Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20190530


Dossier : A-389-17

Référence : 2019 CAF 166

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE WEBB

LA JUGE RIVOALEN

 

 

ENTRE :

NORMA SHERWOOD

appelante

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 22 mai 2019.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 30 mai 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE RIVOALEN

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE WEBB

 


Date : 20190530


Dossier : A-389-17

Référence : 2019 CAF 166

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE WEBB

LA JUGE RIVOALEN

 

 

ENTRE :

NORMA SHERWOOD

appelante

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE RIVOALEN

[1]  Norma Sherwood interjette appel de la décision de la Cour fédérale, rendue par le juge Gleeson (2017 CF 998), rejetant sa demande de contrôle judiciaire visant la décision de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (la DA-TSS) datée du 27 mars 2015. Le présent appel porte sur la décision de la DA-TSS de refuser à l’appelante l’autorisation d’interjeter appel de la décision de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale (la DG-TSS).

[2]  Le juge a résumé brièvement les faits essentiels de l’affaire aux paragraphes 4 à 11 de ses motifs. J’en répéterai les plus importants afin de mettre en contexte la présente décision.

[3]  En septembre 2003, Mme Sherwood a été licenciée et a reçu une indemnité de départ après avoir travaillé 18 ans pour Symcor. En novembre 2003, on a diagnostiqué chez elle une tumeur osseuse dans la main gauche, laquelle a nécessité plusieurs opérations. En juillet 2004, sa demande de prestations de maladie a été acceptée, pour une période de 15 semaines commençant rétroactivement le 16 février 2004. Mme Sherwood affirme qu’elle s’est par la suite présentée à deux reprises à un bureau de Service Canada pour s’informer au sujet des prestations et a reçu des renseignements erronés de la part des employés. Dans les années qui ont suivi, Mme Sherwood est retournée suivre une formation et a occupé différents emplois. En 2011, elle a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi en lien avec son emploi le plus récent, mais sa demande a été rejetée puisqu’elle n’avait pas accumulé suffisamment d’heures pour y être admissible.

[4]  En 2014, plus de dix ans après la fin de son emploi avec Symcor, Mme Sherwood a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi en application du paragraphe 10(4) de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1985, ch. 23 (la LAE), laquelle demande portait la date antérieure de 2004. La DG-TSS a rejeté sa demande parce qu’elle n’avait pas démontré l’existence d’un motif valable justifiant le retard. La DA-TSS a rejeté sa demande d’autorisation d’interjeter appel de cette décision, parce qu’elle a conclu que Mme Sherwood n’avait pas fourni de motifs correspondant aux moyens d’appel prescrits et parce qu’elle n’était pas convaincue que son appel avait une chance raisonnable de succès.

[5]  Notre Cour a certes de la sympathie pour Mme Sherwood, qui, à n’en pas douter, a vécu des moments difficiles et éprouvants après avoir été licenciée en 2003. Toutefois, compte tenu du dossier dont disposait la DA-TSS et de l’étroite portée de la question à trancher, je ne peux faire droit à son appel. Pour les motifs qui suivent, je rejetterais l’appel, sans dépens.

[6]  Dans un appel d’une demande de contrôle judiciaire, le rôle de notre Cour consiste à déterminer si le juge a choisi la norme de contrôle appropriée et s’il l’a appliquée correctement (Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, aux paragraphes 45 à 47).

[7]  Le juge a choisi à juste titre la norme de la décision raisonnable et l’a appliquée correctement. Il a rigoureusement et soigneusement examiné les éléments de preuve et les arguments présentés par Mme Sherwood. Il a été incapable de relever quelque erreur que ce soit de la part de la DA-TSS qui aurait justifié l’intervention de la Cour fédérale. J’estime que le juge n’a commis aucune erreur dans son examen et son analyse de la décision de la DA-TSS.

[8]  Pour bien comprendre ce que devait établir Mme Sherwood devant la DA-TSS, il est important de rappeler en quoi consiste le mécanisme d’appel des décisions de la DG-TSS. Selon le paragraphe 56(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, L.C. 2005, ch. 34 (la LMEDS), « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission ». Comme nous l’avons dit précédemment, la décision de la DA-TSS en litige porte sur la demande d’autorisation d’interjeter appel présentée par Mme Sherwood, et non sur le bien-fondé de sa demande de prestations. Aux termes du paragraphe 58(2) de la LMEDS, le rôle de la DA-TSS à l’étape de la demande de permission d’interjeter appel consiste à décider si l’appel a une chance raisonnable de succès. Selon le paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

58(1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

58(1) The only grounds of appeal are that

a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;

(a) the General Division failed to observe a principle of natural justice or otherwise acted beyond or refused to exercise its jurisdiction;

b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

(b) the General Division erred in law in making its decision, whether or not the error appears on the face of the record; or

c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

(c) the General Division based its decision on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it.

[9]  Les conditions pour présenter une demande de prestation après l’expiration du délai prescrit sont énoncées au paragraphe 10(5) de la LAE et font l’objet d’une abondante jurisprudence de notre Cour. Dans l’arrêt Kamgar c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 157, [2013] A.C.F. no 716 (QL), notre Cour a fait observer ce qui suit :

[1]  Sous le régime de la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23, une demande de prestations peut être présentée après l’expiration du délai prescrit si le prestataire satisfait aux exigences énoncées au paragraphe 10(5) de la Loi. Pour ce faire, le prestataire doit démontrer qu’il y avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande, et ce, durant toute la période écoulée. Selon la jurisprudence constante de notre Cour, pour établir l’existence d’un motif valable justifiant son retard, le prestataire doit démontrer qu’il a fait ce qu’une personne raisonnable aurait fait dans la même situation pour s’assurer de connaître les droits et les obligations qu’il a en vertu de la Loi. Voir, par exemple, Canada (Procureur général) c. Albrecht, [1985] 1 C.F. 710.

[2]  Autrement dit, on s’attend à ce qu’une personne raisonnable vérifie assez rapidement si elle a droit à des prestations, et l’ignorance de la loi et la bonne foi ne constituent pas des motifs valables (Canada (Procureur général) c. Carry, 2005 CAF 367, 344 N.R. 142).

[Non souligné dans l’original].

[10]  Devant la DG-TSS, Mme Sherwood n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande et qu’elle l’avait eu durant toute la période de dix ans.

[11]  Devant la DA-TSS, Mme Sherwood n’a pas fait valoir d’erreur dans la décision de la DG-TSS, outre sa conclusion. Les éléments de preuve et les arguments qu’elle a présentés n’ont pas suffi à convaincre la DA-TSS que l’un ou l’autre des moyens d’appel énumérés avait une chance raisonnable de succès.

[12]  On peut certes reconnaître, comme l’a fait la DA-TSS, que Mme Sherwood était stressée et troublée, après avoir perdu l’emploi qu’elle occupait depuis 18 ans puis avoir fait face, tout de suite après, à de graves problèmes de santé. Son principal argument devant la DA-TSS, qui était le même que devant la DG-TSS et notre Cour, était qu’elle avait été mal informée de son droit à des prestations régulières d’assurance-emploi et qu’elle avait été induite en erreur par les employés de Service Canada. Mme Sherwood demandait essentiellement à la DA-TSS, tout comme elle l’a demandé à la Cour fédérale et le demande aujourd’hui à notre Cour, d’examiner et d’apprécier de nouveau les éléments de preuve présentés à la DG-TSS. Ce n’est pas là le rôle de notre Cour.

[13]  Je ne constate aucune erreur de la part de la DA-TSS qui justifierait notre intervention.

[14]  Comme je l’ai dit plus haut, je comprends pleinement à quel point cette décision est importante pour Mme Sherwood. Malgré cela, je souscris à la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle il était raisonnable de la part de la DA-TSS de refuser l’autorisation d’interjeter appel.

[15]  En conclusion, je rejetterais l’appel, sans dépens.

« Marianne Rivoalen »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Johanne Gauthier, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Wyman W. Webb, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

A-389-17

 

INTITULÉ :

NORMA SHERWOOD c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 22 mai 2019

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE RIVOALEN

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE WEBB

 

DATE DES MOTIFS :

Le 30 mai 2019

 

COMPARUTIONS :

Norma Sherwood

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Penny Brady

 

Pour l’intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour l’intimé

 

 

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