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Date : 20190920


Dossier : A-181-18

Référence : 2019 CAF 236

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE EN CHEF NOËL

LE JUGE STRATAS

LE JUGE BOIVIN

 

ENTRE :

ELIZABETH BERNARD

demanderesse

et

L’INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeur

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 20 septembre 2019.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE STRATAS

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE EN CHEF NOËL

LE JUGE BOIVIN

 


Date : 20190920


Dossier : A-181-18

Référence : 2019 CAF 236

CORAM :

LE JUGE EN CHEF NOËL

LE JUGE STRATAS

LE JUGE BOIVIN

 

ENTRE :

ELIZABETH BERNARD

demanderesse

et

L’INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE STRATAS

[1]  Le 14 mai 2019, la demanderesse a été déclarée plaideuse quérulente par notre Cour, en application de l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7 : Bernard c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 144.

[2]  Aux termes de l’article 40, la Cour peut ordonner l’abandon d’une partie ou de la totalité des instances vexatoires qui sont introduites par un plaideur devant elle. Cette question n’a pas été soulevée dans le cadre de la demande visant à faire déclarer l’appelante plaideuse quérulente, car la partie demanderesse était un plaideur privé qui se préoccupait de sa propre affaire, et non de celles d’autrui.

[3]  La présente instance est une demande de contrôle judiciaire qui a été introduite avant que la demanderesse soit déclarée plaideuse quérulente. Cette dernière sollicite maintenant une date d’audience.

[4]  En réponse, notre Cour (sous la plume du juge en chef Noël) a sollicité la présentation d’observations sur les deux questions suivantes :

  1. Dans les circonstances de l’espèce, la Cour a-t-elle qualité, en vertu des Règles ou de sa compétence plénière, pour régir ses propres processus et rendre une ordonnance exigeant l’abandon ou l’annulation de l’instance, s’il y a lieu?

  2. Dans l’affirmative, doit-il y avoir abandon ou annulation?

[5]  La Cour a pris connaissance des observations des parties.

[6]  La demanderesse prétend que la Cour ne peut ordonner l’abandon d’une instance qu’au moment de rendre une ordonnance en vertu de l’article 40. Elle fait donc valoir qu’il est maintenant trop tard pour que la Cour ordonne l’abandon de sa demande.

[7]  Cette observation ‑ et la question de savoir si elle est valable ou non ‑ doit être examinée à la lumière d’une interprétation en bonne et due forme de l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales. L’article 40, comme toute autre disposition, doit être interprété au regard de son texte, de son contexte et de son objet; voir, par exemple, Williams c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 252, [2018] 4 R.C.F. 174, aux paragraphes 41 à 52, citant la jurisprudence de la Cour suprême faisant autorité en la matière.

[8]  Une analyse a déjà été faite du texte, du contexte et de l’objet de l’article 40 : Canada c. Olumide, 2017 CAF 42, [2018] 2 R.C.F. 328. Il ressort de cette analyse que la Cour est habilitée à mettre fin à une instance vexatoire à tout moment, et pas seulement au moment de déclarer quérulent le plaideur qui l’a intentée. S’il en était autrement, un plaideur quérulent pourrait continuer ses instances, aussi nombreuses soient-elles, et causer ainsi le préjudice et le tort auxquels l’article 40 cherche justement à mettre un terme de façon définitive : voir Olumide, aux paragraphes 17 à 21.

[9]  Par conséquent, je conclus que notre Cour est habilitée par l’article 40 à ordonner, lorsqu’il y a lieu, l’abandon d’une instance intentée par un plaideur déclaré quérulent.

[10]  Outre son pouvoir d’ordonner l’abandon d’une instance en vertu de l’article 40, notre Cour peut aussi annuler, en tout temps, une instance dont elle a été saisie, si cette instance est manifestement vouée à l’échec à cause d’un vice fondamental ou de l’absence de bien-fondé : Canada (Revenu national) c. JP Morgan Asset Management (Canada) Inc., 2013 CAF 250, [2014] 2. R.C.F. 557; Lee c. Canada (Service correctionnel), 2017 CAF 228. Ce pouvoir repose sur la compétence plénière de notre Cour de gérer les litiges dont elle est saisie.

[11]  Le critère applicable lorsqu’il s’agit de décider si une instance engagée par un plaideur quérulent devrait être abandonnée en vertu de l’article 40 est énoncé dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Fabrikant, 2019 CAF 198, au paragraphe 43 : « si la partie, à titre de plaideuse quérulente, avait demandé l’autorisation d’intenter l’affaire en litige, la Cour la lui aurait-elle accordée?  »

[12]  La Cour accorde à un plaideur quérulent l’autorisation d’ester en justice s’il a une bonne raison d’intenter une action et que celle-ci n’est ni frivole, ni futile ni vouée à l’échec : Olumide, au paragraphe 29; Bernard c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 144, au paragraphe 26; Simon c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 28, au paragraphe 12.

[13]  En l’espèce, la demande de la plaideuse quérulente est vouée à l’échec. Par conséquent, la Cour pourrait non seulement ordonner l’abandon de la demande, mais aussi aller plus loin et exercer sa compétence plénière pour en ordonner l’annulation.

[14]  La demande de la plaideuse quérulente porte sur trois décisions rendues par la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral. Ces décisions concernent trois personnes, dont aucune n’est la demanderesse. Même si la demanderesse n’a aucun lien avec ces affaires ‑ et qu’elle n’a donc pas qualité pour agir ‑ elle a demandé à la Commission de réexaminer ses décisions plus de six ans après les avoir rendues. La Commission a refusé. Devant notre Cour, la demanderesse sollicite le contrôle de ce refus.

[15]  À la lumière des faits, la demanderesse n’a pas qualité pour présenter cette demande : Bernard c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 144, aux paragraphes 17 à 22. Elle n’est rien de plus qu’une trouble-fête  qui s’immisce dans les affaires des autres. Incidemment, cette plaideuse quérulente a déjà introduit plusieurs instances devant notre Cour sans avoir qualité pour agir, et c’est notamment ce qui a mené à la déclaration de quérulence. L’annulation de la présente demande vient renforcer cette déclaration.

[16]  Par conséquent, j’annulerais la présente demande, avec dépens. Le défendeur sollicite des dépens, selon le barème prévu à la colonne V du tarif B; je les lui accorderais.

[17]  J’enjoins au greffe de relever les instances intentées devant notre Cour par la demanderesse, à titre d’appelante, de demanderesse ou de requérante, et à les porter à mon attention pour examen au titre de l’article 74 des Règles.

« David Stratas »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Marc Noël, juge en chef »

« Je suis d’accord.

Richard Boivin, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Marie-Luc Simoneau, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-181-18

 

INTITULÉ :

ELIZABETH BERNARD c. L’INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE STRATAS

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE EN CHEF NOËL

LE JUGE BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 20 septembre 2019

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Elizabeth Bernard

 

En son propre nom

 

Peter Edelmann

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Goldblatt Partners

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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