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Date : 20180926


Dossier : A-345-17

Référence : 2018 CAF 173

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE GLEASON

LE JUGE LASKIN

 

 

ENTRE :

SERGIY YURIS

appelant

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

intimé

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 26 septembre 2018.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GLEASON

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE LASKIN

 


Date : 20180926


Dossier : A-345-17

Référence : 2018 CAF 173

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE GLEASON

LE JUGE LASKIN

 

 

ENTRE :

SERGIY YURIS

appelant

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GLEASON

[1]  La Cour est saisie d’une requête présentée par l’intimé visant à rejeter le présent appel en raison de son caractère théorique. Même si l’appelant concède que l’appel est devenu théorique, il demande à la Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour entendre l’appel, parce que la majeure partie du travail préalable à l’audience a été accomplie et que les questions en litige soulevées dans l’appel pourraient l’être de nouveau. Pour les motifs exposés ci-dessous, nous refuserions d’exercer notre pouvoir discrétionnaire de cette façon, accueillerions donc la requête de l’intimé et rejetterions l’appel, sans dépens.

[2]  Un peu de contexte est nécessaire pour formuler la question dont nous sommes saisis.

[3]  L’appelant a présenté une demande d’asile et a également cherché à être inclus comme personne à charge dans la demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire présentée par son épouse et son fils. Un agent d’immigration a rejeté la demande de l’appelant visant à être inclus comme personne à charge, conformément à l’alinéa 25(1.2)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C.  2001, ch. 27 (la LIPR), qui dispose que le ministre ne peut pas examiner une demande fondée sur les motifs d’ordre humanitaire si l’ « étranger » a présenté une demande d’asile en cours devant la Section de la protection des réfugiés (SPR) ou la Section d’appel des réfugiés (SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. Ainsi, l’agent d’immigration a interprété le terme « étranger », comme comprenant non seulement le demandeur principal dont la demande est fondée sur les motifs d’ordre humanitaire, mais également les personnes à charge déclarées.

[4]  Dans une décision publiée sous la référence 2017 CF 981, la Cour fédérale (sous la plume du juge Manson) a confirmé la décision de l’agent d’immigration et a certifié la question suivante conformément à l’alinéa 74d) de la LIPR : « Le terme « étranger » à l’alinéa 25(1.2)b) de la LIPR s’applique-t-il uniquement à une demande présentée par un demandeur principal aux termes du paragraphe 25(1) ou empêche-t-il également le ministre d’examiner les demandes présentées aux termes du paragraphe 25(1) par tous les étrangers au Canada visés dans la demande de statut de résident permanent dont la demande d’asile est pendante devant la SPR ou la SAR? »

[5]  Après que l’appelant a interjeté le présent appel, la SPR lui a accordé le statut de réfugié. Par conséquent, il peut maintenant présenter une demande de résidence permanente. La demande pour motifs d’ordre humanitaire présentée par son épouse a également été accueillie récemment, et elle et leur fils sont eux aussi résidents permanents maintenant.

[6]  Les parties conviennent que la question de savoir si l’appelant avait le droit d’être inclus dans la demande pour motifs d’ordre humanitaire présentée par son épouse est devenue purement théorique, puisque l’appelant a le droit de présenter une demande de résidence permanente en raison du statut de réfugié qui lui a été accordé et qu’il se trouve donc dans la même position que s’il avait été inclus dans la demande pour motifs d’ordre humanitaire présentée par son épouse.

[7]  L’arrêt faisant autorité sur la question du caractère théorique est celui rendu par la Cour suprême du Canada dans Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342. À la page 353 de l’arrêt Borowski, la Cour suprême a établi l’analyse en deux temps suivante afin de déterminer si la Cour devrait refuser d’entendre une affaire en raison de son caractère théorique : premièrement, la Cour doit déterminer si les questions en litige sont devenues théoriques et, deuxièmement, dans l’affirmative, la Cour doit décider si elle exerce néanmoins son pouvoir discrétionnaire et entend l’affaire dans l’intérêt de la justice. Dans ce dernier cas, au nombre des facteurs pertinents, mentionnons l’existence d’un contexte contradictoire, la nécessité d’économiser les ressources judiciaires et la conscience que doivent avoir les tribunaux de leur fonction juridictionnelle dans notre structure politique.

[8]  En l’espèce, je conviens avec l’appelant qu’un contexte contradictoire existerait toujours, car il semble que le ministre ne refuserait pas de prendre part à l’appel si la présente requête était rejetée et que le ministre avait déjà déposé son mémoire des faits et du droit. Ce facteur pèse donc en faveur de l’appelant.

[9]  Cependant, les deux autres facteurs indiquent fortement la direction opposée. La nécessité d’économiser les ressources judiciaires penche en faveur du rejet de l’appel, principalement parce que l’issue de l’appel n’aurait aucune conséquence concrète sur l’appelant. De même, le dernier facteur penche en faveur du rejet de l’appel, puisque le ministre a fait valoir que les fonds publics ne devraient pas continuer à être consacrés au présent appel et que les questions en litige qui y sont soulevées ne sont pas telles qu’elles doivent maintenant être examinées par la Cour.

[10]  À cet égard, la situation factuelle de l’appelant est inhabituelle. Son épouse et lui ont soutenu être homosexuels et s’être mariés pour tenter de cacher leur orientation sexuelle. Ils ont d’abord vécu séparément et plus tard, ensemble au Canada; ils n’ont ajouté l’appelant à la demande pour motifs d’ordre humanitaire qu’après que sa demande d’asile a été renvoyée pour réexamen. Il est peu probable que cette situation factuelle se produise de nouveau; en fait, il semble peu probable que la question soulevée dans la demande de certification se présente souvent. Dans la mesure où la question visée par la demande de certification pourrait être soulevée de nouveau, j’estime qu’il est préférable que cette question soit examinée dans le contexte où elle a été soulevée plutôt qu’en l’espèce, où nous sommes en présence de faits inhabituels, devenus théoriques.

[11]  J’accueillerais donc la requête de l’intimé et je rejetterais le présent appel. Il n’y a pas de fondement pour l’adjudication de dépens aux termes de l’article 22 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Johanne Gauthier j.c.a. »

« Je suis d’accord.

J.B. Laskin j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-345-17

 

INTITULÉ :

SERGIY YURIS c. LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GLEASON

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE LASKIN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 26 SEPTEMBRE 2018

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Lorne Waldman

Clarisa Waldman

 

Pour l’appelant

 

Laoura Christodoulides

 

Pour l’intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour l’appelant

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimé

 

 

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