Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20191107


Dossier : A-413-18

Référence : 2019 CAF 278

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE RIVOALEN

LE JUGE LOCKE

 

ENTRE :

 

 

IGOR STUKANOV

 

 

appelant

 

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

intimé

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 30 octobre 2019.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 7 novembre 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LOCKE

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LA JUGE RIVOALEN

 


Date : 20191107


Dossier : A-413-18

Référence : 2019 CAF 278

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE RIVOALEN

LE JUGE LOCKE

 

ENTRE :

 

 

IGOR STUKANOV

 

 

appelant

 

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LOCKE

[1] La Cour est saisie d’un appel interjeté par Igor Stukanov à l’encontre d’une décision rendue par le juge Fothergill de la Cour fédérale (2018 CF 1264) en date du 13 décembre 2018, dans laquelle il rejette un appel précédent interjeté à l’encontre d’une décision de la commissaire aux brevets (la commissaire) rejetant la demande de brevet no 2 792 456 de M. Stukanov (la demande). La demande a été rejetée au motif que l’invention alléguée dans celle-ci était évidente et donc non conforme à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets, 1985, ch. P-4. La Cour fédérale a conclu que le critère juridique applicable à une détermination de l’évidence n’était pas en litige, et que la commissaire n’a commis aucune erreur en appliquant ce critère.

[2] M. Stukanov soulève plusieurs questions devant notre Cour. Il soutient principalement que la Cour fédérale a commis une erreur en déterminant que la conclusion de la commissaire quant à l’évidence était raisonnable. M. Stukanov soutient également que le processus ayant mené à cette décision de la commissaire était injuste pour plusieurs raisons. Il fait également valoir plusieurs autres arguments qui ne correspondent parfaitement à ni l’une ni l’autre des catégories susmentionnées d’erreurs alléguées.

[3] La norme de contrôle applicable n’est pas litige. La Cour doit déterminer si la Cour fédérale a choisi la norme de contrôle appropriée et si elle l’a appliquée correctement : Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, au paragraphe 45. La Cour fédérale a appliqué la norme de la décision correcte à la question de savoir si la commissaire a choisi le critère juridique approprié pour déterminer l’évidence, ainsi que la norme de la décision raisonnable aux conclusions de la commissaire quant à l’évidence. Je partage l’avis de la Cour fédérale quant aux deux normes : voir Halford c. Seed Hawk Inc., 2006 CAF 275, 54 C.P.R. (4th) 130, au paragraphe 39, et Scott Paper Limited c. Smart & Biggar, 2008 CAF 129, 65 C.P.R. (4th) 303, au paragraphe 11, tous deux cités dans la décision Blair c. Canada (Procureur général), 2010 CF 227, aux paragraphes 48 à 51. L’établissement du critère juridique applicable à la détermination de l’évidence est une question de droit assujettie à la norme de la décision correcte. La norme applicable aux faits est une question mixte de fait et de droit et, en raison de l’expertise de la commissaire, elle est assujettie à la norme de la décision raisonnable.

[4] M. Stukanov soulève de nombreuses erreurs quant à la question principale, à savoir si la conclusion de la commissaire relativement à l’évidence était raisonnable. Par exemple, M. Stukanov soutient que les motifs accompagnant la décision de la commissaire (les motifs) témoignaient d’une incompréhension de la référence à l’état antérieur de la technique citée au chapitre de l’évidence (soit la demande de brevet américain no 2011/0125937 (demande de brevet Canon)). Plus particulièrement, M. Stukanov soutient que l’adaptation de la demande de brevet Canon afin d’y inclure les éléments de l’invention décrite dans la demande donnerait lieu à un dispositif non fonctionnel. En conséquence, la demande de brevet Canon ne peut pas être le motif approprié à une conclusion d’évidence. M. Stukanov soutient également que, pour rendre un tel dispositif fonctionnel, il faudrait y ajouter une autre caractéristique, laquelle rendrait le dispositif inventif en soit. De plus, M. Stukanov affirme que la commissaire n’a pas su tenir compte de la distinction entre les [traduction] « éléments » d’une invention et les [traduction] « structures » ou « concepts » définis dans la demande.

[5] Je ne suis pas convaincu que la conclusion d’évidence de la commissaire était déraisonnable. Le dernier argument présenté dans le paragraphe précédent a été analysé directement et en détail par la commissaire et la Cour fédérale, et je ne vois aucun motif d’intervenir à son égard. De plus, je ne suis pas convaincu que la commissaire ait mal compris l’état antérieur de la technique ou la différence entre celui-ci et l’invention décrite dans la demande. La Cour fédérale n’a pas commis d’erreur en refusant d’intervenir à l’égard de la conclusion d’évidence de la commissaire.

[6] M. Stukanov soutient également que la commissaire a commis une erreur en omettant de tenir compte du critère de « l’essai allant de soi », tel qu’il est défini aux paragraphes 68 et ultérieurs de l’arrêt Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, [2008] 3 R.C.S. 265. Je suis d’accord avec les déclarations de la Cour fédérale selon lesquelles i) la Cour suprême du Canada a déterminé que ce critère s’appliquait aux « domaines d’activité où les progrès sont souvent le fruit de l’expérimentation » et ii) ce critère ne s’appliquait pas à l’invention décrite dans la demande. De plus, je ne vois pas clairement comment une invention ayant fait l’objet d’une conclusion d’évidence raisonnable pourrait être sauvée par une analyse selon le critère de l’essai allant de soi.

[7] J’examinerai maintenant la question d’équité procédurale soulevée par M. Stukanov. Il n’était pas juste, selon lui, qu’on ne lui offre pas l’occasion de répondre aux motifs de la commissaire avant la délivrance de sa décision. Toutefois, il a été invité à fournir ses commentaires à l’égard d’une lettre préliminaire lui communiquant les motifs proposés, ce qu’il a fait. De plus, ses commentaires sont analysés dans les motifs définitifs. M. Stukanov n’a pas attiré l’attention de notre Cour à l’égard d’une nouvelle question soulevée dans les motifs qui n’aurait pas été soulevée auparavant. Il semble que M. Stukanov n’a été privé d’aucune occasion de commenter une conclusion ou un raisonnement de la commissaire. Le processus était équitable.

[8] M. Stukanov se plaint également du fait que la commissaire aurait injustement omis de traiter de son argument sur la distinction entre les éléments et les structures, un refus qui n’a pas été expliqué dans sa décision. Je suis en désaccord avec ces deux prétentions. La commissaire discute clairement de la question des éléments et de la structure dans ses motifs, bien que ce ne soit pas d’une manière satisfaisante pour M. Stukanov. De même, les motifs expliquent la décision de la commissaire, qui ne satisfont pas M. Stukanov.

[9] M. Stukanov a fait valoir plusieurs autres arguments qui n’ont pas été analysés expressément dans les présentes. Certains de ces arguments sont étroitement liés aux questions susmentionnées et peuvent être rejetés pour les mêmes motifs. Les autres arguments s’en distinguent, mais sont manifestement sans fondement. Entre autres, M. Stukanov a soutenu que le refus de la demande (nommant un inventeur canadien) et l’octroi d’une autre demande de brevet nommant des inventeurs établis aux États-Unis (il cite la demande de brevet 2 693 691) établissent à première vue que la commissaire a fait preuve de discrimination sur la base des motifs de distinction illicites que sont le pays d’origine, la citoyenneté et l’origine ethnique. Il suffit de dire que ces faits sont clairement insuffisants pour établir ne serait-ce que l’existence à première vue d’une discrimination.

[10] En conclusion, je ne vois aucune erreur dans la décision de la Cour fédérale. Je rejetterais l’appel avec dépens fixés à 1 000 $, tout compris.

« George R. Locke »

j.c.a.

« Je souscris à ces motifs.

M. Nadon, j.c.a. »

« Je souscris à ces motifs.

Marianne Rivoalen, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-413-18

 

(APPEL D’UN JUGEMENT RENDU PAR LE JUGE FOTHERGILL DE LA COUR FÉDÉRALE DATÉ DU 13 DÉCEMBRE 2018, DOSSIER NO T-347-18)

INTITULÉ :

IGOR STUKANOV c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 30 octobre 2019

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LOCKE

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LA JUGE RIVOALEN

DATE :

LE 7 NOVEMBRE 2019

COMPARUTIONS :

Igor Stukanov

POUR L’APPELANT

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Melanie Toolsie

POUR L’INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.