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Date : 20190509


Dossier : A-261-17

Référence : 2019 CAF 119

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE WOODS

LA JUGE RIVOALEN

 

 

ENTRE :

 

 

ROBERT MEERMAN

 

 

appelant

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 10 avril 2019.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 9 mai 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE WOODS

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE RIVOALEN

 


Date : 20190509


Dossier : A-261-17

Référence : 2019 CAF 119

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE WOODS

LA JUGE RIVOALEN

 

 

ENTRE :

 

 

ROBERT MEERMAN

 

 

appelant

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE WOODS

[1]  Robert Meerman interjette appel d’un jugement de la Cour canadienne de l’impôt (motifs du juge Visser) rejetant son appel en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), à l’égard des nouvelles cotisations établies pour les années d’imposition 2006 à 2011. Comme le jugement n’est pas publié, nous y ferons référence par le numéro de dossier de la Cour canadienne de l’impôt, 2015-2422(IT)G.

[2]  Pour établir les nouvelles cotisations, le ministre du Revenu national s’est fondé sur l’hypothèse voulant que M. Meerman ait omis de déclarer des revenus totalisant 1 052 369 $. Cette somme a été ajoutée aux revenus de M. Meerman et des pénalités pour faute lourde ont été imposées. En outre, quatre des nouvelles cotisations ont été établies après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation.

[3]  Les revenus visés constituaient une rémunération pour le travail que M. Meerman avait effectué en tant que mécanicien de machinerie lourde pour Meerman Contracting Limited (la société). La société a été créée par M. Meerman aux alentours de 1997 dans le but de fournir des services de sous-traitance que M. Meerman avait déjà fournis à titre personnel.

[4]  Il ressort essentiellement des observations de M. Meerman que la rémunération reçue de la société ne constitue pas un revenu en raison de l’absence d’intention de réaliser un profit. M. Meerman indique qu’il avait le droit de faire ce choix et qu’il avait décidé d’exercer cette activité comme [traduction] « démarche personnelle à des fins non commerciales ».

[5]  Dans les motifs qu’il a rendus oralement de manière détaillée et convaincante, le juge de première instance a écarté cet argument ainsi que tous les autres arguments de M. Meerman, et a rejeté l’appel dans sa totalité.

[6]  En ce qui a trait à l’argument de M. Meerman reposant sur son absence d’intention de réaliser un profit et sa volonté de poursuivre une démarche personnelle à des fins non commerciales, le juge de première instance a fait observer que la thèse de M. Meerman était [traduction] « absurde » et semblable aux thèses avancées dans des affaires bien connues de « détaxation ». Le juge a considéré que la rémunération était importante et qu’elle résultait de grandes quantités de travail et de temps. Il a conclu que l’activité ne comportait aucun élément personnel et qu’elle constituait une entreprise (dossier d’appel, aux pages 303 à 305).

[7]  Le juge de première instance a également refusé la déduction demandée pour des dépenses d’entreprise, qui, selon M. Meerman, aurait dû être accordée à titre subsidiaire. Le juge a souligné que M. Meerman avait reconnu ne pas avoir fait ces dépenses et que, même s’il les avait faites, il en avait détruit les pièces justificatives (dossier d’appel, à la page 340).

[8]  En ce qui a trait aux pénalités pour faute lourde, le juge s’est fondé sur divers facteurs pour conclure que les pénalités étaient justifiées parce que M. Meerman avait sciemment omis de déclarer des revenus. Le juge a tenu compte notamment des facteurs suivants :

  • M. Meerman avait préparé ses propres déclarations de revenus pour les années d’imposition en cause;

  • l’argument de M. Meerman voulant que la position qu’il avait adoptée dans ses déclarations fût fondée sur un [traduction]« principe de droit » était douteux, puisque M. Meerman a d’abord produit ses déclarations de revenus sur ce fondement en 2006 et n’a pris connaissance de ce [traduction] « principe de droit » qu’aux environs de 2008;

  • M. Meerman a fait des déclarations contradictoires dans ses déclarations de revenus sur la question de savoir s’il était citoyen canadien;

  • M. Meerman s’est fondé sur de nombreux arguments utilisés auparavant par des personnes faisant la promotion de la « détaxation », comme : [traduction] « Vous ne pouvez pas forcer quelqu’un à se lancer dans des activités commerciales contre son gré, en dépit de ses objections, cela s’appelle de l’esclavage. »

(Dossier d’appel, aux pages 308 à 312.)

[9]  Le juge de première instance a également conclu que M. Meerman avait fait preuve d’aveuglement volontaire en omettant de déclarer ses revenus. Il s’agissait d’un facteur de plus justifiant l’imposition de pénalités pour faute lourde ainsi que l’établissement de nouvelles cotisations à l’égard des années d’imposition 2006 à 2009 au-delà de la période normale de nouvelle cotisation.

[10]  Pour conclure à l’aveuglement volontaire, le juge a adopté les facteurs souvent cités énoncés dans la décision Torres c. La Reine, 2013 CCI 380, [2013] A.C.I. no 332 (QL). Le juge a souligné que les circonstances éveillaient des soupçons et laissaient supposer la nécessité de s’informer sur la justesse de la position adoptée dans la production des déclarations. Ces circonstances comprenaient l’importance des revenus en cause, le caractère flagrant des faux énoncés en raison de leur importance et de leur nature et, enfin, le fait que M. Meerman connaissait bien les arguments souvent invoqués par les « détaxeurs » (dossier d’appel, aux pages 312 à 316).

[11]  La norme de contrôle applicable en appel aux questions ci-dessus est la norme énoncée dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235. Toutes ces questions comportent une composante factuelle importante. Par conséquent, la Cour doit faire preuve de retenue à l’égard des conclusions de la Cour canadienne de l’impôt sur ces questions, sauf s’il y a erreur manifeste et dominante. Je suis d’avis que les conclusions auxquelles le juge est parvenu sont amplement justifiées eu égard au dossier et que nous ne sommes pas en présence d’une telle erreur.

[12]  M. Meerman soutient également que le juge de première instance a commis une erreur de procédure.

[13]  Tout d’abord, il fait valoir que le juge de première instance a commis une erreur en refusant d’entendre une requête en radiation de parties de la réponse de l’intimée. Selon les observations que M. Meerman a formulées devant la Cour canadienne de l’impôt sur cette question, il a subi un préjudice en raison des hypothèses de fait que le ministre a énoncées dans sa réponse, parce que ces hypothèses font référence à des termes utilisés dans la Loi. L’exemple que M. Meerman a donné est l’hypothèse du ministre selon laquelle M. Meerman exploitait une entreprise. Il a fait valoir qu’il s’agissait d’une conclusion de droit qui n’était fondée sur aucun fait (dossier d’appel, à la page 202) et que cette conclusion lui portait préjudice.

[14]  Le rejet d’une requête en radiation est une décision procédurale discrétionnaire qui ne peut être infirmée que s’il y a erreur manifeste et dominante ou erreur de droit isolable (CBS Canada Holdings Co. c. Canada, 2017 CAF 65, au paragraphe 15). M. Meerman n’a pas fait la preuve qu’il y a une telle erreur en l’espèce. Le juge a refusé d’entendre la requête parce qu’elle n’a pas été présentée dans les délais en raison de nouvelles mesures qui avaient été prises et que le préjudice n’avait pas été établi puisque M. Meerman connaissait très bien la preuve à laquelle il devait répondre. Le juge pouvait tirer ces conclusions.

[15]  M. Meerman soutient également que le juge de première instance a commis une erreur en permettant à l’intimée de soulever une nouvelle question qui ne figurait pas dans les actes de procédure. M. Meerman a décrit la question comme étant des [traduction] « allégations à l’endroit de l’appelant selon lesquelles il était un plaideur invoquant “l’argumentation commerciale pseudojuridique organisée” » (mémoire de l’appelant, au paragraphe 54). M. Meerman soutient qu’il a été pris par surprise devant la Cour canadienne de l’impôt lorsque cette question a été soulevée, qu’il n’a pas eu la possibilité d’y répondre adéquatement et que cela a entraîné un manquement aux principes de justice naturelle.

[16]  La nouvelle question alléguée a été soulevée pendant le contre-interrogatoire de M. Meerman, au cours duquel l’intimée lui a posé des questions concernant des renseignements qu’il aurait pu tenir du fait de ses liens avec un groupe connu sous le nom de Paradigm Education Group. Dans ses observations, l’intimée a fait ressortir les similitudes entre le principal argument invoqué par M. Meerman dans le présent appel et des arguments qui ont déjà été avancés par Paradigm et qui ont fait l’objet de critiques dans la décision bien connue rendue par la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta Meads v. Meads, 2012 ABQB 571, 543 A.R. 215, au paragraphe 89.

[17]  Contrairement à ce que M. Meerman affirme, les [traduction] « allégations […] selon lesquelles il était un plaideur invoquant “l’argumentation commerciale pseudojuridique organisée” » ne constituaient pas une nouvelle question soulevée par l’intimée pour la première fois à l’audience devant la Cour canadienne de l’impôt. Elle ne faisait qu’étayer les principales questions en litige dans l’appel, y compris la question de savoir si M. Meerman avait l’intention de réaliser un profit et si les faux énoncés dans les déclarations de revenus avaient été faits sciemment ou dans des circonstances équivalentes à de l’aveuglement volontaire. Il n’y a pas eu de manquement aux principes de justice naturelle.

[18]  Je rejetterais l’appel avec dépens établis à 1 700 $ (taxes et débours compris).

« Judith Woods »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Eleanor R. Dawson, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Marianne Rivoalen, j.c.a. »

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-261-17

 

APPEL D’UN JUGEMENT RENDU PAR L’HONORABLE JUGE VISSER LE 23 JUIN 2017, DOSSIER NO 2015-2422(IT)G

INTITULÉ :

ROBERT MEERMAN c.

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 10 avril 2019

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE WOODS

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE RIVOALEN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 9 mai 2019

 

COMPARUTIONS :

Robert Meerman

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Max Matas

 

Pour l’intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimée

 

 

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