Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20190411


Dossier : A-260-18

Référence : 2019 CAF 76

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LASKIN

LE JUGE LOCKE

 

 

ENTRE :

ANGELINA COMMANDA, NICOLE BERNARD, TOM SARAZIN, GREG SARAZIN, pour leur propre compte et pour le compte des membres des ALGONQUINS DE PIKWAKANAGAN qui appuient la demande

appelants

et

LE CHEF ET LE CONSEIL DE BANDE des ALGONQUINS DE PIKWAKANAGAN

intimés

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 11 avril 2019.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 11 avril 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE LOCKE

 


Date : 20190411


Dossier : A-260-18

Référence : 2019 CAF 76

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LASKIN

LE JUGE LOCKE

 

 

ENTRE :

ANGELINA COMMANDA, NICOLE BERNARD, TOM SARAZIN, GREG SARAZIN, pour leur propre compte et pour le compte des membres des ALGONQUINS DE PIKWAKANAGAN qui appuient la présente demande

appelants

et

LE CHEF ET LE CONSEIL DE BANDE des ALGONQUINS DE PIKWAKANAGAN

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 11 avril 2019.)

LE JUGE LOCKE

[1]  La Cour est saisie d’un appel d’une décision de la Cour fédérale (2018 CF 616, motifs du juge Phelan) rejetant une demande de contrôle judiciaire visant deux décisions rejetant des appels relatifs aux résultats de l’élection du chef et du conseil de bande de la Première Nation des Algonquins de Pikwakanagan (la PNAP).

[2]  L’élection dont il est question a eu lieu sous le régime du code électoral coutumier de 2010 des Algonquins de Pikwakanagan (le Code) et des règles relatives aux avis et aux procédures du code électoral coutumier (les Règles). Le Code et les Règles régissent les appels des résultats d’élections, appels qui doivent être tranchés par une commission d’appel composée de membres de la PNAP nommés par le conseil.

[3]  La commission d’appel a rendu les deux décisions qui sont en cause en l’espèce. L’une de ces décisions concernait une plainte selon laquelle le candidat ayant remporté l’élection au poste de chef, Kirby Whiteduck, avait commis des manœuvres frauduleuses et contrevenu aux dispositions du Code relatives au traitement des bulletins de vote postaux. L’autre décision concernait une plainte selon laquelle un candidat au poste de conseiller, Jim Meness, avait enfreint les Règles et commis des manœuvres frauduleuses en posant des questions durant une assemblée de mise en candidature qui étaient liées à une affaire personnelle.

[4]  Les appelants soulèvent les questions suivantes :

  1. La commission d’appel a-t-elle fait preuve de partialité?

  2. La décision concernant l’appel Whiteduck était-elle raisonnable?

  3. La décision concernant l’appel Meness était-elle raisonnable?

  4. Le juge de la Cour fédérale aurait-il dû se récuser?

  5. Notre Cour devrait-elle intervenir dans l’adjudication des dépens faite par la Cour fédérale?

I.  Norme de contrôle

[5]  En ce qui a trait aux décisions de la commission d’appel, notre Cour doit déterminer si la Cour fédérale a choisi la bonne norme de contrôle et si elle l’a appliquée correctement : Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559.

[6]  Les appelants conviennent que la norme de la décision raisonnable est la norme de contrôle à appliquer aux décisions de la commission d’appel relatives aux appels Whiteduck et Meness. Nous sommes d’accord.

[7]  Les parties semblent également convenir, et nous y souscrivons, qu’il ne faut faire preuve d’aucune retenue à l’égard de la commission d’appel sur la question de sa propre partialité, dans la mesure où cette question avait été soulevée devant elle.

[8]  À notre avis, la Cour fédérale n’a commis aucune erreur dans son choix des normes de contrôle à appliquer.

[9]  En ce qui concerne les deux dernières questions à trancher, à savoir si le juge de la Cour fédérale aurait dû se récuser et si nous devrions intervenir dans l’adjudication des dépens, la norme de contrôle applicable est celle établie dans Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 : la norme de la décision correcte dans le cas des questions de droit, et la norme de l’erreur manifeste et dominante dans le cas des questions mixtes de fait et de droit.

II.  La commission d’appel a-t-elle fait preuve de partialité?

[10]  Les appelants font valoir que la commission d’appel n’a été constituée qu’après le délai prévu par le Code. Cette question n’a pas été soulevée devant la commission d’appel. De plus, les appelants soutiennent qu’il existe une crainte raisonnable de partialité concernant les trois membres de la commission d’appel. Plus précisément, l’un d’eux avait signé une pétition pour s’opposer à une tentative antérieure visant à démettre M. Whiteduck de ses fonctions avant l’élection en cause. Également, les deux autres membres de la commission d’appel étaient des employés de la PNAP, de sorte que, selon les appelants, leurs points de vue auraient pu être influencés par la crainte de perdre leur emploi. Cette question n’a pas non plus été soulevée devant la commission d’appel.

[11]  Nous souscrivons au raisonnement et aux conclusions de la Cour fédérale (aux paragraphes 27 à 38), selon lesquels ni la constitution tardive de la commission d’appel, ni le statut de ses membres à titre d’employés de la PNAP, ni leur participation à une pétition ne suffisent en l’espèce pour donner lieu à une crainte raisonnable de partialité. Qui plus est, il n’y a aucun élément de preuve montrant un réel conflit d’intérêts.

III.  La décision concernant l’appel Whiteduck était-elle raisonnable?

[12]  Les appelants contestent l’interprétation qu’a faite la Cour fédérale du Code et des Règles en ce qui concerne les bulletins de vote postaux. Nous ne sommes pas convaincus que la Cour fédérale ait commis une erreur (aux paragraphes 39 à 51) quand elle a conclu que la décision de la commission d’appel sur cette question était raisonnable.

[13]  Dans leurs observations orales, les appelants mettent en doute la distribution des bulletins de vote. Nous considérons que les conclusions de la Cour fédérale, aux paragraphes 41 à 43, tranchent la question.

IV.  La décision concernant l’appel Meness était-elle raisonnable?

[14]  Les appelants contestent également l’analyse faite par la Cour fédérale de ce qui constitue une affaire personnelle ne pouvant être soulevée à une réunion de mise en candidature. La Cour fédérale a en fin de compte jugé que la conclusion de la commission d’appel, selon laquelle les infractions aux Règles, s’il y en a eu, n’avaient eu aucune influence sur le résultat de l’élection, était raisonnable. Nous ne sommes pas convaincus que la Cour fédérale ait commis une erreur justifiant une révision sur ce point (voir les paragraphes 52 à 68).

V.  Le juge de la Cour fédérale aurait-il dû se récuser?

[15]  Nous ne voyons aucune erreur dans l’analyse de la Cour fédérale sur cette question (aux paragraphes 81 à 88), ni sur le droit ni sur les faits. Rien n’indique que le juge n’a pas abordé l’affaire avec un esprit ouvert : voir R. v. Hossu, 162 O.A.C. 143, au paragraphe 39, 2002 CanLII 45013 (C.A.O.), citant R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484, au paragraphe 49, 1997 CanLII 324. À notre avis, l’échange entre le juge et l’avocat des appelants (qui étaient alors les demandeurs) qui survient vers la fin de l’audience ne relève pas, tant s’en faut, des circonstances obligeant un juge à se récuser : Hennessey c. Canada, 2016 CAF 180, aux paragraphes 16 à 18.

[16]  Selon nous, il aurait été préférable que la Cour fédérale, quand elle a questionné l’avocat des appelants, se garde d’employer des termes aux connotations colonialistes. Cela dit, à notre avis, une personne raisonnable et bien renseignée n’aurait pas l’impression que l’utilisation de ces termes était un signe de partialité. Cette personne raisonnable et bien renseignée, en interprétant ces termes dans le contexte de la totalité de l’échange entre l’avocat et le juge, aurait plutôt l’impression que le juge ne faisait qu’encourager l’avocat à prendre conscience de la faiblesse de la preuve dans le dossier de ses clients, rien de plus.

VI.  Notre Cour devrait-elle intervenir dans l’adjudication des dépens faite par la Cour fédérale?

[17]  Les appelants affirment que la Cour fédérale n’aurait pas dû les condamner aux dépens. Ils soutiennent qu’aucune adjudication des dépens n’aurait dû être faite sans que les parties aient été invitées à présenter leurs observations sur le sujet et que, quoi qu’il en soit, ils n’auraient pas dû être condamnés aux dépens, leur demande étant dans l’intérêt public. Je ne tiendrai pas compte de ces observations. La question des dépens était une question en litige et les appelants auraient dû formuler des observations à ce sujet.

[18]  De plus, en vertu de l’article 403 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, les appelants auraient pu demander des directives à l’égard des dépens après le prononcé du jugement par la Cour fédérale.

VII.  Conclusion

[19]  À notre avis, les appelants ne sont pas des parties agissant dans l’intérêt public et, par conséquent, les dépens doivent suivre l’issue de la cause.

[20]  Nous rejetterons l’appel avec dépens fixés à 2 000 $, tout compris.

« George R. Locke »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-260-18

(APPEL D’UN JUGEMENT RENDU PAR L’HONORABLE JUGE PHELAN DE LA COUR FÉDÉRALE DATÉ DU 13 JUIN 2018, DOSSIER NO T-1244-17)

INTITULÉ :

ANGELINA COMMANDA, NICOLE BERNARD, TOM SARAZIN, GREG SARAZIN, pour leur propre compte et pour le compte des membres des ALGONQUINS DE PIKWAKANAGAN qui appuient la demande c. LE CHEF ET LE CONSEIL DE BANDE des ALGONQUINS DE PIKWAKANAGAN

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 avril 2019

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LASKIN

LE JUGE LOCKE

 

PRONONCÉ À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE LOCKE

COMPARUTIONS :

Michael Swinwood

 

Pour les appelants

 

Ben Mills

Pour les intimés

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Elders without Borders

Ottawa (Ontario)

 

Pour les appelants

 

Conlin Bedard

Ottawa (Ontario)

Pour les intimés

 

 

 

 

 

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