Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20190523


Dossiers : A-325-18

A-369-18

Référence : 2019 CAF 156

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence de monsieur le juge Laskin

ENTRE :

MILLER THOMSON S.E.N.C.R.L., S.R.L.

appelante

et

HILTON WORLDWIDE HOLDING LLP

intimée

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 23 mai 2019.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE LASKIN

 


Date : 20190523


Dossiers : A-325-18

A-369-18

Référence : 2019 CAF 156

En présence de monsieur le juge Laskin

ENTRE :

MILLER THOMSON S.E.N.C.R.L., S.R.L.

appelante

et

HILTON WORLDWIDE HOLDING LLP

intimée

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE LASKIN

[1] L’appelante demande par requête que soit rendue une ordonnance radiant certaines parties du mémoire des faits et du droit de l’intimée Hilton, au motif que cette dernière y demande une mesure qu’elle ne pourrait obtenir qu’en interjetant un appel incident et qu’aucun appel de ce type n’a été introduit. Je partage cet avis et, faute de requête de la part de Hilton demandant une ordonnance corrigeant cette lacune, j’accorderai l’ordonnance demandée par l’appelante.

[2] Notre Cour est saisie d’un appel d’un jugement rendu par le juge Pentney de la Cour fédérale (2018 CF 895). Dans son jugement, la Cour fédérale a accueilli un appel de la décision du registraire des marques de commerce ordonnant la radiation pour non-usage, en application de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, de l’enregistrement de la marque de commerce WALDORF-ASTORIA de Hilton. La marque de commerce est enregistrée en liaison avec des [traduction] « services hôteliers ».

[3] La principale mesure demandée par Hilton auprès de la Cour fédérale était une ordonnance annulant la décision du registraire, ce qui aurait pour effet de maintenir l’enregistrement. Subsidiairement, Hilton a demandé que soit rendue une ordonnance en vertu du paragraphe 57(1) de la Loi sur les marques de commerce, pour que l’inscription [traduction] « services hôteliers » dans l’état déclaratif des services soit remplacée par [traduction] « services hôteliers, nommément services de réservation d’hôtellerie ». Ce paragraphe est ainsi rédigé :

57 (1) La Cour fédérale a une compétence initiale exclusive, sur demande du registraire ou de toute personne intéressée, pour ordonner qu’une inscription dans le registre soit biffée ou modifiée, parce que, à la date de cette demande, l’inscription figurant au registre n’exprime ou ne définit pas exactement les droits existants de la personne paraissant être le propriétaire inscrit de la marque.

57 (1) The Federal Court has exclusive original jurisdiction, on the application of the Registrar or of any person interested, to order that any entry in the register be struck out or amended on the ground that at the date of the application the entry as it appears on the register does not accurately express or define the existing rights of the person appearing to be the registered owner of the mark.

[4] La Cour fédérale a accueilli l’appel. Dans ses motifs, elle a brièvement discuté la demande subsidiaire de Hilton sollicitant une ordonnance au titre du paragraphe 57(1), mais elle a conclu (au paragraphe 103) que, compte tenu de sa conclusion sur la principale question en litige, il n’était pas nécessaire de se prononcer sur cette demande subsidiaire. Elle a conclu sa brève discussion en affirmant ceci (au paragraphe 110) : « Étant donné le caractère nouveau de cet argument, je remets son examen à une autre instance dans laquelle il sera soulevé directement et pleinement débattu. » Le paragraphe où se trouve le dispositif du jugement est rédigé ainsi :

L’appel est accueilli. La décision du registraire est annulée et l’enregistrement no LMC337,529 de la marque de commerce WALDORF-ASTORIA est maintenu dans le registre.

[5] Comme on pouvait s’y attendre dans les circonstances, l’avis d’appel de l’appelante ne mentionne pas la question relative au paragraphe 57(1). L’avis porte uniquement sur le bien-fondé de la décision d’accueillir l’appel (ainsi que de la question des dépens, que je n’ai pas à examiner davantage). Ainsi qu’il a été mentionné plus haut, Hilton n’a ni signifié ni déposé d’avis d’appel incident.

[6] Malgré l’absence d’avis d’appel incident, dans son mémoire des faits et du droit présenté en réponse en l’espèce, Hilton soutient que la question ci-après est en litige :

[traduction]

Subsidiairement, la Cour devrait-elle rendre une ordonnance en vertu du paragraphe 57(1) par laquelle serait modifié, et précisé, l’état déclaratif des services en y substituant « services hôteliers, nommément services de réservation d’hôtellerie » à « services hôteliers »?

[7] Le mémoire de Hilton comporte également une série de paragraphes (38 et 85 à 91) dans lesquels l’intimée fait valoir des arguments sur le fond de la question relative au paragraphe 57(1). Il était demandé entre autres :

[traduction]

[…] subsidiairement, une ordonnance, rendue en vertu du paragraphe 57(1) de la Loi, modifiant, et précisant, l’état déclaratif des services en y substituant « services hôteliers, nommément services de réservation d’hôtellerie » à « services hôteliers ».

[8] L’alinéa 341(1)b) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), exige de l’intimé qu’il signifie et dépose un avis d’appel incident « s’il entend demander la réformation de l’ordonnance portée en appel » ou, dans la version anglaise, « where the respondent seeks a different disposition of the order appealed from ». Le paragraphe 341(3) précise en outre qu’un appel incident ne peut être entendu si l’intimé n’a pas déposé d’avis d’appel incident, à moins que la Cour ne l’autorise.

[9] En l’espèce, il ne fait aucun doute que Hilton demande subsidiairement « la réformation », ou « a different disposition », du jugement de la Cour fédérale. En effet, ce qu’elle demande à titre subsidiaire appelle un jugement totalement différent – c’est-à-dire non pas la confirmation du jugement de la Cour fédérale, mais un jugement modifiant l’état déclaratif des services au titre du paragraphe 57(1). Contrairement à ce que soutient Hilton, l’alinéa 341(1)b) des Règles s’applique et Hilton doit présenter un avis d’appel incident ou obtenir l’autorisation de la Cour en vertu du paragraphe 341(3) des Règles pour demander cette mesure.

[10] Hilton invoque trois autres arguments en réponse à la requête de l’appelante.

[11] Elle soutient premièrement que la Cour fédérale n’a tiré aucune conclusion susceptible d’appel sur la question relative au paragraphe 57(1), de sorte qu’il est impossible de fonder un appel incident. Je ne suis pas de cet avis. Il est vrai que, dans son jugement, la Cour fédérale ne tranche pas la question relative au paragraphe 57(1). Cependant, les appels incidents servent essentiellement à obtenir une mesure que le tribunal dont le jugement est porté en appel n’a pas accordée. Il n’y a rien dans la forme du jugement qui rende impossible l’appel incident.

[12] Deuxièmement, Hilton soutient qu’il n’est pas nécessaire de passer par l’appel incident pour faire valoir un argument subsidiaire. C’est le cas lorsque l’intimé souhaite invoquer un argument subsidiaire constituant un autre motif de confirmer le jugement porté en appel : voir, par exemple, Dywidag Systems International, Canada, Ltd. c. Garford PTY Ltd., 2010 CAF 194, au paragraphe 8; MTS Allstream Inc. c. Toronto (Ville), 2006 CAF 89, [2006] A.C.F. no 369 (QL), aux paragraphes 5 et 6. Cependant, comme il est implicitement reconnu dans ces arrêts, lorsque l’argument subsidiaire est invoqué à l’appui non pas du jugement porté en appel mais d’un autre jugement, l’alinéa 341(1)b) des Règles s’applique : voir Singh (Pal) c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1987] A.C.F. no 105 (QL) (C.A.F.) (question tranchée sous le régime de la disposition antérieure équivalant à l’article 341 des Règles).

[13] Troisièmement, Hilton soutient que l’appelante ne subira aucun préjudice si l’intimée était autorisée à faire valoir son argument subsidiaire, car elle estime qu’il s’agit [traduction] « essentiellement du même argument » que celui invoqué devant la Cour fédérale. Elle propose de consentir à ce que l’appelante dépose en réponse un document de trois pages sur la question relative au paragraphe 57(1).

[14] Ce n’est toutefois pas la procédure prévue par les Règles. Selon les Règles, l’intimé qui entend demander, à titre subsidiaire ou non, une ordonnance différente de celle visée par l’appel doit faire connaître son intention sans tarder, en signifiant et en déposant un avis d’appel incident dans les 10 jours suivant la signification de l’avis d’appel. Aux termes du paragraphe 341(2) des Règles, le document doit contenir « un énoncé précis de la réparation recherchée » et « un énoncé complet et concis des motifs qui seront invoqués ». De cette manière, les parties connaîtront dès le départ les questions en litige devant la Cour d’appel et pourront prendre en conséquence des décisions juridiques et stratégiques. En outre, l’alinéa 346(3)b) confère à l’appelant le droit de signifier et de déposer un mémoire complet des faits et du droit à titre d’intimé dans l’appel incident. Je ne souscris pas à l’observation selon laquelle il n’y aurait aucun préjudice.

[15] Pour ces motifs, et faute de requête incidente de la part de Hilton en vue d’obtenir une prorogation de délai, une autorisation ou toute autre mesure, je rendrai une ordonnance accueillant la requête de l’appelante, avec dépens. Cette décision ne porte pas atteinte au droit qu’a Hilton de présenter une requête en ordonnance l’autorisant à faire valoir la question relative au paragraphe 57(1) conformément aux Règles. Cependant, toute requête de cette nature devra être déposée rapidement.

« J.B. Laskin »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

A-325-18

A-369-18

 

INTITULÉ :

MILLER THOMSON S.E.N.C.R.L., S.R.L. c. HILTON WORLDWIDE HOLDING LLP

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE LASKIN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 23 mai 2019

OBSERVATIONS ÉCRITES :

David M. Reive

Aiyaz A. Alibhai

 

Pour l’appelante

 

Jonathan G. Colombo

Amrita V. Singh

Pour l’intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Miller Thomson S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

Pour l’appelante

 

Bereskin & Parr S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

Pour l’intimée

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.