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Date : 20191127


Dossier : A-115-19

Référence : 2019 CAF 293

[TRADUCTION FRANÇAISE ]

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE WOODS

 

ENTRE :

DAVID BROOKS

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 21 novembre 2019.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 27 novembre 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE WOODS

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GAUTHIER

 


Date : 20191127


Dossier : A-115-19

Référence : 2019 CAF 293

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE WOODS

 

ENTRE :

DAVID BROOKS

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE WOODS

[1]  La Cour est saisie de l’appel d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt qui a accueilli la requête de la Couronne visant à radier des parties de l’avis d’appel déposé par David Brooks (2019 CCI 47).

[2]  M. Brooks a interjeté appel à la Cour canadienne de l’impôt à l’égard des nouvelles cotisations établies aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) pour les années d’imposition 2004 à 2008. Les nouvelles cotisations ont été établies parce que M. Brooks avait omis de déclarer certains revenus d’entreprise. Selon les avis d’appel, M. Brooks a informé le vérificateur de l’Agence du revenu du Canada [traduction] « qu’il avait reçu un revenu [...] qui n’avait pas été déclaré dans sa déclaration de revenus T1 pour la raison qu’il était contractuellement une “personne physique” ».

[3]  La Couronne a demandé la radiation des parties des avis d’appel portant sur la conduite prétendument illégale du vérificateur alors que la division de vérification civile et la division de l’exécution en matière criminelle examinaient simultanément la situation fiscale de M. Brooks. L’appelant prétend que le vérificateur a recueilli des renseignements de façon illégale à ce moment-là. Le vérificateur a eu recours à ses pouvoirs de vérification de nature civile pour recueillir les renseignements. Il est allégué que les actions du vérificateur étaient illégales, car il agissait à des fins de nature principalement pénales et à titre d’agent de la division de l’exécution en matière criminelle.

[4]  Les conclusions de la Cour canadienne de l’impôt qui a accueilli la requête sont brièvement résumées ci-dessous :

  • Suivant la jurisprudence établie, la Cour canadienne de l’impôt a conclu qu’il était évident et manifeste que la Cour ne pouvait pas annuler des avis de cotisations en raison d’une conduite fautive des fonctionnaires du ministre du Revenu national (arrêt Main Rehabilitation Co. c. Canada, 2004 CAF 403).

  • La Cour a également conclu qu’il était évident et manifeste qu’il n’y avait eu aucun manquement aux articles 7 ou 8 de la Charte canadienne des droits et libertés; par conséquent, les éléments de preuve ne peuvent pas être écartés pour ce motif (voir par exemple, l’arrêt Bauer c. Canada, 2018 CAF 62).

  • L’arrêt R. c. Conway, 2010 CSC 22, [2010] 1 R.C.S. 765, ne vient pas élargir la compétence limitée de la Cour canadienne de l’impôt, reconnue dans l’arrêt Main Rehabilitation.

  • Le pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 24 de la Charte et appliqué dans la décision Canada c. O’Neill Motors Ltd., [1998] 4 C.F. 180 (C.A.F.), ne s’applique pas, car il n’y a eu aucune violation de la Charte en l’espèce.

[5]  Même si les arguments principaux de M. Brooks portaient sur les erreurs de droit alléguées dans les conclusions susmentionnées, il a également dû répondre à l’argument de la Couronne selon lequel les faits en l’espèce ne permettaient pas de conclure que le vérificateur avait agi sans pouvoir légal. La Couronne a invoqué l’arrêt Klundert c. Canada, 2014 CAF 155, dans lequel notre Cour a affirmé que « l’exposé des faits chronologiques qu’a fait l’appelant combiné à ses simples affirmations s’est traduit par un appel fondé sur des conjectures, des hypothèses et des insinuations » (au paragraphe 12).

[6]  À l’audience devant notre Cour, M. Brooks a invoqué deux faits selon lui pertinents. Premièrement, M. Brooks aurait informé le vérificateur que ses déclarations T1 étaient fondées sur un argument de « personne physique ». M. Brooks a affirmé qu’il était raisonnable pour lui de croire qu’une telle déclaration porte le vérificateur à s’attacher principalement à l’enquête criminelle. Deuxièmement, le vérificateur avait renvoyé l’affaire à la division de l’exécution en matière criminelle aux fins d’examen. Il est affirmé que c’est ce qui a renforcé la conviction de M. Brooks que la conduite du vérificateur était illégale.

[7]  Si l’on présume, à juste titre, que les faits allégués sont véridiques, il n’en demeure pas moins qu’ils sont complètement inadéquats pour étayer une conclusion selon laquelle le vérificateur a agi principalement à des fins pénales.

[8]  À mon avis, le renvoi à l’arrêt Klundert est indiqué en l’espèce. Il est évident et manifeste qu’on ne saurait ajouter foi aux allégations de conduite illégale soulevées par M. Brooks, car les actes de procédures ne contiennent pas suffisamment de faits pertinents permettant, s’ils sont avérés, de démontrer l’existence d’une conduite illégale. Selon les avis d’appel, le vérificateur agissait principalement à des fins pénales et il était agent de la division de l’exécution. Toutefois, il s’agit de simples affirmations fondées sur « des conjectures, des hypothèses et des insinuations », et non de faits pertinents. Voir également la décision de notre Cour dans l’arrêt Merchant Law Group c. Canada Agence du revenu, 2010 CAF 184, dans lequel elle a fait les observations suivantes (au paragraphe 34) : « Faire des déclarations laconiques ou catégoriques qui ne reposent sur aucun élément de preuve constitue un abus de procédure : AstraZeneca Canada Inc. c. Novopharm Limited, 2010 CAF 112, au paragraphe 5. »

[9]  Pour les motifs susmentionnés, les parties des actes de procédures qui soulèvent la conduite illégale sont vouées à l’échec. M. Brooks soutient que ces actes de procédure ne devraient pas être radiés à ce stade, car c’est seulement au cours de l’interrogatoire préalable qu’il pourra mettre au jour les faits pertinents. Il ne s’agit pas d’un motif suffisant pour permettre l’instruction du litige. Les faits substantiels doivent être plaidés, et non obtenus à l’aveuglette en cours d’instruction.

[10]  Compte tenu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire d’examiner l’argument de M. Brooks selon lequel la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur dans son interprétation de la jurisprudence présentée ci-dessus. On ne devrait pas déduire de cette conclusion une adhésion à celles de la Cour canadienne de l’impôt à cet égard.

[11]  M. Brooks fait également valoir devant notre Cour une question distincte relativement à la partie de l’ordonnance de la Cour canadienne de l’impôt ayant radié le paragraphe 10 et l’alinéa 18d) et des parties du paragraphe 22 des avis d’appel. Ces passages portent sur l’allégation selon laquelle certaines déclarations de revenus papier de M. Brooks ont été égarées ou détruites par le ministre.

[12]  M. Brooks souligne une incohérence dans cette section de l’ordonnance et prétend que la Cour canadienne de l’impôt avait l’intention de préserver sa faculté de faire valoir que la destruction des déclarations de revenus impose le fardeau de la preuve au ministre sous le régime de la common law. Il soutient que la Cour canadienne de l’impôt n’aurait pas dû radier les parties du paragraphe 10 et de l’alinéa 18d) qui portent sur cet argument. Il n’est pas établi que M. Brooks a soulevé ce point devant la Cour canadienne de l’impôt.

[13]  Je suis d’accord avec M. Brooks pour dire qu’il y a incohérence. À l’audience, la Couronne a reconnu que cette incohérence était le fruit de son oubli, comme la Cour canadienne de l’impôt a seulement prononcé l’ordonnance qu’elle avait demandée. En conséquence, j’accueillerais l’appel uniquement afin de permettre à M. Brooks de plaider que la perte ou la destruction de ses déclarations de revenus T1 constitue une circonstance permettant à la Cour canadienne de l’impôt de renverser le fardeau de la preuve. Je modifierais l’ordonnance de la Cour canadienne de l’impôt en conséquence.

[14]  Exception faite de cette modification, je rejetterais l’appel avec dépens en faveur de l’intimée.

« J. Woods »

j.c.a.

« Je suis d’accord

J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

« Je suis d’accord

Johanne Gauthier, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Marie-Luc Simoneau, jurilinguiste

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

A-115-19

 

INTITULÉ :

DAVID BROOKS c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 21 novembre 2019

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE WOODS

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GAUTHIER

DATE DES MOTIFS :

Le 27 novembre 2019

COMPARUTIONS :

Gregory Del Bigio

Jennifer Flood

Pour l’appelant

Christa Akey

Shannon Fenrich

Pour l’intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Thorsteinssons LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour l’appelant

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimée

 

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