Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20190620


Dossier : A-162-19

Référence : 2019 CAF 185

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

 

ENTRE :

GRAND CONSEIL DES CRIS (EEYOU ISTCHEE)

appelant

et

GARRY LESLIE MCLEAN, ROGER AUGUSTINE, CLAUDETTE COMMANDA, ANGELA ELIZABETH SIMONE SAMPSON, MARGARET ANNE SWAN ET MARIETTE BUCKSHOT

intimés

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, représentée par LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimée

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 18 juin 2019.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 20 juin 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RENNIE

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

 


Date : 20190620


Dossier : A-162-19

Référence : 2019 CAF 185

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

 

ENTRE :

GRAND CONSEIL DES CRIS (EEYOU ISTCHEE)

appelant

et

GARRY LESLIE MCLEAN, ROGER AUGUSTINE, CLAUDETTE COMMANDA, ANGELA ELIZABETH SIMONE SAMPSON, MARGARET ANNE SWAN ET MARIETTE BUCKSHOT

intimés

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, représentée par LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE RENNIE

[1]  Les appels sont interjetés par le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) [Grand Conseil] (A-162-19), Nunavut Tunngavik Incorporated [Nunavut] (A-166-19), ainsi que la Première nation de Whapmagoostui et Emma Sandy Mamianskum [Whapmagoostui/Mamianskum] (A-168-19), dans le cadre de l’approbation du règlement d’un recours collectif autorisé intenté par les survivants des externats indiens fédéraux (le « recours McLean »). Notre Cour a ordonné l’instruction conjointe et accélérée des trois appels. Les présents motifs sont rendus dans chaque dossier d’appel.

[2]  Chaque appelant a sollicité par voie de requête, conformément à l’article 109 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, l’autorisation d’intervenir dans l’approbation du règlement et celle, notamment, de présenter des arguments pendant l’audience d’approbation du règlement. Les requêtes ont été rejetées par le juge Phelan de la Cour fédérale (2019 CF 513; 2019 CF 515; 2019 CF 517; 2019 CF 518). Si de brefs motifs assortissaient l’ordonnance ayant tranché chaque requête, la Cour a principalement fondé ses décisions sur un jugement qu’elle avait rendu dans une requête en intervention antérieure connexe : McLean et autres c. le Procureur général du Canada, 2019 CF 511 [McLean]. Dans l’examen des arguments dont nous sommes saisis et pour comprendre les ordonnances rendues par le juge à l’égard des requêtes, il faut tenir compte des motifs dont ces ordonnances sont assorties comme un tout.

[3]  L’autorisation d’intervenir prévue à l’article 109 des Règles est discrétionnaire. La norme de contrôle applicable à une ordonnance discrétionnaire d’un juge des requêtes est celle énoncée dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235. L’intervention de notre Cour n’est justifiée qu’en cas d’erreur de droit ou d’erreur manifeste et dominante concernant une question de fait ou une question mixte de fait et de droit.

[4]  Dans l’affaire McLean, le juge mentionne les critères « non exhaustifs et souples » qui doivent être pris en compte dans l’examen des requêtes présentées au titre de l’article 109 des Règles et que la Cour a confirmés dans l’arrêt Sport Maska Inc. c. Bauer Hockey Corp., 2016 CAF 44, [2016] 4 R.C.F. 3 [Sport Maska]. Le juge reconnaît que le poids de chaque critère varie selon le contexte, qu’il décrit en l’occurrence en ces termes [traduction] : « une action en responsabilité délictuelle visant les dommages-intérêts qui seront accordés aux membres du groupe et la création d’un fonds à l’intention de ces derniers afin de les aider dans le processus de guérison de leurs blessures » (aux para. 12 et 13).

[5]  Selon le juge, ni le Grand Conseil ni Whapmagoostui n’ont été directement touchés par la procédure de règlement. Il n’est pas non plus convaincu que les préoccupations de ces organisations ne puissent pas être soulevées dans le cadre de la procédure d’opposition dont peuvent se prévaloir ceux parmi leurs membres qui appartiennent au groupe. Le juge rejette la demande du Grand Conseil au motif que seuls quelques-uns de ses membres sont touchés par le règlement et qu’il n’a pas démontré non plus pourquoi ses membres qui appartiennent au groupe ne peuvent pas transmettre les préoccupations des Cris par ce mécanisme (aux para. 24 et 25). Le juge rejette également la requête de Mme Mamianskum au motif qu’elle fait partie elle-même du groupe.

[6]  À l’égard de Nunavut, le juge conclut que, même si aucun membre du groupe n’appuie son intervention, certaines de ses préoccupations ont déjà été exprimées par d’autres organisations dont certains membres appartiennent au groupe. Il estime que, tant que des membres du groupe soulèvent les préoccupations de Nunavut, notamment en ce qui concerne la portée du règlement dans le cas des Inuits du Nunavut, la procédure d’opposition constitue une tribune raisonnable et efficace pour le traitement de ces préoccupations.

[7]  De l’avis du juge, la procédure d’opposition constitue une réponse complète aux troisième, quatrième, cinquième et sixième volets du critère relatif à l’intervention énoncé dans l’arrêt Sport Maska. Il conclut que l’intervention ne sert pas les intérêts de la justice dans ce cas.

[8]  En appel, le Grand Conseil, Whapmagoostui et Mamianskum reprochent au juge la façon dont il a appliqué le critère de la personne « directement touchée » applicable lorsqu’il s’agit d’autoriser ou non l’intervention pour l’application de l’article 109 des Règles. Ils soutiennent que le juge a interprété à tort ce critère comme une condition préalable stricte plutôt que comme un facteur parmi tant d’autres. Quoi qu’il en soit, ils se disent, en fait, directement touchés par le règlement en raison, entre autres, de l’appui que le Grand Conseil et Whapmagoostui ont accordée aux membres du groupe et à leurs communautés à toutes les étapes ayant mené au règlement, et en particulier, à sa mise en œuvre. Nunavut, pour sa part, affirme qu’en traitant l’action en responsabilité délictuelle comme une affaire de droit privé, le juge a commis une erreur et a fait fi du caractère public du règlement et du contexte pertinent qui préside à l’intervention sollicitée. Selon Nunavut, entre autres, le juge n’a pas compris que l’action portait sur des droits constitutionnels et ancestraux collectifs. Une telle erreur, selon elle, a en partie mené le juge à mal apprécier l’efficacité de la procédure d’opposition, particulièrement en ce qui a trait aux préoccupations de Nunavut concernant la portée de l’entente de règlement.

[9]  À mon avis, les rejets doivent être maintenus. Le juge a bien énoncé le critère servant à décider s’il convient d’autoriser l’intervention en vertu de l’article 109 des Règles, et les volets de son application. Bien que les motifs soient laconiques et parfois conclusifs, vu la norme de contrôle applicable à une décision discrétionnaire rendue en application de l’article 109 des Règles, les appelants n’ont pas soulevé d’erreur manifeste et dominante dans l’exercice par le juge de son pouvoir discrétionnaire.

[10]  Même si le juge a en fait appliqué le critère équivalent de la partie directement touchée applicable dans le cas de la désignation d’une partie (au titre de l’article 303 des Règles), et non celui plus souple demandé par l’appelant, il s’agit d’une erreur sans conséquence. Le juge a rejeté les requêtes principalement au motif qu’il existe une tribune adéquate où les préoccupations des intervenants peuvent néanmoins être portées à l’attention de la Cour. Même si notre Cour aurait pu fort bien parvenir à une conclusion différente quant à l’utilité d’observations d’intervenants, là n’est pas notre rôle, et on ne peut pas dire que le juge a commis une erreur susceptible de révision dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

[11]  Comme nous le mentionnons, le Grand Conseil soutient que le juge a mal évalué la nature de son intérêt dans une action privée soulevant les questions de responsabilité civile, d’obligation fiduciaire et des droits ancestraux et issus de traités. Or, toute ambiguïté sur ce point a été dissipée au cours de l’audience par le représentant du procureur général qui a confirmé que le règlement n’avait pas d’incidence sur les droits constitutionnels ou collectifs.

[12]  Par conséquent, je rejetterais les appels avec dépens.

« Donald J. Rennie »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Richard Boivin, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Mary J.L. Gleason, j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL D’UNE ORDONNANCE DE LA COUR FÉDÉRALE, DATÉE DU 25 AVRIL 2019, DOSSIER NO T-2169-16 (2019 CF 517)

DOSSIER :

A-162-19

 

INTITULÉ :

GRAND CONSEIL DES CRIS (EEYOU ISTCHEE) c. GARRY LESLIE MCLEAN et autres et SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA représentée par LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 18 juin 2019

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RENNIE

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

DATE DES MOTIFS :

Le 20 JUIN 2019

COMPARUTIONS :

John K. Phillips

W. Cory Wanless

Pour l’appelant

Mary M. Thomson

Guy Régimbald

John J. Wilson

Pour les intimés

Travis Henderson

Sarah-Dawn Norris

Sarah Jane Howard

pour l’intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waddell Phillips CP

Toronto (Ontario)

Pour l’appelant

Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Ottawa (Ontario)

Pour les intimés

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

intimée

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.