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Date : 20191002


Dossier : A-88-18

Référence : 2019 CAF 244

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

TELECON INC.

demanderesse

et

SECTION LOCALE 213 DE LA FRATERNITÉ INTERNATIONALE DES OUVRIERS EN ÉLECTRICITÉ

défenderesse

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 26 juin 2019.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 2 octobre 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

 


Date : 20191002


Dossier : A-88-18

Référence : 2019 CAF 244

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

TELECON INC.

demanderesse

et

SECTION LOCALE 213 DE LA FRATERNITÉ INTERNATIONALE DES OUVRIERS EN ÉLECTRICITÉ

défenderesse

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DE MONTIGNY

[1]  Telecon Inc. (Telecon, ou la demanderesse) demande le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 19 février 2018 (la décision) par le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil). Le Conseil a accueilli la demande d’accréditation de la Section locale 213 de la Fraternité internationale des ouvriers en électricité (la FIOE ou la défenderesse), déposée en vertu de l’article 24 du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2 (le Code), à l’égard des employés techniques sur le terrain et des employés d’entrepôt de Telecon Inc.

[2]  Pour les motifs qui suivent, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire avec dépens.

I.  Contexte

[3]  Telecon est un fournisseur de services en infrastructure de réseaux de télécommunications. La société, constituée en 1967, a son siège social à Montréal (Québec). Elle compte environ 572 employés dans l’ouest du Canada. Très peu d’éléments de preuve ont été produits à la fois devant le Conseil et notre Cour quant à la nature du travail réalisé par Telecon. Comme l’a conclu le Conseil, ses services comprennent notamment la construction, l’installation et l’inspection d’infrastructures de télécommunications. Telecon fournit également les matériaux et l’installation de services filaires (comme la fibre optique à la maison, y compris le câblage des immeubles à logements multiples résidentiels et commerciaux), en plus de construire, de mettre à l’essai et d’entretenir des pylônes de transmission sans fil, des réseaux à petites cellules et des réseaux sans fil pour des tiers.

[4]  La demanderesse décrit ses activités comme suit dans le document justificatif déposé devant le Conseil :

[traduction]

[...] le plus important fournisseur de services en infrastructure de réseaux de télécommunications au Canada. Telecon s’appuie sur sa présence nationale, son réseau de 3 000 professionnels, ses relations clients et ses 50 ans d’existence pour offrir des services et des solutions de pointe en matière de conception, d’infrastructure et de connectivité aux entreprises de télécommunications à l’échelle nationale.

Recueil de la demanderesse, volume 2, page 152.

[5]  Elle déclare également avoir des [traduction] « relations bien établies et de longue date avec les principaux fournisseurs de télécommunications au Canada », avoir [traduction] « contribué activement à la création de l’épine dorsale des réseaux de télécommunications canadiens depuis 50 ans » par ses services d’infrastructure de télécommunications, et avoir [traduction] « assuré la connexion des différents types de réseaux de télécommunications avec les usagers » (recueil de la demanderesse, volume 2, pages 152, 160 et 161).

[6]  Le 16 janvier 2018, la FIOE a présenté au Conseil une demande d’accréditation en vertu du paragraphe 24(1) du Code afin de représenter les 71 employés techniques sur le terrain et des employés d’entrepôt de Telecon en Colombie-Britannique. La demande excluait le personnel de bureau et des ventes ainsi que les gestionnaires.

[7]  Telecon s’est opposée à la demande d’accréditation en s’appuyant sur deux motifs. Premièrement, elle a soutenu que les relations de travail en cause étaient assujetties à la réglementation provinciale et non à la réglementation fédérale en vertu du Code. En conséquence, le Conseil n’avait pas compétence pour examiner la demande. Elle a produit la lettre d’un inspecteur d’Emploi et Développement social Canada exprimant le point de vue qu’une filiale de Telecon constituait une entreprise provinciale et non une entreprise fédérale. Deuxièmement, Telecon a soutenu qu’advenant une décision favorable du Conseil à la demande d’accréditation, celui-ci devrait exclure huit postes de [traduction] « chef d’équipe » de l’unité de négociation proposée, car il s’agit de postes de gestion dont les titulaires ont accès à des renseignements confidentiels.

II.  Décision contestée

[8]  Le 19 février 2018, le Conseil a informé les parties de sa décision par la voie d’une décision sommaire, les motifs complets devant suivre à une date ultérieure (2018 CCRI DL 3933). Le Conseil a rendu sa décision sans tenir d’audience, comme le permet l’article 16.1 du Code. Le Conseil a conclu qu’il avait la compétence constitutionnelle de traiter le dossier et a accueilli la demande d’accréditation. Il a en outre conclu que le poste de « chef d’équipe » devrait être inclus dans l’unité de négociation.

[9]  Les motifs de cette décision ont été délivrés le 21 mars 2018 (2018 CCRI DL 3948 [motifs du Conseil]). Après avoir résumé les faits pertinents au dossier ainsi que les observations des parties, le Conseil a examiné l’objection constitutionnelle soulevée par Telecon. Le Conseil a reconnu que « les relations de travail au Canada relèvent pour la plupart de la compétence provinciale » (à la page 7); toutefois, il a fait remarquer que les types d’exploitation énoncés expressément à l’article 2 du Code relevaient de la compétence fédérale.

[10]  Avant d’analyser la décision du Conseil, il serait utile d’énoncer les dispositions pertinentes du Code. La Partie 1 du Code s’intitule « Relations du travail », et l’article 4 de celle-ci est rédigé ainsi :

La présente partie s’applique aux employés dans le cadre d’une entreprise fédérale et à leurs syndicats, ainsi qu’à leurs employeurs et aux organisations patronales regroupant ceux-ci.

This Part applies in respect of employees who are employed on or in connection with the operation of any federal work, undertaking or business, in respect of the employers of all such employees in their relations with those employees and in respect of trade unions and employers’ organizations composed of those employees or employers.

[11]  L’expression « entreprises fédérales » est définie à l’article 2 du Code. Les parties de cette disposition qui sont pertinentes à l’espèce sont rédigées ainsi :

Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

In this Act,

entreprises fédérales Les installations, ouvrages, entreprises ou secteurs d’activité qui relèvent de la compétence législative du Parlement, notamment :

federal work, undertaking or business means any work, undertaking or business that is within the legislative authority of Parliament, including, without restricting the generality of the foregoing,

[…]

b) les installations ou ouvrages, entre autres, chemins de fer, canaux ou liaisons télégraphiques, reliant une province à une ou plusieurs autres, ou débordant les limites d’une province, et les entreprises correspondantes;

(b) a railway, canal, telegraph or other work or undertaking connecting any province with any other province, or extending beyond the limits of a province,

[…]

i) les installations, ouvrages, entreprises ou secteurs d’activité ne ressortissant pas au pouvoir législatif exclusif des législatures provinciales;

(i) a work, undertaking or business outside the exclusive legislative authority of the legislatures of the provinces,

[12]  Le Conseil a suivi la démarche fonctionnelle établie dans l’arrêt de principe Northern Telecom c. Travailleurs en communication, [1980] 1 R.C.S. 115, 98 D.L.R. (3d) 1 [arrêt Northern Telecom 1], puis a déterminé que « les activités quotidiennes et habituelles de Telecon vont bien au-delà de celles d’une entreprise de nature locale » (motifs du Conseil, à la page 8), car elles « ont trait à la fourniture d’un système de télécommunications, à la connexion de clients résidentiels et non résidentiels au système de télécommunications, de même qu’à la construction et à l’entretien de ce système » (ibid).

[13]  En conséquence, le Conseil a déterminé que l’espèce se distinguait de l’arrêt Construction Montcalm, dans lequel l’entreprise en cause était réputée provinciale, car ses activités de construction « ne touchaient pas uniquement les aéroports » (motifs du Conseil, à la page 8, faisant référence à l’arrêt Construction Montcalm Inc. c. Commission du salaire minimum, [1979] 1 R.C.S. 754, 93 D.L.R. (3d) 641 [arrêt Construction Montcalm]). Selon le Conseil, l’entreprise dont il est question ici s’apparente davantage à celle décrite dans l’arrêt XL Digital Services Inc. c. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, 2011 CAF 179, 338 D.L.R. (4th) 758 [arrêt XL Digital], qui, selon la Cour d’appel fédérale, relevait du champ de compétence fédérale, car elle installait du câblage pour le compte de clients résidentiels. En conclusion, le Conseil a conclu qu’on ne pouvait nullement s’appuyer sur la lettre de l’inspecteur fournie par Telecon (motifs du Conseil, à la page 8).

[14]  Quant à la deuxième question dont il était saisi, le Conseil a conclu que le poste de « chef d’équipe » devrait être inclus dans l’unité de négociation. Telecon ne conteste pas cette conclusion.

III.  Question en litige

[15]  La présente demande ne soulève ainsi qu’une seule question, qu’on peut formuler comme suit : le Conseil a-t-il bien conclu qu’il avait la compétence constitutionnelle voulue pour trancher la demande d’accréditation?

IV.  Discussion

[16]  La question de savoir si les relations du travail en cause sont assujetties aux lois fédérales ou provinciales est de nature constitutionnelle; en conséquence, elle doit être examinée selon la norme de la décision correcte (voir les arrêts Syndicat des agents de sécurité Garda, Section CPI-CSN c. Garda Canada Security Corporation, 2011 CAF 302, 430 N.R. 84, au paragraphe 29, Commission des services policiers de Nishnawbe-Aski c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2015 CAF 211, [2016] 2 R.C.F. 351, au paragraphe 6 [arrêt Nishnawbe] et Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 58).

[17]  Les conclusions de faits sous-jacentes à la décision du Conseil commandent la retenue, dans la mesure où elles sont distinctes de la question constitutionnelle (voir les arrêts Consolidated Fastfrate c. Western Canada Council of Teamsters, 2009 CSC 53, [2009] 3 R.C.S. 407, au paragraphe 26 [arrêt Consolidated Fastfrate], Conseil de la Nation Innu Matimekush-Lac John c. Association des employés du nord québécois (CSQ), 2017 CAF 212, 284 A.C.W.S. (3d) 625, au paragraphe 14, Syndicat des débardeurs du port de Québec c. Société des arrimeurs de Québec Inc., 2011 CAF 17, 203 A.C.W.S. (3d) 177, au paragraphe 45 et CHC Global Operations (2008) Inc. c. Global Helicopter Pilots Association, 2010 CAF 89, 186 A.C.W.S. (3d) 1123, au paragraphe 22). En conséquence, ces conclusions sont assujetties à la norme de la décision raisonnable.

[18]  Toutefois, l’appréciation que fait le Conseil de l’importance constitutionnelle à attribuer à ces faits s’assimile à une question constitutionnelle.

[19]  La demanderesse prétend que la conclusion du Conseil relativement à la compétence est erronée. En premier lieu, elle soutient être exclue du champ de compétence fédérale directe, car elle n’exploite pas elle-même un réseau de télécommunications. Deuxièmement, elle fait valoir que ses activités ne donnent pas naissance à une compétence fédérale dérivée. À ce titre, la demanderesse soutient que, contrairement aux faits dans l’affaire XL Digital, le soutien des entreprises de télécommunication ne constitue pas la partie principale de ses activités commerciales. En outre, lorsqu’on les examine dans leur ensemble, ses activités sont plutôt celles d’une entreprise de construction. En conséquence, elle relève du champ de compétence provinciale (arrêt Construction Montcalm). La demanderesse souligne également la lettre de l’inspecteur et les décisions en arbitrage (y compris l’accréditation de certains de ses techniciens par la Commission des relations de travail de l’Ontario [CRTO]), ce qui, selon elle, étaye sa prétention.

[20]  À mon sens, cet argument doit échouer pour les motifs suivants.

[21]  Les parties s’entendent sur les principes applicables. La compétence relativement aux relations et aux conditions de travail n’est déléguée ni au gouvernement fédéral ni au gouvernement provincial, selon les articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867, (R.-U.), 30 et 31 Victoria, ch. 3, réimprimée dans les L.R.C. 1985, app. II, no 5 [Loi constitutionnelle de 1867]. Les tribunaux canadiens ont longtemps reconnu que les relations de travail étaient vraisemblablement de compétence provinciale, car elles engagent le pouvoir législatif provincial en vertu du paragraphe 92(13) (la propriété et les droits civils dans la province), voire des paragraphes 92(10) (les travaux et entreprises d’une nature locale) et 92(16) (les matières d’une nature purement locale) de la Loi constitutionnelle de 1867 (voir l’arrêt Toronto Electric Commissioners v. Snider, [1925] A.C. 396, [1925] 2 D.L.R. 5).

[22]  Le droit que sont présumées avoir les provinces de réglementer les relations de travail n’exclut toutefois pas entièrement l’activité réglementaire fédérale à l’égard de ce domaine. Dans l’arrêt Affaire des débardeurs, la Cour suprême a déterminé que le Parlement pouvait réglementer les relations de travail lorsque l’ouvrage relevait d’un champ de compétence fédérale (Reference re Industrial Relations and Disputes Investigation Act, [1955] R.C.S. 529, [1955] 3 D.L.R. 721 [Affaire des débardeurs]). La justification étant la suivante : « la compétence exclusive d’un ordre de gouvernement à l’égard d’un ouvrage ou d’une entreprise emporte le pouvoir d’en réglementer les relations de travail » (Tessier Ltée c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), 2012 CSC 23, [2012] 2 R.C.S. 3, au paragraphe 15 [arrêt Tessier], s’appuyant sur les arrêts Commission du salaire minimum c. Bell Telephone Co. of Canada, [1966] R.C.S. 767, aux pages 771-772, 59 D.L.R. (2d) 145, Bell Canada c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), [1988] 1 R.C.S. 749, aux pages 816-817, 825-826 et 833, 51 D.L.R. (4th) 161 et Ontario Hydro c. Ontario (Commission des relations de travail), [1993] 3 R.C.S. 327, aux pages 363-364 et 368-369, 107 D.L.R. (4th) 457).

[23]  Il s’ensuit que le Parlement n’a qu’une compétence d’exception sur les relations de travail, laquelle a toujours été interprétée de manière restrictive (voir les arrêts Nishnawbe, au paragraphe 50, et Consolidated Fastfrate, au paragraphe 27). C’est d’ailleurs ce qu’illustre la définition d’« entreprises fédérales » à l’article 2 du Code. L’alinéa b) de cette définition reprend simplement une partie de l’alinéa 92(10)a) de la Loi constitutionnelle de 1867, lequel désigne les catégories de travaux soustraits à la compétence des provinces et intégrés au champ de compétence fédérale aux termes du paragraphe 91(29). L’alinéa i) soit applique le pouvoir résiduel du Parlement aux ouvrages et entreprises, ou découle d’une interprétation de l’effet des exceptions au paragraphe 92(10) relativement aux « travaux et entreprises d’une nature locale » (arrêt Northern Telecom 1, à la page 128).

[24]  La Cour suprême a reconnu la compétence du gouvernement fédéral à l’égard de la réglementation de l’emploi dans deux situations particulières, nommément :

[...] lorsque l’emploi s’exerce dans le cadre d’un ouvrage, d’une entreprise ou d’un commerce relevant du pouvoir législatif du Parlement ou lorsqu’il se rapporte à une activité faisant partie intégrante d’une entreprise assujettie à la réglementation fédérale, ce qui est parfois appelé compétence dérivée.

Arrêt Tessier, au paragraphe 17.

Voir également l’arrêt Travailleurs unis des transports c. Central Western Railway Corp., [1990] 3 R.C.S. 1112, à la page 1124, 76 D.L.R. (4th) 1 [arrêt TUT].

[25]  Dans le premier cas, c’est-à-dire lorsqu’on évoque une compétence directe, la Cour doit « détermine[r] si la nature fonctionnelle essentielle de l’ouvrage, du commerce ou de l’entreprise le fait tomber dans un champ de compétence fédérale » (arrêt Tessier, au paragraphe 18). Dans le second cas, c’est-à-dire lorsqu’on invoque une compétence dérivée, la Cour doit « détermine[r] si cette nature est telle que l’ouvrage fait partie intégrante d’une entreprise fédérale » (ibid.). Dans les deux cas, c’est par « l’établissement de la nature fonctionnelle essentielle de l’ouvrage » que la Cour parvient à décider de l’ordre de gouvernement ayant compétence (ibid.). En d’autres mots, il s’agit de rendre [traduction] « un jugement à la fois fonctionnel et pratique, sur le caractère véritable de l’entreprise active » (arrêt Northern Telecom 1, à la page 133, citant la décision Arrow Transfer Co. Ltd., [1974] 1 Can. L.R.B.R. 29, aux pages 34-35, [1974] B.C.L.R.B.D. No. 4).

[26]  Ainsi, « il faut considérer les activités normales ou habituelles de l’affaire en tant qu’”entreprise active” [...] sans tenir compte de facteurs exceptionnels ou occasionnels » afin de déterminer la « nature de l’exploitation » de l’entreprise en cause (arrêt Construction Montcalm, à la page 769). En d’autres mots, l’entreprise « ne peut être qualifiée de fédérale ou de provinciale en raison de facteurs occasionnels » (ibid., à la page 755). Sinon, comme l’a indiqué la Cour suprême, « la Constitution ne pourrait être appliquée de façon continue et régulière » (ibid., à la page 769).

[27]  Dans le cas d’une compétence dérivée, l’analyse fonctionnelle sera alors axée sur « la relation entre l’activité, les employés concernés et l’entreprise fédérale à laquelle le travail des employés est censé profiter » (arrêt Tessier, au paragraphe 38, s’appuyant sur l’arrêt TUT, aux pages 1138-1139). Il faut examiner le lien entre « l’entreprise fédérale et l’activité censée en former une partie intégrante dans la perspective de chacune, évaluant dans quelle mesure l’exploitation efficace de l’entreprise fédérale dépendait des services fournis par l’entreprise connexe et soupesant l’importance de ces services pour l’entreprise connexe elle‑même » (arrêt Tessier, au paragraphe 46). Cette réflexion pourrait mener la Cour a conclure qu’une entreprise, dont :

[...] les relations de travail seraient normalement régies par les lois provinciales pourrait néanmoins relever de la compétence fédérale si l’entreprise fédérale qui fait appel à ses services ne pouvait s’acquitter efficacement de ses activités sans elle. Le rattachement des relations de travail à la compétence fédérale, en de tels cas, résulte de la conclusion que l’entreprise fédérale dépend dans une mesure importante des travailleurs en cause.

Arrêt Tessier, au paragraphe 32.

[28]  Ceci signifie qu’une entreprise pourrait être assujettie à une compétence dérivée du gouvernement fédéral en matière de relations de travail, même si elle exerce des activités relevant du domaine provincial (arrêt Tessier, au paragraphe 36). C’était exactement le cas dans l’affaire Letter Carriers’ Union of Canada c. Canadian Union of Postal Workers, [1975] 1 R.C.S. 178, 40 D.L.R. (3d) 105 [arrêt Letter Carriers]. En l’occurrence, la Cour a conclu qu’une entreprise consacrant 90 pour cent de son temps à la levée et à la distribution du courrier, et 10 pour cent de son temps aux activités locales, relevait ainsi de la compétence fédérale. En outre, la distribution et la levée du courrier « qui constituaient la principale et plus importante partie du travail de l’entreprise, étaient essentielles au fonctionnement du service postal et en faisaient une entreprise assujettie à la réglementation fédérale en matière de travail » (arrêt Tessier, au paragraphe 36).

[29]  L’arrêt Northern Telecom c. Travailleurs en communication, [1983] 1 R.C.S. 733, 147 D.L.R. (3d) 1 [arrêt Northern Telecom 2] porte sur un autre exemple de compétence dérivée. Dans cet arrêt, la Cour suprême a conclu que les installateurs de Northern Telecom devaient relever du champ de compétence fédérale, car ils fournissaient des services essentiels à Bell Canada, une entreprise fédérale. Il faudrait souligner que les services d’installation fournis à Bell représentaient une part très élevée du temps de travail des employés, mais pas tout leur temps, comme c’était le cas dans l’affaire Letter Carriers (arrêt Northern Telecom 2, à la page 752).

[30]  Si l’analyse fonctionnelle quant à la compétence dérivée n’est pas concluante, les cours examineront alors la question de savoir « si la réglementation, par le gouvernement provincial, des relations de travail de l’entité porterait atteinte au chef de compétence fédérale en cause » (NIL/TU,O Child and Family Services Society c. B.C. Government and Service Employees’ Union, 2010 CSC 45, [2010] 2 R.C.S. 696, au paragraphe 18). Cet examen en deux étapes des relations de travail est unique (ibid., au paragraphe 20), il « fait appel à une analyse complètement différente de celle utilisée pour déterminer si une loi en particulier excède les limites du pouvoir constitutionnel du gouvernement qui l’a adoptée » (ibid., au paragraphe 12).

[31]  Ce cadre et ces principes ne sont pas contestés. Je l’appliquerai maintenant aux faits de l’espèce.

[32]  Le dossier dont dispose notre Cour (et dont disposait le Conseil) est plutôt maigre. C’est particulièrement malheureux, considérant que l’examen de la question de savoir si une entreprise relève d’un chef de compétence fédérale ou provinciale aux fins de la réglementation des relations de travail « exige des conclusions de fait assez complètes » (arrêt Northern Telecom 1, à la page 139). Comme l’a fait remarquer le juge en chef Dickson, les faits revêtiront une importance toute particulière lorsqu’il sera question d’examiner le lien entre une activité subsidiaire et une entreprise principale. Malgré ceci, ni l’une ni l’autre des parties ne s’offusque de la maigreur des éléments de preuve; je crois néanmoins que le dossier n’est pas dépourvu au point où la Cour n’est pas en mesure de résoudre la question de la compétence constitutionnelle.

[33]  Personne ne conteste le fait que Telecon ne soit pas, en soit, une entreprise fédérale et qu’elle n’exploite pas un réseau de télécommunications. La demanderesse soutient, avec raison, que la compétence fédérale directe est exclue en l’espèce. Ainsi, la question à trancher est de savoir si les activités principales et continues de Telecon sont essentielles ou une partie intégrante d’une entreprise fédérale ou un élément intégral du champ de compétence fédérale sur les télécommunications.

[34]  Dans ses motifs, le Conseil a décrit les activités de Telecon comme suit (aux pages 8 et 9) :

La nature du travail de Telecon a trait à la conception, à la construction, à l’entretien et à la connexion de l’infrastructure des télécommunications, y compris les connexions résidentielles ou commerciales au système de communications.

Les activités quotidiennes et habituelles de Telecon vont bien au-delà de celles d’une entreprise de nature locale. Le Conseil fait une distinction entre l’entreprise en cause dans la présente affaire et l’entreprise de l’employeur dont il est question dans Construction Montcalm, précitée – l’entreprise de construction dont les activités de construction ne touchaient pas uniquement les aéroports.

Telecon n’est pas simplement une entreprise de construction, bien qu’elle mène des activités de construction. Ses activités quotidiennes et habituelles ont trait à la fourniture d’un système de télécommunications, à la connexion de clients résidentiels et non résidentiels au système de télécommunications, de même qu’à la construction et à l’entretien de ce système.

[35]  Telecon ne s’est pas opposée, dans ses observations écrites et verbales, au premier paragraphe de cette description de ses activités, mais elle soutient qu’aucun élément de preuve ne permet au Conseil de conclure que Telecon n’est pas seulement une entreprise de construction, mais également une fournisseuse de systèmes de télécommunications. Or, un examen attentif des éléments de preuve dont disposait le Conseil démontre que ses conclusions de faits sont amplement fondées sur les documents produits par la demanderesse elle-même. Par exemple, nous trouvons la description suivante des activités de Telecon dans sa réponse à une demande de renseignements :

[traduction]

[...] L’entreprise se spécialise dans la construction, l’installation et l’inspection d’infrastructures souterraines et aériennes, ainsi que dans l’installation, la construction et la mise en service d’infrastructures de câblage. En d’autres mots, l’entreprise couvre [...] tous les travaux liés à la construction d’infrastructures de télécommunications, y compris la construction de canalisations et de puits d’accès souterrains et l’installation de réseaux de télécommunications.

[Non souligné dans l’original.]

Telecon reçoit des mandats de ses clients pour la construction de structures aériennes et souterraines. En ce qui a trait aux infrastructures, les employés de Telecon sont responsables de la construction, de l’installation et de l’inspection d’infrastructures souterraines et aériennes, ainsi que de l’installation, de la construction et de la mise en service d’infrastructures de câblage. En d’autres mots, l’entreprise couvre l’ensemble des travaux liés à la construction d’infrastructures en télécommunications, notamment la construction de canalisations et de puits d’accès souterrains.

[Non souligné dans l’original, mais en italique dans l’original.]

Finalement, le secteur de la connectivité est également géré par Telecon. Les services de connectivité de l’entreprise, qu’ils soient fournis à la pièce ou dans le cadre d’un projet intégré du début à la fin, comprennent la fourniture du matériel et l’installation de tous les services filaires, comme la fibre optique à la maison, ce qui comprend le câblage des immeubles à logements multiples (résidentiels et commerciaux). Ces services comprennent également la fourniture, la construction, la mise à l’essai, la réparation et l’entretien de pylônes de transmission sans fil, de réseaux à petites cellules et de réseaux sans fil pour des tiers.

[Non souligné dans l’original.]

Recueil de la demanderesse, volume 2, pages 33-34.

[36]  Dans ses documents justificatifs, Telecon se vante également d’être :

[TRADUCTION]

[...] le plus important fournisseur de services d’infrastructure de réseau de télécommunications au Canada. Nous nous appuyons sur notre présence nationale, notre réseau de 3 000 professionnels, nos relations clients et nos 50 ans d’existence pour offrir des solutions de pointe de conception, d’infrastructure et de connectivité aux entreprises de télécommunication à l’échelle nationale.

Recueil de la demanderesse, volume 2, page 152, reproduit dans la décision du Conseil, à la page 3.

[37]  Il est tout à fait clair à la lecture de ce feuillet que Telecon se considère comme étant bien plus qu’une simple entreprise de construction. En outre, elle fait référence à ses capacités relatives aux infrastructures ([traduction] « la construction, l’installation, la mise à l’essai et l’entretien d’infrastructures de réseau aériennes et souterraines »), ses capacités de conception ([traduction] « la planification, la conception et l’obtention de permis relativement à tous les éléments liés aux réseaux de télécommunications ») et ses capacités relatives à la connectivité ([traduction] « solutions d’installation, de réparation et de câblage intérieur » et [traduction] « la fourniture et l’entretien de pylônes de transmission sans fil , de réseaux à petites cellules et de réseaux sans fil ») dans sa description du [traduction] « cycle de vie complet de ses services de réseau de télécommunications ». En outre, pour résumer son expertise, elle affirme ce qui suit :

[traduction]

Telecon est le plus important fournisseur de solutions clés en main et de gestion de projets au Canada, agissant comme de point de contact principal des clients pour le déploiement d’activités de réseaux de télécommunications de toutes proportions.

Recueil de la demanderesse, volume 2, page 156.

[38]  Il est désormais trop tard pour Telecon pour se réinventer comme entreprise de construction. Au contraire, les références susmentionnées au dossier démontrent que les activités de la demanderesse vont bien au-delà de la simple construction de réseaux. En outre, ses activités liées aux réseaux de télécommunications semblent représenter la part la plus importante de son travail, et ce facteur n’est ni exceptionnel ni occasionnel. En effet, selon sa propre description de son entreprise, la connectivité est tout aussi importante que la construction pour Telecon. Le Conseil n’a ainsi nullement reformulé la nature du travail et des activités de Telecon : il s’est simplement appuyé sur les éléments de preuve et les admissions de la demanderesse elle-même. Les conclusions de faits et les inférences factuelles du Conseil découlant de ces faits commandent la retenue. La présomption relativement à la compétence provinciale à l’égard des relations de travail nécessite néanmoins que les faits du dossier l’appuient. Or, ce n’est pas le cas en l’espèce.

[39]  Le Conseil a ainsi eu raison de distinguer l’espèce de l’affaire Construction Montcalm, dans laquelle la construction d’une piste d’aéroport ne figurait pas parmi les activités habituelles de l’entreprise et où les employés n’avaient plus aucune activité liée à une entreprise fédérale une fois ce projet terminé. Par contre, on ne peut pas dire en l’espèce que la « construction » est l’activité ordinaire de l’entreprise en cause, contrairement à ce qu’il en était dans l’affaire Construction Montcalm, que « [c]e qu’ils construisent est accessoire », et qu’il n’y a rien de spécifiquement fédéral dans ses activités (à la page 776). Les éléments de preuve du dossier sont très précis quant à ce que la demanderesse construit ou répare, le cas échéant, et tout est lié aux réseaux de télécommunications. Ils démontrent, sans aucun doute, que les services fournis à l’entreprise fédérale constituaient la seule activité ou la part principale des activités de la demanderesse (Affaire des débardeurs; arrêt Letter Carriers).

[40]  À l’audience, l’avocat de la demanderesse a insisté sur le fait qu’aucun élément de preuve n’étayait l’importance du travail réalisé pour une entreprise fédérale, la participation des employés dans ladite entreprise et l’intégration commerciale de Telecon à toute entreprise fédérale. Ces facteurs ont effectivement été appliqués dans différents dossiers dans le cadre de la démarche sur la compétence dérivée, particulièrement dans l’arrêt Northern Telecom 2. Or, comme l’ont fait remarquer le juge en chef Dickson dans l’arrêt Travailleurs unis des transports c. Central Western Railway Corp., [1990] 3 R.C.S. 1112, à la page 1147, 76 D.L.R. (4th) 1, et la juge McLachlin dans l’arrêt Westcoast Energy Inc. c. Canada (Office national de l’énergie), [1998] 1 R.C.S. 322, aux paragraphes 125 et 128, 156 D.L.R. (4th) 456, différents facteurs seront mis de l’avant selon les faits propres à chaque dossier; il n’y a pas de critère décisif. Au contraire, le critère applicable est souple et la question ultime qui se pose est de savoir si les activités liées forment une partie intégrante d’une entreprise fédérale au point où elles justifient l’attribution de la réglementation de leurs relations de travail au champ de compétence fédérale. Comme l’a énoncé la Cour suprême dans son dossier le plus récent sur le sujet :

Ainsi, la Cour a généralement examiné le lien entre l’entreprise fédérale et l’activité censée en former une partie intégrante dans la perspective de chacune, évaluant dans quelle mesure l’exploitation efficace de l’entreprise fédérale dépendait des services fournis par l’entreprise connexe et soupesant l’importance de ces services pour l’entreprise connexe elle‑même.

Arrêt Tessier, au paragraphe 46.

[41]  La demanderesse soutient également que le Conseil a eu tort de s’appuyer sur l’arrêt XL Digital, car les activités de Telecon diffèrent de celles de ces installateurs de câbles, dont la réglementation des relations de travail a été attribuée au champ de compétence fédérale. À mon sens, cette prétention doit également être rejetée. En tentant de différencier ces deux dossiers, la demanderesse soutient que l’installation, la réparation et l’entretien de réseaux de télécommunications [traduction] « ne constituent pas la majeure partie de ses activités » (mémoire des faits et du droit de la demanderesse, au paragraphe 41). Toutefois, elle a fourni une seule lettre de l’inspecteur en preuve. Le dossier, tout aussi maigre soit-il, semble indiquer qu’à l’instar de l’affaire XL Digital, les activités ici en cause sont effectivement liées à l’intégrité des réseaux de télécommunications, ce qui justifie l’imposition exceptionnelle de la compétence fédérale en matière de réglementation des relations de travail.

[42]  La demanderesse n’a fourni aucun élément de preuve et n’a formulé aucune observation niant l’importance des travaux réalisés par ses employés pour les entreprises relevant du champ de compétence fédérale avec lesquelles elle fait affaire. En conséquence, je ne vois aucune raison d’intervenir à l’égard de la conclusion du Conseil voulant que ces employés « font un travail qui constitue une partie vitale et intégrante » d’une entreprise fédérale (motifs du Conseil, à la page 10). En effet, comme l’a fait remarquer la Cour supérieure de l’Ontario dès 1970, il [traduction] « ne fait nul doute que les entreprises de téléphonie, de télégraphie et de télécommunications ne peuvent pas fonctionner sans les installations de base, et leur amélioration, leur prolongement et leur expansion continues » (Regina v. Ontario Labour Relations Board, Ex parte Northern Electric Co. Ltd., [1970] 2 O.R. 654, 11 D.L.R. (3d) 640, au paragraphe 52, confirmée dans la décision [1971] 1 O.R. 121 (C.A.), 14 D.L.R. (3d) 537).

[43]  Je conclus que le Conseil avait également raison de conclure qu’on ne pouvait accorder aucun poids à la lettre de l’inspecteur présentée par Telecon (recueil de la demanderesse, volume 2, page 169). Comme l’a fait remarquer le Conseil, la lettre [traduction] « ne fait aucunement référence aux faits liés à l’entreprise et ne mentionne aucune disposition législative » (ibid., aux pages 4 et 5). Il ne s’agit ni d’une décision du Conseil ni [traduction] « du produit, en apparence, du moindre processus d’arbitrage comportant l’admission et l’examen d’éléments de preuve » (ibid.). De plus, cette lettre concerne une filiale [traduction] « non ciblée » par la demande en l’espèce (recueil de la demanderesse, volume 2, page 34). En conséquence, il ne s’agit ni d’une décision définitive liant les parties ni d’un document liant le Conseil.

[44]  Quant à l’ordonnance de la CRTO accréditant certains des employés de Telecon en Ontario (recueil de la demanderesse, volume 2, pages 191-203), je crois également que peu de poids, voire aucun, ne devrait lui être accordé dans l’espèce. Comme l’a fait valoir la défenderesse, la seule question en cause dans ce dossier portait sur la définition de l’unité de négociation appropriée. La compétence constitutionnelle de la CRTO n’a jamais été mise en cause, car Telecon et la FIOE ont toutes deux procédé par la voie d’une entente. En conséquence, cette décision est seulement le reflet des souhaits des parties relativement à l’entente; elle ne constitue pas l’avis mûrement réfléchi de la CRTO. Il en va de même pour la décision rendue par l’ancienne Commission des relations du travail du Québec dans la décision Chenail c. Telecon Inc., 2012 QCCRT 153, laquelle portait sur une plainte déposée par un employé de Telecon en vertu de l’article 122 de la Loi sur les normes du travail, C.Q.L.R. ch. N-1.1.

[45]  Il convient également de mentionner que le libellé de l’accréditation délivrée par la CRTO diffère grandement de l’ordonnance du Conseil. En effet, cette accréditation a été délivrée [traduction] « relativement à tous les ouvriers en construction employés par Telecon dans tous les secteurs de l’industrie de la construction dans la ville de Toronto » (recueil de la demanderesse, volume 2, aux pages 197-198), tandis que l’ordonnance du Conseil portait sur tous ses « employés techniques sur le terrain et […] employés d’entrepôt » en Colombie-Britannique.

[46]  Il convient également de mentionner que le simple fait que les relations de travail de différents groupes d’employés aient été attribuées à la compétence fédérale ou provinciale n’a pas empêché la Cour suprême de conclure que des employés participaient de manière intégrante à l’exploitation d’une entreprise fédérale (arrêt Northern Telecom 2, à la page 760).

[47]  De plus, contrairement à ce que la demanderesse semble suggérer, le simple fait que le Conseil ou un autre décideur administratif aurait pu parvenir à des conclusions différentes dans d’autres contextes factuels ne démontre en rien que la décision rendue en l’espèce était erronée. C’est particulièrement vrai considérant que d’autres décisions ayant des similitudes avec l’espèce ont comporté un raisonnement très semblable à celui du Conseil (voir la décision Ramkey v. Labourers International Union of North America et al., 2018 ONSC 4791, [2018] O.L.R.B. Rep. 804 [décision Ramkey], la décision Labourers’ International Union of North America, Ontario Provincial District Council v. Connectall Communication Ltd., [2015] O.L.R.D. 1184 (OLRB), [2015] O.L.R.B. Rep. 307, ainsi que la décision Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier c. XL Digital Services Inc., 2010 CCRI 543, [2010] CCRI. no 50, confirmée dans l’arrêt XL Digital).

[48]  Le premier de ces dossiers, la décision Ramkey, est extraordinairement semblable à l’espèce. Ramkey installe, entretient et répare des réseaux de télécommunications principalement pour d’autres entreprises de télécommunications assujetties à la réglementation fédérale. Dans ses observations écrites, la demanderesse s’était appuyée sur une décision de la CRTO selon laquelle le travail de Ramkey était essentiellement assimilable à celui d’une société construisant ou réparant des entreprises fédérales, ce qui en faisait ainsi une entité assujettie aux lois provinciales. Toutefois, lorsque la présente cause a atteint l’étape de l’audition, cette décision avait été infirmée par la Cour supérieure de l’Ontario selon qui les techniciens en construction de Ramkey étaient assujettis à la compétence fédérale.

[49]  La Cour supérieure de l’Ontario a fait remarquer que, bien que Ramkey soit une société constituée selon les lois provinciales, elle travaille presque exclusivement pour des entreprises de télécommunications assujetties à la réglementation fédérale (décision Ramkey, au paragraphe 50). Selon la Cour supérieure de l’Ontario, on pouvait alors faire une distinction par rapport à l’arrêt Construction Montcalm, car les travaux de construction réalisés par Ramkey étaient [traduction] « propres à l’industrie des télécommunications » (ibid., au paragraphe 58). Contrairement à la situation dans l’affaire Construction Montcalm, Ramkey [traduction] « n’étant pas une entreprise de construction générale réalisant un projet « exceptionnel »; elle est plutôt un participant régulier dans le secteur des télécommunications » (ibid.). La Cour a conclu que [traduction] « pratiquement tout le volume de travail des employés était consacré aux entreprises de télécommunications » (ibid., au paragraphe 59). En conséquence, ces employés [traduction] « participent, de manière dérivée, à des travaux qui sont essentiels à une entreprise fédérale ou qui sont une partie intégrante de celle-ci, et ainsi devraient être assujettis à la réglementation fédérale » (ibid., au paragraphe 60).

[50]  À mon sens, le même raisonnement s’applique aux employés de Telecon inclus dans l’unité de négociation visée par la demande d’accréditation déposée devant le Conseil.

V.  Conclusion

[51]  Pour tous les motifs susmentionnés, j’estime que la présente demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée avec dépens.

« Yves de Montigny »

j.c.a.

« Je suis d'accord.

Wyman W. Webb, j.c.a. »

« Je suis d'accord.

D.G. Near, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-88-18

 

 

INTITULÉ :

TELECON INC. c. SECTION LOCALE 213 DE LA FRATERNITÉ INTERNATIONALE DES OUVRIERS EN ÉLECTRICITÉ

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 26 juin 2019

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :

Le 2 octobre 2019

COMPARUTIONS :

Nancy Boyle

 

Pour la demanderesse

 

Leo McGrady, c.r.

 

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

BCF S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Montréal (Québec)

 

Pour la demanderesse

 

Koskie Glavin Gordon

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour la défenderesse

 

 

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