Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20190619


Dossier : A-194-18

Référence : 2019 CAF 184

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

 

ENTRE :

JOSEPH HUBERT FRANCIS

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 19 juin 2019.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 19 juin 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE RENNIE

 


Date : 20190619


Dossier : A-194-18

Référence : 2019 CAF 184

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

 

ENTRE :

JOSEPH HUBERT FRANCIS

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 19 juin 2019)

LE JUGE RENNIE

[1]  La Cour est saisie d’un appel d’une décision rendue par le juge McDonald de la Cour fédérale (2018 CF 623) rejetant l’appel de l’appelant selon les termes du paragraphe 51(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. L’appel visait une ordonnance rendue par la protonotaire Tabib rejetant la requête de l’appelant en vue d’obtenir une provision pour frais. L’appelant a soutenu que la provision pour frais était nécessaire afin de lui permettre de poursuivre l’instance qu’il a intentée devant la Cour fédérale afin d’obtenir un jugement déclaratoire. Ces déclarations étaient nécessaires pour sa défense contre des accusations déposées à son encontre en application du Règlement de pêche de l’Atlantique de 1985, DORS/86-21 et de la Loi sur les pêches, L.R.C., 1985, ch. F-14, pour pêche non autorisée dans le golfe du Saint-Laurent. Les déclarations demandées dans la déclaration sont liées à ses droits ancestraux et issus des traités à titre de Micmac et de membre de la Première Nation Elsipogtog du Nouveau-Brunswick.

[2]  Une décision discrétionnaire d’un protonotaire peut seulement être infirmée si elle comporte une erreur de droit ou une erreur manifeste et dominante concernant une question de fait ou mixte de fait et de droit (Corporation de soins de la santé Hospira c. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215, [2017] 1 R.C.F. 331 aux para. 64, 65 et 79 [arrêt Hospira]). Cette norme de contrôle s’applique également lorsque notre Cour contrôle l’examen qu’a fait un juge de la Cour fédérale d’une décision d’un protonotaire (arrêt Hospira aux para. 83 et 84).

[3]  La Cour suprême a établi les critères à satisfaire pour ordonner une provision pour frais dans l’arrêt Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) c. Bande indienne Okanagan, 2003 CSC 71 au para. 40, [2003] 3 R.C.S. 371 [arrêt Okanagan] :

1.  La partie qui demande une provision pour frais n’a véritablement pas les moyens de payer les frais occasionnés par le litige et ne dispose réalistement d’aucune autre source de financement lui permettant de soumettre les questions en cause au tribunal — bref, elle serait incapable d’agir en justice sans l’ordonnance.

2.  La demande vaut prima facie d’être instruite, c’est‑à‑dire qu’elle paraît au moins suffisamment valable et, de ce fait, il serait contraire aux intérêts de la justice que le plaideur renonce à agir en justice parce qu’il n’en a pas les moyens financiers.

3.  Les questions soulevées dépassent le cadre des intérêts du plaideur, revêtent une importance pour le public et n’ont pas encore été tranchées.

[4]  Les ordonnances de provision pour frais sont exceptionnelles. Elles sont uniquement délivrées dans des circonstances spéciales et en dernier recours lorsqu’à la fois le demandeur et le grand public seraient victimes d’une injustice si aucune provision n’était accordée (arrêt Little Sisters Book and Art Emporium c. Canada (Commissaire des Douanes et du Revenu), 2007 CSC 2 aux para. 36 à 41, [2007] 1 R.C.S. 38 [arrêt Little Sisters]). Toutefois, le Tribunal conserve le pouvoir discrétionnaire d’examiner tous les facteurs pertinents à un dossier (arrêt Little Sisters au para. 37).

[5]  La protonotaire a conclu que l’appelant n’avait pas les ressources financières nécessaires pour poursuivre son action déclaratoire devant la Cour fédérale. Toutefois, la protonotaire a également relevé le manque de preuve attestant de l’admissibilité de l’appelant à recevoir de l’aide juridique pour se défendre dans la poursuite par voie de procédure sommaire qui a été intentée à son encontre au Québec. La protonotaire n’était pas convaincue à la lumière des éléments de preuve et des éléments de droit qui lui avaient été soumis qu’une procédure pénale serait inadéquate pour régler des questions de droit autochtone telles que celles soulevées par l’appelant. De plus, l’appelant n’a pas été en mesure d’établir qu’il n’y avait aucune autre source de financement lui permettant de soumettre les questions à un procès. L’appelant n’est pas parvenu à satisfaire au premier critère.

[6]  Le juge de la Cour fédérale a souscrit à cette conclusion. Le juge des requêtes de la Cour fédérale a également souligné la nature personnelle de l’ordonnance déclaratoire demandée par l’appelant. L’exigence voulant que le financement soit nécessaire pour poursuivre un litige constitutionnel important, au sens de l’arrêt R. c. Caron, 2011 CSC 5 au para. 19, [2011] 1 R.C.S. 78, et que les questions transcendent le dossier de l’appelant n’est pas remplie. Ainsi, l’appelant n’est pas parvenu à satisfaire au troisième critère non plus.

[7]  Devant notre Cour, l’appelant a réitéré sa prétention voulant que la poursuite par voie de procédure sommaire fût inadéquate pour régler sa revendication fondée sur ses droits ancestraux et issus des traités. En somme, ce type de procédure n’offre pas une « autre source de financement », comme l’entrevoit la Cour suprême dans l’arrêt Okanagan. Il soutient, par exemple, que l’ordonnance déclaratoire demandée ne peut être obtenue dans le cadre d’une poursuite par voie de procédure sommaire.

[8]  La protonotaire et le juge des requêtes ont tous deux conclu qu’il était loisible à l’appelant de faire valoir ses droits ancestraux et issus des traités dans le cadre de la poursuite par voie de procédure sommaire et, comme la preuve n’était pas suffisante pour déterminer s’il avait accès à des ressources financières adéquates dans ce cadre, ils ont estimé qu’aucune ordonnance de provision pour frais ne devrait être rendue. Il incombait à l’appelant de convaincre la Cour du bien-fondé de sa thèse, ce qu’il n’est pas parvenu à faire. En conséquence, selon les principes établis dans l’arrêt Hospira, nous ne voyons aucune erreur justifiant l’intervention de notre Cour.

[9]  Il suffit de déterminer qu’aucune erreur n’a été commise dans l’application du premier critère dans l’arrêt Okanagan pour rejeter l’appel. Il n’est pas nécessaire d’examiner les arguments quant à la qualité pour agir de l’appelant pour soulever des questions collectives relativement aux droits ancestraux et issus des traités ou quant à l’incidence du refus d’une provision pour frais sur l’intérêt du public.

[10]  Nous rejetterons l’appel avec dépens.

« Donald J. Rennie »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme.

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR FÉDÉRALE DATÉ DU 15 JUIN 2018, DOSSIER NO T-474-17 (2018 CF 623)

DOSSIER :

A-194-18

 

INTITULÉ :

JOSEPH HUBERT FRANCIS c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 19 juin 2019

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE RENNIE

DATE DES MOTIFS :

Le 19 juin 2019

COMPARUTIONS :

Michael Kennedy

Jennifer Singh

Pour l’appelant

Jonathan D. N. Tarlton

Susan L. Inglis

Pour l’intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Patterson Law

Halifax (Nouvelle-Écosse)

Pour l’appelant

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimée

 

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