Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20191017


Dossier : A-314-18

Référence : 2019 CAF 256

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

JACQUELINE GITTENS

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 16 octobre 2019.

Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 17 octobre 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE STRATAS

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

 


Date : 20191017


Dossier : A-314-18

Référence : 2019 CAF 256

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

JACQUELINE GITTENS

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE STRATAS

[1]  La demanderesse sollicite l’annulation de la décision rendue le 10 août 2018 par la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale. La Division d’appel a rejeté son appel interjeté de la décision rendue le 23 octobre 2017 par la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[2]  La demanderesse a également demandé à ce que sa fille soit autorisée à présenter des observations verbales en son nom. Nous avons accédé à sa demande, avec le consentement de l’intimé. Nous aimerions complimenter la fille de la demanderesse, qui n’est pas avocate, pour la grande qualité de ses observations.

[3]  La présente affaire porte sur l’application des dispositions sur l’incapacité du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8. Le législateur a édicté des règles dans cette loi quant au moment où les prestations peuvent être demandées et aux éléments qui doivent être établis si une personne tente de soumettre une demande rétroactive. Il faut respecter ces règles avant que des prestations puissent être versées.

[4]  Dans une affaire comme celle-ci, notre Cour n’est pas libre d’agir à sa guise. À l’instar de tous les autres acteurs de notre société, le pouvoir de notre Cour est restreint par les règles établies dans les lois adoptées par le législateur.

[5]  Notre Cour doit également faire preuve de respect et de ce qu’on appelle la « retenue », dans le jargon juridique, à l’égard de la Division d’appel lorsque celle-ci interprète les règles de droit du Régime de pensions du Canada, rend des conclusions de fait et applique les règles de droit à ces conclusions. En l’espèce, comme dans de nombreuses autres affaires, la mission de notre Cour consiste à s’assurer que les conclusions de la Division d’appel étaient étayées par les éléments de preuve dont elle disposait. Notre Cour n’est pas autorisée à examiner les éléments de preuve et à rendre ses propres conclusions de fait ou à remettre en question le travail de la Division générale et de la Division d’appel. Notre Cour ne peut pas refaire le travail de la Division générale et de la Division d’appel. Encore une fois, nous avons les mains liées.

[6]  Vu ces contraintes, il est important de comprendre que, lorsque notre Cour affirme qu’elle n’est pas convaincue que la décision de la Division d’appel doit être infirmée, il ne faut pas en conclure que la Cour estime que l'état médical sous-jacente à la demande de prestations de l'intéressé n’est pas aussi grave qu’il l’affirme, ou que la Cour ne le croit pas. Simplement, la capacité de notre Cour d'annuler une décision rendue par la Division d’appel est très limitée. Il peut parfois s’avérer difficile d’obtenir des prestations selon les règles du Régime de pensions du Canada, mais notre Cour ne peut pas court-circuiter ces règles.

[7]  Notre Cour reconnaît la dignité et la valeur individuelle de chaque personne qui se présente devant elle. Chaque partie mérite tout le respect et l’attention de notre Cour à titre de membre à part entière de la société canadienne. De nombreuses personnes de qualité sont déboutées devant notre Cour, et c’est souvent en raison des contraintes qui encadrent la mission de notre Cour.

[8]  Malheureusement pour la demanderesse, elle ne m’a pas démontré que la Division d’appel a commis une erreur de droit ou qu’elle ne s’est pas montrée équitable envers elle dans ses processus. Notre Cour ne peut pas, du point de vue du droit, annuler la décision de la Division d’appel.

[9]  La Division d’appel ne peut annuler une décision de la Division générale que lorsque l'intéressé démontre que cette dernière a commis une erreur correspondant à la définition prévue au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, L.C. 2005, ch. 34. La Division d’appel n’a constaté aucune erreur de la sorte. C’est cette conclusion que nous examinons en l’espèce, dans le respect des limites qui nous sont imposées et que j’ai discutées plus haut.

[10]  Je retiens la thèse de l’intimé voulant qu’il n’y ait eu aucun manquement à l’équité procédurale, ni par la Division d’appel, ni par la Division générale. La demanderesse a reçu un avis d’audience par téléconférence devant la Division d’appel et a été invitée à y participer. Devant la Division d’appel, la demanderesse a reçu une explication sur la nature de l’audience, des critères juridiques qui seraient utilisés, ainsi que du processus que suivrait la Division d’appel après l’audience. La demanderesse s’est vu offrir l’occasion de participer à l’audience.

[11]  La Division d’appel a examiné attentivement l’enregistrement audio de l’audience tenue devant la Division générale et a conclu que cette audience avait été équitable. Je ne suis pas convaincu qu’il existe la moindre raison d’intervenir à l’égard de cette décision.

[12]  À mon avis, la Division d’appel a rendu une décision raisonnable sur le fond. Elle se justifie au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47). C’est tout ce que nous pouvons dire : une décision raisonnable, en ce sens qu’elle se justifie au regard des faits et du droit, doit être maintenue. Encore une fois, nous ne pouvons pas reprendre le travail réalisé par la Division générale et la Division d’appel. Nous pouvons seulement intervenir en cas de manquement à l’équité procédurale ou d’erreur de fond rendant la décision injustifiable et inacceptable.

[13]  La Division d’appel a refusé d’admettre certains nouveaux éléments de preuve produits par la demanderesse. Ce refus découle de ce que, selon les règles fixées par le législateur, les audiences devant la Division d’appel ne sont pas de nouvelles audiences fondées sur des éléments de preuve à jour par rapport à ceux dont disposait la Division générale. La Division d’appel procède au contrôle des décisions de la Division générale en utilisant les mêmes éléments de preuve. Je ne vois aucune erreur susceptible de contrôle dans le refus de la Division d’appel d’autoriser l’admission de nouveaux éléments de preuve.

[14]  De même, nous n’avons pas examiné certains nouveaux éléments de preuve produits devant notre Cour par la demanderesse. Selon la règle de droit générale, la juridiction saisie d'un recours en contrôle judiciaire ne peut examiner que les éléments de preuve dont disposait le décideur administratif; voir, par exemple, Association des universités et collèges du Canada c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, 428 N.R. 297.

[15]  L’intimé dans l’espèce devrait être le procureur général du Canada. Je modifierais l’intitulé de la cause en conséquence. Comme nous l’avons expliqué à la demanderesse lors de l’audience, il s’agit seulement d’une question de pure procédure qui n’a aucune incidence sur l’examen de la demande au fond par notre Cour.

[16]  L’intimé nous demande de n’adjuger aucuns dépens en sa faveur. J'abonde dans son sens. Par conséquent, je rejetterais la présente demande, sans dépens.

« David Stratas »

j.c.a.

« Je suis d’accord

J.B. Laskin, j.c.a. »

« Je suis d’accord

Anne L. Mactavish, j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-314-18

DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE D’UNE DÉCISION RENDUE LE 10 AOÛT 2018 PAR LA DIVISION D’APPEL DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE (NO DE DOSSIER AD-18-41).

INTITULÉ :

JACQUELINE GITTENS c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 octobre 2019

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE STRATAS

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

 

DATE :

LE 17 OCTOBRE 2019

COMPARUTIONS :

Jacqueline Gittens

 

Pour son propre compte

 

Penny Brady

 

Pour l’intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

 

Pour l’intimé

 

 

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