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Date : 20191115


Dossier : A-196-18

Référence : 2019 CAF 283

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE RENNIE

 

ENTRE :

 

 

LAWRENCE WOLF

 

 

appelant

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 17 octobre 2019.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 15 novembre 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE RENNIE

 


Date : 20191115


Dossier : A-196-18

Référence : 2019 CAF 283

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE RENNIE

 

ENTRE :

 

 

LAWRENCE WOLF

 

 

appelant

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE WEBB

[1]  Notre Cour est saisie d’un appel d’un jugement rendu par la Cour canadienne de l’impôt (2018 CCI 84). Cette dernière a rejeté l’appel interjeté par Lawrence Wolf à l’encontre des cotisations établies à son égard en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi), pour l’année 2012 relativement au revenu touché au Canada. Lawrence Wolf a fait l’objet d’une cotisation en application de la Loi au motif qu’il avait un établissement stable au Canada au sens de la Convention entre le Canada et les États-Unis d’Amérique en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (1980) (intégrée au droit canadien par l’édiction de la Loi de 1984 sur la Convention Canada–États-Unis en matière d’impôts, L.C. 1984, ch. 20) (la Convention en matière d’impôts).

[2]  Lawrence Wolf a porté cette décision en appel. Pour les motifs qui suivent, je rejetterais le présent appel.

I.  Les faits

[3]  Lawrence Wolf est un ingénieur en aérospatiale spécialisé dans la conception de circuits de carburant pour les aéronefs. En 2012, il était résident des États-Unis. Pendant plusieurs années, Lawrence Wolf a travaillé à titre de consultant pour Bombardier Inc. (et ses prédécesseurs) à Montréal (Wolf c. La Reine, 2000 CanLII 178 (C.C.I.), 2002 CAF 96 (C.A.F.)). Au cours d’une des périodes où il a travaillé à titre de consultant, il a inventé une conduite carburant pour les aéronefs. Bombardier Inc. a fait breveter l’invention et a transféré le brevet à M. Wolf, à la condition qu’elle puisse conserver une licence libre de redevances pour utiliser l’invention.

[4]  Au cours de l’année d’imposition 2012, Lawrence Wolf a travaillé à titre d’entrepreneur indépendant pour TDM Technical Services, par l’intermédiaire de laquelle il a fourni des services de consultant à Bombardier Inc. Il est demeuré au Canada du début de 2012 au 10 août 2012. Au cours de cette période, il a touché un revenu total de 26 244 $ pour son travail de consultant auprès de Bombardier Inc.

[5]  Lawrence Wolf a également conclu une entente avec Davis Aircraft Products Company, Inc. (Davis Aircraft) aux États-Unis. Davis Aircraft est une entreprise spécialisée dans la fabrication et la conception aérospatiales. Aux termes de cette entente, une société à responsabilité limitée, Wolfbend LLC, a été constituée sous le régime des lois de l’État de New York. Pour l’impôt sur le revenu américain, Wolfbend LLC a été traitée comme une société de personnes. Wolfbend LLC comptait cinq associés : Douglas Davis (17 %), Jill Davis (17 %), Bruce Davis (16 %), Steven Wolf (15 %) et Lawrence Wolf (35 %). Pour l’année 2012, selon les montants d’argent indiqués par Lawrence Wolf dans sa déclaration de revenus américaine, Wolfbend LLC aurait attribué un revenu d’entreprise total de 666 277 $ US et des redevances de 131 837 $ US à ses associés, proportionnellement à leur participation dans Wolfbend LLC. La part de ce revenu d’entreprise revenant à Lawrence Wolf était de 233 197 $ US, alors que sa part des redevances s’élevait à 46 143 $ US.

[6]  Le fait que Lawrence Wolf soit demeuré au Canada pendant plus de 183 jours au cours de la période de 12 mois ayant pris fin le 10 août 2012 n’est pas contesté.

II.  La Convention en matière d’impôts

[7]  Le paragraphe 1 de l’article VII de la Convention en matière d’impôt dispose que les revenus d’entreprise d’un résident des États-Unis sont imposables au Canada dans la mesure où ils sont imputables à un établissement stable utilisé par le résident pour exercer des activités au Canada. Les règles déterminant si une personne a un établissement stable sont énoncées à l’article V. Le paragraphe 9 de l’article V de la Convention en matière d’impôts est libellé ainsi :

9. Sous réserve du paragraphe 3, lorsqu’une entreprise d’un État contractant fournit des services dans l’autre État contractant, s’il est déterminé qu’elle n’a pas d’établissement stable dans cet autre État en vertu des paragraphes précédents du présent article, cette entreprise est réputée fournir ces services par l’intermédiaire d’un établissement stable dans cet autre État dans les seuls cas où :

9. Subject to paragraph 3, where an enterprise of a Contracting State provides services in the other Contracting State, if that enterprise is found not to have a permanent establishment in that other State by virtue of the preceding paragraphs of this Article, that enterprise shall be deemed to provide those services through a permanent establishment in that other State if and only if:

a) Ces services sont fournis dans cet autre État par une personne physique qui y séjourne pendant une période ou des périodes totalisant 183 jours ou plus au cours d’une période quelconque de douze mois et, pendant cette période ou ces périodes, plus de 50 p. 100 des recettes brutes tirées d’une entreprise exploitée activement de l’entreprise consistent en un revenu tiré des services fournis dans cet autre État par la personne physique; ou

(a) Those services are performed in that other State by an individual who is present in that other State for a period or periods aggregating 183 days or more in any twelve-month period, and, during that period or periods, more than 50 percent of the gross active business revenues of the enterprise consists of income derived from the services performed in that other State by that individual; or

b) Les services sont fournis dans cet autre État pendant une période totale de 183 jours ou plus au cours d’une période quelconque de douze mois relativement au même projet ou à un projet connexe pour des clients qui soit sont des résidents de cet autre État, soit y maintiennent un établissement stable, et les services sont fournis relativement à cet établissement stable.

(b) The services are provided in that other State for an aggregate of 183 days or more in any twelve-month period with respect to the same or connected project for customers who are either residents of that other State or who maintain a permanent establishment in that other State and the services are provided in respect of that permanent establishment.

[8]  Il n’est pas controversé entre les parties que la disposition pertinente en l’espèce est l’alinéa 9a). Il faut satisfaire à deux critères pour que cet alinéa s’applique. L’un des critères se rapporte à la période pendant laquelle la personne physique (qui est un résident des États-Unis et qui fournit des services au Canada au nom d’une entreprise) demeure au Canada. L’autre critère se rapporte aux recettes brutes tirées d’une entreprise exploitée activement de l’entreprise qui fournit des services au Canada. Comme je l’ai mentionné plus haut, il n’est pas contesté que Lawrence Wolf satisfait au critère se rapportant au nombre de jours où il est demeuré au Canada. Par conséquent, la seule question en litige en l’espèce se rapporte à l’entreprise qui a fourni les services ainsi qu’à ses recettes brutes tirées d’une entreprise exploitée activement.

III.  La décision rendue par la Cour canadienne de l’impôt

[9]  Lors de l’audience devant la Cour canadienne de l’impôt, la Couronne a fait valoir que Wolfbend LLC était une société et que ses recettes avaient été « générées par sa propre entreprise » (paragraphe 33 des motifs du juge de la Cour canadienne de l’impôt). D’après les éléments de preuve dont il disposait à l’égard de Lawrence Wolf, de Wolfbend LLC et de Davis Aircraft – notamment  les contrats entre Lawrence Wolf et Davis Aircraft –, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu que Wolfbend LLC n’exerçait aucune activité constituant une entreprise et, par conséquent, n’avait pas d’entreprise :

[35]  Les faits en l’espèce n’étayent pas la seconde prémisse de l’intimée. Wolfbend ne constitue pas une « entreprise » pour l’application de la Convention. La Cour tire cette conclusion de fait parce que, selon les éléments de preuve, Wolfbend n’exerce pas une activité visée à la définition d’« entreprise » au paragraphe 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[36]  Selon le témoignage de M. Wolf et les modalités de l’entente d’exploitation, Wolfbend n’a été établie que dans le but de percevoir et de répartir les bénéfices générés par l’intermédiaire de l’entente de fabrication et de licence. Cette dernière entente prévoyait que la méthode de répartition des bénéfices serait précisée dans l’entente d’exploitation. Les transferts des [traduction] « recettes » – le terme utilisé dans l’entente – entre Davis Aircraft Inc. et Wolfbend étaient appelés des [traduction] « sorties de fonds ». Ni M. Wolf ni l’intimée n’ont tenté de définir ce qu’étaient ces [traduction] « sorties de fonds ». La Cour est donc dans l’impossibilité de tirer une conclusion de fait précise sur la nature des paiements versés à Wolfbend. Quoi qu’il en soit, rien ne prouve que Wolfbend avait une entreprise. Les éléments de preuve montrent que les bénéfices générés par l’entente de fabrication et de licence étaient clairement ceux de M. Wolf et de Davis Aircraft Inc. Ces bénéfices devaient leur être répartis conformément aux modalités de l’entente d’exploitation. L’élément de preuve le plus convaincant de l’existence d’une entreprise est l’entente de fabrication et de licence. Davis Aircraft Inc., et non Wolfbend, était tenue de conserver des registres afin de calculer les bénéfices générés par l’entente de fabrication et de licence. M. Wolf était partie à l’entente, mais pas Wolfbend. De toute évidence, M. Wolf a conclu une « entente commerciale » avec Davis Aircraft Inc., et non avec Wolfbend. Par conséquent, la Cour conclut que les paiements reçus par M. Wolf de Wolfbend étaient des recettes de l’entreprise de M. Wolf.

(Renvois aux notes en bas de page omis; non souligné dans l’original.)

[10]  Le « M. Wolf » auquel le juge de la Cour canadienne de l’impôt fait référence est Lawrence Wolf. Après avoir conclu que c’était l’entreprise de Lawrence Wolf aux États-Unis qui générait les revenus par l’intermédiaire de l’entente de fabrication et de licence, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a ensuite examiné la question de savoir si ces activités faisaient partie de la même entreprise au moyen de laquelle Lawrence Wolf avait fourni des services à Bombardier Inc. Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu qu’elles faisaient partie de la même entreprise.

[11]  Toutefois, en ce qui concerne la détermination des recettes brutes tirées de la partie américaine de l’entreprise de Lawrence Wolf, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a déterminé que Lawrence Wolf n’avait fourni aucun élément de preuve indiquant à quel moment ces recettes avaient été générées. Par conséquent, il n’a pu déterminer quel pourcentage des recettes brutes tirées d’une entreprise exploitée activement de l’entreprise provenaient des services fournis au Canada, au cours de la période ou des périodes pendant lesquelles Lawrence Wolf demeurait au Canada. Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu que, puisque Lawrence Wolf n’a pu démontrer que le pourcentage des recettes de source canadienne ne constituait pas plus de 50 % des recettes brutes tirées d’une entreprise exploitée activement de l’entreprise au cours de la période ou des périodes pendant lesquelles il demeurait au Canada, l’appel devait être rejeté.

IV.  Les questions en litige et la norme de contrôle

[12]  Lawrence Wolf soulève la question de savoir si le juge de la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en concluant qu’il n’avait pas établi que 50 % ou moins des recettes brutes tirées d’une entreprise exploitée activement de son entreprise avaient été touchées au Canada au cours de la période pendant laquelle il demeurait au Canada. La Couronne soulève la question de savoir si le juge de la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en concluant que l’entreprise qui a généré les revenus aux États-Unis et les redevances était l’entreprise de Lawrence Wolf et non celle de Wolfbend LLC.

[13]  La norme de contrôle applicable aux questions de fait ainsi qu’aux questions mixtes de fait et de droit (s’il n’y a pas de question de droit isolable) est celle de l’erreur manifeste et dominante et la norme applicable aux questions de droit est celle de la décision correcte (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235). L’interprétation des contrats dont était saisie la Cour canadienne de l’impôt est une question mixte de fait et de droit (Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, au paragraphe 50, [2014] 2 R.C.S. 633) et, par conséquent, la norme de contrôle applicable à l’interprétation des contrats examinés par le juge de la Cour canadienne de l’impôt est celle de l’erreur manifeste et dominante.

V.  Analyse

[14]  Je vais d’abord me pencher sur la question soulevée par la Couronne. Cette dernière a fait valoir que le juge de la Cour canadienne de l’impôt avait levé le voile corporatif en concluant que l’entreprise à l’origine des revenus générés aux États-Unis était l’entreprise de Lawrence Wolf et non l’entreprise de Wolfbend LLC. La Couronne a cité l’arrêt Meredith c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 258, [2002] A.C.F. no 1007 (QL), dans lequel notre Cour a conclu que le juge de la Cour canadienne de l’impôt avait commis une erreur lorsqu’il avait levé le voile corporatif en poussant l’examen au-delà des contrats que la société avait conclus avec des tiers.

[15]  En l’espèce, la question pertinente consiste à déterminer si l’entreprise qui a généré les bénéfices distribués à Lawrence Wolf aux États-Unis était l’entreprise de Wolfbend LLC ou celle de Lawrence Wolf. Si l’entreprise qui a généré ces bénéfices était l’entreprise de Wolfbend LLC et non celle de Lawrence Wolf, les recettes brutes tirées d’une entreprise exploitée activement de cette entreprise n’auraient pas été les revenus de Lawrence Wolf et ne seraient pas pris en compte pour déterminer s’il est satisfait au critère des recettes brutes énoncé à l’alinéa 9a) de l’article V en l’espèce.

[16]  Le juge de la Cour canadienne de l’impôt, dans la présente affaire, n’a pas levé le voile corporatif et conclu que l’on devrait considérer que Lawrence Wolf exploitait l’entreprise que Wolfbend LLC exploitait. Il a plutôt examiné les contrats et les autres éléments de preuve pour déterminer qui exploitait l’entreprise aux États-Unis. Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a souligné que Wolfbend LLC n’était pas partie aux contrats qui avaient été présentés à la Cour. Compte tenu de son interprétation des contrats et des autres éléments de preuve présentés, il a conclu que Wolfbend LLC n’exploitait pas d’entreprise aux États-Unis et que « les bénéfices générés par l’entente de fabrication et de licence étaient clairement ceux de Lawrence Wolf et de Davis Aircraft Inc. » (paragraphe 36 des motifs de la Cour canadienne de l’impôt).

[17]  Toutefois, si les bénéfices générés par l’entente de fabrication et de licence (qui semblent être les bénéfices de 666 277 $ US générés en 2012) étaient les bénéfices de Lawrence Wolf et de Davis Aircraft, la question qui se poserait alors serait de savoir si la part de ces bénéfices revenant à Lawrence Wolf aurait dû être de 50 % (ou 333 138 $ US), au lieu de la part de 35 % que lui avait versée Wolfbend LLC (somme qu’il a déclarée dans sa déclaration de revenus américaine). Si Wolfbend LLC n’a pas exploité d’entreprise en 2012, pourquoi les recettes auraient-elles été distribuées aux cinq associés?

[18]  Les parties, dans l’exposé conjoint des faits partiel soumis à la Cour canadienne de l’impôt, ont établi les faits suivants :

[traduction]

16.  Au cours de l’année d’imposition 2012, une « entente de fabrication et de licence » conclue entre Davis Aircraft Products Company Inc., une société américaine, et Wolfbend LLC était en vigueur, comme le montre la copie de l’entente ci-jointe, à l’annexe A-6.

[...]

18.  En ce qui concerne l’année d’imposition 2012, l’appelant a déclaré un revenu d’entreprise ordinaire de 233 197 $ de sa participation dans Wolfbend LLC, comme le montre la copie ci-jointe, à l’annexe A‑9, du formulaire 1065 déposé auprès de l’IRS.

[19]  Les parties affirment que la part du revenu d’entreprise ordinaire attribuée à Lawrence Wolf par Wolfbend LLC aux États-Unis s’élevait à 233 197 $ et qu’il s’agissait du montant d’argent déclaré aux États-Unis. Aucune partie n’a allégué que Wolfbend LLC n’exploitait pas d’entreprise ou n’était pas autorisée à répartir entre les associés les bénéfices distribués en 2012. La conclusion du juge de la Cour canadienne de l’impôt, selon laquelle Wolfbend LLC n’exploitait pas d’entreprise et selon laquelle « les bénéfices générés par l’entente de fabrication et de licence étaient clairement ceux de M. Wolf et de Davis Aircraft Inc. » n’était pas compatibles avec les observations soumises par les deux parties. Cette conclusion semble également soulever un doute quant à savoir si la part des bénéfices obtenus par Lawrence Wolf correspondait bien à la somme déclarée au fisc américain.

[20]  Selon l’information déclarée aux États-Unis pour le calcul de l’impôt, il paraît logique que ce soit l’entreprise de Wolfbend LLC (et non celle de Lawrence Wolf et de Davis Aircraft) qui ait généré les bénéfices attribués aux associés en 2012 et déclarés au fisc américain. Même si Wolfbend LLC était considérée comme une société de personnes pour le calcul de l’impôt américain, pour le calcul de l’impôt canadien, il semble qu’elle serait considérée comme une société, à la lumière de l’explication technique publiée par le département du Trésor des États-Unis relativement au protocole conclu à Chelsea le 21 septembre 2007 (qui a eu pour effet l’adjonction du paragraphe 6 de l’article IV et du paragraphe 9 de l’article V à la Convention en matière d’impôts). Le Canada a examiné le contenu de cette explication technique et y a souscrit. Lors de l’audience devant la Cour canadienne de l’impôt, Lawrence Wolf a fait valoir un argument fondé sur le paragraphe 6 de l’article IV de la Convention en matière d’impôts (qui a été ajouté pour répondre à certaines questions sur les entités transparentes sur le plan financier), mais cet argument a été abandonné et n’a pas été soulevé en appel.

[21]  Ni l’une ni l’autre des parties n’a présenté d’observations au sujet du paragraphe 6 de l’article IV de la Convention en matière d’impôts dans le présent appel. Il n’est pas non plus nécessaire d’examiner ce paragraphe pour trancher l’appel. Par conséquent, il ne serait pas judicieux de formuler des conclusions sur ce paragraphe dans le présent appel.

[22]  En l’espèce, Wolfbend LLC a été considérée comme une société de personnes pour le calcul de l’impôt américain. Toutefois, si, pour le calcul de l’impôt canadien, toute entreprise exploitée par Wolfbend LLC était considérée comme n’étant exercée que par elle (de sorte que toutes les recettes qu’elle tire de l’exploitation de cette entreprise sont considérées comme un revenu de cette entreprise), toute entreprise de Wolfbend LLC, en tant que personne distincte pour le calcul de l’impôt canadien, ne serait pas l’entreprise de Lawrence Wolf. Par conséquent, la seule entreprise de Lawrence Wolf serait la prestation de services de consultation à Bombardier Inc. au Canada. Par conséquent, il serait satisfait au critère relatif aux recettes brutes établi à l’alinéa 9a) de l’article V de la Convention en matière d’impôts. Ce raisonnement aurait également pu servir de fondement au présent appel si l’une ou l’autre des parties avaient soulevé la question.

[23]  Toutefois, dans le présent appel, Lawrence Wolf n’a pas soutenu que le juge de la Cour canadienne de l’impôt avait commis une erreur en concluant que Wolfbend LLC n’exploitait pas d’entreprise. De même, la Couronne n’a pas relevé d’erreur manifeste et dominante dans l’interprétation faite par le juge de la Cour canadienne de l’impôt des contrats ou des éléments de preuve. La seule observation formulée par la Couronne était que le juge de la Cour canadienne de l’impôt avait levé le voile corporatif. Comme je l’ai indiqué plus haut, je ne crois pas que le juge de la Cour canadienne de l’impôt ait levé le voile corporatif. À mon avis, il a tiré une conclusion mixte de fait et de droit selon laquelle l’entreprise américaine était exploitée par Lawrence Wolf et Davis Aircraft.

[24]  De même, dans le présent appel, ni l’une ni l’autre des parties n’a présenté d’observations (autres que les observations de la Couronne relativement au voile corporatif levé) selon lesquelles le juge de la Cour canadienne de l’impôt aurait commis une erreur en concluant que l’entreprise qui avait généré les bénéfices aux États-Unis faisait partie de la même entreprise qui avait généré le revenu au Canada. La seule question soulevée par les parties relativement à la conclusion de l’entreprise unique (hormis celle relative au voile corporatif levé) se rapportait à la conclusion selon laquelle Lawrence Wolf n’avait pas réussi à établir que le revenu tiré des services qu’il avait fournis au Canada ne représentait pas plus de 50 % du total des recettes brutes tirées d’une entreprise exploitée activement de son entreprise.

[25]  Par conséquent, à la lumière des observations formulées par les parties dans le présent appel, la Cour est appelée à décider si le juge de la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur manifeste et dominante relativement à la détermination des recettes brutes tirées d’une entreprise exploitée activement qu’a touchées Lawrence Wolf de son entreprise au cours de la période ou des périodes pertinentes. Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu que Lawrence Wolf n’était pas parvenu à établir que 50 % ou moins des recettes brutes tirées d’une entreprise exploitée activement de son entreprise (y compris les bénéfices qui lui avaient été attribués par Wolfbend LLC) au cours de la période ou des périodes provenaient des services fournis au Canada.

[26]  Lawrence Wolf convient que la période pertinente pour déterminer les recettes brutes tirées d’une entreprise exploitée activement de son entreprise pour l’application de l’alinéa 9a) de l’article V est la période ou les périodes pendant lesquelles il demeurait au Canada. Toutefois, bien que Lawrence Wolf ait cité certaines dispositions des ententes qui ont été soumises à la Cour canadienne de l’impôt, il n’a pas présenté d’élément de preuve quant au moment précis où les revenus ont été touchés aux États-Unis.

[27]  Le moment auquel les revenus ont été touchés est pertinent et est une question à laquelle Lawrence Wolf aurait dû répondre en fournissant des éléments de preuve à cet égard. Lawrence Wolf sait à quelle période ou à quelles périodes il est demeuré au Canada et, même si les livres étaient tenus par Davis Aircraft, rien n’explique pourquoi Lawrence Wolf n’aurait pu obtenir de renseignements financiers de la part de Davis Aircraft relativement au moment où les revenus ont été touchés aux États-Unis. Lawrence Wolf n’a pu faire valoir quelque élément de preuve au dossier qui étayerait une conclusion ou l’autre quant au moment où le revenu a été touché aux États-Unis.

[28]  Par conséquent, Lawrence Wolf n’est pas parvenu à établir que le juge de la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur manifeste et dominante en concluant qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour lui permettre d’établir que 50 % ou moins des recettes brutes tirées d’une entreprise exploitée activement de l’entreprise de Lawrence Wolf ont été touchées au Canada pendant la période où celui-ci était présent au Canada.

[29]  Par conséquent, je rejetterais l’appel, avec dépens.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

Richard Boivin, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Donald J. Rennie, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

DATÉ DU 31 MAI 2018, 2018 CCI 84 (DOSSIER NO 2015-1745 (IT)G)

DOSSIER :

A-196-18

 

INTITULÉ :

LAWRENCE WOLF c.

SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 17 octobre 2019

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE RENNIE

DATE DES MOTIFS :

Le 15 novembre 2019

COMPARUTIONS :

Aaron Rodgers

Pour l’appelant

Anne-Marie Boutin

Pour l’intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GWBR S.E.N.C.R.L. - L.L.P.

Montréal (Québec)

Pour l’appelant

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimée

 

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