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Date : 20190722


Dossier : A-430-17

Référence : 2019 CAF 210

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE RENNIE

 

ENTRE :

 

 

YONGWOO KIM

 

 

appelant

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 8 avril 2019.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 22 juillet 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE RENNIE

 


Date : 20190722


Dossier : A-430-17

Référence : 2019 CAF 210

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE RENNIE

 

ENTRE :

 

 

YONGWOO KIM

 

 

appelant

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE WEBB

[1]  La Cour est saisie d’un appel d’un jugement rendu par le juge Smith (2017 CCI 246), qui a rejeté l’appel interjeté par M. Kim devant la Cour canadienne de l’impôt relativement aux cotisations établies pour les années d’imposition 2009 et 2010. Le ministre du Revenu national (le ministre) a refusé la déduction de certaines pertes d’entreprise et a également imposé des pénalités en application du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi). La question à trancher dans le présent appel porte sur le déroulement de l’audience devant la Cour canadienne de l’impôt et la possibilité qu’il y ait eu manquement à l’équité procédurale justifiant l’intervention de notre Cour.

[2]  Pour les motifs qui suivent, je rejetterais le présent appel.

I.  Résumé des faits

[3]  M. Kim travaillait pour Bombardier Inc.; en 2009 et 2010, il a déclaré des revenus d’emploi de 81 568 $ et de 85 568 $, respectivement. Il a également déclaré des pertes d’entreprise de 256 375 $ en 2009 et de 114 848 $ en 2010. Il semble que M. Kim se soit basé sur des renseignements reçus de DSC Lifestyle Services pour demander la déduction de pertes d’entreprise. Cet organisme était associé au groupe de spécialistes en déclarations de revenus connu sous le nom de « Fiscal Arbitrators ». Il semble que les pertes d’entreprise aient été fondées sur la notion irréaliste qu’avait M. Kim que son revenu d’emploi était attribué à une entité juridique fictive et qu’il était possible d’établir une distinction entre cette entité juridique fictive et l’être humain. Selon cette notion, cette entité fictive pouvait payer ses dépenses réelles, ce qui donnait lieu aux pertes déclarées.

[4]  En plus de se voir refuser la déduction des pertes demandée en 2009 et en 2010, M. Kim s’est vu imposer des pénalités en application du paragraphe 163(2) de la Loi.

II.  La décision rendue par la Cour canadienne de l’impôt

[5]  Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu que M. Kim n’avait mené aucune activité qui pouvait être attribuée à une entreprise au sens de la Loi, en 2009 ou 2010. Il a également conclu que les revenus et les dépenses d’entreprise étaient « entièrement fictifs » et qu’ils avaient été « créés de toutes pièces ». Les pénalités imposées ont été maintenues.

III.  La question en litige et la norme de contrôle

[6]  Bien que M. Kim ait énoncé un certain nombre de questions dans son mémoire, ces questions peuvent essentiellement être regroupées et résumées ainsi : la manière dont la Cour canadienne de l’impôt a mené l’audience a-t-elle donné lieu à un manquement à l’équité procédurale et, le cas échéant, ce manquement justifie-t-il l’intervention de notre Cour?

[7]  Dans l’arrêt Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, [2018] A.C.F. no 382 (QL), notre Cour a fait observer ce qui suit au paragraphe 54 :

[54]  La cour qui apprécie un argument relatif à l’équité procédurale doit se demander si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances, y compris à l’égard des facteurs énoncés dans l’arrêt [Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S 817, aux pages 837 à 841, 174 D.L.R. (4th) 193].

IV.  Discussion

[8]  Au paragraphe 2 de ses motifs, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a fait observer ceci :

[2]  Les questions à trancher consistent à savoir si l’appelant avait le droit de déduire des pertes d’entreprise pour les années en question et, dans la négative, si le ministre avait le droit d’imposer des pénalités pour faute lourde.

[9]  Bien que cela donne à penser que deux questions – soit la déduction des pertes d’entreprise et l’imposition de pénalités – étaient en litige, au paragraphe 4 de ses motifs, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a ajouté ceci :

[4]  Dès le début, l’appelant a insisté pour dire que la question à laquelle devait répondre la Cour était celle de savoir si la Couronne avait présenté des éléments de preuve pour justifier les pénalités pour faute lourde. À plusieurs reprises, il a demandé à la Couronne de présenter de tels éléments de preuve. Selon lui, il n’y avait aucune autre question à examiner.

[10]  À l’audience devant la Cour canadienne de l’impôt, M. Kim s’est exprimé par l’intermédiaire d’un interprète. L’échange suivant a eu lieu au début de l’audience, avant que commencent les témoignages :

[TRADUCTION]

L’interprète :

J’aurais une question, votre honneur.

Le juge Smith :

Vous avez une question? Quelle est-elle?

L’interprète :

J’aimerais limiter le sujet des discussions aujourd’hui à celui des pénalités.

Le juge Smith :

D’accord. Mais pouvons-nous parler uniquement des pénalités aujourd’hui?

Le juge Smith :

Les pénalités imposées résultent de certains faits. Nous devons examiner les faits, car la Cour doit comprendre quels sont les faits en cause.

L’interprète :

Peut-être allons-nous discuter des faits à l’origine des pénalités.

Le juge Smith :

Oui. J’aimerais apporter une précision; en droit canadien, et plus précisément selon la Loi canadienne de l’impôt sur le revenu, ce sont les contribuables qui doivent déclarer leur revenu, et cela se fait par autocotisation. Vous comprenez? C’est en partie pour cette raison que la Couronne a énoncé les faits indiqués dans sa réponse. Avez-vous une copie de la réponse?

[...]

[...]

Le juge Smith :

C’est bien, vous pouvez la lire. Donc il peut la lire. Voici ce que je dirai. Paragraphes 10, A à Q : ces paragraphes énoncent les faits sur lesquels le ministre s’est basé pour établir la cotisation. Et ce sont les faits sur lesquels il s’est basé pour établir les pénalités. Donc --

L’interprète :

Mais je crois que l’hypothèse est erronée.

Le juge Smith :

Parfait. C’est justement la raison pour laquelle vous et votre témoin avez l’occasion aujourd’hui de présenter des témoignages de vive voix. Car c’est à vous de convaincre la Cour que ces faits sont erronés.

L’interprète :

Alors, c’est bien des pénalités que nous allons parler aujourd’hui?

Le juge Smith :

Oui.

[11]  Les appels devant la Cour canadienne de l’impôt sont interjetés par les appelants qui contestent les cotisations (ou nouvelles cotisations) établies par le ministre. Comme c’est le contribuable qui interjette l’appel, il devrait avoir le droit d’en limiter la portée aux pénalités imposées en application du paragraphe 163(2) de la Loi. Même si les avis d’appel déposés par M. Kim indiquaient que le litige portait à la fois sur le refus des déductions de pertes d’entreprise et sur l’imposition de pénalités, par l’échange cité ci-dessus, M. Kim a limité l’appel uniquement à l’imposition de pénalités. À titre d’appelant, M. Kim avait le droit de limiter son appel à cette seule question.

[12]  Lorsqu’il a témoigné plus tard durant l’audience, M. Kim a affirmé qu’il contestait peut-être également le refus de la déduction des pertes d’entreprise, ce qui aurait été contraire à ses affirmations selon lesquelles l’imposition des pénalités était la seule question que la Cour canadienne de l’impôt devait trancher. Les arguments de M. Kim concernant le manquement à l’équité procédurale reposent sur l’idée que l’audience de la Cour canadienne de l’impôt aurait dû porter uniquement sur les pénalités imposées. Je suis d’avis que, même si je concluais que l’appel aurait dû se limiter à la seule question de l’imposition des pénalités, les erreurs commises (lesquelles sont décrites plus en détail ci-après) ne sont pas suffisantes pour justifier l’intervention de notre Cour, de sorte que la discussion sera fondée sur l’hypothèse que la seule question sur laquelle la Cour canadienne de l’impôt devait se prononcer à l’audience sur l’appel de M. Kim était l’imposition des pénalités.

[13]  Si l’on accepte cette prémisse, les erreurs alléguées peuvent être considérées comme des erreurs quant à la personne à laquelle incombe le fardeau de la preuve et à l’ordre de présentation de la preuve lors de l’audience devant la Cour canadienne de l’impôt.

A.  Le fardeau de la preuve

[14]  Selon le paragraphe 163(3) de la Loi, c’est le ministre, et non le contribuable, qui a la charge d’établir les faits qui justifient l’imposition de pénalités.

Charge de la preuve relativement aux pénalités

Burden of proof in respect of penalties

(3) Dans tout appel interjeté, en vertu de la présente loi, au sujet d’une pénalité imposée par le ministre en vertu du présent article ou de l’article 163.2, le ministre a la charge d’établir les faits qui justifient l’imposition de la pénalité.

(3) Where, in an appeal under this Act, a penalty assessed by the Minister under this section or section 163.2 is in issue, the burden of establishing the facts justifying the assessment of the penalty is on the Minister.

[15]  Le fardeau de prouver les faits justifiant l’imposition d’une pénalité en application du paragraphe 163(2) de la Loi incombe au ministre. Vu l’existence de fondements législatifs clairs attribuant ce fardeau au ministre, les réponses du ministre ont établi une distinction entre, d’une part, les hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s’était fondé pour refuser la déduction des pertes d’entreprise (qui sont énoncées au paragraphe 10 de la réponse au nouvel avis d’appel déposé pour l’année 2009 et au paragraphe 8 de la réponse à l’autre nouvel avis d’appel déposé pour l’année 2010) et, d’autre part, les faits allégués par le ministre pour justifier les pénalités (qui sont énoncés au paragraphe 12 de la réponse au nouvel avis d’appel déposé pour l’année 2009 et au paragraphe 10 de la réponse à l’autre nouvel avis d’appel déposé pour l’année 2010).

[16]  Comme la charge d’établir les faits justifiant l’imposition d’une pénalité incombe au ministre, ce dernier ne peut pas simplement se fonder sur les allégations de fait énoncées dans ses réponses pour établir ces faits. Le ministre doit présenter des éléments de preuve qui permettent d’établir ces faits. Si aucun élément de preuve n’est présenté à l’audience, aucun fait justifiant l’imposition des pénalités n’est établi. Les éléments de preuve peuvent toutefois provenir du témoignage du contribuable – que ce soit lorsque ce dernier est appelé à témoigner par la Couronne ou lorsqu’il est contre-interrogé par la Couronne.

[17]  Je suis d’avis que le juge de la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur lorsqu’il a dit à M. Kim qu’il lui incombait de produire des éléments de preuve pour réfuter les faits allégués dans les réponses du ministre, après que M. Kim eut déclaré que la question en litige devant la Cour canadienne de l’impôt se limitait à l’imposition des pénalités. Bien que le juge de la Cour canadienne de l’impôt ait reconnu, dans ses motifs écrits, qu’il incombait au ministre d’établir les faits qui justifieraient l’imposition des pénalités, ces motifs ont été prononcés bien après la fin de l’audience de la Cour canadienne de l’impôt.

[18]  Cependant, même si le juge de la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en déclarant que M. Kim avait le fardeau de prouver que les faits allégués dans les réponses du ministre pour justifier l’imposition de pénalités étaient erronés (ce qui signifierait que M. Kim devait établir les faits qui mèneraient à la conclusion que les pénalités n’auraient pas dû être imposées), il ne s’ensuit pas nécessairement que M. Kim aura droit à une nouvelle audience.

[19]  Dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, le juge Binnie, s’exprimant au nom des juges majoritaires de la Cour suprême, a déclaré ce qui suit :

[43] L’intervention judiciaire est aussi autorisée dans les cas où l’office fédéral

b)  n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’il était légalement tenu de respecter;

Aucune norme de contrôle n’est précisée. Par contre, suivant Dunsmuir, les questions de procédure (sous réserve d’une dérogation législative valide) doivent être examinées par un tribunal judiciaire selon la norme de la décision correcte. En pareil cas, la prise de mesures est régie par les principes de common law, qui prévoient notamment l’abstention d’accorder réparation si l’erreur procédurale est un vice de forme et n’entraîne aucun dommage important ni déni de justice (Pal, par. 9). C’est ce que confirme le par. 18.1(5). On a pu croire que la Cour fédérale, du fait qu’elle tire son origine d’une loi, devait bénéficier d’une attribution de pouvoir spécifique pour « valider la décision » (par. 18.1(5)) le cas échéant.

[Non souligné dans l’original.]

[20]  Dans l’arrêt Mercure c. Canada, 2013 CAF 102, le juge Pelletier a déclaré ce qui suit :

[21]  Il reste à déterminer le remède auquel monsieur Mercure a droit. Règle générale, lorsqu’il y a un manquement à l’équité procédurale, la cour ne s’interroge pas pour savoir si ce manquement a eu une incidence sur l’issue du litige. Le fait même du manquement à l’équité procédurale suffit pour renvoyer la cause pour une nouvelle audition. À cette règle générale, il n’y a qu’une exception, à savoir lorsque la question devant le tribunal mène à une réponse inéluctable: voir Mobil Oil Canada Ltd. c. Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202, aux paragraphes 50-54.

[21]  Si l’on se fie à ces arrêts, M. Kim n’aura pas droit à une nouvelle audience si la question de l’imposition des pénalités mène à une réponse inéluctable.

[22]  Il n’y a eu que deux témoins à l’audience devant la Cour canadienne de l’impôt – M. Kim et Lawrence Watts. M. Watts a été appelé à témoigner par M. Kim. M. Watts a déclaré qu’il était le fondateur de Fiscal Arbitrators et celui qui exploitait cet organisme. En contre-interrogatoire, M. Watts a confirmé qu’il avait été déclaré coupable de fraude relativement à son implication dans l’organisme Fiscal Arbitrators.

[23]  Les éléments de preuve que la Couronne était tenue de présenter pouvaient provenir (ce qui a été le cas) du témoignage de ces deux témoins. Bien que M. Kim ait à maintes reprises demandé à la Couronne de présenter ses éléments de preuve, il n’a pas compris que ses propres paroles pouvaient être utilisées pour établir les faits qui justifieraient l’imposition des pénalités.

[24]  La partie qui est tenue de prouver des faits à l’audience doit le faire en produisant des éléments de preuve à l’appui. Ces éléments de preuve peuvent consister en des témoignages oraux ou des documents qui sont présentés d’un commun accord ou par un témoin. Par conséquent, la Couronne pouvait (et c’est ce qu’elle a fait en l’espèce) établir les faits justifiant l’imposition de pénalités au moyen des témoignages de M. Kim et de M. Watts. Bien que des erreurs aient été commises au début du procès, relativement aux déclarations sur la question de savoir à qui incombait le fardeau de la preuve et sur l’importance qui serait accordée lors de l’audience aux allégations de fait formulées dans les réponses du ministre, compte tenu des témoignages de M. Kim et de M. Watts, le résultat était inéluctable. Ces témoignages apportaient une preuve suffisante pour justifier l’imposition des pénalités.

[25]  Par conséquent, M. Kim n’a pas établi que son appel devrait être accueilli et qu’il devrait avoir droit à une nouvelle audience devant la Cour canadienne de l’impôt (ou à quelque autre mesure) en raison des déclarations faites par le juge de la Cour canadienne de l’impôt quant à la partie à laquelle incombait le fardeau de la preuve et à l’importance qui serait accordée aux allégations de fait énoncées dans les réponses du ministre relativement à l’imposition de pénalités.

B.  L’ordre de présentation de la preuve

[26]  M. Kim soutient également que le juge de la Cour canadienne de l’impôt a insisté pour qu’il témoigne en premier à l’audience. Bien que le juge de la Cour canadienne de l’impôt ne lui ait pas directement ordonné de témoigner en premier, si l’on se fie à l’échange entre le juge et M. Kim durant lequel le juge a affirmé qu’il incombait à M. Kim de faire la preuve des faits qui permettraient d’éliminer la pénalité, il aurait été logique pour M. Kim de présumer qu’il avait reçu la directive de témoigner en premier.

[27]  Le paragraphe 135(2) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90-688a (les Règles), est libellé ainsi :

(2) Sauf directive contraire du juge, les parties font valoir leurs arguments en présentant des preuves ou en présentant à la Cour les faits sur lesquels elles se fondent, dans l’ordre suivant :

(2) Unless the judge directs otherwise, the parties shall put in their respective cases by evidence or by putting before the Court the facts on which they rely, in the following order,

a) l’appelant;

(a) the appellant,

b) l’intimée;

(b) the respondent, and

c) l’appelant à l’égard d’une contre-preuve.

(c) the appellant in respect of rebuttal evidence.

[28]  La règle générale veut que l’appelant fasse valoir ses arguments en premier lors d’une audience devant la Cour canadienne de l’impôt. Cependant, le paragraphe 135(2) des Règles prévoit également que le juge peut donner une directive contraire. Dans les cas où la seule question en litige concerne l’imposition de pénalités et où, par conséquent, le fardeau de la preuve incombe à la Couronne, le juge devrait déterminer lequel, du contribuable ou de la Couronne, il convient de faire témoigner en premier. Si le contribuable est le premier à témoigner, quels éléments de preuve présenterait-il? Le fardeau de la preuve n’incombe aucunement au contribuable. En général, le contribuable veut voir et entendre les éléments de preuve que la Couronne va présenter et veut ensuite avoir la possibilité de présenter ses propres éléments de preuve. Si le contribuable défend sa thèse en premier et choisit de ne pas présenter d’éléments de preuve, il pourrait avoir de la difficulté à produire une contre-preuve et la Couronne pourrait se voir privée de la possibilité de présenter des éléments de preuve pour réfuter ceux du contribuable.

[29]  Seuls deux témoins ont été appelés – M. Kim et M. Watts. Il n’y a aucune raison pour laquelle la Couronne n’aurait pas pu appeler M. Kim à témoigner à l’audience devant la Cour canadienne de l’impôt. Le paragraphe 146(2) des Règles dispose que l’une ou l’autre partie à une instance devant la Cour canadienne de l’impôt peut appeler l’autre partie à témoigner sans préavis ni versement préalable de l’indemnité de présence si la personne est présente à l’audience. Comme M. Kim était présent à l’audience, la Couronne avait le droit de l’appeler à témoigner. En l’espèce, il convient de rappeler qu’avant l’audience, les autres nouveaux avis d’appel indiquaient que M. Kim cherchait toujours à faire annuler les cotisations établies, ce qui laissait croire qu’il contestait également le refus de la déduction des pertes d’entreprise. Aussi pouvait-on s’attendre, avant l’audience, à ce qu’il soit présent à l’audience et à ce qu’il témoigne.

[30]  Que M. Kim témoigne le premier parce qu’il présentait sa preuve en premier ou parce qu’il était appelé à témoigner par la Couronne, son témoignage aurait probablement été le même. En l’espèce, l’ordre de présentation de la preuve n’était pas un facteur pertinent et le juge de la Cour canadienne de l’impôt n’a pas commis d’erreur susceptible de révision en affirmant que M. Kim témoignerait en premier.

C.  Les arguments de M. Kim fondés sur la Charte

[31]  Dans son mémoire, M. Kim invoque aussi l’alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés. Son argument repose sur la prémisse voulant que l’imposition d’une pénalité en application du paragraphe 163(2) de la Loi soit une sanction qui relève du droit criminel. Ces observations sont toutefois sans fondement puisque l’imposition de cette pénalité relève du droit civil et non du droit pénal (Cranston c. Canada, 2011 CAF 5, au paragraphe 7).

[32]  M. Kim invoque également le paragraphe 15(1) de la Charte dans son mémoire, sans toutefois fonder ses allégations de discrimination sur un des motifs énoncés dans cette disposition ou quelque autre motif analogue. Ses allégations de discrimination fondée sur un motif visé au paragraphe 15(1) de la Charte sont donc sans fondement.

D.  Les dépens adjugés par la Cour canadienne de l’impôt

[33]  Dans son avis d’appel, M. Kim alléguait que les dépens de 5 000 $ qui lui avaient été imposés étaient [traduction] « excessifs et injustifiés ». Son mémoire ne contient toutefois aucune observation étayant cette allégation selon laquelle les dépens étaient « excessifs et injustifiés ». L’adjudication des dépens est une question éminemment discrétionnaire (Prévost Car Inc. c. Canada, 2014 CAF 86, 2014 D.T.C. 5047, au paragraphe 2) et M. Kim n’a pu établir que le juge avait commis une erreur en adjugeant ces dépens.

E.  Conclusion

[34]  Par conséquent, je rejetterais le présent appel avec dépens.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

« J’y souscris.

Richard Boivin, j.c.a. »

« J’y souscris.

Donald J. Rennie, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT DATÉ DU 7 DÉCEMBRE 2017, RÉFÉRENCE 2017 CCI 246, DOSSIERS No

2011-4095(IT)G ET 2012-4057(IT)G

DOSSIER :

A-430-17

 

INTITULÉ :

YONGWOO KIM c.

SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 8 avril 2019

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE RENNIE

DATE DES MOTIFS :

Le 22 juillet 2019

COMPARUTIONS :

Yongwoo Kim

POUR SON PROPRE COMPTE

Peter Swanstrom

Pour l’intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimée

 

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