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Date : 20190923


Dossier : A-193-18

Référence : 2019 CAF 237

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

 

 

LIZA MOREAU

 

 

demanderesse

 

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, DOROTHY CRAIGIE

 

 

défendeurs

 

Audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le 23 septembre 2019.

Jugement rendu à l’audience à Winnipeg (Manitoba), le 23 septembre 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE GLEASON

 


Date : 20190923


Dossier : A-193-18

Référence : 2019 CAF 237

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

 

 

LIZA MOREAU

 

 

demanderesse

 

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, DOROTHY CRAIGIE

 

 

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Jugement rendu à l’audience à Winnipeg (Manitoba), le 23 septembre 2019).

LA JUGE GLEASON

[1]  Mme Moreau a déposé la présente demande de contrôle judiciaire en vue d’obtenir l’annulation de la décision rendue le 17 mai 2018 par la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (la Division d’appel) dans le dossier AD-17-916. Dans cette décision, la Division d’appel a rejeté l’appel interjeté par Mme Moreau à l’encontre d’une décision antérieure rendue par la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale (la Division générale) dans laquelle le Tribunal a conclu que c’était Mme Dorothy Craigie, et non Mme Moreau, qui avait droit à la pension de survivant prévue au Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8 (le RPC), après le décès de M. Wilfred Craigie.

[2]  Nous signalons que l’avis de demande a été signifié à Mme Craigie, et que celle-ci a été tenue informée du progrès du dossier ainsi que de la date de l’audience par le procureur général du Canada. Toutefois, elle a décidé de ne pas participer à cette demande.

[3]  M. Craigie a résidé avec Mme Moreau pendant de nombreuses années avant son décès. Elle fait valoir qu’elle était sa conjointe de fait et qu’elle a ainsi droit à la pension de survivant.

[4]  Mme Moreau a cherché à déposer 66 documents supplémentaires devant notre Cour, lesquels étaient joints à son affidavit. Il s’agit notamment de rapports de médecins, de documents d’assurances, de photos et de cartes qui, selon elle, démontrent qu’elle et M. Craigie étaient des conjoints de fait. Elle cherche à obtenir leur versement au dossier au soutien de sa demande de pension de survivant sous le régime du RPC. Ces documents n’ont été produits ni devant la Division générale ni devant la Division d’appel. En conséquence, notre Cour ne peut les examiner au cours du contrôle judiciaire, car ces demandes sont habituellement tranchées à la lumière du dossier dont disposait le décideur administratif au moment de sa décision. Ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles qu’une partie peut déposer de nouveaux éléments de preuve devant la cour de révision. Comme l’a récemment mentionné notre Cour dans la décision Sharma c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 48 au paragraphe 8 : « [d]e nouveaux éléments de preuve peuvent être admis (1) lorsqu’ils contiennent des informations générales qui sont susceptibles d’aider la Cour à comprendre les questions qui se rapportent au contrôle judiciaire, mais qui ne vont pas plus loin en fournissant de nouveaux éléments de preuve se rapportant au fond de la question, (2) lorsqu’ils font ressortir l’absence totale de preuve dont disposait le tribunal administratif lorsqu’il a tiré une conclusion déterminée, ou (3) lorsqu’ils portent à l’attention de la juridiction de révision des vices de procédure qu’on ne peut déceler dans le dossier de la preuve du tribunal administratif ». Aucune de ces exceptions ne s’applique aux 66 documents supplémentaires que Mme Moreau a joints à son affidavit. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire doit être tranchée sans en tenir compte.

[5]  Toutefois, la conclusion opposée s’impose quant au texte de l’affidavit de Mme Moreau, dans lequel elle présente des éléments de preuve selon lesquels la Division générale n’aurait pas respecté les principes de justice naturelle. Les éléments de preuve de cette nature appartiennent à la troisième exception énoncée dans la décision Sharma. Ils touchent effectivement au nœud du litige dont est saisie notre Cour. L’affidavit de Mme Moreau est ainsi recevable.

[6]  Dans l’affidavit, elle affirme s’être adressée à un membre du personnel de la Division générale à la suite d’une lettre datée du 12 septembre 2017. Au cours de cette conversation, elle a demandé si elle était tenue d’assister à l’audience, et on lui a répondu qu’elle était la bienvenue, mais que c’était Mme Craigie qui s’opposait au ministre de l’Emploi et du Développement social, et qu’elle était seulement mise en cause. Mme Moreau explique ensuite dans le reste de son affidavit comment cette réponse l’a menée à conclure qu’elle n’était pas tenue d’assister à l’audience devant la Division générale pour protéger ses intérêts.

[7]  Or, il se trouve qu’aucun représentant du ministre n’était présent à l’audience devant la Division générale. Mme Moreau ne s’étant également pas présentée, la seule partie présente était Mme Craigie.

[8]  Ainsi, Mme Moreau soutient dans la présente demande de contrôle judiciaire que la Division d’appel a commis une erreur en concluant que la Division générale n’avait pas fait fi des principes de justice naturelle. Plus particulièrement, elle soutient que la Division générale aurait dû lui indiquer clairement que sa présence et son témoignage à l’audience étaient importants pour défendre sa revendication quant à la pension de survivant.

[9]  Nous partageons l’avis de la Division d’appel selon lequel il n’appartient pas au personnel du Tribunal de fournir des conseils juridiques aux demandeurs et qu’en conséquence, il n’incombait pas au membre du personnel à qui Mme Moreau s’est adressée de lui expliquer l’importance d’être présente à l’audience. Cela dit, il n’était pas loisible au membre du personnel de fournir des renseignements incomplets ou trompeurs à Mme Moreau.

[10]  Les déclarations formulées par le membre du personnel de la Division générale et décrites dans l’affidavit de Mme Moreau sont trompeuses, car elles pouvaient donner l’impression que les intérêts de Mme Moreau seraient défendus par le ministre à l’audience, alors que ce n’est pas ce qui s’est produit. Les seuls éléments de preuve dont nous disposons quant au déroulement de cette conversation importante se limitent à une courte note au dossier, probablement versée par l’agent en question, laquelle indique simplement que l’agent a indiqué à Mme Moreau que sa présence à l’audience n’était pas obligatoire et qu’on lui enverrait une copie de la décision si elle était absente. Cette note correspond à la preuve sous serment présentée par Mme Moreau, sur laquelle elle n’a pas été contre-interrogée.

[11]  La nature trompeuse de la conversation est aggravée par l’obscur avis d’audience envoyé par la Division générale. Cet avis n’explique pas adéquatement que Mme Moreau pouvait citer des témoins à comparaître à l’audience et la nature des conséquences de son absence.

[12]  Dans les circonstances, nous estimons que la Division d’appel a commis une erreur susceptible de révision en concluant qu’il n’y avait eu aucun manquement aux principes de justice naturelle. En conséquence, nous accueillerions la demande de contrôle judiciaire, sans dépens; nous annulerions la décision de la Division d’appel et nous renverrions le dossier à la Division d’appel en vue d’une nouvelle audience. Étant donné la confusion et les incertitudes suscitées par l’avis d’audience et les commentaires de l’agent, la Division d’appel devrait permettre aux parties de produire d’autres éléments de preuve à l’audience ou avant celle-ci.

[13]  En conclusion, la Cour souhaite remercier l’avocat du défendeur de ses observations utiles, justes et franches, lesquelles étaient tout à fait indiquées de la part du procureur général du Canada.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-193-18

APPEL D’UNE DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE (DIVISION D’APPEL) DU 17 MAI 2018.

INTITULÉ :

LIZA MOREAU c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, DOROTHY CRAIGIE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

WINNIPEG (MANITOBA)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 septembre 2019

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LA JUGE GLEASON

COMPARUTIONS :

Liza Moreau

 

Pour la demanderesse

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Matthew Vens

 

Pour le défendeur

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour le défendeur

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

 

 

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