Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20190925


Dossiers : A-321-19 (dossier principal),

A-323-19, A-324-19, A-325-19,

A-326-19, A-327-19

Référence : 2019 CAF 239

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Présent : le juge Stratas

ENTRE :

CHEF RON IGNACE et CHEF ROSANNE CASIMIR pour leur propre compte et au nom de tous les autres membres de STK’EMLUPSEMC TE SECWEPEMC de la NATION SECWEPEMC, BANDE UPPER NICOLA, BANDE INDIENNE COLDWATER, NATION SQUAMISH, TSLEIL-WAUTUTH NATION, AITCHELITZ, SKOWKALE, SHXWHÁ:Y VILLAGE, SOOWAHLIE, PREMIÈRE NATION SQUIALA, TZEACHTEN, YAKWEAKWIOOSE

demandeurs

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, TRANS MOUNTAIN PIPELINE ULC et TRANS MOUNTAIN CORPORATION

défendeurs

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE L’ALBERTA

intervenant

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 25 septembre 2019.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE STRATAS

 


Date : 20190925


Dossiers : A-321-19 (dossier principal),

A-323-19, A-324-19, A-325-19,

A-326-19, A-327-19

Référence : 2019 CAF 239

Présent : le juge Stratas

ENTRE :

CHEF RON IGNACE et CHEF ROSANNE CASIMIR pour leur propre compte et au nom de tous les autres membres de STK’EMLUPSEMC TE SECWEPEMC de la NATION SECWEPEMC, BANDE UPPER NICOLA, BANDE INDIENNE COLDWATER, NATION SQUAMISH, TSLEIL-WAUTUTH NATION, AITCHELITZ, SKOWKALE, SHXWHÁ:Y VILLAGE, SOOWAHLIE, PREMIÈRE NATION SQUIALA, TZEACHTEN, YAKWEAKWIOOSE

demandeurs

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, TRANS MOUNTAIN PIPELINE ULC et TRANS MOUNTAIN CORPORATION

défendeurs

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE L’ALBERTA

intervenant

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE STRATAS

[1]  Le 4 septembre 2019, la Cour a autorisé six groupes de parties à déposer des demandes de contrôle judiciaire contestant l’approbation, par le gouverneur en conseil, du projet d’expansion du réseau de Trans Mountain.

[2]  Aux termes de l’ordonnance d’autorisation rendue par la Cour, les demandes ne peuvent contenir que trois questions :

1.  [D]u 30 août 2018 (la date du prononcé de l’arrêt Tsleil-Waututh Nation) au 18 juin 2019 (la date de la décision du gouverneur en conseil), les consultations des peuples autochtones et des Premières Nations étaient-elles adéquates en droit de telle sorte qu’elles permettent de pallier les lacunes des consultations initiales qui sont résumées aux paragraphes 557 à 563 des motifs de l’arrêt Tsleil-Waututh Nation [c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 153]? La réponse à cette question devrait inclure des observations à propos de la norme de contrôle, marge d’appréciation ou latitude qui s’applique en droit.

2.  [Y] a-t-il des moyens de défense ou des empêchements qui peuvent être opposés aux demandes de contrôle judiciaire?

3.  [S]i les questions précédentes appellent des réponses négatives, y a-t-il lieu d’accorder une réparation (laquelle et à quelles conditions)?

(Ordonnance de la Cour datée du 4 septembre 2019; voir également l’arrêt Raincoast Conservation Foundation c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 224)

[3]  Dans la semaine qui a suivi l’ordonnance d’autorisation, la Tsleil-Waututh Nation a déposé un avis de demande de contrôle judiciaire dans lequel elle soulevait ces questions. Cependant, elle en posait également au moins sept autres allant au-delà des restrictions imposées dans l’ordonnance d’autorisation : voir les observations du procureur général du Canada, à la page 3. Les défendeurs Trans Mountain prétendent que lorsque l’on découpe complètement les questions posées, on constate que la Tsleil-Waututh Nation a soulevé non pas trois questions, mais plus de soixante.

[4]  Le greffe a donc soumis l’avis de demande à la Cour afin qu’elle l’examine en application l’article 74 des Règles des Cours fédérales, qui prévoit la possibilité de retirer du dossier un document déposé qui contrevient à une ordonnance de la Cour. S’il s’agit d’un acte introductif d’instance, comme c’est le cas en l’espèce, et qu’il est retiré du dossier, ce dernier se retrouve alors vide et doit donc être clos. En pratique, il est mis fin à l’instance.

[5]  En application du paragraphe 74(2) des Règles et conformément aux principes d’équité procédurale, la Cour a informé la Tsleil-Waututh Nation de la possibilité que son avis de demande de contrôle judiciaire excède les restrictions imposées dans l’ordonnance d’autorisation. La Cour lui a donné, ainsi qu’aux autres parties, la possibilité de faire des observations.

[6]  Après avoir pris connaissance des observations des parties, la Cour conclut que la Tsleil-Waututh Nation a contrevenu à l’ordonnance d’autorisation. Il s’agit d’une violation grave et délibérée au sujet de laquelle une ordonnance doit être prononcée.

A.  Question préliminaire : le juge chargé de trancher la question

[7]  La Tsleil-Waututh Nation prétend qu’une formation de juges devrait être saisie de la question. Elle ajoute que je ne devrais pas faire partie de cette formation.

[8]  Seul le juge en chef a le pouvoir d’assigner une cause à un juge : Loi sur le Service administratif des tribunaux judiciaires, L.C. 2002, ch. 8, par. 8(1) et (2); Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F-7, par.15(2) et 16(2). Sous réserve de certaines restrictions énoncées à l’article 16 de la Loi sur les Cours fédérales, dont aucune ne s’applique en l’espèce, seul le juge en chef est habilité à décider si une affaire sera entendue par un juge siégeant seul ou par une formation de juges. Un juge chargé d’entendre une affaire, qu’il siège seul ou avec deux collègues, doit exercer son mandat à moins d’avoir un motif légal de se récuser.

[9]  Le juge en chef, dans l’exercice de ses pouvoirs, m’a désigné pour trancher cette affaire. Ayant appliqué le critère récemment résumé par la Cour dans l’arrêt Fabrikant c. Canada, 2018 CAF 224, au paragraphe 14, je ne vois aucun motif légal de me récuser. Les commentaires formulés aux paragraphes 15 et 16 de cet arrêt sont tout aussi applicables en l’espèce.

[10]  La Tsleil-Waututh Nation fait remarquer que j’ai statué sur les requêtes en autorisation dans l’arrêt Raincoast Conservation et prononcé l’ordonnance. Elle affirme qu’en l’espèce, je siège dans l’appel de ma propre ordonnance, ce qui est contraire au paragraphe 16(4) de la Loi sur les Cours fédérales et aux principes de justice naturelle. Elle ajoute que je suis dessaisi de l’affaire et ne peux donc pas revenir sur l’ordonnance.

[11]  Il est faux d’affirmer que je suis saisi de l’appel de ma propre ordonnance ou de son réexamen. Mon rôle consiste à décider si l’avis de demande de contrôle judiciaire fait fi des restrictions imposées dans l’ordonnance. Pour ce faire, je dois partir de l’ordonnance et des restrictions qu’elle énumère et les tenir pour valides.

[12]  La Tsleil-Waututh Nation affirme que j’ai préjugé de l’issue du présent examen prévu à l’article 74 des Règles. Elle prétend que je suis partial. Elle s’appuie sur des directives que j’ai données et dans lesquelles j’ai exprimé la possibilité que son avis de demande ne respecte pas les restrictions imposées dans l’ordonnance d’autorisation.

[13]  Je n’ai pas préjugé de l’issue du présent examen. Je ne suis pas partial. Je confirme que je garde l’esprit ouvert et qu’il est possible de me convaincre sur l’ensemble des questions. Le soin que j’ai pris pour traiter les questions en l’espèce, tout comme le fait que j’ai, en fin de compte, ordonné une réparation semblable à ce que proposait la Tsleil-Waututh Nation, devraient témoigner de cette ouverture d’esprit.

[14]  La Tsleil-Waututh Nation fait fi de la procédure applicable à l’examen prévu à l’article 74 des Règles. Le juge commence par indiquer aux parties concernées la raison pour laquelle il pourrait être nécessaire de retirer un document du dossier de la Cour. Ainsi, les parties savent ce qui est reproché et peuvent formuler des arguments précis en toute connaissance de cause. Le juge procède ainsi lorsqu’il envisage un problème. Il attend toutefois pour se prononcer puisqu’il se peut que les arguments des parties atténuent ou fassent disparaître ses doutes.

[15]  En l’espèce, j’ai examiné l’avis de demande de contrôle judiciaire et le croyais incompatible avec l’ordonnance. J’en ai informé la Tsleil-Waututh Nation et lui ai également fait part de mon interprétation du droit et de mes hypothèses à ce sujet afin qu’elle puisse formuler des arguments, qu’elle me détrompe si mon interprétation et mes hypothèses étaient erronées et qu’elle fasse connaître son opinion sur la question de la réparation. Il est fréquent, lors des audiences, que les juges fassent part aux avocats de leur interprétation et de leurs hypothèses, plutôt que de les garder secrètes, dans l’espoir d’obtenir des observations complètes en réponse. Cette démarche, loin de constituer un préjugé ou une partialité, améliore l’équité procédurale et la probabilité que les décisions reposent sur une bonne conception du droit applicable.

[16]  Prétendre à la partialité est « une décision sérieuse qu’on ne doit pas prendre à la légère » : R. c. S.(R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484, 151 D.L.R. (4th) 193 à par. 113. Des allégations complètement infondées comme celles qui sont soulevées en l’espèce « [mettent] en cause non seulement l’intégrité personnelle du juge, mais celle de l’administration de la justice toute entière » : ibid. C’est seulement en faisant une démonstration « sérieuse » à l’aide d’une « preuve concluante » que l’on peut réfuter la forte présomption que les juges s’acquitteront de leurs fonctions adéquatement et avec intégrité : ibid., paras. 31-32, 112 et 113; R. c. Teskey, 2007 CSC 25, [2007] 2 R.C.S. 267; Bande indienne Wewaykum c. Canada, 2003 CSC 45, [2003] 2 R.C.S. 259.

[17]  En l’espèce, les allégations de partialité sont loin de répondre au critère et n’auraient jamais dû être soulevées, surtout par une partie avisée représentée par des avocats d’expérience. Dans certaines circonstances, de telles allégations peuvent constituer un abus de procédure susceptible d’exposer une partie au rejet de sa demande : McMeekin c. Canada (Ressources humaines et Développement des compétences), 2011 CAF 165, par. 32; Abi-Mansour c. Canada (Affaires Autochtones), 2014 CAF 272, par. 12. Les conséquences des allégations de partialité de la Tsleil-Waututh Nation seront examinées à la fin des présents motifs, en même temps que sa violation de l’ordonnance d’autorisation prononcée par la Cour.

B.  Examen par la Cour prévu à l’article 74

[18]  Dans sa demande de contrôle judiciaire, la Tsleil-Waututh Nation affirme, entre autres, que le gouvernement du Canada n’a pas respecté l’arrêt Tsleil-Waututh Nation c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 153, au sujet de ce qu’il doit faire pour s’acquitter de ses obligations de consulter les peuples autochtones. Elle soutient que le Canada ne devrait pas être autorisé à agir en toute impunité. Toutefois, dans le cadre du présent examen effectué en application de l’article 74 des Règles, elle affirme essentiellement qu’il n’y a pas de mal à faire fi de l’ordonnance, prononcée dans l’arrêt Raincoast Conservation, limitant les questions pouvant être soulevées dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Le paradoxe n’échappe pas à la Cour.

[19]  La Tsleil-Waututh Nation admet volontiers que sa demande de contrôle judiciaire soulève des questions que ne permettait pas l’ordonnance d’autorisation. Elle souhaite que sa demande de contrôle judiciaire soit considérée comme un appel d’une décision de la Cour interjeté auprès de la Cour, même s’il ne s’agit pas d’un appel et qu’il n’existe pas de droit d’appel. Quoi que veuille la Tsleil-Waututh Nation, il n’en demeure pas moins que sa demande de contrôle judiciaire contrevient à l’ordonnance d’autorisation.

[20]  La Tsleil-Waututh Nation prétend que la Cour, en raison des pleins pouvoirs ou des pouvoirs inhérents dont elle dispose, peut entendre un appel de la décision qu’elle a elle-même rendue dans l’arrêt Raincoast Conservation. La Cour possède effectivement de pleins pouvoirs : voir, par exemple, Lee c. Canada (Service correctionnel), 2017 CAF 228, aux paragraphes 7 à 12. Toutefois, ces pouvoirs ne s’étendent pas à la création de droits d’appel.

[21]  Les droits d’appel ne sont jamais inhérents ni tacites. Ces droits doivent être autorisés par la loi, implicitement ou expressément : Kourtessis c. M.R.N., [1993] 2 R.C.S. 53, 102 D.L.R. (4th) 456 à 69 S.C.R., 464 D.L.R.; Canada (Attorney General) v. 311165 B.C. Ltd., 2011 BCCA 409, 286 C.C.C. (3D) 474, par. 7. Il n’existe aucune autorisation implicite ou expresse d’appeler, auprès de la Cour, d’une ordonnance rendue par la Cour elle-même ou de la décision d’un juge siégeant seul auprès d’une formation de trois juges. Ni la Loi sur les Cours fédérales, ni les Règles des Cours fédérales, ni aucune autre loi ne prévoient cette possibilité.

[22]  À l’appui de son argument selon lequel elle peut interjeter appel de l’ordonnance d’autorisation, la Tsleil-Waututh Nation invoque la règle des lacunes qui découle des Règles des Cours fédérales (article 4), ainsi que l’arrêt SOCAN c. 960122 Ontario Ltd., 2003 CAF 256, dans lequel la Cour a renvoyé à cette disposition et a reconnu le droit d’interjeter appel, auprès d’elle, de la décision d’un arbitre de la Cour fédérale.

[23]  Aux termes de l’article 4, la Cour peut déterminer la procédure applicable par analogie avec d’autres dispositions des Règles ou par renvoi à la pratique de la province qui est la plus pertinente en l’espèce.

[24]  Étant donné que les droits d’appel ne peuvent être créés que par les lois et non par les tribunaux, il n’est pas loisible à la Cour d’exciper de l’article 4 des Règles pour créer des droits d’appel de toutes pièces. L’arrêt SOCAN, quant à lui, nous montre de quelle façon, par interprétation, une disposition législative en vigueur peut implicitement accorder des droits d’appel. Dans cette affaire, la Cour était appelée à trancher sur le fondement du paragraphe 159(1) des Règles ‑ qui donne aux arbitres les mêmes pouvoirs qu’aux juges de la Cour fédérale ‑, de l’article 27 de la Loi sur les Cours fédérales ‑ qui énonce les droits d’appel à la Cour d’appel fédérale des décisions rendues par les protonotaires et les juges de la Cour fédérale – et d’une décision rendue par un protonotaire agissant en qualité d’arbitre. Les droits d’appel n’ont pas été créés de toutes pièces.

[25]  La Tsleil-Waututh Nation prétend également qu’une formation de trois juges de la Cour peut toujours réparer un « déni de justice » provoqué par une ordonnance interlocutoire prononcée par un seul juge. Cette prétention échoue en raison du principe selon lequel les appels ne sont autorisés que par la loi. De plus, si cette prétention était retenue, une partie pourrait déposer un avis d’appel contre n’importe quelle décision défavorable, à tout moment et quelles que soient les circonstances; il lui suffirait de crier au « déni de justice ».

[26]  La Tsleil-Waututh Nation oublie qu’un juge qui prononce une ordonnance sous le régime législatif en question rend ainsi une ordonnance de la Cour : Loi sur l’Office national de l’énergie, L.R.C. 1985, ch. N-7, dans sa version modifiée, alinéa 55(2)c). Une fois que la Cour (qu’il s’agisse d’un juge siégeant seul ou d’une formation de trois juges) a prononcé une ordonnance, celle-ci est généralement définitive. Les seules exceptions sont les recours limités permettant d’obtenir une modification, un réexamen ou une annulation (par exemple, en cas de fraude) en vertu des articles 397 à 399 des Règles.

[27]  Notre Cour ne siège jamais dans l’appel de ses propres décisions. Le seul recours pour la partie qui estime qu’une ordonnance est erronée ou constitue un « déni de justice » est de demander une autorisation d’interjeter appel à la Cour suprême du Canada en application de l’article 40 de la Loi sur la Cour suprême, L.R.C. 1985, ch. S-26.

[28]  La Tsleil-Waututh Nation invoque la remarque incidence formulée au paragraphe 4 de l’arrêt Abi-Mansour, précitée, sur les formations de juges parfois en mesure de modifier les ordonnances de juges siégeant seuls.

[29]  La Cour, siégeant à trois juges dans le cas d’un appel ou d’une demande, peut, dans de rares circonstances, rendre une ordonnance qui, en pratique, infirme ou modifie une ordonnance interlocutoire. Telle est l’essence du commentaire formulé dans l’arrêt Abi-Mansour. Toutefois, la Cour dans ce cas n’exerce pas une compétence en matière d’appel à l’égard d’une ordonnance interlocutoire. Elle ne cherche pas non plus, comme l’affirme la Tsleil-Waututh Nation, à réparer un « déni de justice » – une expression vague dont la signification est subjective. La Cour réagit à de nouvelles circonstances ou accepte une invitation, implicite ou expresse, à agir. Par exemple, dans certains cas, une formation de juges peut légitimement interpréter l’ordonnance d’un seul siégeant juge comme une autorisation d’agir lorsque les circonstances le justifient. Des éléments de preuve jugés irrecevables par un juge saisi d’une requête peuvent ultérieurement être recevables en raison des circonstances qui existent au moment de l’audience sur le fond. Une décision rendue par un juge au sujet de la procédure à l’audience peut être modifiée si la formation de juges, qui décide toujours de la procédure d’audience, l’estime indiqué.

[30]  La présente affaire est différente. Comme l’explique l’arrêt Raincoast Conservation (aux paragraphes 9 à 16), le législateur, à l’article 55 de la Loi sur l’Office national de l’énergie, entend que notre Cour exerce indéniablement la fonction de « gardien judiciaire » lorsqu’elle juge des requêtes en autorisation, pour veiller à ce que seules les questions raisonnablement défendables soient débattues. Le législateur, en adoptant ce régime législatif, n’envisageait pas une situation où une soixantaine de questions soulevées dans une requête en autorisation seraient examinées si seulement trois d’entre elles étaient « raisonnablement défendables ».

[31]  Certes, le législateur peut adopter une approche différente pour réaliser différents objets, et il le fait parfois. L’article 58 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, L.C. 2005, ch. 34, qui régit les demandes d’autorisation d’interjeter appel des décisions de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale à la division d’appel, en est un exemple. Aux termes de cette disposition, l’autorisation est globale: soit toutes les questions de la demande sont autorisées, soit aucune d’entre elles ne l’est : Hillier c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 44.

[32]  Sauf indication contraire de la loi, comme dans l’affaire Hillier, les tribunaux peuvent écarter les questions insuffisamment fondées dans le processus d’autorisation : MacDonald c. Ville de Montréal, [1986] 1 R.C.S. 460, 27 D.L.R. (4th) 321 à p., p. 508 S.C.R. 358 D.L.R., R. c. Wigman, [1987] 1 R.C.S. 246, 38 D.L.R. (4th) 530, R. c. Keegstra, [1995] 2 R.C.S. 381, 124 D.L.R. (4th) 289; voir p. ex., les arrêts Leroux c. Transcanada Pipelines Ltd.[1996] A.C.F. no 622 (C.A.F.), Rutherford v. Husky Oil Operations Limited, 2014 SKCA 118, aux par. 26 et 27 et Fort MacKay First Nation v. Prosper Petroleum Ltd., 2019 ABCA 14, aux par. 59 et 60.

[33]  La Tsleil-Waututh Nation se plaint du fait que la Cour [traduction] « n’a pas pris en compte » les arguments qu’elle formule maintenant dans sa demande de contrôle judiciaire. Elle sous-entend la négligence et le manque de diligence de la part de notre Cour.

[34]  Loin d’avoir été négligés, bon nombre de ces arguments ont été examinés attentivement, parfois à plus d’une reprise, et des motifs détaillés ont été fournis. Il a été décidé que d’autres arguments présentés dans la requête en autorisation n’étaient pas raisonnablement défendables, une fois encore, motifs détaillés à l’appui.

[35]  En soulevant à nouveau ces arguments dans sa demande de contrôle judiciaire, la Tsleil-Waututh Nation contrevient à l’ordonnance accordant l’autorisation et commet un abus de procédure. L’exercice du pouvoir discrétionnaire en matière de réparation, conféré à la Cour par l’article 74 des Règles, tient compte de cet abus de procédure, comme il est expliqué plus loin dans les présents motifs. Quelques exemples de ce que la Tsleil-Waututh Nation tente de faire illustrent la nature et l’ampleur de cet abus de procédure.

[36]  La Tsleil-Waututh Nation affirme que des lacunes dans le processus d’évaluation environnementale par l’Office national de l’énergie devraient être abordées dans un contrôle judiciaire immédiat et ne pas être reportées à la tenue du contrôle judiciaire général de la décision du gouverneur en conseil, à la toute fin du processus. La Cour a examiné et rejeté cet argument plusieurs fois, car le régime législatif ne permet pas une série de contrôles judiciaires fragmentés. Les affaires relevant de régimes législatifs différents ne sont donc pas pertinentes. La Cour suprême a refusé à plusieurs reprises d’accorder l’autorisation d’interjeter appel de ces décisions. Voir les arrêts Nation Gitxaala c. Canada, 2016 CAF 187, [2016] 4 R.C.F. 418, aux par. 119 à 127, autorisation d’interjeter appel à la CSC refusée, no 37201 (9 février 2017); Tsleil-Waututh Nation, précitée, aux par. 173 à 203, autorisation d’interjeter appel à la CSC refusée, no 38379 (2 mai 2019); Raincoast Conservation, précité. Ces jurisprudences, tour à tour, ont aussi clairement rejeté l’affirmation – que la Tsleil-Waututh Nation souhaite avancer une fois de plus dans son avis de demande de contrôle judiciaire – que des lacunes dans le processus d’évaluation environnementale par l’Office national de l’énergie et dans le rapport en découlant, y compris le défaut de respecter des exigences légales, invalident nécessairement la décision du gouverneur en conseil. D’autres exemples abondent.

[37]  La Tsleil-Waututh Nation avance d’autres arguments contre l’ordonnance d’autorisation : à son avis, elle [traduction] « usurpe le rôle qui revient à la commission [d’évaluation environnementale] », « éviscère » de nombreux « principes fondamentaux du droit administratif », « ne tient pas compte » de ces principes, « permet au [gouverneur en conseil] de faire fi de la loi » et « soustrait » le gouverneur en conseil et l’Office national de l’énergie à « l’examen judiciaire de la légalité de leurs actions ». Il n’est pas possible d’interjeter appel de l’ordonnance d’autorisation devant la Cour; ces arguments ne sont donc pas recevables en l’espèce. La Tsleil-Waututh Nation est libre de les avancer dans une demande d’autorisation d’interjeter appel à la Cour suprême.

[38]  La Tsleil-Waututh Nation n’indique pas clairement si elle sollicite la modification de l’ordonnance d’autorisation. Aux termes de certains de ses documents, ils seraient déposés à l’appui d’une requête en modification. Toutefois, elle n’aborde pas la possibilité d’obtenir une modification dans les circonstances en vertu de l’article 399 des Règles. Une modification ne fait pas partie de la réparation demandée en conclusion de ses observations.

[39]  Quoi qu’il en soit, rien dans ce que la Tseil-Waututh Nation a soulevé dans ses observations ne serait susceptible d’appuyer une modification de l’ordonnance d’autorisation. Cette réparation n’est offerte que dans le cas d’ordonnances ex parte (alinéa 399(1)a) des Règles), de graves irrégularités de procédure (alinéa 399(1)b)), de la découverte d’une question soulevée après le prononcé de l’ordonnance (alinéa 399(2)a)) ou d’une fraude (article 399(2)b)). L’espèce ne présente aucune de ces circonstances. La modification demandée en vertu de l’article 399 des Règles n’est pas un moyen d’appel : Compagnie pharmaceutique Procter & Gamble Canada Inc. c. Ministre de la santé, 2003 CF 911, par. 17.

C.  Réparation

[40]  Le procureur général du Canada fait valoir que la Cour doit ordonner le retrait de l’avis de demande du dossier aux termes de l’article 74. Il ajoute que la Tsleil-Waututh Nation doit se voir accorder un délai d’un jour pour déposer un avis de demande modifié, et les intimés, deux jours pour formuler des observations sur la conformité, ou l’absence de conformité, de la demande modifiée à l’ordonnance d’autorisation.

[41]  Les défendeurs Trans Mountain prétendent également que l’avis de demande de contrôle judiciaire devrait être retiré du dossier au titre de l’article 74. Ils vont même plus loin. Ils prétendent que la Tsleil-Waututh Nation ne devrait pas avoir l’occasion de déposer à nouveau sa demande. Ils affirment qu’il s’agit d’une réponse adéquate à un grave abus de procédure et à une violation délibérée d’une ordonnance de la Cour.

[42]  La Tsleil-Waututh Nation demande l’autorisation à notre Cour de modifier son avis de demande de contrôle judiciaire en application de l’article 75 des Règles. Elle n’a toutefois pas présenté de requête en ce sens. Elle n’a pas non plus déposé d’avis modifié pour examen par notre Cour. Compte tenu de l’instruction « très accélérée » des contestations visant l’approbation par le gouverneur en conseil du projet d’oléoduc (voir Raincoast Conservation Foundation, au paragraphe 76), son inaction rend perplexe.

[43]  Trois facteurs ont une incidence sur le pouvoir discrétionnaire de la Cour en matière de réparations.

[44]  Tout d’abord, le retrait de l’avis de demande de contrôle judiciaire en application de l’article 74 des Règles ne constituerait pas une décision au fond sur la demande de contrôle judiciaire. En termes juridiques, il n’y aurait pas chose jugée. Pourvu qu’elle agisse sans tarder, la Tsleil-Waututh Nation pourrait déposer une demande de contrôle judiciaire rectifiée.

[45]  Deuxièmement, la contravention à une ordonnance, particulièrement le type de violation délibérée et provocatrice dont il est question en l’espèce, est une transgression extrêmement grave. Il s’agit d’une atteinte à la primauté du droit. Dans certaines circonstances, elle tient de l’outrage au tribunal, et certaines des sanctions les plus sévères de notre système juridique peuvent être infligées. La gravité est exacerbée en l’espèce par l’inclination de la Tsleil-Waututh Nation à remettre en cause une question déjà tranchée et son attaque infondée à l’égard de l’impartialité de la Cour, deux abus de procédure supplémentaires. Or, les réparations pour abus de procédure doivent viser à réparer le préjudice et non à punir l’auteur de la faute, et ce peu importe la mesure dans laquelle sa conduite est répréhensible : voir, par exemple, R. c. Carosella, [1997] 1 R.C.S. 80, 142 D.L.R. (4th) 595. La Cour est d’accord avec les défendeurs Trans Mountain pour dire que la conduite de la Tsleil-Waututh Nation doit être dénoncée. Cependant, à ce stade-ci, il me paraît excessif de l’empêcher de contester la décision du gouverneur en conseil. Toutefois, cette conclusion pourrait changer, selon les suites des choses.

[46]  Troisièmement, il est question pour l’instant de l’examen prévu à l’article 74 des Règles. Cette disposition n’offre pas beaucoup de choix en matière de réparations : elle prévoit uniquement le retrait d’un document d’un dossier de la Cour. Toutefois, à l’article 55 des Règles, la Cour peut modifier une règle dans des « circonstances spéciales ». Grâce à ce mécanisme, d’autres recours peuvent être possibles dans le cadre d’un examen effectué en application de l’article 74 des Règles.

[47]  Des « circonstances spéciales » s’appliquent en l’espèce. La Cour est actuellement saisie de cinq autres demandes de contrôle judiciaire visant la décision du gouverneur en conseil. Le 20 septembre 2019, la Cour a rendu une ordonnance procédurale fixant l’échéancier pour l’instruction de ces demandes. Cette dernière réunit les demandes et accélère leur instruction, en plus d’établir des délais serrés pour les procédures préalables à l’audience, le tout dans le but de servir l’intérêt public en veillant à la prompte résolution de l’affaire.

[48]  Dans de telles circonstances, l’intérêt public est de première importance. D’une façon ou d’une autre, les parties des instances réunies – tout comme  une grande partie de la population canadienne d’ailleurs – attendent le verdict final de la Cour. Une décision presse.

[49]  Le retrait de l’avis de demande déposé par la Tsleil-Waututh Nation du dossier et la clôture de ce dernier déclencheraient une série d’actions complexes et susceptibles de traîner en longueur risquant d’entraver les objectifs de l’ordonnance procédurale fixant l’échéancier. Il en résulterait des longueurs et une atteinte à l’intérêt public. Tout d’abord, il faudrait modifier l’ordonnance procédurale fixant l’échéancier pour retirer la Tsleil-Waututh Nation des instances réunies. Cette dernière serait alors en mesure de présenter une nouvelle demande de contrôle judiciaire. La Cour serait ensuite tenue d’examiner soigneusement le nouvel avis de demande pour s’assurer qu’il est conforme à l’ordonnance du 4 septembre 2019. Il pourrait se révéler nécessaire de solliciter des observations sur ce point. Si la nouvelle demande est conforme, la Tsleil-Waututh Nation serait tenue de présenter une requête sollicitant la jonction de sa demande de contrôle judiciaire et des instances réunies. Un délai supplémentaire pourrait être nécessaire pour la présentation des observations à ce sujet. Il se peut que le dépôt de la preuve dans les instances réunies soit ainsi retardé, ce qui risque d’entraîner le report de l’audience devant normalement avoir lieu au cours de la semaine du 16 décembre 2019.

[50]  Ces circonstances particulières justifient que l’on modifie la réparation prévue à l’article 74 : la Tsleil-Waututh Nation devrait avoir la possibilité de déposer un avis de demande de contrôle judiciaire modifié qui respecte les restrictions imposées dans l’ordonnance accordant l’autorisation. Ainsi, les autres parties ne seront pas contraintes de déposer plusieurs séries d’observations, et, tant et aussi longtemps que l’avis de demande modifié est conforme, la Tsleil-Waututh Nation sera en mesure de participer aux instances réunies. La Cour imposera des délais très serrés pour ce faire, inspirés des recommandations du procureur général du Canada.

[51]  À l’avenir, si la Tsleil-Waututh Nation est insatisfaite d’une ordonnance, elle doit interjeter appel en faisant appel aux moyens légaux pertinents ou aux recours restreints que prévoient les articles 397 à 399 des Règles. L’inobservance n’est pas une option. La remise en cause non plus.

D.  La Nation Squamish

[52]  À une étape avancée du processus, la Nation Squamish a déposé des observations faisant siennes celles de la Tsleil-Waututh Nation. Elle concède que son avis de demande de contrôle judiciaire soulève également des questions qui excèdent celles que permet l’ordonnance accordant l’autorisation. Le défaut de conformité de son avis de demande n’est pas aussi grave que celui de la Tsleil-Waututh Nation. Elle doit néanmoins rendre son avis conforme. Comme il est dans l’intérêt public de régler promptement cette affaire, la Nation Squamish doit s’exécuter dans les mêmes délais que ceux imposés à la Tsleil-Waututh Nation.

E.  Décision

[53]  La Cour ordonnera ce qui suit :

  • Dans le jour qui suit (au plus tard à 16 h [HAP] le jeudi 26 septembre 2019), la Tsleil-Waututh Nation et la Nation Squamish devront respectivement déposer un avis de demande de contrôle judiciaire modifié qui est conforme aux restrictions imposées dans l’ordonnance accordant l’autorisation.

  • Toutes les autres parties ont jusqu’au lundi 30 septembre 2019 à 10 h (HAP) pour déposer des observations au sujet de la conformité ‑ ou du défaut de conformité ‑ des avis de demande modifiés aux restrictions imposées dans l’ordonnance accordant l’autorisation.

  • La Tsleil-Waututh Nation et la Nation Squamish ont respectivement jusqu’au mardi 1er octobre 2019 à midi (HAP) pour déposer une réponse.

  • La signification devra être faite conformément à l’ordonnance procédurale fixant l’échéancier datée du 20 septembre 2019, et le dépôt devra être effectué à l’adresse électronique précisée dans cette ordonnance.

  • La Cour demeure saisie de l’affaire pour traiter les avis de demande de contrôle judiciaire modifiés et rendre toute ordonnance supplémentaire qui s’impose dans les circonstances, tout particulièrement si les avis de demande de contrôle judiciaire modifiés ne sont pas conformes aux restrictions imposées dans l’ordonnance accordant l’autorisation.

  • Les délais fixés dans l’ordonnance procédurale fixant l’échéancier de la Cour datée du 20 septembre 2019 continuent de s’appliquer.

[54]  Les défendeurs Trans Mountain n’ont pas demandé les dépens. Le procureur général du Canada demande que ses dépens afférents à l’examen effectué en application de l’article 74 des Règles soient recouvrables sur-le-champ, quelle que soit l’issue de la cause. Sa demande concerne les observations de la Tsleil-Waututh Nation, et non les brèves observations déposées tardivement par la Nation Squamish. Par conséquent, je condamne la Tsleil-Waututh Nation aux dépens en faveur du procureur général au montant fixe global de 2 000 $, recouvrables sur-le-champ quelle que soit l’issue de la cause.

« David Stratas »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


DOSSIERS :

A-321-19 (dossier principal), A-323-19, A-324-19, A-325-19, A-326-19, A-327-19

 

INTITULÉ :

CHEF RON IGNACE et al. c. PROCUREUR GÉNÉRAL et al.

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE STRATAS

 

DATE DES MOTIFS :

Le 25 septembre 2019

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Scott A. Smith

Paul Seaman

 

POUR LA DEMANDERESSE, LA TSLEIL-WAUTUTH NATION

 

Michelle L. Bradley

POUR LA DEMANDERESSE, LA NATION SQUAMISH

 

Maureen Killoran, c.r.

POUR LES DÉFENDEURS, TRANS MOUNTAIN PIPELINE ULC et TRANS MOUNTAIN CORPORATION

 

Jan Brongers

POUR L’INTERVENANT, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Miller Thomson LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LES DEMANDEURS, CHEF RON IGNACE ET CHEF ROSANNE CASIMIR, POUR LEUR PROPRE COMPTE ET AU NOM DE TOUS LES AUTRES MEMBRES DE STK’EMLUPSEMC TE SECWEPEMC DE LA NATION SECWEPEMC

 

Ratcliff & Company LLP

Vancouver Nord (Colombie-Britannique)

POUR LA DEMANDERESSE, LA NATION SQUAMISH

 

Ratcliff & Company LLP

Vancouver Nord (Colombie-Britannique)

POUR LA DEMANDERESSE, BANDE INDIENNE COLDWATER

 

Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE, LA TSLEIL-WAUTUTH NATION

 

Miller Titerle Law Corporation

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LES DEMANDEURS, AITCHELITZ, SKOWKALE, SHXWHÁ:Y VILLAGE, SOOWAHLIE, PREMIÈRE NATION SQUIALA, TZEACHTEN, YAKWEAKWIOOSE

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour le défendeur, le procureur général du Canada

 

Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Calgary (Alberta)

POUR LES DÉFENDEURS, TRANS MOUNTAIN PIPELINE ULC et TRANS MOUNTAIN CORPORATION

 

Ministre de la Justice et Solliciteur général de l’Alberta

Edmonton (Alberta)

POUR L’INTERVENANT, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE L’ALBERTA

 

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