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Date : 20191122


Dossier : A-230-18

Référence : 2019 CAF 290

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE GLEASON

LA JUGE RIVOALEN

 

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

DANY DUVAL

défendeur

Audience tenue à Montréal (Québec), le 5 septembre 2019.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 22 novembre 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GLEASON

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LA JUGE RIVOALEN

 


Date : 20191122


Dossier : A-230-18

Référence : 2019 CAF 290

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE GLEASON

LA JUGE RIVOALEN

 

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

DANY DUVAL

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GLEASON

[1]  Par la présente procédure de contrôle judiciaire, le demandeur sollicite l’annulation de la décision rendue le 21 juin 2018 par la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la CRTESPF ou la Commission), Duval c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2018 CRTESPF 52 (Can. C.R.T.E.S.P.F.). Dans cette décision, la Commission a conclu que le Service correctionnel du Canada (SCC) n’avait pas répondu aux besoins du défendeur en raison du processus qu’elle avait suivi en ordonnant son retour au travail après une absence pour cause d’accident du travail. La CRTESPF a accordé au défendeur des dommages-intérêts équivalents à la valeur du salaire et des avantages sociaux qu’il aurait reçus s’il avait travaillé entre la date où il était apte, sur le plan médical, à retourner au travail, et la date de son retour, plus 5 000 $ pour préjudice moral aux termes de l’alinéa 53(2)e) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la LCDP).

[2]  Le demandeur soutient que, pour en arriver à cette décision, la CRTESPF a fondamentalement mal appliqué le droit relatif aux accommodements ainsi que les principes régissant le calcul des dommages-intérêts dans un grief continu. Je retiens cette thèse et, en toute déférence envers la Commission, je conclus que la décision est déraisonnable. Par conséquent, j’annulerais la décision de la Commission et je renverrais le grief du défendeur à la Commission pour réexamen selon les modalités énoncées ci-après.

I.  Les faits pertinents

[3]  Le défendeur, depuis novembre 1995, assurait les fonctions d'agent correctionnel au Service correctionnel du Canada (SCC). Il était membre d’une unité de négociation représentée par le Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (le Syndicat) et occupait un poste bilingue à l’établissement correctionnel La Macaza. En 2006, il a été accusé de voies de fait sur son épouse et a été brièvement incarcéré.

[4]  En 2008, le défendeur a été agressé par un détenu qui a proféré des menaces de mort à son encontre. Cette agression a débouché sur un trouble de stress post-traumatique qui l’empêchait de travailler. Il a bénéficié d’un congé payé pour accident de travail aux termes de l’article 30.16 de la convention collective entre le Syndicat et le SCC, lequel énonce :

Pour accident de travail

30.16 L’employé-e bénéficie d’un congé payé pour accident de travail d’une durée fixée raisonnablement par l’Employeur lorsqu’une réclamation a été déposée en vertu de la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État et qu’une commission des accidents du travail a informé l’Employeur qu’elle a certifié que l’employé-e était incapable d’exercer ses fonctions en raison :

a)  d’une blessure corporelle subie accidentellement dans l’exercice de ses fonctions et ne résultant pas d’un acte délibéré d’inconduite de la part de l’employé-e,

ou

b)  d’une maladie ou d’une affection professionnelle résultant de la nature de son emploi et intervenant en cours d’emploi,

si l’employé-e convient de verser au receveur général du Canada tout montant d’argent qu’il reçoit en règlement de toute perte de rémunération résultant d’une telle blessure, maladie ou affection, à condition toutefois qu’un tel montant ne provienne pas d’une police personnelle d’assurance-invalidité pour laquelle l’employé-e ou son agent a versé la prime.

[5]  Le défendeur a fait une tentative infructueuse de retour au travail en 2009. En 2010, son psychiatre traitant a donné l’avis selon lequel le défendeur était définitivement inapte à travailler comme agent correctionnel dans un établissement pénitentiaire. À la suite de la réception de cet avis par le SCC, le congé pour accident de travail du défendeur a pris fin, conformément à l’article 30.16 de la convention collective. Le défendeur a par la suite reçu des prestations de la Commission de la sécurité du travail du Québec (la CSST), comme on appelait cette commission à l’époque. Sous les auspices de la CSST, le défendeur a entrepris de se recycler en tant qu’opérateur d’équipement lourd, mais lorsque son permis de conduire a été suspendu à la suite d’une accusation de conduite avec facultés affaiblies, il a cessé sa formation et a décidé qu’il souhaitait reprendre ses fonctions d'agent correctionnel au SCC. Le 30 janvier 2012, le psychiatre traitant du défendeur a rédigé un avis médical mis à jour indiquant que le défendeur était apte à reprendre ses fonctions d’agent correctionnel au SCC à condition d'être affecté à un établissement autre que La Macaza.

[6]  Le SCC n’a été mis au courant de cet avis médical modifié que le 20 février 2012 et la CSST n’a pas autorisé la réaffectation du défendeur à un autre poste d’agent correctionnel du SCC avant le 13 mars 2012. À la fin février 2012, le SCC a commencé à rechercher un autre poste pour le défendeur et, dans le cadre du processus de recherche d’emploi, le défendeur devait fournir un curriculum vitæ à jour et remplir une demande de mutation dans lequel il devait indiquer les établissements du SCC où il souhaitait être affecté. Le SCC a également demandé au défendeur de remplir une demande de mutation à jour à la fin de l’exercice financier, en mars 2012. Le défendeur a d’abord demandé son affectation à Cowansville, à Donnacona ou à Drummondville et, dans sa demande mise à jour, a modifié ses préférences et indiqué Ottawa, Cowansville, Donnacona ou le Centre régional de réception.

[7]  Étant donné que bon nombre des postes dans les établissements indiqués par le défendeur exigeaient que le titulaire soit bilingue, le SCC a également demandé au défendeur de mettre à jour sa certification en langue seconde, qui avait expiré. En mars 2012, le défendeur a passé la partie écrite du test linguistique de la fonction publique fédérale, qu’il devait réussir avant de passer la partie orale, mais il a échoué. Il a repassé avec succès l’examen écrit un mois plus tard, en avril 2012, et a ensuite réussi l’examen oral en mai 2012.

[8]  Aucun poste du SCC n’était disponible à Ottawa et il n’a été présenté à la Commission aucun élément de preuve tendant à établir qu’à l’époque des faits un poste permanent d’agent correctionnel était disponible à Drummondville, au Centre régional de réception ou ailleurs au SCC, à l’exception des postes bilingues à Cowansville et à Donnacona. Pour ce qui est de Cowansville, le SCC a conclu qu’il ne pouvait pas affecter le défendeur à cet établissement puisque son ex-épouse y était en fonction. Le SCC a conclu qu'affecter ces deux personnes au même établissement posait un risque injustifié sur le plan de la sécurité, notamment parce que bon nombre des détenus incarcérés à Cowansville purgeaient leur peine pour violence conjugale. De même, le SCC a conclu, du moins au début, qu’il ne pouvait pas affecter le défendeur à Donnacona, car le détenu qui l’avait agressé y était incarcéré et la section locale de Donnacona s’opposait à cette affectation. Peu de temps après la mise en liberté conditionnelle de ce détenu en mai 2012, le SCC a affecté le défendeur à un poste permanent bilingue à Donnacona, le 19 juin 2012.

[9]  Pendant la période de recherche d’emploi, le défendeur a continué de recevoir des prestations de la CSST. Le SCC n’a pas rétabli le salaire du défendeur au cours de la période allant de février au 19 juin 2012 et ses avantages sociaux n’ont été rétablis qu’à son retour au travail.

[10]  L’un des documents produits en preuve devant la CRTESPF était un bulletin du SCC datant de 2006 qui, selon le défendeur, garantit le maintien du salaire à une personne occupant son poste pendant qu’une recherche d’emploi est en cours. Le demandeur conteste cette interprétation; il affirme que le Bulletin ne s’applique qu’avant qu’il ne soit établi que l’employé souffre d’une invalidité totale permanente et que le défendeur ne saurait utilement l'invoquer : il a cherché à retourner au travail après s’être partiellement rétabli d’une invalidité permanente. Toutefois, il n'est pas controversé entre les parties que, quelle que soit sa portée, ce Bulletin ne fait pas partie de la convention collective. Voici la partie pertinente du Bulletin en question :

I-D – CONGÉ POUR ACCIDENT DU TRAVAIL

(RÉFÉRENCE : ARTICLE 30.16)

Aux fins de l’application de cet article, le SCC respectera les critères suivants :

1. Pour tous les cas d’employé-e-s en congé pour accident du travail, aucune limite n’est associée à l’expression « durée raisonnable », à condition que les responsables de l’indemnisation des accidentés du travail continuent de considérer l’employé-e comme étant incapable de travailler.

[…]

La présente politique du Conseil du Trésor sur le congé pour accident de travail stipule que dans presque tous les cas d’employé-e qui est victime d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle confirmée par une commission provinciale d’accidents de travail, cet-te employé-e a droit de recevoir son salaire habituel pour une période raisonnable déterminée par l’employeur, dans ce cas-ci le SCC. Le congé pour accident de travail peut continuer d’être autorisé pour des blessures ou conditions de nature temporaire, à moins que la possibilité du retour au travail soit très peu probable. Dans le passé, la ligne directrice utilisée pour gérer ce type de congé était de le limiter à une période de 130 jours, sauf dans des cas exceptionnels, où le ministère devait en faire l’étude pour déterminer si le paiement se poursuivrait.

En date du 26 juin 2006, bien que la politique sur le congé pour accident de travail ainsi que ses lignes directrices demeurent toujours en vigueur, la période de 130 jours ne s’applique plus pour le congé pour accident de travail, en ce qui concerne les agents correctionnel-le-s, sans égard aux dates d’accident et de maladies professionnelles.

[…]

Par exemple, quand les médecins traitants, soutenus par la CAT, croient qu’il est très peu probable qu’un-e employé-e retourne au travail et que cet-te employé-e n’est plus admissible à la réintégration professionnelle de la CAT, ou qu’aucun programme de traitement médical n’est recommandé par ces médecins traitants, l’employé-e devrait être transféré-e au régime d’indemnisation de la CAT.

Lorsque le niveau d’invalidité de l’employé-e permet un retour au travail, il/elle sera indemnisé-e en vertu du congé pour accident de travail jusqu’à ce qu’un travail convenable soit offert par la Fonction publique du Canada ou lorsque la CAT avise le SCC que l’employé-e n’est plus admissible à la réadaptation professionnelle, le transfert au régime d’indemnisation de la CAT s’effectuera.

[11]  Le 27 août 2012, le défendeur a déposé un grief au motif que le SCC n’avait pas répondu à ses besoins « dès la réception de [son] papier médical ».

[12]  Au premier stade de la procédure de règlement des griefs, le SCC s’est opposé au grief au motif qu’il était hors délai, mais il n’a pas mentionné le non-respect des délais dans ses autres réponses ni dans la réponse au renvoi à l’arbitrage. Toutefois, dans ses observations à la CRTESPF, il a soutenu à titre subsidiaire que, conformément aux principes applicables en matière de dommages-intérêts dans le cadre des griefs continus, tous les dommages-intérêts que la Commission pourrait accorder ne devraient commencer à courir qu'à compter de 25 jours avant la date à laquelle le grief a été déposé, le délai de rigueur prévu dans la convention collective pour le dépôt d’un grief étant de 25 jours.

II.  Décision de la CRTESPF

[13]  Gardant ces faits à l’esprit, je me pencherai sur les parties pertinentes des motifs de la décision de la Commission.

[14]  Après avoir exposé les faits et les arguments respectifs des parties, la CRTESPF a conclu qu'il avait été satisfait au critère de la preuve prima facie de discrimination puisque l’affaire concernait une allégation de non-prise de mesures d’accommodement et que le SCC avait reconnu qu’il était tenu de répondre aux besoins du défendeur. La Commission a étoffé ce point en observant que les trois volets du critère de la preuve prima facie de discrimination consacrés par l’arrêt Commission ontarienne des droits de la personne c. SimpsonsSears Limited, [1985] 2 R.C.S. 536, 64 N.R. 161 (C.S.C.) avaient été satisfaits : le défendeur faisait partie d’un groupe protégé (personnes souffrant d’une invalidité), il avait subi un traitement préjudiciable (il n’a pas été immédiatement réintégré quand il était apte à retourner au travail) et il existait un lien entre le défaut d’assurer son retour au travail et un motif de distinction interdit (son invalidité rendait nécessaire la recherche d’un autre poste).

[15]  La CRTESPF a ensuite examiné le caractère adéquat des mesures d’accommodement offertes par le SCC et a reconnu que les obstacles auxquels a fait face le SCC en ce qui concerne le retour au travail du défendeur – à savoir son inadmissibilité initiale à un poste bilingue, la présence de son ex-épouse à Cowansville et la présence du détenu qui l’avait agressé à Donnacona – constituaient tous des préoccupations légitimes et raisonnables. La Commission a également reconnu qu’il était raisonnable de la part du SCC d'avoir limité sa recherche aux postes permanents. Toutefois, la Commission a ensuite conclu que le SCC n’avait pas adéquatement répondu aux besoins du défendeur parce qu’il avait assimilé sa demande de retour au travail à une demande de mutation plutôt que reconnaître que le défendeur avait droit à la réintégration. La Commission a conclu que la procédure retenue par le SCC a « privé [le défendeur] de son salaire, auquel il a droit puisqu’il est prêt à offrir sa prestation de travail » (au paragraphe 83 des motifs de la Commission). La CRTESPF a souligné cette conclusion quelques paragraphes plus loin, au paragraphe 87 de ses motifs :

Le [défendeur] a droit à son salaire et ses avantages sociaux pendant la période où il est apte à travailler. Le fait qu’il ne puisse travailler à La Macaza rend la mutation nécessaire comme mesure d’accommodement. Cette mutation ne devrait cependant pas être une condition pour verser son salaire au [défendeur]. Il y a droit, puisqu’il est apte à travailler. Le fait qu’il n’ait pas de fonctions ne dépend pas de sa volonté. Il est lié à l’obligation de l’employeur de lui offrir un poste avec une mesure d’accommodement.

[16]  La Commission a noté que, pour parvenir à cette conclusion, elle ne s’était pas appuyée sur le bulletin du SCC (qu’elle avait incorrectement qualifié d'entente globale entre le SCC et le Syndicat) puisqu’il ne faisait pas partie de la convention collective.

[17]  En ce qui concerne la position subsidiaire du SCC concernant la limitation des dommages compensatoires aux 25 jours précédant le dépôt du grief, la Commission a formulé le raisonnement suivant au paragraphe 91 de sa décision :

Le défaut d’accommodement est un acte discriminatoire. S’il est avéré, cet acte discriminatoire donne droit à des mesures de redressement en vertu de la Loi. Le [défendeur] a déposé le grief une fois revenu au travail. L’employeur n’a pas soulevé un manquement au délai lors du renvoi à l’arbitrage. Il ne peut donc maintenant invoquer le délai en se fondant sur le raisonnement de l’arrêt Canada (Office national du film) c. Coallier, [1983] A.C.F. 813 (QL).

[18]  En conséquence, la Commission a accordé au défendeur les dommages-intérêts au titre du salaire et des avantages sociaux pour la période allant du 1er février 2012 au 18 juin 2012, plus 5 000 $ pour préjudice moral aux termes de l’alinéa 53(2)e) de la LCDP.

III.  Analyse

[19]  Il n'est pas controversé entre les parties que la décision de la Commission en l’espèce doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable. Je retiens cette conclusion des parties, car le droit est bien fixé : la norme de la décision raisonnable s’applique aux décisions de la CRTESPF en général (voir, p. ex., Canada (Procureur général) c. Bodnar, 2017 CAF 171, au paragraphe 21, 415 D.L.R. (4th) 459 (C.A.F.) [Bodnar]; Canada (Procureur général) c. Bétournay, 2018 CAF 230, aux paragraphes 29 et 30, 48 Admin. L.R. (6th) 71 (C.A.F.); Me Unetelle c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 183, aux paragraphes 9 à 11, 428 D.L.R. (4th) 374 (C.A.F.) [Unetelle]), ainsi qu’aux affaires relevant des droits de la personne soulevant des questions de fait jugées par des tribunaux des droits de la personne ou autres types d’arbitres du travail, comme la CRTESPF (voir, p. ex., Stewart c. Elk Valley Coal Corp., 2017 CSC 30, [2017] 1 R.C.S. 591, aux paragraphes 19 à 22 (C.S.C.) [Elk Valley Coal]; Québec (Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail) c. Caron, 2018 CSC 3, [2018] 1 R.C.S. 35, au paragraphe 4 (S.C.C.); Haghir c. University Appeal Board, 2019 SKCA 13, aux paragraphes 77 à 97, 54 Admin. L.R. (6th) 24 (S.K.C.A.); Bodnar, au paragraphe 21).

[20]  Selon la norme de la décision raisonnable, la cour appelée à examiner l'affaire doit tenir compte du processus de raisonnement du décideur administratif et de la solution qu'il a retenue pour déterminer si la décision est transparente, intelligible, fondée et défendable au regard des faits présentés au décideur et de la jurisprudence pertinente (voir, p. ex., Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47 (C.S.C.) [Dunsmuir]). Lorsque le décideur s’écarte d’un courant jurisprudentiel bien fixé, sa décision est généralement déraisonnable, surtout s’il n’explique pas adéquatement son revirement, comme l’a observé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c. Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34, [2013] 2 R.C.S. 458, et comme l’a indiqué notre Cour dans les arrêts Bahniuk c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 127, 484 N.R. 10 et Unetelle.

[21]  En l’espèce, la Commission n'a pas suivi la jurisprudence faisant autorité en matière d’accommodements en concluant que le défendeur avait droit à un salaire et à des avantages sociaux simplement parce qu’il était apte à retourner au travail. La jurisprudence enseigne précisément le contraire et reconnait que l’obligation d’accommodement n’exige pas que l’employeur paye un employé qui n'assure pas de services ou crée une attribution de tâches constituant un pur projet « artificiel » puisque cela causerait une contrainte excessive à l'employeur.

[22]  Comme la juge Deschamps, s'exprimant au nom de la Cour suprême du Canada, l’a observée dans l’arrêt Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), 2008 CSC 43, [2008] 2 R.C.S. 561 [Hydro-Québec] au paragraphe 15, « [L]’obligation d’accommodement n’a cependant pas pour objet de dénaturer l’essence du contrat de travail, soit l’obligation de l’employé de fournir, contre rémunération, une prestation de travail. ». Dans le même sens, le Tribunal canadien des droits de la personne a défini plus récemment les limites de l’obligation d’accommodement dans la décision Croteau c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2014 TCDP 16, au paragraphe 44, en observant « [qu’]un employeur n’est pas tenu d’offrir un travail improductif de valeur nulle et n’a pas à changer les conditions de travail de manière fondamentale. “[I]l a cependant l’obligation d’aménager, si cela ne lui cause pas une contrainte excessive, le poste de travail ou les tâches de l’employé pour lui permettre de fournir sa prestation de travail” » (citant Hydro-Québec aux paragraphes 16 à 18).

[23]  La conclusion de la CRTESPF selon laquelle le défendeur avait droit à un salaire simplement parce qu’il était capable de retourner au travail est donc déraisonnable.

[24]  En effet, le caractère déraisonnable de cette décision est mis en évidence par le point de départ retenu par la CRTESPF relativement au calcul des dommages-intérêts, notamment le lendemain du jour où le psychiatre du défendeur a conclu qu’il était apte à reprendre le travail avec des tâches modifiées. Cependant, le SCC n’a appris la modification de l’avis médical que trois semaines plus tard et la CSST n’a approuvé le retour au travail à un autre poste qu’à la mi-mars. On ne peut reprocher d’aucune façon au SCC d’avoir omis de répondre à une demande de modification des tâches qui ne lui avait même pas été communiquée. En raisonnant comme elle l’a fait, la Commission a confondu, de manière déraisonnable, la capacité du défendeur à travailler avec l’obligation du SCC de rémunérer le défendeur et d’assurer son retour au travail.

[25]  De même, la conclusion de la CRTESPF, selon laquelle la procédure retenue par le SCC pour réintégrer le défendeur constituait en soi un manquement à l’obligation de prendre des mesures d’accommodement, est déraisonnable. Dans l’arrêt Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 131, [2015] 3 R.C.F. 103 (C.A.F.), notre Cour a conclu qu’il n’existe pas de droit procédural à un accommodement distinct qui impose une procédure particulière que l’employeur doit suivre lorsqu’il cherche à prendre des mesures d’accommodement en faveur d’un employé. Au contraire, dans chaque cas, la question de savoir si l’employeur a ou non établi qu’il a pris des mesures d’accommodement à l’égard d’un plaignant au point de constituer une contrainte excessive est une question de fait.

[26]  Bien que ce qui précède soit suffisant pour conclure que le raisonnement de la Commission est déraisonnable, il est utile de commenter également la discussion de la Commission de l’argument subsidiaire du SCC concernant le point de départ relatif au calcul des dommages-intérêts compensatoires. Devant nous, les parties ont convenu que la Commission a confondu deux concepts différents dans sa discussion de l’argument subsidiaire du SCC.

[27]  Les deux concepts sont les suivants. D’une part, le délai de dépôt peut être soulevé comme objection à l’arbitrabilité d’un grief lorsqu’un délai de rigueur est prévu par la procédure de règlement des griefs et que le grief n’est pas un grief continu. L’article 63 du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, DORS/2005-79, [le Règlement] dispose que les délais dans les procédures de règlement des griefs dans le secteur public fédéral sont de rigueur :

Le grief ne peut être rejeté pour non-respect du délai de présentation à un palier inférieur que s’il a été rejeté au palier inférieur pour cette raison.

A grievance may be rejected for the reason that the time limit prescribed in this Part for the presentation of the grievance at a lower level has not been met, only if the grievance was rejected at the lower level for that reason.

[28]  Aux termes de l’article 61 du Règlement, la Commission ou les parties peuvent proroger le délai imparti pour prendre toute mesure dans le cadre de la procédure de règlement des griefs, et la CRTESPF a construit des critères régissant le moment où elle exercera son pouvoir discrétionnaire de proroger les délais.

[29]  La jurisprudence arbitrale de la CRTESPF (et des prédécesseurs de la Commission) ainsi que celle des arbitres en relations de travail dans le secteur privé, enseigne depuis longtemps que, lorsqu’une partie souhaite soulever une objection à l’arbitralité d’un grief fondé sur le délai, elle doit le faire à la première occasion qui se présente, sinon, elle est réputée avoir renoncé à l’objection (voir, p. ex., Donald J. M Brown et David M. Beatty, Canadian Labour Arbitration, feuilles mobiles, 5e éd. (Toronto: Thomson Reuters, 2019) à 2:3130 (Brown and Beatty); Re Unifor, section locale 506 et Bell Canada (2018), 296 L.A.C. (4th) 119, 2018 CarswellNat 5213, aux paragraphes 111 à 127 (Doucet); décision Cawley c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et Océans), 2013 CRTFP 135, aux paragraphes 46 à 49; McMullen c. Canada Agence du revenu, 2013 CRTFP 64, au paragraphe 118, 232 L.A.C. (4th) 282). Ainsi, si l'employeur veut conserver son droit de soulever une objection à l’arbitrabilité fondée sur le délai prescrit, il ne peut pas émettre une réponse sans soulever l’objection, sinon il est réputé avoir renoncé à son droit de soulever une objection à l’arbitrabilité fondée sur le délai.

[30]  D’autre part, lorsqu’il s’agit d’un grief continu qui porte sur des manquements allégués répétés et successifs à la convention collective, le grief est toujours déposé dans les délais prescrits, la contravention alléguée étant continue. Voici un exemple classique d’un grief continu. L’employé soutient qu'il est payé au mauvais taux salarial : chaque jour de paye, un nouveau manquement survient, de sorte que le grief est toujours déposé dans les délais prescrits. Un grief selon lequel un défaut de prise de mesures d’accommodement constitue également un grief continu, vu que le défaut allégué se reproduit chaque jour (voir, p. ex., C.U.P.W. c. Canada Post Corp., 1994 CarswellNat 3246, aux paragraphes 65 et 66, 37 C.L.A.S. 51 (Jolliffe); Re Canadian Broadcasting Corp. and CUPE, 1997 CarswellNat 4814, 49 C.L.A.S. 487 (Thorne)).

[31]  Dans le cas d’un grief continu, le défaut de déposer le grief la première fois que le manquement se produit ne rend pas le grief non arbitrable. En revanche, comme l’a décidé notre Cour par l’arrêt Office national du film c. Coallier, [1983] A.C.F. No. 813, 25 A.C.W.S (2d) 104 (C.A.F.) [Coallier], le délai prescrit par la procédure de règlement des griefs dans le cadre de tels griefs sert plutôt à limiter la période pour laquelle des dommages-intérêts peuvent être accordés. Le demandeur cite 41 affaires dans lesquelles ce principe a été appliqué par la CRTESPF et le prédécesseur de la Commission. Les plus récentes de ces affaires sont : Enger c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2018 CRTESPF 6; McKenzie c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTESPF 15; Denboer c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTESPF 58; Meszaros c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTESPF 29; Association des juristes de justice c. Conseil du Trésor, 2015 CRTESPF 23.

[32]  Limiter les dommages-intérêts de cette manière en fonction du délai prescrit de dépôt du grief sert les objectifs des relations de travail consistant à encourager la résolution rapide des conflits de travail et à empêcher une partie de tarder à exercer ses droits au détriment de l’autre partie à la convention collective.

[33]  Au paragraphe 91 de sa décision, la CRTESPF a confondu ces deux types de situations. La notion de renonciation n’est pas pertinente en cas de manquement continu lorsque le raisonnement de l’arrêt Coallier est invoqué. Compte tenu de cette confusion et de la jurisprudence arbitrale bien fixée régissant ces questions, le raisonnement de la Commission sur ce point est déraisonnable.

[34]  Le défendeur soutient que, malgré ces trois lacunes importantes dans le raisonnement de la Commission, notre Cour devrait néanmoins confirmer la décision de la Commission, car il existe un autre type de raisonnement qui pourrait être invoqué à l'appui de la conclusion de la Commission. Par exemple, le défendeur affirme qu’il aurait été tout à fait loisible à la Commission de conclure à la discrimination fondée sur l’invalidité et à un défaut de prendre des mesures d’accommodement en faveur du défendeur découlant de l’omission du SCC d’appliquer la pratique du maintien du salaire définie dans le Bulletin du SCC à l’égard du défendeur alors qu’elle permet le maintien du salaire en faveur des personnes souffrant de types d’invalidités moins graves. Le défendeur affirme qu’il aurait pu également y avoir défaut d’accommodement par la limitation de la recherche d’emploi uniquement à des affectations permanentes ou par la non-simplification de la procédure à suivre par le défendeur pour renouveler ses qualifications en langue seconde. En ce qui concerne le moyen subsidiaire du SCC concernant les dommages-intérêts, le défendeur affirme que la Commission aurait pu prolonger le délai de dépôt du grief compte tenu de la nature d’une réclamation pour défaut d’accommodement, qui est continue et cumulative.

[35]  Le problème posé par chacune de ces affirmations est qu’elles contredisent expressément les motifs avancés par la CRTESPF. L’invitation de la Cour suprême du Canada à chercher à explorer les motifs qui pourraient être donnés à l’appui de la décision avant de l’infirmer (voir, par exemple les arrêts Dunsmuir, aux paragraphes 47 et 48; A.T.A. c. Alberta (Information & Privacy Commissioner), 2011 CSC 61, [2011] 3 S.C.R. 654 (C.S.C.) aux paragraphes 52 et 53; N.L.N.U. c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 R.C.S. 708 (C.S.C.) au paragraphe 12), sur laquelle se fonde le défendeur, ne va pas jusqu’à permettre à une cour de réécrire la décision du décideur administratif et de donner de nouveaux motifs. Comme la juge en chef McLachlin, s'exprimant au nom de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Delta Air Lines Inc. c. Lukács, 2018 CSC 2, [2018] 1 R.C.S. 6 l’a soulignée aux paragraphes 23 et 24 de ses motifs :

23.  Il peut convenir de compléter des motifs dans les cas où ceuxci sont soit inexistants, soit insuffisants. Dans Alberta Teachers, aucun motif n’avait été fourni parce que la question n’avait pas été soulevée devant le décideur : par. 51. Dans Newfoundland Nurses, on a fait valoir que les motifs étaient insuffisants : par. 8. Or, ces arrêts peuvent être distingués de l’espèce, où l’Office a fourni des motifs détaillés qui énonçaient et appliquaient ensuite de façon stricte un test qui ne s’appuyait pas sur le régime législatif.

24.  L’obligation de porter une attention respectueuse aux motifs donnés ou aux motifs qui pourraient être donnés n’autorise pas une cour de révision à faire complètement abstraction des motifs existants et à y substituer les siens : Newfoundland Nurses, par. 12; Pathmanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 353, par. 28 (CanLII). Je suis d’accord avec la mise en garde suivante du juge Rothstein dans Alberta Teachers :

L’invitation à porter une attention respectueuse aux motifs « qui pourraient être donnés à l’appui d’une décision » ne confère pas à la cour de justice le [traduction] « pouvoir absolu de reformuler la décision en substituant à l’analyse qu’elle juge déraisonnable sa propre justification du résultat » [par. 54, citant Petro-Canada c. Workers’ Compensation Board (B.C.), 2009 BCCA 396, 276 B.C.A.C. 135, par. 53 et 56].

Autrement dit, bien qu’une cour de révision puisse compléter les motifs donnés au soutien d’une décision administrative, elle ne peut faire abstraction des motifs effectivement fournis ou les remplacer. Les motifs additionnels doivent compléter et non supplanter l’analyse de l’organisme administratif.

[36]  Dans le même sens, notre Cour a conclu qu’une cour chargée d'examiner l'affaire ne pouvait se plonger dans le dossier et modifier les motifs de l’administrateur à sa guise. Ainsi, notre Cour a refusé de confirmer une décision d’un comité fédéral de règlement des griefs de classification car cela aurait obligé la Cour à remplacer l’analyse du Comité (Morrisey c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 26, aux paragraphes 20 et 21, 420 D.L.R. (4th) 375); de même, une décision du président indépendant du tribunal disciplinaire de l’Établissement de Warkworth a récemment été annulée parce que les lacunes étaient tellement graves qu’il était impossible d’analyser le caractère raisonnable des aspects essentiels de la décision du président (Sharif c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 205, aux paragraphes 32 à 37, 50 C.R. (7th) 1).

[37]  Il s’ensuit donc que la décision de la Commission doit être annulée.

[38]  Le demandeur nous invite, au lieu de renvoyer le grief à la CRTESPF aux fins de réexamen, à prendre plutôt la mesure assez inhabituelle d’instruire le grief et de le rejeter. Bien qu’il puisse exister des cas où il est approprié qu’une cour retienne cette solution (voir, par exemple, Canada (Citizenship and Immigration) c. Tennant, 2019 FCA 206, 436 D.L.R. (4th) 155 (C.A.F.)), tel n’est pas le cas en l'espèce, car il n’est pas acquis que le grief doit être rejeté.

[39]  La CRTESPF a entendu plusieurs jours de témoignage en l’espèce et, conformément à la procédure habituelle dans les affaires relatives au droit du travail, il n’en existe aucune transcription. La décision est également assez brève en ce qui concerne ses observations concernant la preuve. Compte tenu de l’importance des conclusions de fait dans les affaires d’accommodement, notre Cour n’est pas en mesure de se mettre à la place de la Commission et de rendre une décision sur le grief. La meilleure solution consiste à renvoyer le grief à la CRTESPF aux fins de réexamen, de préférence par la même arbitre si elle peut instruire l’affaire.

[40]  Il n’est pas loisible à la Commission, lors du réexamen, de remettre en question les conclusions tirées dans la décision initiale quant au caractère raisonnable de la décision du SCC de concentrer sa recherche d’emploi uniquement sur les affectations permanentes, ni quant au caractère raisonnable des préoccupations du SCC concernant le bilinguisme, la présence de l’ex-épouse du défendeur à Cowansville et la présence du détenu qui avait agressé le défendeur à Donnacona. Ces questions ont été tranchées de façon définitive et rien ne permet de conclure que ces décisions sont déraisonnables. Le principe de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée exclut par conséquent leur remise en cause.

[41]  Lors du réexamen, la CRTESPF ne doit pas oublier que la jurisprudence reconnaît que l’accommodement en milieu de travail appelle la coopération de toutes les parties du lieu de travail – l’employeur, l’employé et, s’il y en a un, l’agent de négociation – qui doivent dialoguer raisonnablement en vue de trouver un travail que l’employé atteint d’une invalidité est capable de faire : Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970, aux pages 989 à 991, 141 N.R. 185 (C.S.C.) [Renaud]. Ainsi, comme le défendeur l’a admis devant nous, il était tout à fait convenable pour le SCC de demander au défendeur d’indiquer ses préférences de lieu de travail et d’essayer de lui trouver un poste dans l’un des établissements qu’il avait désignés.

[42]  En outre, la CRTESPF ne doit pas oublier que ce qui est exigé de la part d’un employeur est un accommodement raisonnable, mais pas nécessairement parfait, comme l’a souligné la Cour suprême du Canada dans les arrêts Renaud, aux pages 994 et 995, et Elk Valley Coal, au paragraphe 56.

IV.  Décision proposée

[43]  Compte tenu de ce qui précède, j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire, avec dépens établis à la somme convenue de 3 500 $; j’annulerais la décision rendue par la CRTESPF dans Duval c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2018 CRTESPF 52; et je renverrais le grief du défendeur à la CRTESPF pour réexamen conformément aux présents motifs. Le grief doit être renvoyé à la même arbitre, si elle est disponible, ou, si tel n’est pas le cas, à un autre arbitre désigné par le président de la Commission.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

M. Nadon j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Marianne Rivoalen j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-230-18

 

INTITULÉ :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. DANY DUVAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 5 septembre 2019

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GLEASON

 

 

Y ONT SOUSCRIT :

le juge nadon

LA JUGE RIVOALEN

 

 

DATE DES MOTIFS :

LE 22 NOVEMBRE 2019

 

 

COMPARUTIONS :

Me Sean Kelly

 

Pour lE DEMANDEUR

 

Me Ioanna Egarhos

Vanessa Colin-Lavoie, stagiaire en droit

 

Pour lE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

 

Pour lE DEMANDEUR

 

Laroche Martin

(Service juridique de la CSN)

Montréal (Québec)

Pour lE DÉFENDEUR

 

 

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