Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20191016


Dossier : A-48-19

Référence : 2019 CAF 254

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE LIMITÉE

appelante

et

CORPORATION DE LA VILLE DE CAMBRIDGE ET CORPORATION DE LA VILLE DE KITCHENER

 

intimées

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 16 octobre 2019.

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 16 octobre 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

 


Date : 20191016


Dossier : A-48-19

Référence : 2019 CAF 254

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE LIMITÉE

appelante

et

CORPORATION DE LA VILLE DE CAMBRIDGE ET CORPORATION DE LA VILLE DE KITCHENER

intimées

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 16 octobre 2019)

LE JUGE STRATAS

[1]  La Cour est saisie d’un appel interjeté à l’encontre de la décision rendue par l’Office des transports du Canada le 14 juin 2018 (décision no 40-R-2018). L’Office a autorisé la construction d’un franchissement routier comprenant un saut-de-mouton (ci-après saut-de-mouton) en application du paragraphe 101(3) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, ch. 10.

[2]  La répartition des coûts liés à ce saut-de-mouton établie par l’Office, aux termes du paragraphe 101(4) de la Loi sur les transports au Canada et du paragraphe 16(4) de la Loi sur la sécurité ferroviaire, L.R.C., 1985, ch. 32 (4e suppl.), est le seul élément de cette décision qui est contesté devant notre Cour. L’appelante soutient que l’Office n’a ni bien interprété ni bien appliqué le paragraphe 16(4) de la Loi au moment d’évaluer les avantages relatifs dont chaque partie risque de bénéficier suivant la construction de ce saut-de-mouton.

[3]  À notre avis, l’appelante ne conteste pas véritablement l’interprétation du paragraphe 16(4) de la Loi, mais plutôt la façon dont l’Office l’a appliqué aux faits de l’espèce, ce qui constitue une question de droit et de fait où les faits dominent. Il ne s’agit pas d’une question de droit pur que notre Cour peut trancher aux termes du paragraphe 41(1) de la Loi sur les transports au Canada. En outre, l’Office a estimé que la question dont il était saisi nécessitait l’appréciation des avantages dont bénéficierait chaque partie, respectivement, à l’issue de la construction du saut-de-mouton (au paragraphe 121).

[4]  Or, l’appelante soutient que l’Office a commis une erreur de droit au moment d’évaluer les avantages relatifs aux termes du paragraphe 16(4) de la Loi, notamment en comparant les avantages découlant du saut-de-mouton à ceux d’un passage à niveau, lequel, selon lui, ne conviendrait pas dans les circonstances. L’appelante fait également valoir que l’Office a utilisé des éléments de comparaison différents dans l’évaluation des avantages pour l’appelante et les intimées. Toutefois, il ne s’agit pas, selon nous, d’une interprétation et d’une application déraisonnables de ce paragraphe.

[5]  L’appelante avance également que l’Office a omis de tenir compte d’un facteur pertinent établi dans l’un de ses documents d’orientation ou l’une de ses lignes directrices, à savoir que les coûts d’un saut-de-mouton construit sur une nouvelle route sont habituellement pris en charge en entier par la partie décidant de construire ladite route. Or, sur le plan juridique, le document d’orientation n’a pas force de loi et n’est pas contraignant. En conséquence, le défaut d’observer un tel document par l’Office ne constitue pas une erreur de droit. Selon le document d’orientation en question, il ne s’agit pas d’un facteur contraignant, et l’Office peut ne pas en tenir compte d’après les faits du dossier : Répartition des coûts des sauts-de-mouton : Un outil d’information (Ottawa : ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, 2011), à la page 1. Encore une fois, il ne s’agit pas d’une question de droit pur que notre Cour peut trancher aux termes du paragraphe 41(1) de la Loi sur les transports au Canada.

[6]  L’appelante soutient que l’Office l’a privée de l’équité procédurale en ne motivant pas adéquatement sa décision de ne pas tenir compte du document d’orientation. Les questions d’équité procédurale peuvent être assimilées à des questions de droit que notre Cour peut trancher aux termes du paragraphe 41(1) de la Loi sur les transports au Canada (Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Emerson Milling Inc., 2017 CAF 79, [2018] 2 R.C.F. 573). Toutefois, l’insuffisance des motifs ne justifie pas à elle seule un contrôle judiciaire (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 R.C.S. 708). La Cour suprême, dans l’arrêt Newfoundland Nurses, nous enseigne également que les motifs doivent être soupesés à la lumière du dossier en question. Les motifs de l’Office sont, au mieux, l’énoncé de sa conclusion finale quant aux facteurs qui étaient déterminants à l’espèce, selon les éléments de preuve.

[7]  Dans l’ensemble, l’appelante semble scruter les motifs de l’Office de très près. Or, la Cour suprême nous enseigne à faire preuve de retenue en présence de motifs assujettis à la norme de la décision raisonnable et à éviter de procéder à une « chasse au trésor [...] à la recherche d’une erreur » (Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c. Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34, [2013] 2 R.C.S. 458, au paragraphe 54). L’appelante ne nous a pas convaincus que l’analyse manquante des motifs de l’Office est le fruit d’une mauvaise interprétation de sa loi. L’aspect lacunaire des motifs d’un décideur peut, en toute bonne foi, découler de sa synthèse et de sa réduction à leur essence même des éléments de preuve et des points soulevés devant lui. Voir, par exemple, l’arrêt Mahjoub c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157, [2018] 2 R.C.F. 344, au paragraphe 69).

[8]  Par conséquent, l’appel sera rejeté avec dépens.

« David Stratas »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-48-19

APPEL DE LA DÉCISION NO 40-R-2018 RENDUE PAR L’OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA LE 14 JUIN 2018

INTITULÉ :

CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE LIMITÉE c. CORPORATION DE LA VILLE DE CAMBRIDGE ET CORPORATION DE LA VILLE DE KITCHENER

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 octobre 2019

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE STRATAS

COMPARUTIONS :

Nicole Henderson

Anne Drost

 

Pour l’appelante

 

Kenneth R. Peel

 

Pour les intimées

 

Kevin Shaar

 

Pour l’Office des transports du Canada

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Blake, Cassels & Graydon LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour l’appelante

 

Kenneth R. Peel

Toronto (Ontario)

Pour les intimées

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.