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Date : 20190809


Dossier : A-194-17

Référence : 2019 CAF 217

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE STRATAS

LA JUGE WOODS

 

ENTRE :

SLFI GROUP - INVESCO CANADA LTD. - INVESCO CANADA FUNDS

(Y COMPRIS CHACUN DES FONDS ÉNUMÉRÉS À L’ANNEXE A DE L’AVIS D’APPEL), INVESCO CANADA LTD. /INVESCO CANADA LTÉE, INVESCO CANADA MONEY MARKET FUND (ANCIENNEMENT AIM CANADA MONEY MARKET FUND), et CHACUN DES AUTRES FONDS FIGURANT À L’ANNEXE B DE L’AVIS D’APPEL

appelants

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 29 novembre 2018.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 9 août 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE WOODS

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE STRATAS


Date : 20190809


Dossier : A-194-17

Référence : 2019 CAF 217

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE STRATAS

LA JUGE WOODS

 

ENTRE :

SLFI GROUP - INVESCO CANADA LTD. - INVESCO CANADA FUNDS

(Y COMPRIS CHACUN DES FONDS ÉNUMÉRÉS À L’ANNEXE A DE L’AVIS D’APPEL), INVESCO CANADA LTD. /INVESCO CANADA LTÉE, INVESCO CANADA MONEY MARKET FUND (ANCIENNEMENT AIM CANADA MONEY MARKET FUND), et CHACUN DES AUTRES FONDS FIGURANT À L’ANNEXE B DE L’AVIS D’APPEL

appelants

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE WOODS

[1]  Notre Cour est saisie de l’appel d’un jugement rendu par la Cour canadienne de l’impôt (2017 CCI 78) qui rejetait un appel des cotisations de taxes sur les produits et services (TPS) établies au titre de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E-15.

[2]  Les appelants, les fonds communs de placement (les fonds), et leur gestionnaire, Invesco Canada Ltd. (le gestionnaire), ont interjeté appel devant la Cour canadienne de l’impôt des cotisations de TPS établies relativement à une entente de financement de tiers (l’entente de financement avec Citibank). Le montant global de taxes établi pour les périodes de déclaration pertinentes du 1er décembre 2002 au 31 décembre 2011 s’élevait à environ 45 millions de dollars. La Cour canadienne de l’impôt a rejeté l’appel et les appelants ont interjeté appel auprès de la Cour.

[3]  Deux questions distinctes sont soulevées :

  • a) La Cour canadienne de l’impôt a-t-elle commis une erreur en concluant que les fonds doivent établir eux-mêmes les cotisations de TPS relativement à l’entente de financement pour les périodes de déclaration pertinentes du 1er décembre 2002 au 31 décembre 2011?

  • b) Si les fonds ne sont pas tenus d’établir eux-mêmes les cotisations, les fonds ont-ils droit aux remboursements de la TPS versée par erreur au cours des périodes de déclaration allant du 1er février 2007 au 30 juin 2010? La Cour canadienne de l’impôt n’a pas été appelée à examiner cette question, puisqu’elle a conclu que la TPS était exigible.

[4]  Pour les motifs exposés ci-dessous, je conclus que l’appel doit être accueilli en partie. Les fonds n’ont pas à établir eux-mêmes les cotisations de TPS relativement à l’entente de financement. Toutefois, les fonds n’ont pas droit au remboursement des taxes versées pour les périodes de déclarations du 1er février 2007 au 30 juin 2010.

I.  Faits et procédures

[5]  Les motifs de la Cour canadienne de l’impôt font état d’un utile et exhaustif exposé des faits. Il n’est pas nécessaire de les répéter ici, outre les faits qui sont essentiels aux fins du présent appel. Les faits se rapportant à la question du remboursement sont exposés séparément, ci-dessous, dans l’analyse de cette question.

[6]  L’entente de financement avec Citibank a été conclue par les fonds pour faciliter le paiement de commissions à verser aux courtiers au moment de l’achat de placements dans les fonds. L’obligation de payer les commissions s’est concrétisée au moment de l’achat des titres des fonds.

[7]  Les commissions étaient généralement payables par les acheteurs des titres, mais les acheteurs se sont vus offrir une option de paiement différé leur permettant d’éviter complètement la commission s’ils conservaient leurs placements dans les fonds pendant une certaine période. Que l’option soit exercée ou non, les commissions devaient être versées aux courtiers au moment de l’achat, et quelqu’un devait se charger de ce paiement.

[8]  L’option de paiement différé était offerte aux acheteurs pour les encourager à ne pas revendre leurs titres rapidement. M. David Warren, vice-président directeur et directeur financier du gestionnaire, a expliqué que la théorie générale de ce type d’incitatif est d’augmenter les frais facturés par le gestionnaire, qui fluctuent en fonction de la valeur des actifs des fonds. M. Warren a également expliqué que de nombreux types d’ententes de financement ayant recours au paiement différé étaient utilisés par les fonds mutuels, comme le financement par des sociétés en commandite, par des gestionnaires et, plus récemment, par titrisation. Les appelants ont eu recours à tous ces mécanismes de financement de temps à autre.

[9]  Immédiatement avant la mise en application de l’entente de financement avec Citibank, le gestionnaire a financé les commissions exigées dans le cadre de l’option de paiement différé. Lorsque le gestionnaire a décidé qu’il ne voulait plus financer cette dépense importante, une titrisation a été négociée avec Citibank, N.A. (Citibank). Cette entente a duré plusieurs années, après quoi le gestionnaire à nouveau financé les commissions.

[10]  L’entente de financement avec Citibank était structurée de façon à éviter les contraintes opérationnelles et réglementaires. Plus particulièrement, le financement ne figurait pas sur le bilan des fonds ou du gestionnaire. En outre, en raison de la réglementation des valeurs mobilières, les fonds ne pouvaient payer eux-mêmes les commissions et ne pouvaient emprunter à cette fin. Comme il est expliqué ci-dessous, l’entente avec Citibank visait à éviter ces restrictions en instaurant un mécanisme de financement qui ne consistait pas en un paiement des commissions par les fonds ou un emprunt de fonds.

[11]  Dans le cadre de la titrisation, Citibank commercialisait des flux de trésorerie qui étaient payés aux fonds, en contrepartie du financement des commissions. Pour créer une participation commercialisable, les fonds n’ont pas conclu d’entente de financement directement avec Citibank. Ils ont plutôt conclu une entente avec une entité à but unique constituée par Citibank, Canada Funding Corp. I (Funding Corp.). Funding Corp., qui était établie aux États-Unis, a à son tour conclu une entente avec Citibank, qui prévoyait des flux de trésorerie équivalents à ceux prévus dans l’entente entre les fonds et Funding Corp.

[12]  Les deux ententes consécutives étaient appelées Convention de paiement d’honoraires, et  Convention de vente, respectivement.

[13]  La convention de paiement d’honoraires constituait une entente entre, notamment, Funding Corp. et les fonds. Dans le cadre de cette entente, Funding Corp. a convenu d’organiser le paiement de sommes quotidiennes dans des comptes de fiducie pour payer les commissions des courtiers (les sommes de financement). Funding Corp. a également convenu que le paiement des sommes de financement serait organisé en concluant la convention de paiement d’honoraires avec Citibank.

[14]  En contrepartie de l’obligation de Funding Corp. d’organiser le paiement des sommes de financement, les fonds ont accepté de verser des honoraires à Funding Corp. (les honoraires). Il y avait deux types d’honoraires. Le premier type d’honoraires était les honoraires quotidiens, qui fluctuaient en fonction de la valeur des éléments d’actif des fonds et qui étaient cumulés quotidiennement lorsque les titres liés à des montants de financement particuliers étaient en circulation, jusqu’à une période maximale de 8 ans. Le deuxième type, les honoraires liés aux FSD, étaient des frais uniques équivalents aux frais de rachat que l’investisseur payait au moment du rachat anticipé des titres pertinents.

[15]  La convention de vente constituait une entente entre, notamment, Funding Corp. et Citibank. Funding Corp. a accepté de vendre à Citibank, sur une base quotidienne, la totalité de sa participation dans les honoraires payables relativement à des sommes de financement particulières. Il s’agissait du flux de trésorerie que Citibank prévoyait commercialiser. En contrepartie, Citibank acceptait de payer les sommes de financement correspondantes. La participation dans les honoraires a été vendue par Funding Corp. lorsque les sommes de financement correspondantes ont été payées. Essentiellement, la convention de vente a permis à Citibank de commercialiser un flux de trésorerie de huit ans qui a fluctué en fonction de la valeur des actifs des fonds.

[16]  Pour faciliter les paiements versés dans le cadre de la convention de vente, Funding Corp. a convenu de fournir à Citibank les détails des sommes de financement payables (les avis de financement).

[17]  Dans ses motifs, la Cour canadienne de l’impôt explique dans une certaine mesure les montants versés dans le cadre du financement. Au cours de la période du 1er avril 2002 au 30 septembre 2009, des sommes de financement globales de 640 millions de dollars ont été déposées dans les comptes de fiducie et des honoraires totalisant 717 millions de dollars ont été payés par les fonds.

[18]  Le rôle du gestionnaire est également pertinent dans le cadre du présent appel. En général, le gestionnaire a assuré les services qui étaient nécessaires à l’exploitation des fonds, conformément à convention de gestion (la convention de gestion). Aux termes de cette convention, le gestionnaire avait droit à des honoraires de gestion, qui équivalaient à 2 % de la valeur de l’actif net des fonds. En prévision de l’entente de financement avec Citibank, la convention de gestion a été modifiée de sorte que les sommes payées à des tierces parties soient soustraites des frais de gestion en application de l’option de paiement différé. De même, la convention modifiée prévoyait également la possibilité que les fonds puissent conclure des ententes liées au financement ou au paiement des commissions des courtiers.

[19]  En ce qui concerne l’entente de financement avec Citibank, le gestionnaire a entrepris la planification et la négociation de l’entente avec Citibank au nom des fonds.

[20]  En outre, le gestionnaire était partie à la convention de paiements d’honoraires. Dans le cadre de cette entente, le gestionnaire a accepté d’annuler tout droit à des honoraires et à déduire de ses frais de gestion le montant des honoraires quotidiens que les fonds devaient payer. Le gestionnaire a également accepté de préparer les avis de financement et de les fournir à Funding Corp.

[21]  Bien que le gestionnaire était partie à la convention de paiements d’honoraires, les honoraires payables à Funding Corp. pouvaient être payés par les fonds seuls en contrepartie de l’organisation par Funding Corp. du paiement des sommes de financement.

[22]  Aux termes d’une convention de service conclue entre le gestionnaire et Citibank, le gestionnaire a accepté d’assurer des services à Citibank en lien avec l’organisation, en échange de frais mensuels.

[23]  Le ministre du Revenu national a émis des cotisations relativement à cette entente, qui appliquait la TPS aux honoraires payables par les fonds au motif que les honoraires ont été versés en contrepartie d’une fourniture taxable importée.

II.  Régime législatif

[24]  L’article 218 impose la TPS à l’acquéreur d’une fourniture taxable importée. Sous réserve de certaines exceptions qui ne sont pas pertinentes en l’espèce, la fourniture taxable importée vise notamment « la fourniture taxable d’un service, sauf une fourniture détaxée ou visée par règlement, effectuée à l’étranger au profit d’une personne qui réside au Canada » (alinéa a) de la définition de « fourniture taxable importée » à l’article 217 de la Loi). La « fourniture taxable » est la « [f]ourniture effectuée dans le cadre d’une activité commerciale » (définition de « fourniture taxable » au paragraphe 123(1) de la Loi). Par conséquent, il ne peut y avoir de fourniture taxable imposable sans qu’il y ait à la fois une « fourniture » et une « fourniture taxable ».

[25]  Selon la définition fournie au paragraphe 123(1) de la Loi, le mot « fourniture » vise la « livraison de biens ou prestation de services […] », sous réserve des articles 133 et 134 de la Loi (qui ne sont pas pertinents en l’espèce). Les mots « bien » et « service » sont également définis au paragraphe 123(1) de la Loi; leurs définitions excluent expressément l’« argent ».

[26]  Les services financiers ne constituant pas des fournitures taxables et, par conséquent, ne constituent pas une fourniture taxable importée (définitions d’« activité commerciale » et de « fourniture exonérée » au paragraphe 123(1), partie VII de l’annexe V). Les mots « service financier » sont définis au paragraphe 123(1) de la Loi, en partie, comme suit :

service financier

financial service” means

a) L’échange, le paiement, l’émission, la réception ou le transfert d’argent, réalisé au moyen d’échange de monnaie, d’opération de crédit ou de débit d’un compte ou autrement;

(a) the exchange, payment, issue, receipt or transfer of money, whether effected by the exchange of currency, by crediting or debiting accounts or otherwise,

[…]

l) le fait de consentir à effectuer, ou de prendre les mesures en vue d’effectuer, un service qui, à la fois :

(l) the agreeing to provide, or the arranging for, a service that is

(i) est visé à l’un des alinéas a) à i),

(i) referred to in any of paragraphs (a) to (i), and

(ii) n’est pas visé aux alinéas n) à t);

(ii) not referred to in any of paragraphs (n) to (t), or

[…]

La présente définition exclut :

but does not include

[…]

q) l’un des services suivants rendus soit à un régime de placement, au sens du paragraphe 149(5), soit à une personne morale, à une société de personnes ou à une fiducie dont l’activité principale consiste à investir des fonds, si le fournisseur est une personne qui rend des services de gestion ou d’administration au régime, à la personne morale, à la société de personnes ou à la fiducie :

(q) the provision, to an investment plan (as defined in subsection 149(5)) or any corporation, partnership or trust whose principal activity is the investing of funds, of

(i) un service de gestion ou d’administration,

(i) a management or administrative service, or

(ii) tout autre service (sauf un service prévu par règlement);

(ii) any other service (other than a prescribed service),

if the supplier is a person who provides management or administrative services to the investment plan, corporation, partnership or trust,

[...]

...

[27]  Il convient de noter que l’exclusion de l’alinéa q) vise la fourniture d’un service de gestion ou administratif ainsi qu’à la fourniture de tout autre service si le fournisseur est une personne qui fournit des services de gestion ou administratifs au régime de placement.

III.  Décision de la Cour canadienne de l’impôt

[28]  La Cour canadienne de l’impôt a conclu que les fonds devaient établir eux-mêmes leurs cotisations de TPS au motif qu’ils recevaient une fourniture taxable importée de Funding Corp. En tirant cette conclusion, la Cour a rejeté deux thèses présentées par les fonds : il n’avait nulle « fourniture », et en supposant qu’il y en avait une, il s’agissait de la fourniture d’un « service financier ».

[29]  Conformément à la jurisprudence bien fixée, la Cour a rendu trois décisions provisoires. Elle a déterminé quels services ont été fournis aux fonds, s’il s’agissait d’une fourniture unique, et, le cas échéant, quel était l’élément dominant de la fourniture.

[30]  En ce qui concerne les services fournis, la Cour canadienne de l’impôt a conclu que, puisque les conventions pertinentes étaient indissociables, l’ensemble des services fournis par les entités de Citibank aux fonds devait être pris en compte. La Cour a recensé trois services :

  • a) Funding Corp. a fourni le service consistant à organiser le paiement des sommes de financement;

  • b) Funding Corp. a fourni le service consistant à recevoir, traiter et transmettre les avis de financement à Citibank; et

  • c) sur une base quotidienne, Citibank a déposé les sommes de financement dans un compte de fiducie afin de payer les commissions des courtiers. La Cour n’a pas déterminé si ce service avait été fourni aux fonds par Citibank ou Funding Corp.

[31]  La Cour a ensuite conclu qu’il y avait une fourniture unique dont l’élément dominant était le paiement quotidien des sommes de financement.

[32]  La Cour canadienne de l’impôt a ensuite déterminé si les paiements des sommes de financement constituaient une « fourniture », au sens de la Loi, ou si les paiements constituaient simplement de l’argent, mot qui est exclu de la définition de la « fourniture ». La Cour a conclu que les paiements étaient une fourniture puisque le paiement d’argent est inclus dans la définition de fourniture de « service financier ».

[33]  La Cour a ensuite recherché si la fourniture constituait un « service financier » et, par conséquent, une fourniture non taxable. La Cour a conclu que le paiement des sommes de financement était visé par l’alinéa a) de la définition des mots « service financier », mais était exclu en tant que service de gestion ou administratif fourni à un régime de placement visé par l’alinéa q). À cet égard, la Cour a conclu que l’organisation du paiement de commissions et le paiement de commissions constituaient des fonctions de gestion du gestionnaire et « que la délégation de cette fonction à ces entités [de Citibank] n’en a pas changé la nature » (motifs de la Cour canadienne de l’impôt aux paragraphes 109 et 110).

[34]  Par conséquent, la Cour a conclu que les fonds ont reçu une fourniture taxable importée pour laquelle ils devaient établir eux-mêmes les cotisations de TPS en contrepartie de la fourniture (c.-à-d. les paiements d’honoraires). À la lumière de cette conclusion, la Cour n’était pas appelée à examiner la deuxième question, à savoir si les fonds étaient admissibles au remboursement des taxes payées par erreur.

IV.  Première question en litige 1 – La Cour canadienne de l’impôt a-t-elle commis une erreur en concluant que les fonds ont reçu une fourniture taxable importée?

A.  Observations générales

[35]  La première question consiste à rechercher si la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en concluant que les fonds ont reçu une fourniture taxable importée. Les fonds soutiennent qu’il n’y a pas eu de fourniture taxable importé, d’abord parce qu’il n’y a pas eu de fourniture, et subsidiairement, parce qu’il n’y a pas eu de fourniture taxable.

[36]  Voici qui soulève des questions mélangées de fait et de droit pour lesquels, en l’absence d’une erreur de droit isolable, la norme de contrôle appropriée est l’existence d’une erreur manifeste et dominante (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, aux paragraphes 36 et 37). Par conséquent, notre Cour doit s’en remettre de manière significative à la Cour canadienne de l’impôt et n’intervenir que lorsqu’une erreur est à la fois évidente et dominante, en ce sens qu’elle « touche directement à l’issue de l’affaire » (Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, 431 N.R. 286, au paragraphe 46).

[37]  Pour les motifs exposés ci-dessous, je conclus que la Cour canadienne de l’impôt n’a pas commis d’erreur en concluant à l’existence d’une fourniture, mais a commis une erreur en concluant qu’il s’agissait d’une fourniture taxable. Funding Corp. n’a pas fourni de fourniture taxable aux fonds; elle a fourni une fourniture exonérée consistant en un service financier. Le service fourni aux fonds était de la nature d’un service financier fourni à une institution financière tierce. Il ne présentait aucune des caractéristiques habituelles d’un service de gestion ou administratif. La Cour canadienne de l’impôt a conclu que le gestionnaire avait délégué ce service à Funding Corp. à titre de service de gestion ou administratif, mais, respectueusement, la Cour a commis une erreur manifeste et dominante à cet égard.

B.  La Cour canadienne de l’impôt  a-t-elle commis une erreur en concluant qu’il y avait eu fourniture?

[38]  La première question est celle de savoir si la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en concluant qu’il y avait eu fourniture, par opposition à un service consistant à fournir de l’argent. Il n’y a aucune erreur manifeste et dominante dans la conclusion de la Cour canadienne de l’impôt sur cette question qui appellerait l’intervention de la Cour. Dans ses motifs, la Cour renvoie à l’inclusion précise du paiement d’argent dans la définition des mots « service financier » au paragraphe 123(1) de la Loi. La Cour n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle en prenant cet élément en compte pour déterminer la signification du terme « fourniture », en particulier parce que la fourniture du service par les fonds dans ce cas s’est faite dans le cadre d’une entente de financement complexe. Je conclus que la Cour canadienne de l’impôt n’a pas commis d’erreur manifeste et dominante en concluant qu’il y avait eu « fourniture » au sens de la Loi.

C.  La Cour canadienne de l’impôt a-t-elle commis une erreur en concluant que l’alinéa a) de la définition de « service financier » jouait?

[39]  La deuxième question est celle de savoir si la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en concluant que les fonds n’ont pas reçu un « service financier ». Deux questions sont soulevées : ce service est-il visé par l’alinéa a) ou (l) de la définition des mots « service financier » et, dans l’affirmative, ce service est-il exclu par l’alinéa q)?

[40]  Comme l’a correctement formulé la Cour canadienne de l’impôt, la première partie de l’analyse consiste à déterminer quels services ont été fournis aux fonds, s’il s’agissait d’une fourniture unique, et, le cas échéant, quel était l’élément dominant de la fourniture.

[41]  La Cour canadienne de l’impôt a déterminé trois services fournis aux fonds : l’organisation du paiement des sommes de financement, le dépôt des sommes de financement et la transmission des avis de financement à Citibank. La Cour a conclu qu’il s’agissait d’une fourniture unique, dont l’élément dominant était le paiement, sur une base quotidienne, des sommes de financement dans un compte de fiducie.

[42]  La Couronne soutient que considérer le dépôt des sommes de financement par Citibank comme la fourniture d’un service aux fonds constitue une erreur puisque les fonds n’ont pas conclu d’entente avec Citibank. Cette thèse est plausible puisque Funding Corp., qui avait une entente avec les fonds, pourrait être considérée comme l’entité ayant fourni ce service aux fonds en consentant, dans la convention de paiements d’honoraires, à conclure la convention de vente.

[43]  Toutefois, cela est sans importance quant à la question de savoir si Funding Corp. a fourni un service financier aux fonds. L’élément dominant de la fourniture par Funding Corp. est le paiement des sommes de financement ou l’organisation de ces paiements. Ces deux types de fourniture figurent parmi les éléments inclus dans la définition du « service financier » à l’alinéa a) ou l).

[44]  La Couronne soutient que l’alinéa l) ne joue pas puisque les services fournis par Funding Corp. ne consistaient pas à « prendre des mesures » en vue d’effectuer ces services. Je rejette cet argument. En application de la convention de paiement d’honoraires, Funding Corp. a effectivement pris des mesures pour organiser le paiement des sommes de financement. Il s’agit d’un des services exposés à l’alinéa l).

D.  La Cour canadienne de l’impôt a-t-elle commis une erreur en concluant que l’alinéa q) jouait?

[45]  Puisque l’élément dominant de la fourniture est visé par les éléments inclus dans la définition des mots « service financier », la question qui demeure consiste à déterminer si la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en concluant que les fonds ont reçu un service visé par l’exclusion du l’alinéa q).

[46]  La Couronne soutient que l’exclusion à l’alinéa q) joue puisque l’élément dominant de la fourniture est un service de gestion ou administratif, ou parce que Funding Corp. a fourni aux fonds d’autres services qui étaient de la nature de services de gestion ou administratifs, comme transmettre des avis de financement à Citibank. Selon le texte de la disposition en cause, l’exclusion à l’alinéa q) jouera dans l’un ou l’autre des cas.

[47]  Je rechercherai d’abord si la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en concluant que l’élément dominant de la fourniture est la fourniture d’un service de gestion ou administratif. Aux paragraphes 109 et 110 de ses motifs, la Cour canadienne de l’impôt conclut que la prise de mesures en vue de payer des commissions, ainsi que le paiement des commissions faisaient partie intégrante des activités et des opérations quotidiennes des fonds, et qu’il s’agissait d’une fonction de gestion qui a été déléguée à des entités de Citibank :

[109] La [traduction] « [prise de] mesures en vue de payer » les commissions ainsi que le paiement des commissions faisaient partie intégrante des activités et des opérations quotidiennes des fonds. Il s’agissait d’une fonction de gestion. Que le gestionnaire ait pu engager des tiers pour l’exécution de certaines de ses fonctions ne change rien au fait que les fonctions exercées continuaient d’être un service de gestion.

[110] Je suis d’avis que le service dominant fourni par les entités de Citibank était une fonction de gestion et que la délégation de cette fonction à ces entités n’en a pas changé la nature. L’alinéa 123q) s’applique et l’opération est exclue de la définition de « service financier ».

[48]  Quant à la conclusion de la Cour canadienne de l’impôt portant que la prise de mesures en vue de payer les commissions ainsi que le paiement des commissions faisaient partie intégrante des activités et des opérations quotidiennes des fonds, il n’y a aucune erreur dans la conclusion en soi.

[49]  Toutefois, la Cour canadienne de l’impôt a conclu qu’il s’agissait d’une fonction de gestion qui a été déléguée à des entités de Citibank. Respectueusement, c’est une erreur. La Cour canadienne de l’impôt semble présumer que toutes les activités faisant partie intégrante des activités et des opérations quotidiennes des fonds étaient des fonctions de gestion qui devaient être assurées par le gestionnaire. Or, tel n’est pas le cas.

[50]  En application de la réglementation sur les valeurs mobilières et conformément à la convention de gestion, le gestionnaire était tenu de s’assurer que les activités des fonds se déroulent correctement. Cela ne signifie pas, toutefois, que le gestionnaire devait fournir tous les services exigés par les fonds. En ce qui concerne l’option de paiement différé, l’entente avec Funding Corp. a été conclue par les fonds eux-mêmes. Par conséquent, ces services ne figuraient pas parmi ceux que le gestionnaire était tenu de fournir puisque les fonds en ont eux-mêmes assumé la responsabilité. La conclusion contraire de la Cour canadienne de l’impôt était une erreur manifeste et dominante qui appelle l’intervention de la Cour.

[51]  La décision de la Cour canadienne de l’impôt semble avoir été considérablement influencée par trois conclusions de fait : 1) le gestionnaire devait gérer tous les aspects des activités puisque les fonds ne comptaient pas d’employés; 2) les fonds étaient autorisés à payer des honoraires en application de la réglementation sur les valeurs mobilières puisqu’ils étaient autorisés à payer des frais de gestion; et 3) le gestionnaire avait déjà fourni ce service et, par conséquent, il lui incombait de fournir ce service, comme l’indique un prospectus simplifié (motifs de la Cour canadienne de l’impôt, aux paragraphes 104 à 108). Comme nous le verrons plus loin, ces conclusions de fait ne sont pas étayées par les éléments de preuve au dossier.

[52]  En ce qui concerne la première conclusion, soit que le gestionnaire devait déléguer ce service à Citibank puisque les fonds ne comptaient pas d’employés, cette conclusion ne tient pas compte du fait que les fonds comptaient des dirigeants et des fiduciaires qui avaient le pouvoir et la charge d’intervenir en leur nom. En fait, les dirigeants et les fiduciaires ont conclu la convention de paiement d’honoraires au nom des fonds. En outre, les décisions des fonds étaient encadrées par le conseil d’administration et les comités consultatifs, qui avaient un mandat similaire à celui de directeurs. Le gestionnaire n’était pas tenu de fournir ce service aux fonds, et il ne l’a pas fait.

[53]  Les fonds ont engagé Funding Corp. directement. Bien que le gestionnaire était partie à la convention de paiement d’honoraires, les obligations mutuelles visant le versement d’argent dans le cadre de cette convention liaient clairement les fonds et Funding Corp., et non le gestionnaire et Funding Corp. Ce lien direct est également reflété dans les modifications apportées à la convention de gestion, qui indique que « [le]s fonds [peuvent] conclure des ententes concernant le financement ou le paiement des commissions de vente » (motifs de la Cour canadienne de l’impôt, au paragraphe 55).

[54]  L’on peut utilement signaler que le gestionnaire jouait un double rôle auprès des fonds, puisqu’il était à la fois le gestionnaire et le fiduciaire des fonds qui étaient des fiducies. Dans ce cas, le gestionnaire a exécuté la convention de paiement d’honoraires au nom des fonds qui étaient des fiducies. Il ressort du dossier que le gestionnaire a accompli cette fonction en sa qualité de fiduciaire et non à titre de fournisseur de services de gestion.

[55]  Par conséquent, la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en concluant que le service a forcément été délégué par le gestionnaire puisque les fonds ne comptaient pas d’employés.

[56]  La Cour canadienne de l’impôt a également commis une erreur relativement à la deuxième conclusion, soit qu’il ressort de la qualification des mesures prises pour la réglementation sur les valeurs mobilières que les services ont été délégués à Citibank. Cette conclusion est fondée sur le témoignage de M. Warren, selon lequel les mesures prises étaient conformes à la réglementation en matière de valeurs mobilières puisque les fonds étaient autorisés à payer des frais de gestion.

[57]  Ce témoignage ne va pas dans le sens de la conclusion de la Cour canadienne de l’impôt selon laquelle Funding Corp. a fourni des services de gestion ou administratifs aux fonds. Il est possible que le témoignage de M. Warren aille dans le sens de l’argument selon lequel les honoraires ont été payés par les fonds pour le compte du gestionnaire et que, par conséquent, il s’agissait d’un paiement indirect des frais de gestion dus au gestionnaire pour les services fournis. Toutefois, ce n’est pas sur ce fait que les cotisations de taxes étaient fondées, mais sur le fait que les services fournis par Funding Corp., et non par le gestionnaire, constituaient des services de gestion ou administratifs.

[58]  En outre, l’interprétation de l’entente conclue aux fins de la réglementation en matière de valeurs mobilières n’a aucune incidence sur la qualification du rapport juridique aux fins fiscales. La Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en concluant que le témoignage de M. Warren soutenait la conclusion que Funding Corp. a fourni un service de gestion ou administratif aux fonds.

[59]  La Cour canadienne de l’impôt a également commis une erreur en concluant que le fait que le gestionnaire avait déjà financé les commissions était pertinent. Ce fait n’est pas pertinent quant à la qualification de l’entente conclue avec Citibank. Une décision en sens contraire signifierait que la qualification de l’entente pourrait être différente dans une situation où le gestionnaire n’aurait jamais fourni ces services. La question de savoir si Funding Corp. fournit un service de gestion ou administratif aux fonds ne doit pas être influencée par une relation antérieure que les fonds pourraient avoir entretenue avec le gestionnaire. L’entente avec Citibank doit plutôt être examinée de manière indépendante.

[60]  Finalement, la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en se fiant à un texte général tiré d’un prospectus simplifié selon lequel des tiers peuvent être engagés pour assurer certains services (motifs, au paragraphe 108). Ce texte ne va pas dans le sens de la conclusion de la Cour canadienne de l’impôt selon laquelle tous les services étaient fournis par le gestionnaire ou délégués par celui-ci. Ce texte ne prétend pas que les fonds ne peuvent prendre leurs propres mesures pour obtenir des services, et c’est ce qu’ils ont fait en l’espèce. En outre, comme le confirme le témoignage de M. Warren, le prospectus simplifié ne vise pas à fournir une description détaillée des opérations des fonds, sauf dans la mesure où ces détails sont pertinents pour les investisseurs. La Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en se fondant sur le prospectus pour tirer la conclusion que le gestionnaire avait dû déléguer ce service à Citibank.

[61]  En concluant que le gestionnaire a délégué les services de financement à Citibank, la Cour canadienne de l’impôt a clairement mal interprété les faits d’une manière qui influence l’issue de l’appel et, à cet égard, a commis une erreur manifeste et dominante. En l’espèce, il revient à la Cour de rendre la décision que la Cour canadienne de l’impôt aurait dû rendre.

E.  L’alinéa q) joue-t-il?

[62]  Cette question consiste à déterminer si l’exclusion à l’alinéa q) de la définition joue. Comme nous verrons le plus loin, j’ai conclu que l’exclusion ne joue pas. Plus précisément, la fourniture n’est pas un service de gestion ou administratif et aucun autre service n’a été fourni aux fonds par Funding Corp. Par conséquent, je conclus que le service fourni aux fonds n’était pas exclu à titre de service financier en application de l’alinéa q).

[63]  Quant à la question de savoir si la fourniture proprement dite était un service de gestion ou administratif, la nature de la fourniture est déterminée par son élément dominant, qui, en l’espèce, est le dépôt d’argent ou l’organisation de dépôts. Dans l’un ou l’autre des cas, la fourniture est de la nature d’un service financier fourni à une institution financière tierce. Il ne s’agit nullement de services de gestion ou administratifs. Ces services ne présentent pas les caractéristiques habituelles de services de gestion, qui nécessitent généralement la prise de décisions au nom de l’entreprise. Les services ne présentent pas non plus les caractéristiques de services administratifs, qui sous-entendent généralement des services de soutien.

[64]  Après avoir conclu que la fourniture n’est pas un service de gestion ou administratif en soi, il reste à déterminer si Funding Corp. a fourni aux fonds d’autres services qui étaient des services de gestion ou administratifs. Le cas échéant, l’exclusion à l’alinéa q) jouerait également.

[65]  La Couronne soutient que l’intention du législateur au moment d’adopter l’exclusion à l’alinéa q) était d’englober des ententes comme celle en cause, qui prévoient le dégroupage de services fournis à un régime de placement.

[66]  Je rejette cette thèse. L’exclusion de l’alinéa q) vise des circonstances où on évite la TPS en faisant en sorte que le fournisseur de services de gestion à un régime de placement dégroupe ses services et fournisse des services non liés à la gestion dans le cadre d’une entente distincte. Par exemple, l’alinéa q) empêche l’évitement de la TPS en faisant en sorte que le gestionnaire fournisse des services de financement et des services de gestion dans le cadre d’ententes distinctes.

[67]  L’alinéa q) n’est pas destiné à jouer dans des circonstances comme celles en l’espèce, où un service de financement est fourni par une personne qui ne fournit pas de services de gestion ou administratifs. Les services fournis par Funding Corp. ne sont pas visés par l’alinéa q) simplement parce qu’ils ont déjà été fournis par le gestionnaire. Dans un cas approprié, la règle générale anti-évitement pourra s’appliquer aux mesures prises pour contourner la disposition, mais cette règle n’a pas été invoquée en l’espèce.

[68]  La Couronne soutient également que Funding Corp. a fourni aux fonds d’autres services qui étaient de la nature de services de gestion ou administratifs. Par exemple, la Couronne soutient que Funding Corp. a fourni un service administratif aux fonds en transmettant des avis de financement à Citibank. Toutefois, ce service n’est pas une fourniture distincte aux fonds. Il faisait partie d’une fourniture unique, qui n’était pas un service de gestion ou administratif.

[69]  La Couronne soutient également que l’alinéa q) doit jouer puisque Citibank [traduction] « a participé de près à la surveillance de la plateforme de produits du gestionnaire », ce qui, selon la Couronne, constitue un [traduction] « service de gestion ou administratif en soi » (mémoire de l’intimée, aux paragraphes 78 et 79).

[70]  Cet argument reflète une incompréhension de l’objet du droit de Citibank à assurer la surveillance des produits. Selon le dossier, Citibank visait ses propres intérêts en assurant la surveillance des produits vendus par les fonds. Cela paraît logique. La surveillance assurée par Citibank ne constituait pas un service fourni par les fonds; il s’agissait d’un obstacle opérationnel.

[71]  Par conséquent, je rejette la thèse de la Couronne portant que d’autres services fournis aux fonds étaient de la nature de services de gestion ou administratifs. Par conséquent, je conclus que l’exclusion à l’alinéa q) ne s’applique pas aux services fournis par les fonds et que les fonds ont reçu une fourniture exonérée consistant en un service financier de la part de Funding Corp.

V.  Question 2 – Les fonds ont-ils droit aux remboursements de la TPS versée par erreur?

[72]  À la lumière de la conclusion précédente, il faut tenir compte d’une autre thèse des fonds, à savoir que des remboursements doivent être versés relativement à la TPS versée par erreur sur les honoraires quotidiens. Les périodes en cause vont du 1er février 2007 au 30 juin 2010. La question sera examinée de nouveau puisqu’elle n’a pas été examinée par la Cour canadienne de l’impôt.

[73]  Les faits essentiels sont constants :

  • a) Au cours de la période pertinente, le gestionnaire a établi lui-même, au nom des fonds, les cotisations de taxe en application de l’article 218 de la loi, en fonction des honoraires quotidiens payés par les fonds. Le gestionnaire a inclus la taxe dans sa propre déclaration de TPS. Le montant total de TPS versé pour la période pertinente était de plus de 14 millions de dollars.

  • b) Le ministre a établi ces montants dans les avis de cotisation émis au nom du gestionnaire.

  • c) Ni le gestionnaire ni les fonds n’ont déposé d’avis d’opposition à ces cotisations.

  • d) Après l’établissement de chaque cotisation, une demande de remboursement a été déposée pour récupérer la TPS payée par erreur. Les demandes précisaient qu’elles étaient soumises par le gestionnaire en son propre nom ou à titre de « fiduciaire » d’un fonds ou « au nom » d’un fonds structuré en société.

  • e) Le ministre a émis des avis de cotisation pour rejeter l’ensemble des demandes de remboursement. Le gestionnaire a déposé des avis d’opposition à ces cotisations, après quoi le ministre a émis des avis de confirmation.

[74]  Les demandes de remboursement ont été soumises conformément au paragraphe 261(1) de la Loi, qui autorise le remboursement de la TPS qui n’était pas exigible, mais qui a été payée par erreur ou autrement. La Couronne soutient que les fonds n’ont pas droit à ce remboursement en application des exclusions établies aux alinéas 261(2)a) et (2)b) de la Loi. Ces dispositions sont reproduites ci-dessous.

261. (1) Dans le cas où une personne paie un montant au titre de la taxe, de la taxe nette, des pénalités, des intérêts ou d’une autre obligation selon la présente partie alors qu’elle n’avait pas à le payer ou à le verser, ou paie un tel montant qui est pris en compte à ce titre, le ministre lui rembourse le montant, indépendamment du fait qu’il ait été payé par erreur ou autrement.

261. (1) Where a person has paid an amount

(a) as or on account of, or

(b) that was taken into account as,

tax, net tax, penalty, interest or other obligation under this Part in circumstances where the amount was not payable or remittable by the person, whether the amount was paid by mistake or otherwise, the Minister shall, subject to subsections (2) to (3), pay a rebate of that amount to the person.

(2) Le montant n’est pas remboursé dans la mesure où :

(2) A rebate in respect of an amount shall not be paid under subsection (1) to a person to the extent that

a) le montant est pris en compte à titre de taxe ou de taxe nette pour la période de déclaration d’une personne et le ministre a établi une cotisation à l’égard de la personne pour cette période selon l’article 296;

(a) the amount was taken into account as tax or net tax for a reporting period of the person and the Minister has assessed the person for the period under section 296;

b) le montant payé était une taxe, une taxe nette, une pénalité, des intérêts ou un autre montant visé par une cotisation établie selon l’article 296;

(b) the amount paid was tax, net tax, penalty, interest or any other amount assessed under section 296; or

c) un remboursement du montant est accordé en application des paragraphes 215.1(1) ou (2) ou 216(6) ou des articles 69, 73, 74 ou 76 de la Loi sur les douanes par l’effet des paragraphes 215.1(3) ou 216(7).

(c) a rebate of the amount is payable under subsection 215.1(1) or (2) or 216(6) or a refund of the amount is payable under section 69, 73, 74 or 76 of the Customs Act because of subsection 215.1(3) or 216(7).

[75]  En général, les alinéas 261(2)a) et (2)b) de la Loi sont censés interdire les remboursements dans les cas où des cotisations ont été émises. La raison de cette exclusion est vraisemblablement que les contribuables peuvent interjeter appel de cotisations en présentant des avis d’opposition et qu’il n’est pas approprié de fournir un mécanisme d’appel par le biais de demandes de remboursement.

[76]  Les fonds soutiennent que les exclusions prévues aux alinéas 261(2)a) et (2)b) ne s’appliquent pas puisque les fonds n’ont jamais fait l’objet de cotisations. Des cotisations ont été établies pour le gestionnaire seulement.

[77]  Cette observation ne peut être utilement invoquée par les fonds. Même si les cotisations ont été établies pour le gestionnaire seulement, ce qui n’est pas clair à la lecture du dossier, l’exclusion de l’alinéa 261(2)b) joue de toute façon.

[78]  Il existe une différence subtile entre le texte de l’alinéa 261(2)a) et celui de l’alinéa (2)b). L’alinéa 261(2)a) vise les cas où une personne ayant payé des taxes a fait l’objet d’une cotisation pour la période pertinente. L’alinéa 261(2)b), quant à lui, vise les cas où une personne a payé des taxes et qu’une cotisation a été établie pour cette taxe particulière.

[79]  En l’espèce, les cotisations ont été établies pour la taxe particulière qui a été versée par les fonds. L’exclusion à l’alinéa 261(2)b) joue donc en l’espèce. Cette disposition n’est pas limitée aux cotisations émises aux personnes qui ont payé les taxes.

[80]  Les fonds s’inquiètent de la portée excessive de l’interprétation littérale de l’alinéa 261(2)b). Ils soutiennent que l’exclusion ne doit s’appliquer qu’à la personne qui a remis la taxe. Toutefois, les fonds ne soutiennent pas que l’interprétation est trop large dans ce cas particulier. Ils soutiennent plutôt que la disposition est trop large dans un autre cas, celui de l’exclusion d’un remboursement à l’acquéreur d’une fourniture lorsque la taxe a été remise par un fournisseur. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, et il n’est pas nécessaire que la Cour examine le cas de figure hypothétique avancé par les fonds puisque les faits en l’espèce diffèrent considérablement.

[81]  En l’espèce, il y a eu remise de taxes par le gestionnaire au nom des fonds. Le gestionnaire était en mesure de déposer un avis d’opposition aux cotisations, fondées sur les déclarations produites. Or, il ne l’a pas fait. Il n’est pas logique de retenir une solution différente suite à l’application de l’article 261 de la Loi selon que les cotisations ont été émises par le gestionnaire ou par les fonds, et cette intention ressort du texte de l’alinéa 261(2)b).

[82]  Je retiens la thèse de la Couronne portant qu’un avis d’opposition aurait dû être déposé pour conserver le droit de récupérer les taxes. Or, cela n’a pas été fait.

[83]  Par souci d’exhaustivité, je reconnais que la Cour suprême s’est penchée sur la question de savoir si un remboursement doit être accordé à l’occasion de l’affaire United Parcel Service du Canada Ltée c. Canada, 2009 CSC 20, [2009] 1 L.C.R. 657. Toutefois, elle a examiné cette question au regard de l’alinéa 261(2)c) qui, essentiellement, refuse un remboursement dans le cas où un remboursement « est accordé » en application d’autres dispositions. La question soulevée par l’affaire UPS était de savoir si le remboursement était « accordé » en application d’autres dispositions si aucune demande de remboursement n’était soumise en application de ces dispositions. La Cour suprême a conclu qu’un remboursement en application des autres dispositions ne pouvait être accordé dans ces circonstances et que, par conséquent, un remboursement devait être accordé en application de l’article 261. La loi en cause en l’espèce est très différente. Le remboursement est refusé en application de l’alinéa 261(2)b) si la cotisation de taxe particulière a été établie.

[84]  Par conséquent, je conclus que les cotisations des fonds ont été correctement établies pour refuser les remboursements au cours des périodes du 1er février 2007 au 30 juin 2010. Par conséquent, je rejetterais l’appel en ce qui concerne cette question.

VI.  Conclusion

[85]  J’accueillerais l’appel et j’annulerais la décision de la Cour canadienne de l’impôt. Rendant le jugement que la Cour canadienne de l’impôt aurait dû rendre, j’accueillerais l’appel devant la Cour canadienne de l’impôt et je renverrais l’affaire au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux présents motifs.

[86]  Compte tenu du succès mitigé des parties dans le présent appel, je n’adjugerais aucuns dépens à la Cour et à la Cour canadienne de l’impôt.

« Judith Woods »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

David Stratas, j.c.a. »

Tradution certifiée conforme

François Brunet, réviseur

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

A-194-17

 

INTITULÉ :

SLFI GROUP - INVESCO CANADA LTD. – INVESCO CANADA FUNDS c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 29 novembre 2018

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE WOODS

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE STRATAS

 

DATE DES MOTIFS :

Le 9 août 2019

 

COMPARUTIONS :

Sheila Block

John Tobin

Lara Guest

 

Pour les appelants

 

Marilyn Vardy

Andrea Jackett

Pour l’intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Torys LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour les appelants

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimée

 

 

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