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Date : 20191210


Dossier : A-187-18

Référence : 2019 CAF 306

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

LE JUGE LASKIN

 

ENTRE :

 

 

626468 NEW BRUNSWICK INC.

 

 

appelante

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

Audience tenue à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 30 octobre 2019.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 10 décembre 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LE JUGE LASKIN

 


Date : 20191210


Dossier : A-187-18

Référence : 2019 CAF 306

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

LE JUGE LASKIN

 

ENTRE :

 

 

626468 NEW BRUNSWICK INC.

 

 

appelante

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE WEBB

[1]  La question en litige dans le présent appel est de savoir si le paragraphe 55(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la Loi) s’applique à un dividende que 626468 New Brunswick Inc. (626 NB) était réputée avoir reçu le 18 décembre 2006 et qui s’élevait à 569 093 $. La société qui était réputée avoir payé ce dividende avait vendu auparavant ses actifs, et la question soulevée devant la Cour canadienne de l’impôt était de savoir si le revenu protégé détenu par la société effectuant le paiement devrait refléter les impôts sur le revenu à payer qui découlent de la disposition de ses actifs. La Cour canadienne de l’impôt a conclu que le revenu protégé de la société effectuant le paiement devrait être réduit de l’obligation fiscale découlant de la disposition de ses actifs (2018 CCI 100). Par conséquent, l’appel de 626 NB interjeté devant la Cour canadienne de l’impôt (à l’encontre des cotisations établies au motif que le paragraphe 55(2) de la Loi s’appliquait au dividende réputé susmentionné) a été rejeté.

[2]  En appel devant notre Cour, 626 NB a soutenu, en se fondant sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique du paragraphe 55(2) de la Loi, que ce paragraphe ne devrait pas s’appliquer au dividende réputé en cause.

[3]  Pour les motifs qui suivent, je rejetterais le présent appel.

I.  Contexte

[4]  En guise de commentaire préliminaire, je ferais observer qu’il existe des écarts entre certaines sommes divulguées par les documents et les sommes utilisées par les parties et le juge de la Cour canadienne de l’impôt. Ces écarts seront mis en évidence, les présents motifs y faisant référence.

[5]  En 2006, Rodney Gillis était le propriétaire d’un immeuble d’habitation à Saint John, au Nouveau-Brunswick. Il souhaitait vendre ce bien et il a demandé conseil à un comptable à Toronto concernant la façon dont la transaction devrait être structurée. À cette fin, le comptable a rédigé un mémoire daté du 17 août 2006 (le mémoire) qui décrivait les différentes étapes à suivre relativement à la vente du bien immobilier.

[6]  Aux fins du présent appel, il n’est pas nécessaire de définir de façon détaillée toutes les étapes indiquées dans le mémoire. Ce qui suit est un résumé des principales étapes qui sont pertinentes dans le contexte de la discussion en l’espèce.

[7]  La première étape consistait à transférer le terrain et le bâtiment de Rodney Gillis à Tri-Holdings Limited (une société créée par Rodney Gillis en application des lois du Nouveau-Brunswick) avec report de l’impôt, aux termes de l’article 85 de la Loi. La somme impayée de l’hypothèque sur le bien dépassant le total du prix de base rajusté du terrain et de la fraction non amortie du coût en capital du bâtiment, Tri-Holdings n’a pris en charge qu’une partie du solde de l’hypothèque sur le bien qui correspondait au total de ces sommes. Il semble, conformément à l’entente liée au transfert des actions de Tri-Holdings à 626 NB et au formulaire de choix T2057 présenté par Rodney Gillis, aux termes de l’article 85 de la Loi, que Tri-Holdings a émis à Rodney Gillis quatre actions ordinaires. Cependant, le bilan de Tri-Holdings daté du 3 novembre 2006 indique que seules trois actions ordinaires ont été émises. Puisqu’aux fins du présent appel, il importe peu de savoir si trois ou quatre actions ordinaires de Tri-Holdings ont été émises, on présumera que quatre actions ordinaires ont été émises.

[8]  Rodney Gillis a ensuite transféré ses quatre actions ordinaires de Tri-Holdings à 626 NB. Il a présenté un formulaire de choix aux termes de l’article 85 de la Loi relativement à ce transfert d’actions. Le prix de base rajusté des actions ordinaires de Tri-Holdings n’étant qu’une somme nominale, la somme choisie au moment de ce transfert était également une somme nominale. En contrepartie du transfert par Rodney Gillis des actions ordinaires de Tri-Holdings à 626 NB, cette dernière a émis quatre actions ordinaires à Rodney Gillis.

[9]  Tri-Holdings a vendu le terrain et le bâtiment à un acheteur sans lien de dépendance pour 5 829 000 $. Tri-Holdings a réalisé un gain en capital et une récupération de la déduction pour amortissement par suite de la vente du terrain et du bâtiment pour une telle somme. Les parties avaient déposé un « exposé conjoint partiel des faits » à la Cour canadienne de l’impôt dans lequel les parties convenaient qu’une moitié du gain en capital réalisé au moment de la disposition du bien s’élevait à 1 319 500 $ et que l’autre moitié du gain en capital, avec la récupération de la déduction pour amortissement, totalisait 3 079 184 $. Cela signifierait que le gain en capital total qui a été réalisé lors de la vente du bien était de 2 639 000 $ et que la récupération de la déduction pour amortissement totale correspondait à 1 759 684 $.

[10]  Du 13 décembre au 17 décembre 2006, Tri-Holdings a augmenté de 1 879 120 $ (somme totale qui n’inclut pas la somme liée au dividende en capital) son capital versé. Chacune de ces augmentations du capital versé a donné lieu à un dividende réputé versé par Tri-Holdings à 626 NB (au paragraphe 84(1) de la Loi) et à une augmentation correspondante du prix de base rajusté des actions de Tri-Holdings détenues par 626 NB (alinéa 53(1)b) de la Loi). Pendant cette période, Tri-Holdings a également augmenté son capital versé de 1 319 500 $ qui représentait le solde dans son compte de dividendes en capital (selon la définition donnée au paragraphe 89(1) de la Loi). Tri-Holdings a fait le choix de considérer le dividende réputé qui découle de cette augmentation du capital versé comme un dividende en capital aux termes du paragraphe 83(2) de la Loi. Le dividende en capital correspond à la moitié non imposable du gain en capital réalisé au moment de la disposition des actifs par Tri-Holdings. Le dividende en capital a également donné lieu à une augmentation du prix de base rajusté des actions de Tri-Holdings détenues par 626 NB (alinéa 53(1)b) de la Loi).

[11]  Dans le mémoire, il était prévu que les actions de Tri-Holdings (qui étaient détenues par 626 NB) seraient vendues à un acquéreur sans lien de dépendance. Afin d’augmenter le prix de base rajusté des actions de Tri-Holdings pour l’élever à la somme que le tiers acquéreur paierait à 626 NB, Tri-Holdings a augmenté son capital versé d’une somme supplémentaire de 569 093 $ le 18 décembre 2006.

[12]  On ne sait pas exactement à quel moment les étapes ont été menées à bien après le 18 décembre 2006. Cependant, il semble que les étapes supplémentaires suivantes ont été accomplies au plus tard le 31 décembre 2006 :

  • Tri-Holdings ayant émis des actions privilégiées avec droit de vote à une société américaine (qui, selon le mémoire, devait appartenir à 626 NB), elle a cessé d’être une société privée sous contrôle canadien, au sens du paragraphe 125(7) de la Loi;

  • 626 NB a vendu ses actions dans Tri-Holdings à un acquéreur sans lien de dépendance;

  • Tri-Holdings a été prorogée en vertu des lois de la Colombie-Britannique et a changé de nom pour devenir 0778285 BC Limited;

  • Tri-Holdings/0778285 BC Limited a acquis un certain logiciel de Securitas Video Corporation et a demandé une déduction. Son revenu pour l’exercice se terminant le 31 décembre 2006 a ainsi été ramené à zéro.

[13]  Le ministre du Revenu national a refusé d’accorder à Tri-Holdings/0778285 BC Limited la déduction liée à l’acquisition du logiciel. Les seuls renseignements disponibles liés à cette demande concernent le fait que Tri-Holdings/0778285 BC Limited s’était opposée à ce refus de lui accorder une déduction liée au logiciel.

[14]  La seule question en litige devant la Cour canadienne de l’impôt et notre Cour se rapporte au dividende de clôture réputé qui découle de l’augmentation du capital versé des actions de Tri-Holdings le 18 décembre 2006 d’un montant de 569 093 $.

II.  Décision rendue par la Cour canadienne de l’impôt

[15]  Le seul argument qui a été soulevé devant la Cour canadienne de l’impôt se rapportait au calcul du revenu protégé détenu immédiatement avant le versement du dernier dividende. Plus précisément, l’argument se limitait à savoir si les impôts qui seraient payables par Tri-Holdings et qui découlaient de la disposition du bien immobilier réduiraient le revenu protégé détenu à ce moment-là. La Cour canadienne de l’impôt a invoqué les jugements du juge Bell dans la décision Deuce Holdings Limited c. Canada, [1997] A.C.I. no 786, et de notre Cour dans l’arrêt Canada c. Kruco Inc., 2003 CAF 284, 308 NR 108, et elle a conclu que le revenu protégé était réduit de l’impôt à payer par Tri-Holdings qui était lié à la disposition de ses actifs.

III.  Question en litige et norme de contrôle

[16]  Dans le présent appel, 626 NB soulève la question de savoir si, en se fondant sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique du paragraphe 55(2) de la Loi, celui-ci s’appliquerait au dividende en l’espèce. Cette question étant liée à l’interprétation d’une disposition de la Loi, la norme de contrôle est celle de la décision correcte (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 RCS 235).

IV.  Discussion

[17]  Comme il a été mentionné précédemment, lors de l’audience de la Cour canadienne de l’impôt, l’accent n’a été mis que sur la question restreinte de savoir si le revenu protégé devrait être réduit du montant des impôts à payer, mais qui n’ont pas encore été payés. Dans le présent appel, 626 NB a élargi la portée des questions en soutenant que, selon une analyse textuelle, contextuelle et téléologique, le paragraphe 55(2) de la Loi ne s’appliquait pas au dividende de clôture réputé versé le 18 décembre 2006. Une partie intégrante de la présente question est de savoir si le revenu protégé détenu, immédiatement avant le versement de ce dividende réputé, tiendrait compte de l’impôt à payer lié à la disposition d’actifs qui n’a pas été payé par Tri-Holdings.

[18]  Le paragraphe 55(2) de la Loi est une disposition anti-évitement qui, dans certaines situations, convertit ce qui serait par ailleurs un dividende intersociété non assujetti à l’impôt en un gain en capital imposable. En 2006, le paragraphe 55(2) de la Loi était rédigé comme suit :

(2) Dans le cas où une société résidant au Canada a reçu un dividende imposable à l’égard duquel elle a droit à une déduction en vertu des paragraphes 112(1) ou (2) ou 138(6) dans le cadre d’une opération, d’un événement ou d’une série d’opérations ou d’événements dont l’un des objets (ou, dans le cas d’un dividende visé au paragraphe 84(3), dont l’un des résultats) a été de diminuer sensiblement la partie du gain en capital qui, sans le dividende, aurait été réalisée lors d’une disposition d’une action du capital-actions à la juste valeur marchande immédiatement avant le dividende et qu’il serait raisonnable de considérer comme étant attribuable à autre chose qu’un revenu gagné ou réalisé par une société après 1971 et avant le moment de détermination du revenu protégé quant à l’opération, à l’événement ou à la série, malgré tout autre article de la présente loi, le montant du dividende (à l’exclusion de la partie de celui-ci qui est assujettie à l’impôt en vertu de la partie IV qui n’est pas remboursé en raison du paiement d’un dividende à une société lorsqu’un tel paiement fait partie de la série):

(2) Where a corporation resident in Canada has received a taxable dividend in respect of which it is entitled to a deduction under subsection 112(1) or 112(2) or 138(6) as part of a transaction or event or a series of transactions or events, one of the purposes of which (or, in the case of a dividend under subsection 84(3), one of the results of which) was to effect a significant reduction in the portion of the capital gain that, but for the dividend, would have been realized on a disposition at fair market value of any share of capital stock immediately before the dividend and that could reasonably be considered to be attributable to anything other than income earned or realized by any corporation after 1971 and before the safe-income determination time for the transaction, event or series, notwithstanding any other section of this Act, the amount of the dividend (other than the portion of it, if any, subject to tax under Part IV that is not refunded as a consequence of the payment of a dividend to a corporation where the payment is part of the series)

a) est réputé ne pas être un dividende reçu par la société;

(a) shall be deemed not to be a dividend received by the corporation;

b) lorsqu’une société a disposé de l’action, est réputé être le produit de disposition de l’action, sauf dans la mesure où il est inclus par ailleurs dans le calcul de ce produit;

(b) where a corporation has disposed of the share, shall be deemed to be proceeds of disposition of the share except to the extent that it is otherwise included in computing such proceeds; and

c) lorsqu’une société n’a pas disposé de l’action, est réputé être un gain de la société pour l’année au cours de laquelle le dividende a été reçu de la disposition d’une immobilisation.

(c) where a corporation has not disposed of the share, shall be deemed to be a gain of the corporation for the year in which the dividend was received from the disposition of a capital property.

[19]  Le « moment de détermination du revenu protégé » est défini au paragraphe 55(1) de la Loi :

moment de détermination du revenu protégé Quant à une opération, à un événement ou à une série d’opérations ou d’événements, le premier en date des moments suivants :

safe-income determination time for a transaction or event or a series of transactions or events means the time that is the earlier of

a) le moment après la première disposition ou la première augmentation de participation, visée à l’un des sous-alinéas (3)a)(i) à (v), qui a résulté de l’opération, de l’événement ou de la série;

(a) the time that is immediately after the earliest disposition or increase in interest described in any of subparagraphs 55(3)(a)(i) to 55(3)(a)(v) that resulted from the transaction, event or series, and

b) le moment avant le premier versement de dividende dans le cadre de l’opération, de l’événement ou de la série.

(b) the time that is immediately before the earliest time that a dividend is paid as part of the transaction, event or series;

[20]  En 2006, le paragraphe 55(3) de la Loi prévoyait certaines exceptions concernant l’application du paragraphe 55(2) de la Loi. Cependant, étant donné qu’il était de toute évidence prévu, lorsque les augmentations du capital versé ont été mises en œuvre, que les actions seraient vendues à un tiers sans lien de dépendance, et que la vente a été réalisée moins de deux semaines après la dernière augmentation du capital versé, les exceptions au paragraphe 55(3) de la Loi ne s’appliquent pas. Aucune partie n’a cité ces exceptions.

[21]  La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601, a énoncé l’approche qui doit être adoptée lorsqu’il s’agit d’interpréter des dispositions législatives :

[10]  Il est depuis longtemps établi en matière d’interprétation des lois qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : voir 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50. L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux.

A.  Analyse textuelle

[22]  Le paragraphe 55(2) de la Loi est une disposition longue et complexe. Pour effectuer une analyse textuelle, il est nécessaire d’analyser les conditions que le paragraphe renferme. Les conditions suivantes sont contenues dans ce seul paragraphe :

  1. une société résidant au Canada a reçu un dividende;

  2. cette société a droit à une déduction en vertu des paragraphes 112(1) ou (2) ou 138(6) de la Loi relativement à ce dividende;

  3. le dividende est reçu en tant que partie intégrante d’une opération ou d’un événement ou d’une série d’opérations ou d’événements;

  4. l’un des objets du dividende ou l’un de ses résultats était de diminuer sensiblement une partie du gain en capital qui serait réalisée si une action devait être vendue à la juste valeur marchande :

    • pour tout dividende réputé cité au paragraphe 84(3) de la Loi qui découle d’un rachat, d’un achat ou d’une annulation par une société de ses actions, c’est le résultat de ce dividende qui est pertinent;

    • pour tout autre dividende, c’est l’objet de ce dividende qui est pertinent;

  5. le moment considéré pour la vente hypothétique d’actions est celui qui précède immédiatement le versement du dividende, et la juste valeur marchande de l’action donnée doit être déterminée à partir de ce moment;

  6. il est raisonnable de penser que la partie du gain en capital qui a été réduite est attribuable à autre chose qu’un revenu gagné ou réalisé après 1971 et avant le moment de détermination du revenu protégé par une société;

  7. il existe une exception (qui ne s’applique pas en l’espèce) liée à une partie du dividende qui est assujettie à l’impôt aux termes de la partie IV qui n’est pas remboursé, comme il est décrit dans ce paragraphe.

[23]  Le revenu décrit au paragraphe 55(2) de la Loi qui a été gagné ou réalisé, et qui serait pris en compte dans un gain en capital qui serait réalisé lors d’une vente à la juste valeur marchande d’actions, a été communément appelé « revenu protégé ». L’acceptation courante de ce terme transparaît dans le nom associé à l’expression « moment de détermination du revenu protégé » définie au paragraphe 55(1) de la Loi.

[24]  En l’espèce, comme cela a été mentionné au paragraphe 14, le seul dividende qui est en question est le dernier dividende qui est réputé avoir été versé le 18 décembre 2006. 626 NB a admis que ce dividende aboutissait à une réduction importante du gain en capital qui aurait été réalisé lors d’une disposition à la juste valeur marchande des actions de Tri-Holdings. 626 NB a également reconnu, lors de l’audience de la Cour canadienne de l’impôt et au cours de la présente audience, que l’objet de ce dividende réputé était de réduire le gain en capital qui serait réalisé lors de la vente des actions de 626 NB à l’acheteur sans lien de dépendance. La seule question en litige est de savoir si le gain en capital qui était réduit était attribuable à un revenu protégé ou si, en se fondant sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique, le paragraphe 55(2) de la Loi ne devrait pas s’appliquer au dividende réputé versé le 18 décembre 2006.

[25]  Le point de départ de cette analyse est la détermination du gain en capital qui aurait été réalisé si le dividende réputé n’avait pas été versé. L’application du paragraphe 55(2) de la Loi est fondée sur la détermination du montant de ce gain en capital, puis sur la distribution de ce gain en capital entre deux sources : la partie du gain en capital qui peut être expliquée en fonction du revenu protégé et la partie qui est attribuable à autre chose. Les dividendes peuvent être versés sans entraîner l’application du paragraphe 55(2) de la Loi si de tels dividendes ne réduisent que la partie du gain en capital qui est attribuable au revenu protégé. Le gain en capital pertinent est fondé sur la différence entre la juste valeur marchande des actions en question et le prix de base rajusté de ces actions.

[26]  L’analyse requise pour déterminer si, selon le libellé du paragraphe 55(2) de la Loi, ce paragraphe s’applique au dividende de clôture réputé versé le 18 décembre 2006 comprendra les étapes suivantes :

  • a) la juste valeur marchande des actions de Tri-Holdings immédiatement avant le versement de ce dividende de clôture réputé sera déterminée;

  • b) le prix de base rajusté des actions de Tri-Holdings détenues par 626 NB immédiatement avant le versement de ce dividende de clôture réputé sera déterminé;

  • c) le gain en capital qui aurait été réalisé lors d’une disposition des actions de Tri-Holdings détenues par 626 NB immédiatement avant le versement de ce dividende de clôture réputé sera déterminé;

  • d) le revenu protégé de Tri-Holdings au moment de la détermination du revenu protégé sera déterminé et, plus précisément, il sera établi si le revenu protégé est réduit du montant des impôts payables par Tri-Holdings qui découlent de la disposition de ses actifs;

  • e) le revenu protégé détenu immédiatement avant le versement du dividende de clôture réputé sera déterminé.

1)  Détermination de la juste valeur marchande des actions

[27]  Les actions pertinentes en l’espèce sont les actions de Tri-Holdings détenues par 626 NB, et le moment considéré pour la détermination de la juste valeur marchande de ces actions est celui qui précède immédiatement le versement du dividende le 18 décembre 2006 qui est en cause dans le présent appel. Rien n’indique dans les actes de procédure déposés auprès de la Cour canadienne de l’impôt que la juste valeur marchande des actions était une question qui devait être tranchée par la Cour canadienne de l’impôt. Lors de l’audience de la Cour canadienne de l’impôt, la juste valeur marchande de ces actions n’a pas été discutée, et le juge de la Cour canadienne de l’impôt n’a pas tiré de conclusions quant à ce sujet. Cette question n’ayant pas été abordée, aucun rapport d’expert sur l’évaluation des actions n’a été produit et, par conséquent, la présente espèce se distingue de la décision VIH Logging Ltd. c. La Reine, 2003 CCI 732, [2004] 2 C.T.C. 2149 (dont il est davantage question plus loin).

[28]  626 NB a mentionné, lors de l’audience de la Cour canadienne de l’impôt et au cours de l’audience du présent appel, que les opérations indiquées dans le mémoire n’ayant pas été suivies comme cela était prévu, deux ordonnances de rectification ont été soumises à la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick. L’une des questions abordées dans les demandes de rectification se rapportait au défaut par 626 NB d’émettre des actions à Rodney Gillis en contrepartie des actions de Tri-Holdings qu’il a transféré à 626 NB. Ce défaut d’émettre des actions a été corrigé par la Cour.

[29]  Avec les documents qui ont été déposés relativement à cette demande de rectification, Rodney Gillis a présenté son affidavit. L’une des pièces jointes à cet affidavit était une copie du formulaire de choix T2057 qu’il avait déposée auprès de l’Agence du revenu du Canada relativement au transfert des actions de Tri-Holdings à 626 NB qu’il avait effectué. Dans ce formulaire, il a indiqué que la juste valeur marchande des quatre actions ordinaires de Tri-Holdings, qui ont été transférées à 626 NB le 30 novembre 2006, était de 5 829 000 $. Or, il semble que cette somme correspondait au prix de vente de l’immeuble d’habitation qui a été vendu par Tri-Holdings. Elle ne tiendrait pas compte du montant du prêt hypothécaire grevant ce bien qui était assumé par Tri-Holdings. Par conséquent, cette somme ne serait pas la juste valeur marchande des actions ordinaires de Tri-Holdings.

[30]  Lors de l’audience du présent appel, 626 NB a prétendu que la juste valeur marchande de ces actions était la somme que le tiers acquéreur a versée. 626 NB n’a pas présenté d’arguments selon lesquels la juste valeur marchande des actions de Tri-Holdings, immédiatement avant la dernière augmentation du capital versé le 18 décembre, était inférieure à cette somme. Bien que le juge de la Cour canadienne de l’impôt ait mentionné que 626 NB avait vendu ses actions de Tri-Holdings pour 3 767 616 $, selon l’annexe 6 de la déclaration de revenus T2 de 626 NB, cette dernière a vendu ses quatre actions ordinaires dans Tri-Holdings (nommée 0778285 BC Ltd. dans cette annexe) pour 3 707 165 et ses actions privilégiées de cette société pour 10 $. Cette annexe révèle aussi que 626 NB a demandé une déduction pour une perte en capital de 60 551 $ lors de la disposition des actions ordinaires de Tri-Holdings. Aucune partie n’a soulevé de questions liées à l’augmentation du prix de base rajusté des actions de Tri-Holdings dont la somme a entraîné une perte en capital lors de la disposition des actions. Rien n’indique si la déduction pour une perte en capital a été rejetée à la suite de l’application du paragraphe 112(3) de la Loi.

[31]  Dans l’« exposé conjoint partiel des faits », les parties ont convenu que 626 NB avait vendu ses actions de Tri-Holdings à un acheteur sans lien de dépendance avec elle. La juste valeur marchande des actions n’ayant pas été une question soumise à la Cour canadienne de l’impôt, aux fins du présent appel, la juste valeur marchande sera présumée être la somme versée par le tiers acquéreur ou 3 707 165 $. Puisque rien n’indique que les actifs détenus par Tri-Holdings ont changé entre le 13 décembre et le 18 décembre 2006, on présumera que la juste valeur marchande de ses actions n’a pas changé pendant cette période. Par conséquent, la juste valeur marchande des actions de Tri-Holdings, immédiatement avant le versement du dividende réputé le 18 décembre 2006, sera présumée être 3 707 165 $.

[32]  L’utilisation de cette somme comme représentant la juste valeur marchande est également conforme à la définition souvent citée de la juste valeur marchande adoptée par le juge McIntyre dans la décision Re Mann Estate, 1972 CanLII 1603 (C.S.C.‑B.), 1 NR 518 :

[traduction]

[13]  Je pourrais ajouter que je ne trouve rien dans les ouvrages qui me permet de contester ou de remettre en question la définition de « juste valeur marchande » adoptée par M. Anson-Cartwright, appelé par l’intimé, qui apparaît dans la pièce 2 en ces termes :

la « juste valeur marchande » est le prix le plus élevé estimé exprimé en argent qu’un vendeur disposé à vendre pourrait obtenir pour le bien sur un marché libre auprès d’un acheteur bien informé et disposé à acheter avec lequel il n’a pas de lien de dépendance.

[33]  L’appel de cette décision interjeté auprès de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a été rejeté (Mann Estate v. British Columbia (Minister of Finance), 1973 CanLII 1628 (C.A.C.-B.), 1 NR 516). Un autre appel interjeté auprès de la Cour suprême du Canada a également été rejeté (Re Mann, 1974 CanLII 1730 (CSC), [1974] 2 W.W.R. 574). Dans les brefs motifs oraux du rejet de l’appel, le juge Martland, qui a prononcé les motifs au nom de la Cour suprême du Canada, a indiqué ce qui suit : [TRADUCTION] « [n]ous sommes d’avis qu’aucune erreur concernant un point de droit n’a été commise dans les motifs du savant juge de première instance ».

2)  Détermination du prix de base rajusté des actions

[34]  Le moment considéré pour la détermination du prix de base rajusté des actions de Tri-Holdings détenues par 626 NB est celui qui précède immédiatement le moment où le dernier dividende est réputé avoir été versé. Avant le moment où ce dividende est réputé avoir été versé, comme il a été indiqué au paragraphe 10 ci-dessus, Tri-Holdings a augmenté le capital versé de ces actions par étapes du 13 au 17 décembre, ce qui a donné lieu aux dividendes correspondants et à une augmentation du prix de base rajusté de ces actions. L’augmentation du capital versé, qui a donné lieu à des dividendes imposables, totalisait 1 879 120 $. L’augmentation supplémentaire du capital versé, qui a donné lieu à un dividende en capital, s’est élevée à 1 319 500 $. Par conséquent, le prix de base rajusté de ces actions a été majoré du montant total de 3 198 620 $ (1 879 120 $ + 1 319 500 $).

3)  Détermination du gain en capital

[35]  En se fondant sur la juste valeur marchande de 3 707 165 $, une disposition des actions de Tri-Holdings (immédiatement avant le versement du dividende de clôture) pour un produit de disposition égal à cette somme donnerait lieu à un gain en capital de 508 545 $ (3 707 165 – 3 198 620 $). Cela ne tient pas compte du prix de base rajusté nominal des actions avant l’augmentation du capital versé, car cette somme nominale n’aurait aucune incidence sur le résultat dans le présent appel. On ne sait pas non plus si cette somme devrait être de 3 $ (comme l’indique le bilan pour trois actions ordinaires) ou de 4 $ (pour quatre actions ordinaires, comme l’indiquent divers autres documents).

4)  Détermination du revenu protégé au moment de la détermination du revenu protégé

[36]  Même si le gain en capital qui serait réalisé lors de la vente des actions à leur juste valeur marchande doit être déterminé immédiatement avant le dividende en question, le revenu qui pourrait être raisonnablement considéré comme un revenu contribuant à ce gain en capital est celui gagné ou réalisé avant le moment de la détermination du revenu protégé. Le moment de détermination du revenu protégé serait celui qui précède immédiatement le premier dividende réputé avoir été versé en tant que partie intégrante de la série d’opérations, soit le moment précédant immédiatement la première augmentation du capital versé le 13 décembre 2006.

[37]  La question est donc de savoir dans quelle mesure on pourrait raisonnablement penser que le revenu gagné ou réalisé avant le 13 décembre 2006 est pris en compte dans le gain en capital qui serait réalisé lors de la vente des actions à leur juste valeur marchande immédiatement avant la dernière augmentation du capital versé le 18 décembre 2006. Les parties ont convenu, dans leur « exposé conjoint partiel des faits » que le revenu de Tri-Holdings, au regard de la Loi, qui découle de la vente de son bien immobilier, s’élevait à 3 079 184. La disposition d’actifs s’est produite avant le 13 décembre 2006. Les impôts découlant de cette disposition d’actifs n’ont pas été payés avant l’augmentation du capital versé qui a été effectuée pendant la période allant du 13 décembre au 18 décembre 2006. La question est de savoir s’il est raisonnable de penser que le montant de revenu qui contribuerait à un gain en capital découlant de la vente d’actions de Tri-Holdings serait diminué du montant de ces impôts.

[38]  Dans la décision Deuce Holdings, le juge Bell a fait les commentaires suivants quant à la question de savoir si les impôts à payer sur le revenu gagné seraient pris en compte lors de la détermination du revenu protégé :

[30]  Malheureusement, il semble nécessaire de s’aventurer plus loin que le libellé de l’article 55 afin de déterminer si le calcul doit être effectué après impôt. C’est malheureux puisque la loi aurait pu être plus claire. Il est logique que le paragraphe 55(2) tienne compte du fait que le produit qui aurait été réalisé, si ce n’avait été du dividende, lors de la disposition d’une action à la juste valeur marchande immédiatement avant le dividende, aurait été calculé après impôt. La juste valeur marchande d’une action, en ce qui concerne l’élément « revenu », serait établie sur la base après impôt. Aucun acheteur rationnel ne paierait une action du capital-actions d’une corporation sans tenir compte de l’impôt payé ou payable sur le revenu de cette corporation.

[...]

[32]  Le bénéfice avant impôt ne peut pas être entièrement distribué. Il est dangereux de faire des conjectures au sujet de ce que la loi voulait dire, mais je conclus que dans ce cas-ci ce n’est que la fraction du « revenu gagné ou réalisé » par la corporation qui verse le dividende qui reste après impôt qui devrait être incluse dans le calcul du « revenu [protégé] ».

[39]  Je suis d’accord avec les commentaires du juge Bell dans la décision Deuce Holdings selon lesquels il ne serait que logique qu’un tiers acquéreur des actions sans lien de dépendance prenne en compte tout impôt à payer de la société, même si un tel impôt peut ne pas être payable avant une date ultérieure. En l’espèce, l’obligation fiscale a découlé de la disposition par Tri-Holdings de son bien immobilier. Toute obligation fiscale de Tri-Holdings continuerait de lui incomber après la vente de ses actions.

[40]  Dans l’affaire VIH Logging, 401277 B.C. Ltd. (401 BC) dirigeait une entreprise d’exploitation forestière par hélicoptère dans l’île de Vancouver. Avant l’année d’imposition en cause, 401 BC n’avait pas rapporté de bénéfices importants (au paragraphe 29 des motifs de la juge Woods). Il semble que 401 BC prévoyait un bénéfice important pour son année d’imposition se terminant le 1er mars 1993. Pour réduire le montant de ses impôts à payer, une série d’opérations a été effectuée. Dans le contexte de ces opérations, 401 BC est devenue une filiale à cent pour cent de VIH Logging. 401 BC a vendu son entreprise d’exploitation forestière par hélicoptère à VIH Logging en contrepartie de la prise en charge du passif et d’un billet à ordre. Le transfert de l’entreprise par 401 BC a rapporté un « faible gain imposable » à 401 BC (au paragraphe 34).

[41]  401 BC a versé trois dividendes à sa société mère de l’époque, VIH Logging : deux dividendes en espèces selon un montant total de 1 397 429 $ (980 629 $ + 416 800 $) et un dividende en actions de 366 079 $. 401 BC n’ayant pas rapporté un bénéfice important avant l’année durant laquelle ces dividendes ont été versés, la question en litige était de savoir si le revenu protégé de 401 BC pouvait être déterminé pour l’exercice raccourci qui se terminait avant la fin de l’année d’imposition de 401 BC. Le calcul réel du montant du revenu protégé et la question de savoir s’il devait être déterminé avant ou après impôt n’étaient pas en litige.

[42]  Les motifs n’indiquent pas explicitement si le montant du revenu protégé, calculé par le contribuable dans l’affaire VIH Logging, l’a été à titre de bénéfice avant ou après impôt. Le paragraphe 47 des motifs indique ce qui suit :

Le calcul du revenu protégé de VIH Logging incluait les bénéfices de l’exploitation forestière par hélicoptère pendant la majeure partie de 1993, même si 401277 n’a eu aucun revenu imposable pour l’année en raison de la déduction des données sismiques.

[43]  Cependant, d’après les renseignements divulgués dans la décision, il est possible de confirmer que le montant du revenu protégé, déterminé par le contribuable, était le revenu après impôts. Comme il a été mentionné précédemment, la première année durant laquelle il y a eu des bénéfices importants était l’année en question. Le montant du revenu protégé, calculé par le contribuable, était de 1 397 429 $ (aux paragraphes 35 et 58 des motifs). Les impôts, qui découlaient du revenu gagné pendant l’année en question, s’élevaient à 938 080 $ (au paragraphe 35). Si le montant du revenu protégé est le revenu de 401 BC avant impôts, alors le taux d’imposition réel serait de 67 % (938 080 $/1 397 429 $). Dans la mesure où le montant du revenu protégé pourrait inclure tout bénéfice d’une année antérieure, le taux d’imposition réel applicable au revenu gagné durant l’année en cours serait même plus élevé. Si le montant du revenu protégé a été calculé à titre de revenu après impôts, le revenu avant impôts serait donc de 2 335 509 $ (1 397 429 $ + 938 080 $) et le taux d’imposition réel serait de 40 % (938 080 $/2 335 509 $). Par conséquent, il semble clair que, puisque le taux d’imposition n’aurait pas été de 67 %, le montant du revenu protégé de 1 397 429 $ tenait compte des impôts à payer sur le revenu gagné par 401 BC pour l’exercice raccourci.

[44]  Dans l’affaire VIH Logging, la stratégie comprenait l’achat de données sismiques qui donnerait lieu à une déduction fiscale qui éliminerait l’obligation fiscale de 401 BC pour son année d’imposition se terminant le 1er mars 1993. Cependant, au cours du procès dans l’affaire VIH Logging, le contribuable a soutenu (et la Cour canadienne de l’impôt a adhéré à son argument) que la juste valeur marchande des actions de 401 BC, immédiatement avant le versement du dividende en actions, devrait tenir compte de l’assujettissement à l’impôt, même si de tels impôts n’étaient finalement pas payés du fait de l’achat subséquent de données sismiques (aux paragraphes 64 et 65 et à la note de bas de page 18). Si l’assiette fiscale n’est pas prise en compte dans l’évaluation des actions de 401 BC, alors (puisqu’il s’agissait de son seul passif et que 401 BC disposait de liquidités suffisantes pour couvrir le montant de ce passif s’élevant à 938 030 $) la juste valeur marchande des actions de 401 BC serait bien plus importante que le montant nominal établi par la Cour canadienne de l’impôt. En raison de la conclusion dans la décision VIH Logging selon laquelle la juste valeur marchande des actions de 401 BC n’était qu’une somme nominale avant le versement du dividende en actions, le paragraphe 55(2) de la Loi ne s’appliquait pas à ce dividende, non pas parce que celui-ci était couvert par le revenu protégé, mais plutôt parce qu’aucun gain important sur les actions n’a été réduit du fait du versement de ce dividende (aux paragraphes 65 et 66).

[45]  En rejetant l’appel, la Cour, dans l’arrêt Canada c. VIH Logging Ltd., 2005 CAF 36, [2005] 4 R.C.F. 61, a déclaré ce qui suit :

[38]  Cependant, la possibilité pour la société bénéficiaire de se prévaloir d’une déduction correspondant au dividende ne dépend pas du paiement de fait d’un impôt par la société qui a versé le dividende. S’il en est ainsi, c’est peut-être qu’il existe de nombreuses raisons légitimes pour lesquelles une société peut avoir la capacité de verser un dividende sur ses bénéfices actuels, sans avoir aucune dette fiscale à la fin de son exercice. Cela pourrait se produire par exemple si la société subit, après avoir versé le dividende, des pertes d’entreprise imprévues. Cela pourrait aussi arriver si la société a le droit de tirer parti de certains stimulants prévus dans la Loi de l’impôt sur le revenu, comme ce fut le cas lorsque l’ancienne VIH a fait l’acquisition de données sismiques, qui lui ont donné droit à une déduction dont l’effet fut de différer sa dette fiscale de 1993. J’arrive à la conclusion que l’argument principal de la Couronne repose sur un postulat erroné. Il n’est tout simplement pas vrai que le paragraphe 55(2) vise à faire en sorte que les dividendes inter-sociétés non imposables soient limités aux bénéfices postérieurs à 1971 sur lesquels l’impôt a effectivement été payé.

[46]  À la lecture de ces commentaires, il est important de garder à l’esprit que le calcul du montant du revenu protégé (et en particulier la question de savoir si le montant du revenu protégé devrait tenir compte des impôts à payer, mais qui n’ont pas encore été payés) n’était pas une question soulevée dans le litige VIH Logging. Comme cela a été mentionné précédemment, les sommes indiquées dans les motifs de la Cour canadienne de l’impôt en ce qui concerne le revenu protégé et les impôts à payer confirment clairement que le montant du revenu protégé tenait compte de l’impôt exigible. La seule question en litige étant de savoir si le revenu gagné durant l’année en cours (sur lequel l’impôt n’avait pas encore été payé) pouvait être inclus dans le calcul du revenu protégé, ces commentaires confirment simplement qu’un tel revenu (même si l’impôt n’a pas encore été payé) peut être inclus dans le calcul du revenu protégé.

[47]  Dans l’arrêt Kruco, la question en litige était de savoir s’il fallait procéder à certains rajustements du revenu protégé en ce qui concerne les crédits d’impôt à l’investissement de Kruco et de l’une de ses filiales. Au début de l’analyse, la Cour a déclaré ce qui suit :

31  À mon humble avis, le juge de la Cour de l’impôt est parvenu à la bonne conclusion, essentiellement pour les motifs qu’il a exposés et que j’ai tenté de résumer aux paragraphes qui précèdent.

[48]  En résumant les motifs du juge de la Cour canadienne de l’impôt, le juge Noël (maintenant juge en chef) a mentionné ce qui suit :

[21]  Dans Deuce Holdings, le juge Bell a décidé qu’un rajustement négatif du revenu protégé pouvait être fait en ce qui concerne l’impôt payé ou exigible. À la page 931, il affirme ce qui suit :

Il est logique que le paragraphe 55(2) tienne compte du fait que le produit qui aurait été réalisé, si ce n’avait été du dividende, lors de la disposition d’une action à la juste valeur marchande immédiatement avant le dividende, aurait été calculé après impôt. La juste valeur marchande d’une action, en ce qui concerne l’élément « revenu », serait établie sur la base après impôt. Aucun acheteur rationnel ne paierait une action du capital-actions d’une corporation sans tenir compte de l’impôt payé ou payable sur le revenu de cette corporation.

[49]  Les commentaires généraux suivants au paragraphe 38 de l’arrêt Kruco doivent être interprétés en tenant compte des commentaires précédents et du point selon lequel la question en litige dans l’arrêt Kruco n’était pas de savoir si l’obligation de payer les impôts réduirait le revenu protégé :

[38]  Il ne fait aucun doute que cet exercice exige un examen afin de vérifier si le « revenu gagné ou réalisé » est resté en mains ou est demeuré disponible pour financer le paiement du dividende. Il s’ensuit, par exemple, que les impôts ou les dividendes payés à même ce revenu doivent être extraits du revenu protégé (voir Deuce Holdings Ltd., supra et Gestion Jean-Paul Champagne Inc., supra).

[50]  L’arrêt Kruco ne soutient pas la proposition selon laquelle seuls les impôts qui ont été effectivement payés réduiront le revenu protégé.

[51]  En l’espèce, la vente du bien immobilier par Tri-Holdings (qui a donné lieu à un gain en capital imposable et à la récupération de la déduction pour amortissement) a été effectuée avant le moment de la détermination du revenu protégé. Le montant d’une telle obligation fiscale pourrait être calculé et l’a été. Bien que les impôts découlant de la vente de ses actifs n’aient pas été exigibles au moment considéré pour déterminer le revenu protégé de Tri-Holdings, ce revenu, à ce moment-là, tiendrait compte de ces impôts.

[52]  Aux fins de l’application du paragraphe 55(2) de la Loi, le gain en capital qui a été réduit doit être déterminé en fonction du gain en capital qui aurait été réalisé si les actions avaient été vendues, à une somme égale à leur juste valeur marchande, immédiatement avant le versement du dividende en question. La juste valeur marchande des actions et la partie du gain en capital qui en aurait résulté et qui serait attribuable au revenu gagné ou réalisé tiendraient compte de l’obligation fiscale qui, bien qu’elle ne soit pas exigible immédiatement, devra ultimement être payée. Rien n’indique, au moment précédant immédiatement le versement du dividende en cause, que l’obligation fiscale de Tri-Holdings aurait été inférieure au montant de l’impôt calculé par l’Agence du revenu du Canada.

[53]  Cette obligation fiscale ne disparaîtrait pas si, comme le prescrit le paragraphe 55(2) de la Loi, les actions de Tri-Holdings avaient été vendues immédiatement avant le versement du dividende en question. Par conséquent, dans l’évaluation des actions de Tri-Holdings à ce moment-là, on aurait tenu compte de cette obligation fiscale. Le revenu qui pourrait être raisonnablement considéré comme un revenu contribuant à cette juste valeur marchande (et donc à un gain en capital qui serait réalisé lors d’une disposition à cette juste valeur marchande) tiendrait compte des impôts à payer découlant de ce revenu gagné ou réalisé.

[54]  L’acquisition subséquente du logiciel par Tri-Holdings/0778285 BC Limited n’est pas un facteur à prendre en considération pour établir la juste valeur marchande des actions de Tri-Holdings au moment considéré. Ce n’est pas non plus un critère qui devrait avoir une incidence sur la détermination de la partie du gain en capital (qui aurait été réalisé lors de la vente des actions de Tri-Holdings, à ce moment-là, à leur juste valeur marchande) attribuable à un revenu gagné ou réalisé. Le seul élément de preuve au dossier est le fait que la demande de déduction liée à l’acquisition du logiciel a été refusée. Bien que des éléments de preuve indiquent qu’une opposition a été produite, déterminer si la société aurait gain de cause à la suite de son opposition ou appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt serait pure spéculation.

[55]  Quoi qu’il en soit, même si la déduction liée à l’acquisition subséquente du logiciel avait été admise, cela aurait soulevé la question de savoir pourquoi la réduction de l’obligation fiscale devrait être prise en compte au moment de déterminer le revenu protégé, et non la réduction du revenu qui se serait produite par suite de la demande d’une déduction pour amortissement. Il semblerait logique que, si le revenu doit être déterminé au moment de la détermination du revenu protégé, alors l’obligation fiscale de la société doive aussi être déterminée au même moment.

[56]  626 NB ne conteste pas le montant des impôts découlant de la récupération de la déduction pour amortissement, et le gain en capital imposable réalisé par Tri-Holdings était la somme calculée par l’Agence du revenu du Canada qui s’élevait à 1 081 586 $. Rien n’indique que, si les actions de Tri-Holdings avaient été vendues à un acheteur sans lien de dépendance au moment de la détermination du revenu protégé, l’obligation fiscale de Tri-Holdings n’aurait pas été la somme calculée par l’Agence du revenu du Canada (ou une somme plus élevée). La somme à ce moment-là pourrait avoir été plus élevée. Il semblerait que l’obligation fiscale réelle calculée par l’Agence du revenu du Canada était inférieure à la somme que les comptables avaient établie pour Tri-Holdings et qu’elle pourrait avoir tenu compte d’une réduction des impôts à payer découlant du changement de statut de Tri-Holdings qui est survenu après le 18 décembre 2006.

[57]  Quoi qu’il en soit, tout gain en capital qui aurait été réalisé lors d’une vente des actions de Tri-Holdings à leur juste valeur marchande aurait correspondu à tout le moins à la somme établie par l’Agence du revenu du Canada, comme montant de l’obligation fiscale que Tri-Holdings aurait encourue du fait de la vente de ses actifs.

[58]  Par conséquent, la partie du gain en capital qui aurait été attribuable à un revenu gagné ou réalisé (le revenu protégé) avant le versement du premier dividende serait égale à la somme nette après impôt réalisée par Tri-Holdings lors de la disposition de son bien immobilier. Cela signifierait que le revenu protégé avant le versement de tout dividende réputé aurait été égal au revenu réalisé lors de la disposition des actifs (3 079 184 $), moins l’impôt à payer découlant de cette disposition des actifs (1 081 586 $), soit 1 997 598 $. Bien que le revenu réalisé lors de la disposition par Tri-Holdings des actifs et que le montant de l’obligation fiscale liée à cette disposition d’actifs ne soient pas contestés, le montant du revenu protégé indiqué dans la réponse et dans les motifs du juge de la Cour canadienne de l’impôt s’élevait à 1 998 098 $. Il s’agit d’une différence mineure de 500 $ qui n’a pas d’incidence sur l’issue du présent appel, puisque le montant de la cotisation ne pourrait pas, quoi qu’il en soit, être augmenté dans un appel interjeté auprès de la Cour canadienne de l’impôt ou de notre Cour (Harris v. Minister of National Revenue, [1965] 2 R.C. de l’É., 653 au paragraphe 17, 64 D.T.C. 5332 et Petro-Canada c. Canada, 2004 CAF 158, aux paragraphes 65 et 68, 319 NR 261).

5)  Détermination du revenu protégé détenu le 18 décembre 2006

[59]  Le gain en capital applicable en l’espèce est celui qui aurait été réalisé si les actions de Tri-Holdings avaient été vendues immédiatement avant que le dernier dividende ait été réputé avoir été versé le 18 décembre 2006. Les opérations qui précédaient ce dividende (qui ont donné lieu à la majoration du prix de base rajusté des actions) sont pertinentes lorsqu’il vient le temps de déterminer le montant du revenu protégé restant qui pourrait être considéré comme un revenu contribuant à ce gain en capital. Chaque augmentation du capital versé qui a été effectuée pendant la période allant du 13 au 17 décembre a donné lieu à une cristallisation du revenu protégé en tant que partie intégrante du prix de base rajusté des actions de Tri-Holdings détenues par 626 NB et réduisait le revenu protégé détenu.

[60]  On peut trouver une explication à cette cristallisation du revenu protégé en examinant l’effet des augmentations du capital versé des actions de Tri-Holdings. Avant la première augmentation du capital versé, la juste valeur marchande des actions correspondait à la même somme que celle présumée plus haut. Toutes les augmentations du capital versé ont été effectuées simplement par les résolutions du seul administrateur de Tri-Holdings. Les actifs de Tri-Holdings n’ont pas changé.

[61]  Immédiatement avant la première augmentation du capital versé, le prix de base rajusté des actions de Tri-Holdings détenues par 626 NB était une somme nominale. Par conséquent, le gain en capital qui aurait été réalisé lors d’une disposition des actions de Tri-Holdings à leur juste valeur marchande avant la première augmentation du capital versé aurait été, en substance, égal à la juste valeur marchande des actions. Ce gain en capital aurait été d’environ 3 707 165 $ et la somme de 1 997 598 $ de ce gain en capital aurait été attribuable au revenu gagné ou réalisé par Tri-Holdings.

[62]  Avant le 18 décembre, le capital versé des actions de Tri-Holdings a été augmenté par étapes. Les dividendes réputés découlant de ces augmentations du capital versé peuvent être divisés en deux types de dividendes : les dividendes imposables et le dividende en capital. Les dividendes imposables seraient inclus dans le revenu de 626 NB aux termes de l’alinéa 12(1)j) et du paragraphe 82(1) de la Loi, et une déduction correspondante seraient demandée en application du paragraphe 112(1) de la Loi. Le dividende en capital ne serait pas inclus dans le revenu de 626 NB selon l’alinéa 83(2)b) de la Loi, et il n’y aurait aucune déduction correspondante aux termes du paragraphe 112(1) de la Loi. Par conséquent, le dividende en capital ne serait pas un dividende visé au paragraphe 55(2) de la Loi.

[63]  Les augmentations du capital versé et les dividendes réputés correspondants (autres que le dividende en capital) pour la période allant du 13 au 17 décembre (qui n’incluraient pas la dernière augmentation du capital versé qui fait l’objet du présent appel) ont majoré le prix de base rajusté des actions de 1 879 120 $. Toutes ces augmentations du prix de base rajusté (et, par conséquent, la réduction du gain en capital) seraient attribuables au revenu protégé de Tri-Holdings. Le paragraphe 55(2) de la Loi ne s’appliquait donc pas aux dividendes réputés qui découlaient de ces augmentations du prix de base rajusté des actions. L’augmentation supplémentaire découlant du dividende en capital réputé a permis d’ajouter 1 319 500 $ au prix de base rajusté des actions. Le prix de base rajusté total des actions, immédiatement avant la dernière augmentation du capital versé, était de 3 198 620 $.

[64]  Par conséquent, le gain en capital qui aurait été réalisé lors d’une vente des actions de Tri-Holdings à leur juste valeur marchande, comme il a été indiqué au paragraphe 35 ci-dessus, aurait été de 508 545 $ (3 707 165 $ – 3 198 620 $), immédiatement avant la dernière augmentation du capital versé. Le prix de base rajusté des actions, à ce moment-là, indiquait un revenu protégé de 1 879 120 $ qui était devenu ce prix de base rajusté. Par conséquent, la seule partie de ce gain en capital qui serait attribuable au revenu protégé serait la différence entre le revenu protégé déterminé au moment de la détermination du revenu protégé, comme il a été indiqué au paragraphe 58 ci-dessus (1 997 598 $) et le revenu protégé qui a donné lieu au prix de base rajusté des actions, comme cela a été mentionné précédemment (1 879 120 $), soit 118 478 $. Bien que la dernière augmentation du capital versé ait été effectuée à titre d’ajout au capital déclaré des actions, en établissant la nouvelle cotisation de 626 NB, un crédit a été accordé pour le revenu protégé restant détenu que l’Agence du revenu du Canada a établi.

[65]  Ce dividende de clôture réputé de 569 093 $ ayant réduit considérablement le gain en capital qui aurait été réalisé par 626 NB lors de la vente de ses actions à leur juste valeur marchande, et cette réduction n’ayant pas été attribuable au revenu gagné ou réalisé, le paragraphe 55(2) de la Loi s’appliquait.

6)  Détermination du revenu protégé dans le mémoire

[66]  Il convient également de mentionner que le calcul du revenu protégé comme revenu gagné ou réalisé, moins les impôts à payer relativement à ce revenu, est conforme au mémoire. Dans le mémoire, l’auteur a déclaré au paragraphe 6 des [traduction] « étapes techniques », ce qui suit : [traduction] « [c]e surplus protégé comprendra la partie imposable de la disposition du bien, moins l’obligation fiscale calculée plus haut ». L’obligation fiscale calculée plus haut a permis d’estimer le montant des impôts à 1 400 000 $ selon le revenu imposable estimé de 3 500 000 $.

7)  Bénéfices non répartis indiqués dans le bilan

[67]  Le montant du revenu protégé serait aussi conforme au bilan préparé pour Tri-Holdings le 3 novembre 2006 qui révèle des bénéfices non répartis s’élevant à 3 198 620 $. Aux fins de comptabilité, ces bénéfices non répartis incluraient la partie non imposable du gain en capital. Une fois la partie non imposable du gain en capital déduite, les bénéfices non répartis s’élèveraient à 1 879 123 $. L’estimation de l’impôt indiquée dans le bilan était de 1 200 564 $. Les bénéfices non répartis de 3 198 620 $ correspondent à la somme totale de laquelle le prix de base rajusté des actions a été majoré (3 198 620 $) avant la dernière augmentation du capital versé de 569 093 $ qui a été effectuée le 18 décembre 2006 et qui fait l’objet du contentieux dans le présent appel. Comme cela a été mentionné précédemment, cette dernière augmentation du capital versé n’a été effectuée que pour faire en sorte que le prix de base rajusté des actions corresponde à la somme que le tiers acquéreur aurait à payer.

B.  Analyse contextuelle et téléologique

[68]  626 NB a affirmé que l’application du paragraphe 55(2) de la Loi au dividende de clôture réputé n’est pas conforme au contexte et à l’objet de ce paragraphe. Je ne souscris toutefois pas à cette observation de 626 NB. Le paragraphe 55(2) de la Loi est une disposition anti-évitement qui empêche une société actionnaire de convertir ce qui serait par ailleurs un gain en capital imposable lors d’une disposition d’actions en un dividende intersociété qui serait déductible en vertu du paragraphe 112(1) de la Loi. Le contexte et l’objet de cette disposition sont de permettre à une personne de réduire le gain en capital d’une somme qui tient compte de tout revenu qui a été gagné ou réalisé en application de la Loi. Le revenu gagné en application de la Loi donnera lieu à un impôt à payer et cela sera indiqué dans la juste valeur marchande des actions et dans la partie du gain en capital (qui serait réalisé lors d’une vente d’actions à cette juste valeur marchande) qui est attribuable au revenu gagné ou réalisé. Tout acheteur tiendrait compte de toute obligation fiscale existante d’une société qu’il achète.

[69]  En l’espèce, 626 NB a fait valoir qu’aucun actif de Tri-Holdings n’avait fait l’objet d’une plus-value exempte d’impôt et que l’objet du paragraphe 55(2) de la Loi était d’empêcher les contribuables de convertir toute plus-value exempte d’impôt en un dividende qui serait déductible en vertu du paragraphe 112(1) de la Loi. Cependant, le paragraphe 55(2) de la Loi est fondé sur l’analyse du gain en capital qui serait réalisé lors de la vente d’actions à leur juste valeur marchande, puis sur la détermination de la partie de ce gain en capital qui est attribuable au revenu protégé. Par conséquent, aux fins de l’application du paragraphe 55(2) de la Loi, l’explication du montant du gain en capital comprend deux catégories : le revenu protégé et autre chose.

[70]  En l’espèce, il existe un gain en capital non expliqué égal à la différence entre la somme payée par le tiers acquéreur et les actifs nets de Tri-Holdings. Comme cela a été confirmé lors de l’audition du présent appel, les seuls éléments d’actif importants de Tri-Holdings au moment considéré étaient les fonds reçus de la vente de son bien et une somme due par son actionnaire. Il n’existerait aucun gain en capital inhérent non réalisé sur ces actifs. Une évaluation fondée uniquement sur le montant de ces actifs et le passif de Tri-Holdings (qui inclurait l’obligation fiscale déclarée par les comptables pour Tri-Holdings dans le bilan daté du 3 novembre 2006) produirait une somme considérablement moins élevée que celle versée par l’acheteur sans lien de dépendance en ce qui concerne la juste valeur marchande des actions. Le bilan préparé par les comptables à l’intention de Tri-Holdings indique qu’au 3 novembre 2006 (soit après la vente du bien immobilier), les bénéfices non répartis de Tri-Holdings s’élevaient à 3 198 620 $ (ce qui est considérablement inférieur au prix d’achat de 3 707 165 $ payé pour les actions ordinaires).

[71]  Si la juste valeur marchande des actions de Tri-Holdings était inférieure à 3 707 165 $ le 18 décembre 2006, cela pourrait soulever des questions quant à savoir si la dernière augmentation du capital versé était valide en vertu de la Loi sur les corporations commerciales, L.N.-B. 1981, c B-9.1.

[72]  Cependant, que ce soit lors de l’audience devant la Cour canadienne de l’impôt ou dans le présent appel, 626 NB n’a soulevé aucune question quant à savoir si la juste valeur marchande des actions pourrait avoir été inférieure à 3 707 165 $ le 18 décembre 2006. Dans le présent appel, 626 NB a affirmé que la juste valeur marchande des actions de Tri-Holdings devrait être la somme payée par le tiers acquéreur. Pour les motifs susmentionnés, on présume qu’il s’agit de la juste valeur marchande des actions de 626 NB. L’utilisation de la somme versée par l’acheteur sans lien de dépendance comme étant la juste valeur marchande des actions de Tri-Holdings permet de faire une distinction entre l’espèce et l’affaire VIH Logging où le contribuable a fait valoir que la juste valeur marchande des actions de 401 BC, immédiatement avant le versement du dividende en actions, n’était qu’une somme nominale, bien que les actions aient été vendues pour une somme importante peu après.

[73]   Il est désormais trop tard pour que 626 NB soulève des arguments qui donneraient lieu à une évaluation des actions inférieure à la somme versée par le tiers acquéreur sans lien de dépendance ou qui seraient susceptibles de le faire. Par conséquent, il y aurait eu un gain en capital réalisé lors de la vente des actions de Tri-Holdings s’élevant à 3 707 165 $, immédiatement avant la dernière augmentation du capital versé, qu’aucun revenu gagné ou réalisé par Tri-Holdings ne peut expliquer. À mon avis, soumettre à l’impôt ce gain en capital inexpliqué (en convertissant effectivement en un gain en capital le dividende qui aurait d’une façon ou d’un autre éliminé ce gain) s’inscrit dans le cadre de l’objet du paragraphe 55(2) de la Loi.

[74]  Le moyen par lequel ce dividende est effectivement converti en gain en capital est le suivant. L’alinéa 55(2)a) de la Loi dispose que la somme en cause soit réputée ne pas être un dividende. Par conséquent, il n’y a pas d’ajout au prix de base rajusté des actions pour cette somme en application de l’alinéa 53(1)b) de la Loi. La vente subséquente des actions pour 3 707 165 $ donne lieu à une augmentation du gain en capital (car le prix de base rajusté des actions est plus faible). La somme en question étant par ailleurs prise en compte dans la somme payée par le tiers, aucune somme supplémentaire ne serait ajoutée au produit aux termes de l’alinéa 55(2)b) de la Loi.

V.  Conclusion

[75]  Pour ces motifs, je suis d’avis de rejeter le présent appel, avec dépens. Les parties, après l’audience, ont confirmé qu’elles étaient parvenues à un accord sur les dépens et que la partie ayant obtenu gain de cause aurait droit à des dépens établis à 1 500 $ (y compris les débours). Je fixerais donc le montant total des dépens à 1 500 $, y compris les débours.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

D.G. Near j.c.a. »

« Je suis d’accord.

J.B. Laskin j.c.a. »

Traduction certifiée conforme.

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT DATÉ DU

25 MAI 2018, RÉFÉRENCE NO 2018 CCI 100 (DOSSIER NO 2014-4756(IT)G)

DOSSIER :

A-187-18

 

INTITULÉ :

626468 NEW BRUNSWICK INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 30 octobre 2019

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LE JUGE LASKIN

DATE DES MOTIFS :

Le 10 décembre 2019

COMPARUTIONS :

R. Daren Baxter, c.r.

Brian K. Awad

Pour l’appelante

Amy Kendell

Pour l’intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McInnes Cooper

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

Pour l’appelante

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimée

 

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