL), au paragraphe 18).

[19]  Nous sommes convaincues que l’appelant ne s’est pas conformé aux ordonnances applicables de la Cour canadienne de l’impôt. Contrairement à ces ordonnances, l’avis d’appel modifié contenait de nouveaux faits et allégations qui étaient considérablement différents des faits et allégations énoncés dans l’avis d’appel original. L’appelant a supprimé des paragraphes que le Cour canadienne de l’impôt n’avait pas radiés et a repris des affirmations radiées par la Cour canadienne de l’impôt.

[20]  Par exemple, dans son avis d’appel original, l’appelant affirmait au paragraphe 3 qu’il avait fait appel à un fournisseur de service [traduction] « pour la production des déclarations d’impôt de 2007 et de 2010, et qu’il était entendu qu’il déduirait les pertes d’entreprise conformément à la définition du terme « intérêt » provenant des Définitions du Code criminel (paragraphe 347(2)) ». Il était écrit au paragraphe 3 de l’avis d’appel modifié que l’appelant avait fait appel à un fournisseur de service [traduction] « pour la production des déclarations d’impôt de 2007 et de 2010, et qu’il était entendu qu’elles permettraient d’obtenir un remboursement adéquat ».

[21]  Autre exemple, l’appelant a ajouté un nouveau paragraphe, le paragraphe 9, dans son avis d’appel modifié, dans lequel il soutient avoir demandé dans une lettre datée du 17 novembre 2014 pourquoi des pénalités lui étaient imposées alors que [traduction] « les pertes n’avaient fait l’objet d’aucune cotisation ou nouvelle cotisation ».

[22]  Le paragraphe 4 de l’avis d’appel d’origine a été supprimé alors qu’il n’avait pas été radié par la Cour canadienne de l’impôt. Dans ce paragraphe, l’appelant soutenait que le fournisseur de service lui [traduction] « avait dit qu’il s’agissait d’une manœuvre légale et avait montré que des déclarations d’autres clients avaient été acceptées ».

[23]  Quant à l’exigence selon laquelle l’avis d’appel modifié devait préciser les dispositions légales invoquées, un paragraphe de l’avis d’appel, non radié par la Cour canadienne de l’impôt, où étaient formulées des observations quant à la méthode d’application du paragraphe 163(2) de la Loi, a été supprimé. À la place, le paragraphe 18 de l’avis d’appel modifié disait simplement : [traduction] « Article 163 de la LIR fondé sur le revenu. »

[24]  En ce qui concerne l’exigence quant à la mesure demandée, l’avis d’appel modifié mentionnait, au paragraphe 38, que l’appelant demandait un [traduction] « décret de remise à l’égard des pénalités » et [traduction] « l’annulation des pénalités ». La demande de décret de remise avait déjà été dûment radiée par la Cour canadienne de l’impôt. La Cour canadienne de l’impôt n’a aucune compétence pour ordonner la remise de pénalités.

[25]  Nous reconnaissons que le rejet d’un appel pour des motifs de procédure est une mesure sévère. Toutefois, nous ne constatons aucune erreur manifeste et dominante sur une question de fait ou sur une question mixte de fait et de droit ni aucune erreur de droit dans la décision de la Cour canadienne de l’impôt. La Cour canadienne de l’impôt a pleinement donné l’occasion à l’appelant de se conformer à ses ordonnances et l’a mis en garde quant aux conséquences s’il ne les respectait pas.

[26]  Le présent appel sera donc rejeté avec dépens.

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

« Johanne Gauthier »

j.c.a.

« Marianne Rivoalen »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-58-18

 

INTITULÉ :

RANDY WILSON c.

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

CALGARY (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 mai 2019

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE RIVOALEN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 22 mai 2019

COMPARUTIONS :

Peter Basta

 

Pour l’intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

 

Pour l’intimée

 

 

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