Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20191112


Dossier : A-257-19

Référence : 2019 CAF 282

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM : LE JUGE RENNIE

LA JUGE RIVOALEN

LA JUGE MACTAVISH

ENTRE :

ALEX MARTINEZ

appelant

et

LE CENTRE DE LA SÉCURITÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

intimé

Requête écrite décidée sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 12 novembre 2019.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE RENNIE

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE RIVOALEN

LA JUGE MACTAVISH

 


Date : 20191112


Dossier : A-257-19

Référence : 2019 CAF 282

CORAM : LE JUGE RENNIE

LA JUGE RIVOALEN

LA JUGE MACTAVISH

ENTRE :

ALEX MARTINEZ

appelant

et

LE CENTRE DE LA SÉCURITÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

intimé

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE RENNIE

[1] L’intimé demande par voie de requête que soit rendue une ordonnance annulant le présent appel, en application de l’alinéa 52a) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, et en conformité avec la compétence inhérente de la Cour d’appel fédérale de contrôler ses propres procédures et de prévenir tout recours abusif, au motif que :

  • a) l’avis d’appel ne révèle aucun motif d’appel raisonnable ou précis et ne fournit donc aucun fondement juridique à l’appui d’un appel valable;

  • b) les mesures de réparation demandées dans l’avis d’appel ne relèvent pas de la compétence de notre Cour;

  • c) il est évident et manifeste que l’appel est voué à l’échec.

[2] L’intimé fait aussi valoir que l’absence manifeste de bien-fondé de l’appel rend celui-ci invalide à première vue et en fait une procédure vexatoire ou une procédure constituant autrement un recours abusif devant la Cour.

[3] Pour situer le contexte, notons que l’appelant a présenté, en février 2017, une demande au titre de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P‑21, afin d’avoir accès à des renseignements personnels contenus dans trois fichiers de renseignements. Le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) a refusé d’accéder à cette demande, en s’appuyant sur diverses dispositions de la Loi qui l’autorisent à refuser la communication de renseignements.

[4] En octobre 2017, l’appelant a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision du CST, en application de l’article 41 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[5] Lors du contrôle judiciaire, la juge Roussel de la Cour fédérale a conclu que le CST n’avait pas commis d’erreur en répondant à l’appelant que les fichiers de renseignements en cause ne contenaient aucun renseignement personnel le concernant. Le 23 novembre 2018, la juge Roussel a rendu une ordonnance rejetant la demande de contrôle judiciaire présentée par l’appelant (dossier de la Cour no T-1616-17).

[6] Le 5 juillet 2019, le demandeur a déposé un avis d’appel devant la Cour d’appel fédérale, demandant les réparations suivantes :

  • a) que la décision du tribunal inférieur soit annulée et que les documents demandés soient communiqués;

  • b) qu’une ordonnance et une injonction soient rendues pour mettre fin à toute [TRADUCTION] « activité d’enquête, de suppression, d’observation et de surveillance au Canada et à l’étranger »;

  • c) que des dépens et dommages-intérêts de 15 millions de dollars lui soient accordés.

[7] L’avis d’appel comprend également un préambule où sont formulées des allégations de détournement, d’inconduite et de déviance criminelle de la part du CST dans le but de causer des lésions corporelles à l’appelant ou sa mort. L’appelant soutient dans ce préambule que les refus visaient à empêcher la tenue d’[TRADUCTION] « enquêtes internes » sur certains services de police nationaux et municipaux. Dans son préambule, il laisse entendre, quoique d’une manière ambiguë, que d’anciens premiers ministres auraient aussi été impliqués dans [TRADUCTION] « cette affaire ». Il n’est toutefois pas clair de quelle [TRADUCTION] « affaire » il s’agit.

[8] Notre Cour, qui a été constituée en application de l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867, (R.-U.), 30 & 31 Vict, ch. 3, possède tous les pouvoirs inhérents à son statut de tribunal. Ces pouvoirs l’habilitent notamment à rendre toutes les ordonnances nécessaires pour contrôler ses procédures et exercer ses fonctions en tant que tribunal (Ontario c. Criminal Lawyers’ Association of Ontario, 2013 CSC 43, [2013] 3 R.C.S. 3; Janssen Inc. c. Abbvie Corporation, 2014 CAF 176; R. c. Cunningham, 2010 CSC 10, [2010] 1 R.C.S. 331).

[9] La Cour d’appel fédérale a ainsi le pouvoir d’annuler ou de rejeter sommairement un appel, lorsque celui-ci est à ce point sans fondement qu’il est clairement voué à l’échec, ou qu’il présente les caractéristiques d’une procédure vexatoire constituant un abus de procédure.

[10] L’abus de procédure est une doctrine souple, qui repose sur l’idée que le tribunal dispose d’un pouvoir discrétionnaire inhérent qui lui permet de mettre fin à un contentieux à l’étape préliminaire afin d’éviter que l’abus de procédure ne discrédite l’administration de la justice (Timm c. Canada, 2014 CAF 8). Dans l’arrêt Sellathurai c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CAF 1, au paragraphe 7, le juge Mainville reprend les propos de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Yukon Conservation Society c. Canada (Office national de l’Énergie), [1979] 2 C.F. 14 (C.A.F.), où le juge Le Dain a décrit la norme en ces termes :

Les tribunaux d’appel exercent leur pouvoir d’annuler ou de rejeter sommairement un appel lorsque le fondement de cet appel est tellement mince que ce dernier constitue une procédure vexatoire, ou lorsque, en vertu de nouvelles circonstances, le litige entre les parties ou [traduction] « le fond du litige » a disparu, de sorte qu’un jugement de la Cour n’aurait en pratique aucun effet sauf en ce qui concerne les frais.

[11] Le présent appel est manifestement sans fondement. L’avis d’appel ne révèle aucun argument, fait ou fondement juridique qui permette d’étayer l’appel. Il ne définit aucune question de droit précise ni ne fournit à l’intimé un avis raisonnable quant aux faits à réfuter. Il contrevient à l’alinéa 337d) des Règles des Cours fédérales, car il ne contient pas d’énoncé complet et concis des motifs. Il va également de soi qu’un tribunal d’appel ne peut accéder à la demande en dommages-intérêts, car il n’est pas loisible à un tribunal appelé à statuer sur une demande de contrôle judiciaire d’accorder une telle réparation (CBC/Radio-Canada c. Canada (Commissariat aux langues officielles), 2015 CAF 251, [2016] 3 R.C.F. 55). De plus, l’avis renferme des allégations scandaleuses et vexatoires, dont aucune n’est corroborée par quelque élément du dossier.

[12] Je conclus donc que le présent avis d’appel constitue un recours abusif devant notre Cour, qu’il est vexatoire et voué à l’échec et qu’il devrait être rejeté avec dépens. Par conséquent, la requête présentée par l’appelant le 13 septembre 2019 sera rejetée, la Cour ayant eu l’occasion d’examiner toutes les observations des parties.

« Donald J. Rennie »

j.c.a.

« Je suis d’accord

Marianne Rivoalen j.c.a. »

« Je suis d’accord

Anne L. Mactavish j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-257-19

INTITULÉ :

ALEX MARTINEZ c. LE CENTRE DE LA SÉCURITÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

REQUÊTE ÉCRITE DÉCIDÉE SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE RENNIE

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE RIVOALEN

LA JUGE MACTAVISH

DATE :

LE 12 NOVEMBRE 2019

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Alex Martinez

Pour son propre compte

Marieke Bouchard

Mélyne Félix

POUR L’INTIMÉ,

Le Centre de la sécurité des télécommunications

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour l’intimé,

Le Centre de la sécurité des télécommunications

 

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