Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20191104


Dossier : A-75-18

Référence : 2019 CAF 272

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE RIVOALEN

 

 

ENTRE :

JEAN GUÉRIN

JARROD SHOOK

JAMES DRUCE

JOHN ALKERTON

MICHAEL FLANNIGAN

JEFF EWERT

appelants

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Audience tenue à Montréal (Québec), le 13 juin 2019.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 4 novembre 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE RIVOALEN

 


Date : 20191104


Dossier : A-75-18

Référence : 2019 CAF 272

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE RIVOALEN

 

 

ENTRE :

JEAN GUÉRIN

JARROD SHOOK

JAMES DRUCE

JOHN ALKERTON

MICHAEL FLANNIGAN

JEFF EWERT

appelants

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DE MONTIGNY

[1] Jean Guérin et al. (les appelants) en appellent du jugement de la Cour fédérale (l’honorable juge Roy), rendu le 29 janvier 2018 (la Décision), rejetant leurs demandes de contrôle judiciaire. Ces demandes contestaient la légalité et la constitutionnalité de la Directive du Commissaire du service correctionnel 730, de la Directive du Commissaire du service correctionnel 860 (respectivement la Directive 730, la Directive 860 ou les Directives), et de modifications apportées au Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620 (le Règlement), lesquelles prévoient une augmentation des retenues sur la rétribution des détenus et l’élimination d’une rétribution incitative additionnelle.

[2] Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que l’appel devrait être rejeté, sans frais.

I. Contexte factuel et procédural

A. Contexte législatif et factuel

[3] Les détenus des pénitenciers canadiens reçoivent depuis longtemps une rémunération pour leur travail, mais jusqu’en 1981 les montants qui leur étaient versés étaient considérés comme une récompense pour bonne conduite (« Régime de rémunération des détenus », Service correctionnel du Canada, avril 1981, p. 1; Dossier d’appel [DA], p. 861). Suite aux recommandations d’un sous-comité parlementaire, le Service correctionnel du Canada (le Service) a été autorisé en 1981 à verser des rétributions aux détenus et a choisi de se prévaloir de cette option. Cette rétribution visait à payer les détenus en fonction du travail qu’ils exécutaient. Les détenus qui participaient à un programme d’emploi comme le travail agricole, les services offerts à l’établissement, la production industrielle ou autres programmes reconnus étaient donc rémunérés en fonction de leur travail (« Régime de rémunération des détenus », ci-dessus, DA, p. 864). Les taux de rétribution s’établissaient en fonction du reliquat des fonds disponibles pour le travailleur canadien moyen payé au salaire minimum, non marié, qui versait 85 % de son revenu en dépenses de première nécessité telles que sa nourriture, ses vêtements et son habitation. Le salaire minimum fédéral étant de 3,50 $ à cette époque, les niveaux de rétribution des détenus variaient de 3,15 $ à 7,55 $ par jour.

[4] Lors de l’adoption de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, c. 20 (la Loi), le Parlement a choisi de modifier la philosophie relative à la rétribution des délinquants. L’article 76 de la Loi prévoit que le Service « doit offrir une gamme de programmes visant à répondre aux besoins des délinquants et à contribuer à leur réinsertion sociale ». Les objectifs de chaque délinquant relativement à leur participation à ces programmes sont prévus à leurs plans correctionnels respectifs (art. 15.1 de la Loi). Le Service a également le pouvoir, en vertu de l’article 15.2 de la Loi, d’établir « des mesures incitatives pour encourager les délinquants à atteindre les objectifs de leur plan correctionnel ». La rétribution des détenus est l’une de ces mesures. Le paragraphe 78(1) de la Loi prévoit maintenant que le Commissaire peut autoriser le versement d’une rétribution aux détenus « afin d’encourager leur participation aux programmes […] ou de leur procurer une aide financière pour favoriser leur réinsertion sociale ». Il est à noter que cet article ne prévoit pas le paiement de rétribution pour un « travail » exécuté.

[5] Les taux de rétribution définis par le Conseil du Trésor sont actuellement de 6,90 $/jour au niveau A, de 6,35 $/jour au niveau B, de 5,80 $/jour au niveau C, et de 5,25 $/jour au niveau D. Des indemnités sont aussi versées aux détenus qui sont autorisés à s’absenter de leur programme ou qui ne peuvent y participer pour des raisons indépendantes de leur volonté, ou à ceux qui refusent toute affectation à un programme ou qui sont en isolement pour des motifs disciplinaires. La détermination du taux de rétribution applicable à un détenu est en outre fondée sur la réalisation des objectifs de réhabilitation de celui-ci (affidavit de Gregory Hall du 17 novembre 2014, au para. 8, DA, pp. 2937 et 2938; affidavit de Michael Bettman, aux paras. 39 à 43, DA, pp. 2348 et 2349; Directive 730, aux paras. 15 et 34 et Annexe B, DA, pp. 2957–2960, 2969 et 2970).

[6] Depuis 1995, le paragraphe 78(2) de la Loi prévoit également que dans les cas où un détenu reçoit une rétribution ou tire un revenu d’une source réglementaire, le Service peut (a) effectuer des retenues en conformité avec les règlements, et (b) exiger du détenu qu’il verse à Sa Majesté jusqu’à concurrence de 30 % des montants qu’il reçoit à titre de rétribution ou revenu pour rembourser les frais engagés pour son hébergement et sa nourriture. Cette disposition se lit comme suit :

78(2) Dans le cas où un délinquant reçoit la rétribution mentionnée au paragraphe (1) ou tire un revenu d’une source réglementaire, le Service peut :

78(2) Where an offender receives a payment referred to in subsection (1) or income from a prescribed source, the Service may

a) effectuer des retenues en conformité avec les règlements d’application de l’alinéa 96z.2) et les directives du commissaire;

(a) make deduction from that payment or income in accordance with regulations made under paragraph 96(z.2) and any Commissioner’s Directive; and

b) exiger du délinquant, conformément aux règlements d’application de l’alinéa 96z.2.a), qu’il verse à Sa Majesté du chef du Canada, selon ce qui est fixé par directive du commissaire, jusqu’à trente pour cent de ses rétribution et revenu bruts à titre de remboursement des frais engagés pour son hébergement et sa nourriture pendant la période où il reçoit la rétribution ou tire le revenu ainsi que pour les vêtements de travail que lui fournit le Service.

(b) require that the offender pay to Her Majesty in right of Canada, in accordance with regulations made pursuant to paragraph 96(z.2.1) and as set out in a Commissioner’s Directive, an amount, not exceeding thirty per cent of the gross payment referred to in subsection (1) or gross income, for reimbursement of the costs of the offender’s food and accommodation incurred while the offender was receiving that income or payment, or for reimbursement of the costs of work-related clothing provided to the offender by the Service.

[7] Les alinéas 96 z.2) et z.2.1) auxquels réfèrent le paragraphe 78(2) autorisent le gouverneur en conseil à prendre des règlements pour préciser, dans un premier temps, l’objet des retenues et fixer le plafond ou le montant, ou permettre au Commissaire de fixer ces derniers par directive et, dans un deuxième temps, prévoir les modalités de recouvrement. Conformément à ce pouvoir habilitant, le paragraphe 104.1(1) du Règlement énumère les sources de revenu pouvant faire l’objet de retenues en vertu du paragraphe 78(2) de la Loi :

104.1(1) Les sources de revenu visées pour l’application du paragraphe 78(2) de la Loi sont les suivantes :

104.1(1) The following sources of income are prescribed for the purposes of subsection 78(2) of the Act :

a) un emploi dans la collectivité pendant que le délinquant bénéficie d’un placement à l’extérieur ou d’une mise en liberté sous condition;

a) employment in the community while on work release or conditional release;

b) un emploi dans un pénitencier fourni par un tiers;

b) employment in a penitentiary provided by a third party;

c) une activité commerciale exercée par le délinquant;

c) a business operated by the offender;

d) un passe-temps ou un travail exécuté sur commande;

d) hobby craft or custom work; and

e) une pension versée par une entreprise privée ou une administration publique.

e) a pension from a private or government source.

[8] Le paragraphe 104.1(2) du Règlement énonce d’autre part les utilisations possibles de ces retenues. Plus précisément, il dispose que ces retenues peuvent servir à titre de remboursement :

a) des frais engagés pour l’hébergement et la nourriture du délinquant, ainsi que pour les vêtements de travail que lui fournit le Service;

(a) the costs of food, accommodation and work-related clothing provided to the offender by the Service; and

b) des frais d’administration associés à l’accès aux services téléphoniques que fournit le Service au délinquant.

(b) the administrative costs associated with the access to telephone services provided to the offender by the Service.

[9] Le paragraphe 104.1(4) du Règlement prévoit que le Commissaire du Service « peut fixer, par directive, le plafond ou le montant des retenues visées à l’alinéa 78(2)a) de la Loi et le montant du versement – en pourcentage ou autrement – visé à l’alinéa 78(2)b) de la Loi ».

[10] Les détails du Régime de rémunération des détenus sont prévus à deux Directives du Commissaire, soit la Directive 730 intitulée « Affectations des détenus aux programmes et rétribution des détenus » et la Directive 860 intitulée « Argent des délinquants ». Ces Directives, dont l’adoption est prévue aux articles 97 et 98 de la Loi, prévoient (1) les affectations des détenus aux programmes, (2) les taux de rétribution adoptés par le Conseil du Trésor, (3) les critères de détermination des taux de rétribution, qui incluent le rendement du détenu dans le cadre du programme ainsi que des critères plus généraux comme son comportement en établissement ou son affiliation à un groupe menaçant la sécurité, (4) les retenues sur la rétribution, et (5) les transferts d’argent des comptes courants et d’épargne des détenus.

[11] Enfin, le paragraphe 104.1(7) du Règlement prévoit une exception discrétionnaire aux retenues :

104.1(7) Lorsque le directeur du pénitencier détermine, selon les renseignements fournis par le délinquant, que des retenues ou des versements prévus dans le présent article réduiront excessivement la capacité du délinquant d’atteindre les objectifs de son plan correctionnel, de répondre à des besoins essentiels ou de faire face à des responsabilités familiales ou parentales, il réduit les retenues ou les remboursements ou y renonce pour permettre au délinquant d’atteindre ces objectifs, de répondre à ces besoins ou de faire face à ces responsabilités.

104.1(7) Where the institutional head determines, on the basis of information that is supplied by an offender, that a deduction or payment of an amount that is referred to in this section will unduly interfere with the ability of the offender to meet the objectives of the offender to meet the objectives of the offender’s correctional plan or to meet basic needs or family or parental responsibilities, the institutional head shall reduce or waive the deduction or payment to allow the offender to meet those objectives, needs or responsibilities.

 

[12] C’est ce Régime de rémunération des détenus, et plus particulièrement le Règlement et les Directives, qui font l’objet du présent appel.

[13] Six demandes de contrôle judiciaire ont été présentées en Cour fédérale par neuf demandeurs, dont certains sont devant nous en appel. Ces contestations visent les modifications apportées au Règlement et aux Directives en octobre 2013, qui ont eu pour effet de réduire la rétribution disponible des détenus.

[14] Plus précisément, le Règlement modifiant le Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (DORS/2013-181) adopté le 9 octobre 2013 est venu ajouter la possibilité de retenue sur la rétribution payée aux détenus des frais d’administration afférents au système téléphonique pour les détenus (voir l’alinéa 104.1(2)b) reproduit plus haut). Suite à l’adoption de cette modification, la Directive 860 a été amendée le 24 octobre 2013 pour ajouter une retenue de 8 % pour les frais liés au service téléphonique. Or, le 1er octobre 2013, la Directive 860 avait déjà été amendée pour fixer la retenue à 22 % de la rétribution payée au titre de l’hébergement et de la nourriture, ce qui porte les retenues totales au maximum permis de 30 % fixé par la Loi.

[15] D’autre part, la Directive 730 prévoyait que les détenus pouvaient recevoir une rétribution incitative supplémentaire pour leur participation aux programmes correctionnels de CORCAN, un organisme de service spécial au sein du Service qui offre en outre des formations professionnelles certifiées par des tierces parties dans des secteurs d’activités généralement en demande dans la communauté (contre-interrogatoire de Lynn Garrow, question 3, et ses documents constitutifs, DA, pp. 3858 et 3862–3973). Le 1er octobre 2013, la Directive 730 a été amendée pour éliminer la rétribution incitative supplémentaire.

[16] Les demandeurs ont fait valoir quatre principaux motifs de révision à l’encontre de ces mesures. Ils soutiennent que le Règlement et les Directives seraient (i) ultra vires de la Loi, (ii) contraires aux articles 7 et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c. 11 (la Charte), en plus d’être (iii) incompatibles avec divers instruments internationaux. De plus, il existerait (iv) une relation employeur-employé entre les détenus et le Service, et la diminution de leur rétribution constituerait donc un « congédiement déguisé » au sens où l’entend le Code canadien du travail, L.R.C. 1985, c. L-2 (le Code).

B. Décision de la Cour fédérale

[17] Le 29 janvier 2018, la Cour fédérale a rejeté les demandes de contrôle judiciaire sous-jacentes. Le juge a conclu que, dans la mesure où l’article 78 de la Loi n’est pas contesté, les textes réglementaires adoptés « en stricte conformité » avec cet article ne sauraient être ultra vires (Décision, au para. 138, ainsi qu’aux paras. 37–52). Le juge a pareillement rejeté les moyens fondés sur la Charte. D’une part, il a conclu que les paiements en cause – et leur réduction – ne constituaient pas un traitement cruel et inusité au sens de l’article 12 de la Charte (aux paras. 61–75). D’autre part, il a dit ne pas être convaincu que les mesures contestées engageaient un intérêt protégé par l’article 7 de la Charte, et encore moins que les principes de justice fondamentale auraient été violés (aux paras. 76–108). Les instruments internationaux invoqués par les appelants en l’espèce, écrit le juge, ne suffisaient pas à démontrer l’existence d’un tel principe (aux paras. 93–108). Enfin, le juge a écarté la thèse des appelants quant au congédiement déguisé, se fondant notamment sur le fait que l’alinéa 167(1)d) du Code exclut explicitement de son champ d’application les ministères au sens de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, c. F-11 (la Loi sur la gestion des finances publiques); or, le Service est explicitement mentionné comme l’un des secteurs de l’administration publique fédérale auxquels réfère la définition de « ministère » dans cette loi.

[18] Devant cette Cour, seules les conclusions du juge relativement à l’article 7 de la Charte, aux instruments internationaux, ainsi qu’à l’application du Code aux appelants sont contestées.

C. Questions en litige

[19] Le présent appel soulève les quatre questions suivantes :

a) La Cour fédérale a-t-elle correctement identifié les normes de contrôle applicables?

b) Les modifications apportées au Règlement et aux Directives contreviennent-elles à l’article 7 de la Charte?

c) Les modifications au Règlement et aux Directives sont-elles invalides parce qu’elles sont contraires à l’article 76 de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus des Nations Unies et la Convention (n° 29) sur le travail forcé de l’Organisation internationale du Travail?

  • d) Existe-t-il une relation employeur-employé entre les appelants et le Service?

[20] Lors de l’examen de cette dernière question, je traiterai de la question préliminaire de savoir si la Cour fédérale a juridiction quant à l’application du Code, et si elle peut entendre une action pour congédiement déguisé reposant sur une relation employeur-employé hors du cadre législatif fédéral. Ces deux questions ont fait l’objet d’une directive aux parties préalablement à l’audition, ainsi que de représentations écrites subséquentes à l’audition à la demande de la Cour.

II. Analyse

A. La Cour fédérale a-t-elle correctement identifié les normes de contrôle applicables?

[21] Lorsque cette Cour siège en appel d’une décision de la Cour fédérale portant sur une demande de contrôle judiciaire contestant la légalité d’un règlement ou d’un autre type de législation déléguée, le cadre d’analyse applicable est celui de l’arrêt Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559 [Agraira], et non celui de l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 [Housen]. Comme le notait cette Cour dans l’affaire Canada c. Conseil canadien pour les réfugiés, 2008 CAF 229, [2008] A.C.F. no 1002 :

[55] Jusqu’en 1990, la procédure de contestation de la légalité d’un règlement pris en vertu d’un pouvoir délégué était une action déclaratoire intentée au moyen d’une déclaration. Depuis ce temps (voir les modifications apportées à la Loi sur la Cour fédérale par L.C. 1990, ch. 8, art. 4), la procédure utilisée pour faire contrôler la légalité d’un texte réglementaire au motif qu’il excède le pouvoir conféré a été simplifiée et le contrôle judiciaire dont il est question à l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales (nommée ainsi en 2002) est devenu le moyen de faire contrôler les décisions rendues par les organismes administratifs ainsi que la légalité des textes réglementaires. [Références omises.]

Voir aussi : Canada (Procureur général) c. Mercier, 2010 CAF 167, [2010] A.C.F. no 816, aux paras. 78–81.

[22] C’est d’ailleurs ce cadre d’analyse, et non celui de l’arrêt Housen, que la Cour suprême a appliqué dans ses arrêts récents portant sur la légalité de l’exercice d’un pouvoir de législation délégué : voir notamment West Fraser Mills Ltd. c. Colombie-Britannique (Workers’ Compensation Appeal Tribunal), 2018 CSC 22, [2018] 1 R.C.S. 635; Green c. Société du Barreau du Manitoba, 2017 CSC 20, [2017] 1 R.C.S. 360. Par conséquent, cette Cour doit se demander si le juge de la Cour fédérale a identifié la bonne norme de contrôle en l’espèce, et s’il l’a appliquée de manière appropriée : Agraira, au para. 46.

[23] En l’occurrence, la Cour fédérale ne s’est pas prononcée sur la norme de contrôle applicable, et il nous faut donc examiner cette question pour la première fois. Eu égard à la question de savoir si le Règlement et les Directives violent l’article 7 de la Charte, je suis d’avis que la norme de la décision correcte doit s’appliquer. Il est en effet bien établi que les questions de nature constitutionnelle doivent être examinées de façon rigoureuse et sans aucune déférence dans le cadre d’un contrôle judiciaire : Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654, au para. 30; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au para. 58 [Dunsmuir]; Tapambwa v. Canada (Citizenship and Immigration), 2019 FCA 34, [2019] F.C.J. No. 186, au para. 30; Begum c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CAF 181, [2018] A.C.F. no 1007, au para. 36, aut. d’appel à la CSC rejetée, 38439 (18 avril 2019), [2018] C.S.C.R. no 506 [Begum]; Canada (Procureur général) c. Association des juristes de Justice, 2016 CAF 92, [2016] A.C.F. no 304, au para. 23.

[24] La même norme de la décision correcte s’applique à la question de savoir si le Règlement et les Directives violent le droit international. Ici encore, il s’agit d’une question se rapportant à la compétence même d’adopter les mesures contestées, et non seulement à leur raisonnabilité.

[25] Eu égard à la dernière question, cette Cour doit d’abord déterminer si le juge pouvait se prononcer sans qu’un inspecteur ait d’abord été impliqué. La question se pose, dans la mesure où le Code prévoit qu’un inspecteur et, ultimement, un arbitre, doivent normalement se prononcer sur une demande de recouvrement de salaire. En décidant qu’elle pouvait intervenir sans que cette première étape ait été franchie, la Cour fédérale n’a pas exercé son pouvoir de révision judiciaire et sa décision ne fait donc pas intervenir la norme de contrôle. Il ne fait aucun doute que si un inspecteur avait tranché la question de savoir s’il existe une relation employeur-employé entre les appelants et le Service, sa décision aurait dû faire l’objet d’une grande déférence de la part du juge et de cette Cour : voir, notamment, Déménagements Tremblay au para. 15; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61 au para. 34; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para. 54. Si l’on accepte par ailleurs que le juge pouvait examiner cette question sans qu’un inspecteur y ait préalablement répondu, c’est la norme applicable en appel de l’erreur manifeste et dominante qu’il faut plutôt appliquer.

B. Les modifications apportées au Règlement et aux Directives contreviennent-elles à l’article 7 de la Charte?

[26] La détermination de l’existence d’une violation de l’article 7 de la Charte s’articule autour d’une analyse en deux temps. Il incombe au demandeur de démontrer (i) qu’une disposition porte atteinte à son droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité de sa personne, et (ii) que cette atteinte n’est pas conforme aux principes de justice fondamentale (voir Begum, au para. 93; Ewert c. Canada, 2018 CSC 30, [2018] 2 R.C.S. 165, au para. 68).

[27] À la première étape de cette analyse, le demandeur est tenu de démontrer qu’un des intérêts énumérés est en jeu et qu’il existe un lien de causalité suffisant entre le préjudice allégué et l’action étatique contestée (Begum, au para. 94). Comme le précisait la Cour suprême dans l’arrêt Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44, [2000] 2 R.C.S. 307, au para 47 [Blencoe] :

[…] avant même que l’on puisse se demander si les droits garantis à l’intimé par l’art. 7 ont fait l’objet d’une atteinte non conforme aux principes de justice fondamentale, il faut d’abord prouver que le droit visé par l’allégation de l’intimé relève de l’art. 7. […]

[28] À mon avis, le juge a eu raison de nourrir « un doute sérieux » quant au droit à la liberté qui serait frustré en l’espèce. Même en adoptant une interprétation large du droit à la liberté et en reconnaissant aux détenus une liberté résiduelle, ce droit n’est pas illimité et n’entre en jeu que lorsque « des contraintes ou des interdictions de l’État influent sur les choix importants et fondamentaux qu’une personne peut faire dans sa vie » (Blencoe, au para. 49). Seuls les choix pouvant être qualifiés de « fondamentalement ou d’essentiellement personnels » relèvent du droit à la liberté (Godbout c. Longueuil (Ville), [1997] 3 R.C.S. 844, [1997] A.C.S. no 95, au para. 66).

[29] Devant la Cour fédérale, les appelants avaient plaidé que leur droit à la liberté était engagé dans la mesure où leur refus de travailler engendrerait des limitations à leur liberté de mouvement au sein de l’établissement. Selon eux, le fait que les déplacements soient autorisés aux participants des programmes durant les heures d’activités, mais non aux autres, violerait l’article 7. Bien qu’il ait ultimement disposé de la question sur la base des principes de justice fondamentale, le juge a néanmoins exprimé certaines réserves quant à ces prétentions, avec raison à mon avis.

[30] D’une part, comme le souligne l’intimé, ce n’est pas le niveau de rétribution des détenus qui entraîne le confinement cellulaire, mais plutôt le choix des détenus de ne pas participer aux programmes. Dans un contexte carcéral, les restrictions aux déplacements sont la règle. Lorsqu’il ne participe à aucune activité en fonction de son plan correctionnel, il n’est que normal que le détenu doive rester dans sa cellule. Il est vrai, comme le souligne le juge, que la liberté résiduelle d’un détenu sera affectée s’il est en quelque sorte mis en prison dans la prison, ou s’il est transféré dans une institution à sécurité plus élevée comme c’était le cas dans l’arrêt Établissement de Mission c. Khela, 2014 CSC 24, [2014] 1 R.C.S. 502 [Khela]. La preuve selon laquelle une telle conséquence puisse découler du refus de travailler était cependant « très ténue », comme l’a souligné le juge, et il était fondé à écarter cet argument. Les appelants n’ont d’ailleurs pas réitéré cet argument devant cette Cour, ni indiqué en quoi le juge avait erré à cet égard.

[31] Ils soutiennent plutôt que le juge a erré en ne considérant que les restrictions à leur liberté de mouvement au sein de l’institution, dans l’hypothèse où ils refusent de travailler. Ils prétendent que le refus de travailler aura également un impact sur leur plan correctionnel, ce qui aura pour effet de les maintenir dans des conditions de détention plus restrictives du fait que leur déclassification sécuritaire s’en trouvera retardée et que les chances de se voir octroyer des élargissements en communauté (permission de sortie avec et sans escorte, semi-liberté et libération conditionnelle totale) seront affectées. Par conséquent, leur refus de travailler viendra limiter la liberté résiduelle que leur a reconnue la Cour suprême dans l’arrêt Khela, au paragraphe 34. Les appelants font également valoir que les modifications apportées au régime de rétribution et de retenues feront en sorte qu’à leur libération, ils se retrouveront sans économies et avec des dettes, entraînant un préjudice psychologique grave qui ne peut que mettre en péril leur droit à la sécurité.

[32] Aussi séduisante cette thèse puisse-t-elle paraître, force est de constater qu’elle ne repose sur aucune preuve permettant de l’étayer. Elle ne se fonde que sur des spéculations qui ne trouvent appui dans aucune donnée factuelle. Tout au plus les appelants réfèrent-ils, dans une note de bas de page, aux articles 15, 101 et 102 de la Loi, lesquels traitent respectivement de la confection d’un plan correctionnel et des principes guidant l’octroi d’une liberté conditionnelle. Or, ces dispositions ne font pas l’objet de contestation en l’espèce. Qui plus est, les appelants n’ont pas explicité comment ces dispositions, en tant que telles, étoffent cette thèse.

[33] Lors de l’audition, les avocats des appelants nous ont référé aux allégations de deux d’entre eux telles que résumées par le juge à l’Annexe A de la Décision (aux pp. 81–82). L’un des appelants (M. Jarrod Shook) a indiqué avoir participé aux consultations sur les modifications salariales, disant « qu’elles auraient des incidences négatives sur son transfert dans un établissement d’un niveau de sécurité moins élevé et sa réinsertion », et « que certains avaient continué de travailler de peur de voir une incidence négative sur les transferts futurs dans des établissements d’un niveau de sécurité moins élevé ou les libérations ». Un autre appelant (M. Michael Flannigan) a mentionné que sa demande au Directeur de réduire les retenues ou les remboursements en vertu du paragraphe 104.1(7) du Règlement avait été refusée, et qu’il avait été averti par un gestionnaire de l’impact négatif sur son plan correctionnel que pourrait avoir sa décision de quitter le travail en raison des réductions salariales.

[34] Bien que ces allégations n’aient pas été contredites, elles ne sauraient suffire à elles seules pour permettre aux appelants de se décharger du fardeau qui leur incombe d’établir une violation de leur droit à la liberté. Ces allégations reposent essentiellement sur leurs perceptions et constituent parfois du ouï-dire, et les craintes dont ils témoignent ne sont aucunement corroborées par des éléments de preuve démontrant qu’elles étaient fondées. De fait, aucune preuve n’a été déposée permettant de faire un lien entre le refus de travailler et les conséquences négatives invoquées par les appelants. Sans douter de la bonne foi des appelants, leur témoignage ne répond pas aux exigences requises pour établir qu’ils ont subi une atteinte à leur droit.

[35] S’agissant par ailleurs du droit à la sécurité, les appelants ont plaidé qu’ils ne sont plus en mesure de faire des économies et de payer leurs dettes suite aux coupures qui leur ont été imposées, et que la perspective d’être libéré dans une situation de précarité extrême leur cause un préjudice psychologique grave. S’appuyant sur l’arrêt Blencoe, ils soutiennent que leur droit à la sécurité s’en trouve compromis.

[36] Il est vrai que dans cette dernière affaire, la Cour suprême a reconnu que la sécurité de la personne recouvre tant l’intégrité physique que psychologique d’une personne. La Cour suprême a toutefois précisé que la tension psychologique causée par l’État se doit d’être grave pour que l’article 7 puisse être invoqué :

57 Les atteintes de l’État à l’intégrité psychologique d’une personne ne font pas toutes intervenir l’art. 7. Lorsque l’intégrité psychologique d’une personne est en cause, la sécurité de la personne se limite à la « tension psychologique grave causée par l’État » […] Selon l’expression « tension psychologique grave causée par l’État », deux conditions doivent être remplies pour que la sécurité de la personne soit en cause. Premièrement, le préjudice psychologique doit être causé par l’État, c’est-à-dire qu’il doit résulter d’un acte de l’État. Deuxièmement, le préjudice psychologique doit être grave. Les formes que prend le préjudice psychologique causé par le gouvernement n’entraînent pas toutes automatiquement des violations de l’art. 7. […] [Souligné dans l’original.]

[37] La preuve déposée par les appelants au soutien de leurs prétentions repose essentiellement sur leurs affidavits, dans lesquels certains d’entre eux affirment avoir perdu leur motivation à travailler, avoir de la difficulté à épargner pour leur libération et être anxieux quant à leur libération future en raison de leurs dettes. Bien que ces préoccupations puissent être réelles, elles ne me paraissent pas causer un préjudice psychologique grave de même nature que les interventions de l’État considérées comme portant atteinte au droit à la sécurité par la Cour suprême. Pour comprendre le degré de stress psychologique requis pour faire intervenir le droit à la sécurité et l’écart qui sépare ces situations de la présente affaire, il suffit de songer au stress et à l’angoisse causés par une intervention de l’État privant une femme du choix d’interrompre sa grossesse (R. c. Morgentaler, [1988] 1 R.C.S. 30, [1988] A.C.S. no 1), retirant la garde d’un enfant à ses parents (Nouveau-Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G.(J.), [1999] 3 R.C.S. 46, [1999] A.C.S. no 47) et empêchant une personne d’obtenir l’aide nécessaire pour mettre fin à ses jours lorsqu’elle n’est plus en mesure de le faire seule (Rodriguez c. Colombie-Britannique, [1993] 3 R.C.S. 519, [1993] A.C.S. no 94).

[38] En fait, les appelants ne recherchent pas l’invalidation d’une mesure étatique qui enfreindrait l’exercice d’un droit que leur garantit la Charte, mais soutiennent plutôt que leur droit à la sécurité impose à l’État des obligations positives de nature économique. En d’autres termes, ils cherchent à convaincre cette Cour que la Charte impose un niveau de rétribution minimal pour les détenus. Or, les tribunaux canadiens ne sont jamais allés aussi loin et ont systématiquement refusé d’imposer ce genre d’obligations de nature économique à l’État.

[39] Comme le note avec raison l’intimé, les appelants ne peuvent avoir gain de cause que dans l’hypothèse où cette Cour en arriverait à la conclusion que l’article 7 de la Charte impose une obligation positive à l’État d’accorder une rétribution minimale aux détenus pour le travail qu’ils effectuent ou les formations qu’ils suivent. Or, la jurisprudence de la Cour suprême n’a jamais été aussi loin et sa décision dans Gosselin c. Québec (Procureur général), 2002 CSC 84, [2002] 4 R.C.S. 429 [Gosselin] semble plutôt militer à l’encontre d’une obligation positive de l’État de pourvoir au maintien de la vie, de la liberté et de la sécurité de la personne par le biais de mesures économiques. Bien que la majorité dans cette affaire n’ait pas écarté une telle possibilité en d’autres circonstances dans le futur, les appelants ne m’ont pas convaincu que leur situation diffère suffisamment de celles des bénéficiaires d’aide sociale qui était en cause dans l’affaire Gosselin pour qu’il soit justifié d’en arriver à une autre conclusion : voir aussi Flora c. Ontario Health Insurance Plan, 2008 ONCA 538, 91 O.R. (3d) 412, aux paras. 101, 106 et 108.

[40] Quoi qu’il en soit, j’estime que le juge a eu raison de conclure que les appelants n’avaient pas démontré en quoi les mesures contestées allaient à l’encontre des principes de justice fondamentale. En appel devant nous, les appelants ont soutenu pour la première fois que le Règlement et les Directives avaient une portée excessive et engendraient des conséquences disproportionnées, dans la mesure où il ne peut être porté atteinte à des droits fondamentaux pour des considérations d’ordre strictement budgétaire.

[41] À mon avis, cet argument ne peut réussir. D’une part, il n’a pas été plaidé en première instance et n’a même pas été évoqué dans l’avis d’appel. Comme l’a noté le juge, les appelants n’avaient présenté dans leur mémoire aucun argument relatif à cette question et s’étaient contentés à l’audition de présenter in extremis un argumentaire fondé sur le droit international (Décision, aux paras. 90 et 92). Or, comme l’a rappelé la Cour suprême dans l’arrêt Guindon c. Canada, 2015 CSC 41, [2015] 3 R.C.S. 3 au para 22, « [l]e critère applicable pour décider de l’opportunité d’examiner une question nouvelle est strict ». Les appelants n’ont démontré aucune raison impérieuse justifiant cette Cour d’examiner ce nouvel argument.

[42] Qui plus est, les appelants n’ont même pas tenté d’expliquer en quoi les mesures en litige auraient une portée excessive ou entraîneraient des conséquences disproportionnées par rapport à leur objet. Il ne suffit pas, pour démontrer une atteinte aux principes de justice fondamentale, d’affirmer qu’il y a eu une telle violation; encore faut-il la prouver. Je vois mal comment le versement discrétionnaire d’un montant d’argent, quel qu’il soit, peut avoir une portée excessive ou des conséquences disproportionnées; en l’absence de toute obligation en ce sens de l’État, un tel versement ne peut s’analyser que comme un avantage économique pour la personne qui le reçoit. Je note enfin que les appelants ne contestent pas la conclusion du juge indiquant que les mesures contestées n’enfreignent pas l’article 12 de la Charte du fait qu’elles ne constituent pas des contraintes disproportionnées ou excessives incompatibles avec la dignité humaine. Puisque le degré de disproportion exagérée et excessive applicable sous l’article 12 de la Charte est le même que celui relatif aux principes de justice fondamentale suivant l’article 7 (R. c. Malmo-Levine; R. c. Caine, 2003 CSC 74, [2003] 3 R.C.S. 571, au para. 160), les appelants sont forclos d’invoquer cet argument devant nous.

[43] Pour tous les motifs qui précèdent, je suis donc d’avis que l’argument des appelants fondé sur l’article 7 de la Charte doit être rejeté.

C. Les modifications au Règlement et aux Directives sont-elles invalides parce qu’elles sont contraires à l’article 76 de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus des Nations Unies et la Convention (n° 29) sur le travail forcé de l’Organisation internationale du Travail?

[44] Les appelants prétendent que le juge a erré en rejetant leurs arguments fondés sur le droit international public. Ils soutiennent essentiellement que les règles constituant l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus des Nations Unies (les Règles minima) ont été mises en œuvre par le Canada, et que même dans l’hypothèse où elles ne l’ont pas été, elles constituent des autorités persuasives dans l’interprétation du droit interne au même titre que la Convention (n° 29) sur le travail forcé de l’Organisation internationale du Travail (la Convention sur le travail forcé).

[45] Encore une fois, c’est à bon droit que le juge a rejeté ces prétentions. D’une part, comme il l’a indiqué, les Règles minima prévoient tout au plus que le travail des personnes détenues doit être rémunéré de façon « équitable » sans plus de précision, n’imposent aucune obligation aux pays signataires et ne comportent pas de mécanisme de contrainte. Les appelants ont d’ailleurs admis en première instance que cet instrument ne fait qu’exprimer des « aspirations », ce qui est bien insuffisant pour créer une norme de droit international coutumier. Quant à la Convention sur le travail forcé, elle me semble difficilement applicable à la situation des appelants puisqu’elle exclut « tout travail ou service exigé d’un individu comme conséquence d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire ». Au surplus, il n’a pas été démontré que le travail effectué par les détenus est obligatoire ou forcé; la preuve au dossier révèle plutôt que la seule conséquence découlant du refus de travailler consiste à ne pas être rétribué.

[46] D’autre part, il est bien établi en droit canadien que les instruments internationaux n’ont aucune force exécutoire en l’absence d’une loi de mise en œuvre. Comme le rappelait la Cour suprême dans l’arrêt Kazemi (Succession) c. République islamique d’Iran, 2014 CSC 62, [2014] 3 R.C.S. 176 au para 149 [Kazemi] :

[…] Le Canada continue à posséder un système dualiste au chapitre des traités et du droit conventionnel. En conséquence, à moins qu’une disposition d’un traité n’exprime une règle du droit international coutumier ou une norme impérative, cette disposition ne deviendra exécutoire en droit canadien que s’il lui est donné effet par l’intermédiaire du processus d’élaboration des lois du Canada. Les appelants n’ont pas prétendu — et encore moins établi — que leur interprétation de l’art. 14 correspond au droit international coutumier ou qu’elle a été intégrée au droit canadien par voie législative. [Références omises.]

Voir aussi : Sin c. Canada, 2016 CAF 16, [2016] A.C.F. no 61, au para. 14.

[47] Or, les appelants n’ont aucunement démontré que les instruments internationaux invoqués en l’espèce font partie du droit interne. Le simple fait que les Règles minima soient mentionnées dans une publication du Service (« Régime de rémunération des détenus », ci-dessus, DA, p. 863) ne saurait suffire pour que celles-ci puissent être considérées avoir été incorporées en droit canadien.

[48] Quant à l’argument des appelants fondé sur la présomption de conformité d’une loi aux obligations internationales du Canada, il ne peut non plus être retenu. La présomption ne trouve tout simplement pas application dans le présent contexte. Tel que le soulignait la Cour suprême dans l’arrêt Kazemi au para 60 :

[…] On ne saurait utiliser le droit international pour étayer une interprétation à laquelle fait obstacle le texte de la loi. De même, la présomption de conformité ne permet pas d’écarter l’intention claire du législateur. De fait, la présomption voulant que la loi respecte le droit international ne demeure que cela — une simple présomption. Or, selon la Cour, celle-ci peut être réfutée par les termes clairs de la loi en cause. […] L’ordre juridique interne du Canada, tel qu’instauré par le Parlement, prévaut. [Références omises]

Voir aussi : Tapambwa v. Canada (Citizenship and Immigration), 2019 FCA 34, [2019] F.C.J. No. 186, au para. 44.

[49] Le texte du paragraphe 78(2) de la Loi, dont la constitutionnalité n’est d’ailleurs pas contestée par les appelants, est on ne peut plus clair. Il y est explicitement reconnu que des retenues allant jusqu’à 30 % peuvent être effectuées sur toute rétribution accordée aux détenus. Ce texte ne souffre d’aucune ambiguïté et les instruments internationaux ne sont donc d’aucune utilité pour en préciser le sens et encore moins pour en modifier la portée.

[50] Bref, j’estime que ce moyen d’appel doit être rejeté.

D. Existe-t-il une relation employeur-employé entre les appelants et le Service?

[51] Les appelants prétendent que la Cour fédérale a erré en concluant qu’ils n’étaient pas couverts par la Partie III du Code du fait que l’alinéa 167(1)d) exclut les ministères au sens de la Loi sur la gestion des finances publiques. S’ils ne peuvent se réclamer de la protection du Code parce que le Service est un ministère au terme de l’Annexe I.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques et qu’ils ne peuvent davantage se prévaloir du régime juridique applicable aux fonctionnaires de l’État parce qu’ils ne sont pas dans une relation d’emploi avec un ministère, les détenus se retrouveraient dans une espèce de vide juridique. Pour éviter cette situation, soutiennent-ils, les détenus doivent donc être considérés comme étant à l’emploi d’une « entreprise fédérale » conformément à l’alinéa 167(1)a) du Code.

[52] Avant d’examiner cette question, il convient de se demander si la Cour fédérale avait la compétence requise pour en traiter. Bien que les parties n’aient pas abordé cette question en première instance, cette Cour estime qu’elle ne saurait être passée sous silence. C’est précisément pour cette raison que les parties ont été invitées à faire des représentations à ce sujet devant nous.

[53] À mon avis, un inspecteur désigné en vertu du paragraphe 249(1) du Code et, le cas échéant, un arbitre désigné en vertu du paragraphe 251.12(1) du Code pour entendre l’appel, auraient eu juridiction pour se prononcer sur-le-champ d’application du Code. Rien n’indique que le Parlement entendait exclure cette question de la compétence de l’inspecteur.

[54] En effet, l’alinéa 251.01(1)a) du Code prévoit qu’un employé peut déposer une plainte auprès d’un inspecteur s’il croit que l’employeur a contrevenu à une disposition de la Partie III. Une telle plainte peut être rejetée si l’inspecteur est convaincu que la plainte ne relève pas de sa compétence (sous-alinéa 251.05(1)a)(i)). Dans un tel cas, le plaignant peut demander au ministre de réviser la décision de l’inspecteur (paragraphe 251.05(3)), et il revient alors au ministre de confirmer la décision de l’inspecteur ou l’annuler et de charger un inspecteur d’examiner la plainte (paragraphe 251.05(4)).

[55] En ce qui a trait spécifiquement aux demandes de recouvrement de salaire, le paragraphe 251.101(1) du Code prévoit qu’une décision d’un inspecteur ordonnant le paiement des sommes réclamées ou concluant au caractère non fondé de la plainte peut être révisée par le ministre sur demande d’une des parties. La décision du ministre à cet égard, rendue en vertu du paragraphe 251.101(3) peut quant à elle faire l’objet d’un appel sur une question de droit ou de compétence (paragraphe 251.11(1) du Code). Selon le paragraphe 251.12(1), le ministre ainsi saisi d’un appel désigne en qualité d’arbitre la personne qu’il juge qualifiée pour entendre et trancher l’appel et lui transmet la décision faisant l’objet de l’appel et la demande d’appel. L’arbitre a de larges pouvoirs d’enquête et il peut rendre toute ordonnance nécessaire à la décision (paragraphe 251.12(2) et (4) du Code). La décision rendue est alors protégée par une clause privative (paragraphe 251.12(5) à (7)).

[56] Dans l’éventualité où l’une des parties n’est pas satisfaite de la décision finale de l’arbitre à cet égard, il lui est possible d’en demander le contrôle judiciaire. C’est notamment ce qui est advenu dans Déménagements Tremblay Express Ltée c. Gauthier, 2018 CF 584, [2018] A.C.F. no 595. Dans ce récent dossier, l’arbitre s’était dit compétent pour entendre la plainte. Il avait conclu que l’employeur n’avait pas versé à l’employé le salaire auquel celui-ci avait droit en vertu de la Partie III du Code, avait déterminé la différence entre le montant exigible et celui qui avait été versé (paragraphe 251(1) du Code), et avait ultimement adressé un ordre de paiement à l’employeur (article 251.1 du Code). Le recours en contrôle judiciaire de cette décision a finalement été rejeté.

[57] À mon avis, c’est cette voie qu’auraient dû emprunter les appelants en l’espèce (voir notamment : Services Maritimes Desgagnés Inc. c. Dufour, 2011 CF 1020, [2011] A.C.F. no 1257; Canada (Procureur général) c. Schwark, 2011 CF 211, [2011] A.C.F. no 359; Guérin c. Autocar Connaisseur Inc., [2000] A.C.F. no 819, 2000 CanLII 15623; Tokmakjian Inc. c. Achorn, 2017 CF 1057, [2017] A.C.F. no 1117). Il convient d’ailleurs de noter, à cet égard, que la question de savoir si une personne est un « employé » aux termes d’une autre partie du Code – la Partie I – est également confiée à un décideur administratif spécialisé, soit le Conseil canadien des relations industrielles : voir notamment Conseil de la Nation Innu Matimekush-Lac John c. Association des employés du nord québécois (CSQ), 2017 CAF 212, [2017] A.C.F. no 997; Syndicat des agents de sécurité Garda, Section CPI-CSN c. Corporation de sécurité Garda Canada, 2011 CAF 302, [2011] A.C.F. no 1546. De même, la détermination du champ d’application des dispositions de la Partie III du Code relatives au congédiement injuste est confiée à un inspecteur ou un arbitre nommé par le ministre en vertu des articles 240 et 242 : voir, par exemple, Riverin c. Conseil des Innus de Pessamit, [2016] D.A.T.C. no 124, 2016 CanLII 35702, inf. par 2017 CF 934, [2017] A.C.F. no 970, inf. par 2019 CAF 68, [2019] A.C.F. no 389; Waldman c. Conseil de Bande d'Eskasoni, [2001] A.C.F. no 1228; Beothuk Data Systems Ltd., Seawatch Division v. Dean, [1997] F.C.J. 1117; Norway House Indian Band v. Canada (T.D.), [1994] 3 F.C. 376, [1994] F.C.J. No. 328.

[58] Dans les représentations écrites qu’ils ont déposées à la Cour suite à l’audition, les appelants ont fait valoir que nous devrions exercer notre discrétion et nous prononcer sur cette question même si elle n’a pas été préalablement soumise aux décideurs administratifs (inspecteur et arbitre), parce que l’expertise de ces derniers pour trancher la question en litige n’est pas adéquate. Cette affirmation n’est cependant pas étayée et ne repose sur aucune démonstration. Au demeurant, d’autres décideurs administratifs spécialisés ont déjà tranché des questions similaires. Ainsi, le Conseil canadien des relations industrielles a déjà eu à déterminer si la Partie I du Code s’appliquait aux détenus travaillant pour le même organisme du Service (le CORCAN), auquel sont rattachés les appelants dans la présente affaire, et s’ils pouvaient donc se prévaloir du régime d’accréditation et de négociation collective du Code : voir Canadian Prisoners’ Labour Confederation c. Service correctionnel du Canada, 2015 CCRI 779 (Canadian Prisoners’ Labour Confederation). Dans la même veine, la question de savoir si des détenus pouvaient être considérés comme des « employés » au sens de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. 1985, c. P-35 (maintenant la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, L.C. 2003, c. 22, art. 2) a été tranchée par la Commission des relations de travail dans la fonction publique : voir Jolivet c. Conseil du trésor (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 1. Une demande de contrôle judiciaire de cette décision a été rejetée par cette Cour dans Jolivet c. Conseil du trésor (Service correctionnel du Canada), 2014 CAF 1, [2014] A.C.F. no 11.

[59] Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que la Cour fédérale aurait dû refuser de se prononcer sur la question de l’application du Code, étant donné que les appelants n’avaient pas épuisé leurs recours administratifs. Le caractère inapproprié du recours apparaît d’autant plus flagrant lorsque l’on considère le remède que recherche les appelants, à savoir que cette Cour ordonne au Service « de redresser rétroactivement les traitements » versés aux détenus (Mémoire des appelants, au para. 93). En supposant même que le Code puisse recevoir application, c’est plutôt au moyen d’une plainte en recouvrement de salaire soumise à un inspecteur en vertu des articles 251.01 et 251.1 que cette demande aurait dû être faite.

[60] En tout état de cause, et par souci d’exhaustivité, j’ajouterais que l’argument des appelants doit être rejeté sur le fond. Comme le note avec raison l’intimé, le vice fondamental de la thèse des appelants tient au fait que ceux-ci n’identifient pas l’« entreprise fédérale » dont ils seraient les employés en vertu de l’alinéa 167(1)a) du Code. Dans leurs représentations écrites, les appelants se contentent de référer à CORCAN. Il ne s’agit cependant pas là d’une entreprise fédérale, mais plutôt d’un programme au sein du Service. Dans ses motifs, le juge a décrit ce programme de la façon suivante :

[20] CORCAN n’est rien d’autre qu’un programme au sein du Service Correctionnel du Canada visant la réhabilitation des détenus (affidavit de Lynn Garrow, Présidente directeur-général). Il est organisé en organisme de service spécial au sein du SCC, ce qui est une désignation dans l’appareil gouvernemental qui permet d’être soustrait à certaines politiques gouvernementales pour favoriser un mode de gestion axé davantage sur un modèle d’entreprise pour financer ses opérations. Cet organisme de service spécial reste au sein du SCC; sa vocation est la production de biens et services vendus à des ministères fédéraux (e.g. des meubles de bureau, textiles) d’abord, mais aussi à d’autres organismes.

[61] Cette description est conforme à la preuve au dossier (voir affidavit de Lynn Garrow, DA vol. 14, p. 3720), ainsi qu’à la conclusion à laquelle en est arrivé le Conseil canadien des relations industrielles dans l’affaire Canadian Prisoners’ Labour Confederation (aux paras. 17 et 25). Par conséquent, le juge a eu raison de conclure que les appelants, même dans la mesure où ils pourraient être considérés comme des employés, sont exclus de la Partie III du Code. CORCAN n’étant qu’un programme au sein du Service, il n’échappe pas à la définition de « ministère » à l’alinéa 2 a.1) et à l’Annexe I.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques.

[62] Reste la question de savoir si les appelants peuvent être considérés comme ayant une relation employeur-employé en vertu de la common law, plutôt que dans le cadre législatif fédéral. Encore une fois, il importe de déterminer si la Cour fédérale avait la compétence requise pour se prononcer sur cette question avant même d’examiner au mérite la prétention des appelants voulant qu’ils ont été l’objet d’un congédiement déguisé.

[63] À mon avis, la question soulevée par les appelants relève davantage d’une relation de droit privé plutôt que de l’exercice par l’État de son autorité publique. De ce fait, les appelants auraient dû procéder par voie d’action en vertu de l’article 17 de la Loi sur les cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F-7, plutôt qu’au moyen d’une demande de contrôle judiciaire sous l’article 18.1 de la même loi.

[64] Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême a clairement réaffirmé le principe selon lequel la relation de la Couronne avec ses employés est régie par le droit des contrats. Lorsque la Couronne agit en tant qu’employeur, écrit la Cour, elle « ne fait qu’exercer ses droits privés à titre d’employeur » (au paragraphe 103). La Cour précise aussi, à cet égard que :

[105] […] lorsque l’employeur du secteur public agit de mauvaise foi ou de manière inéquitable, le droit privé offre un type de recours plus approprié, et il n’y a pas lieu de le traiter différemment de l’employeur du secteur privé qui agit de même.

[106] Un organisme public doit évidemment respecter les limites légales fixées à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire à titre d’employeur, quelles que soient les conditions du contrat d’emploi, faute de quoi il s’expose à un recours en droit public. Il ne peut se soustraire par contrat à ses obligations légales. Cependant, lorsqu’il prend la décision de congédier une personne conformément à ses pouvoirs et à un contrat d’emploi, nulle considération supérieure du droit public ne justifie l’imposition d’une obligation d’équité.

[65] Ce principe a récemment été réitéré par la Cour suprême dans Highwood Congregation of Jehovah’s Witnesses (Judicial Committee) c. Wall, 2018 CSC 26, [2018] 1 R.C.S. 750 :

[14] Ce ne sont pas toutes les décisions qui sont susceptibles de contrôle judiciaire en vertu du pouvoir de surveillance d’une cour supérieure. Un tel recours est possible uniquement lorsqu’un pouvoir étatique a été exercé et que l’exercice de ce pouvoir présente une nature suffisamment publique. En effet, même les organismes publics prennent des décisions de nature privée — par exemple pour louer des locaux ou pour embaucher du personnel — et de telles décisions ne sont pas assujetties au pouvoir de contrôle des tribunaux : Air Canada c. Administration portuaire de Toronto, 2011 CAF 347 […], par. 52. L’organisme public qui prend des décisions de nature contractuelle « n’exerce pas un pouvoir central à la mission administrative que lui a attribuée le législateur », mais plutôt un pouvoir de nature privée (ibid.). Des décisions de la sorte ne soulèvent pas de préoccupations relatives à la primauté du droit, car, pour que cela soit le cas, il faut être en présence de l’exercice d’un pouvoir délégué.

[66] Par conséquent, je suis d’avis que la Cour fédérale n’était pas habilitée à traiter de cette question dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire et cette Cour ne peut remédier, à ce stade des procédures, au fait que les appelants n’ont pas engagé cette partie de leur demande à titre d’action en vertu de l’article 17. Je note d’ailleurs que les appelants, dans les brèves représentations écrites qu’ils ont déposées à la Cour suite à l’audition, reconnaissent qu’une demande de contrôle judiciaire [traduction] « n’est possiblement pas la meilleure approche pour établir des droits dans le contexte de la common law ».

[67] J’ajouterai néanmoins, encore une fois par souci d’exhaustivité, que les appelants n’ont pas démontré qu’ils étaient dans une relation employeur-employé avec le Service. Comme le note l’intimé, les relations de travail dans l’administration publique ne s’apprécient pas à la lumière des faits ou de l’application des critères usuels de la common law. Le juge a eu raison de conclure que le pouvoir de faire des nominations à la fonction publique est conféré de façon exclusive à la Commission de la fonction publique en vertu du paragraphe 29(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, c. 22, art. 12 et 13 (Loi sur l’emploi dans la fonction publique) (Décision, aux paras. 117 et 127).

[68] La décision de la Cour suprême dans Canada (procureur général) c. Alliance de la fonction publique du Canada, [1991] 1 R.C.S. 614, confirmant [1989] 2 C.F. 633 (C.A.F.), [1989] A.C.F. no 56, établit que la notion de fonctionnaire « de fait » n’existe pas en droit fédéral. Comme le notait le juge Sopinka, au nom de la majorité, « il n’y a tout bonnement pas de place pour une espèce de fonctionnaire de fait qui ne serait ni chair ni poisson » dans le régime des relations de travail fédéral (à la p. 633). Conformément à cette logique et au texte du paragraphe 29(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, la participation à un programme offert aux détenus ne saurait constituer une nomination à un poste dans la fonction publique; les appelants n’ont d’ailleurs pas prétendu que la participation à l’un des programmes offerts par le Service constitue une nomination dans un ministère, et donc dans la fonction publique.

[69] D’autre part, le juge a conclu à bon droit que l’objet véritable des programmes offerts par le Service est la réhabilitation et non l’emploi (Décision, au para. 134). Le paragraphe 78(1) de la Loi ne permet d’ailleurs au Commissaire de rétribuer les détenus que pour encourager leur participation aux programmes offerts par le Service ou leur procurer une aide financière pour favoriser leur réinsertion sociale. On ne trouve nulle mention d’une compensation pour un travail effectué. La preuve révèle d’ailleurs que les détenus qui refusent de participer aux programmes ont aussi droit à une indemnité, quoique moindre (voir affidavit de Michael Bettman, au para. 43; ci-dessus). Au surplus, le niveau de rétribution d’un détenu est fondé sur des critères qui diffèrent de ceux qui sous-tendent le salaire normalement versé à un travailleur (p. ex., la participation d’un détenu à son plan correctionnel, le comportement général en établissement ou l’affiliation ou non à un groupe menaçant la sécurité) : voir Décision, au para. 132; Directive 730, aux paras. 34, 35 ci-dessus; affidavit de Michael Bettman, au para. 39, ci-dessus.

[70] Bref, les appelants ne m’ont pas démontré que le juge avait erré en concluant qu’ils n’avaient pas établi une relation employeur-employé découlant de leur participation aux programmes mis à leur disposition par le Service. Ceci étant, il ne m’est donc pas nécessaire de me pencher sur la question du congédiement déguisé.


III. Conclusion

[71] Pour tous les motifs qui précèdent, je suis donc d’avis que l’appel devrait être rejeté. L’intimé n’ayant pas réclamé ses dépens, il n’en sera pas octroyé.

« Yves de Montigny »

j.c.a.

« Je suis d’accord

Johanne Gauthier j.c.a. »

« Je suis d’accord

Marianne Rivoalen j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-75-18

 

INTITULÉ :

JEAN GUÉRIN, JARROD SHOOK, JAMES DRUCE, JOHN ALKERTON, MICHAEL FLANNIGAN, JEFF EWERT c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 juin 2019

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE RIVOALEN

 

 

DATE DES MOTIFS :

LE 4 NOVEMBRE 2019

 

 

COMPARUTIONS :

Marie-Claude Lacroix

Rita Magloé Francis

Todd Sloan

 

Pour les appelants

 

Dominique Guimond

Marjolaine Breton

Gregory Tzemenakis

Pour l'intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SIMAO LACROIX s.e.n.c.r.1.

Montréal (Québec)

SURPRENANT MAGLOE FRANCIS

Montréal (Québec)

TODD SLOAN

Kanata (Ontario)

 

Pour les appelants

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureur général du Canada

Pour l'intimé

 

 

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