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Date : 20191217


Dossier : A-395-18

Référence : 2019 CAF 317

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

LA JUGE RIVOALEN

 

 

ENTRE :

GEORGE GANTCHEFF

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉRÉRAL DU CANADA

défendeur

Audience tenue à Montréal (Québec), le 17 décembre 2019.

Jugement rendu à l’audience à Montréal (Québec), le 17 décembre 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE GLEASON

 


Date : 20191217


Dossier : A-395-18

Référence : 2019 CAF 317

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

LA JUGE RIVOALEN

 

 

ENTRE :

GEORGE GANTCHEFF

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉRÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Montréal (Québec), le 17 décembre 2019.)

LA JUGE GLEASON

[1]  La présente est une demande le contrôle judiciaire de la décision de la Commission de révision agricole du Canada (la Commission), rendue le 7 novembre 2018 (2018 CRAC 14), dans laquelle la Commission a confirmé la décision du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile à l’effet que le demandeur avait enfreint le paragraphe 16(1) de la Loi sur la santé des animaux, L.C. 1990, ch. 21 (la Loi) et était tenu de payer la sanction pécuniaire qui lui avait été imposée.

[2]  Le demandeur est arrivé au Canada à bord d’un vol privé revenant de Bulgarie suite à un arrêt aux États-Unis. Il a amené avec lui, pour consommer durant le vol, les piments farcis au bœuf qui avaient été préparés par un membre de sa famille en Bulgarie. Le demandeur et les autres passagers n’ont pas pu manger tous les piments farcis durant le vol et le demandeur a ainsi mis les piments qui restaient dans des sacs de Métro. Selon lui, il avait l’intention de les jeter.

[3]  Le demandeur a effectué une déclaration douanière à la veille de son arrivée au Canada. Cette déclaration ne comportait pas de mention que le demandeur importerait des piments farcis au bœuf. Le demandeur n’a pas amendé cette déclaration par l’entremise du pilote pour tenir compte du fait qu’il avait l’intention de laisser des piments farcis à bord de l’avion pour être mis aux ordures.

[4]  Suite à l’atterrissage, l’Agence des services frontaliers du Canada (l’Agence) a procédé à une inspection et une agente a découvert le sac contenant des piments farcis qui n’avaient pas été déclarés. Le demandeur a confirmé que les piments farcis lui appartenaient et a indiqué qu’ils étaient destinés à la poubelle. L’Agence a constaté que le demandeur avait violé le paragraphe 16(1) de la Loi puisqu’il avait importé au Canada un sous-produit animal, à savoir les piments farcis au bœuf. Un avis de violation a alors été émis en vertu de l’article 7 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, L.C. 1995, ch. 40 (la Loi sur les sanctions) et une sanction administrative pécuniaire de 1 300$ a été imposée. Le 26 novembre 2015, le demandeur a demandé la révision de l’avis de violation, et le 21 juillet 2016, le Ministre a confirmé l’avis de violation en rejetant la demande de révision.

[5]  Le 11 août 2016, le demandeur a demandé la révision de la décision du Ministre à la Commission. Cette dernière a conclu dans la décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire que la décision du Ministre n’était pas erronée. La Commission a notamment indiqué que le demandeur avait reconnu être le propriétaire de la nourriture ; qu’il n’était pas contesté que les piments farcis provenaient de Bulgarie et que le bœuf de ce pays est interdit au Canada ; qu’il n’était pas contesté que la nourriture n’avait pas été déclarée via le pilote de l’avion ; que les défenses et motifs soulevés par le demandeur ne sont pas admissibles en vertu de la Loi sur les sanctions ; et que l’Agence a démontré que le demandeur avait importé un sous-produit animal en contravention du paragraphe 16(1) de la Loi.

[6]  Le demandeur fait valoir que la décision ne peut être maintenue puisqu’il n’avait pas à déclarer la nourriture qui devait rester dans l’avion et qui devait être jetée, surtout parce que la Loi et les renseignements émis par l’Agence ne le prévoient pas clairement. Il ajoute qu’il n’avait pas l’intention d’importer ces aliments au Canada, et que le concept d’importer implique un but d’en faire usage et d’en prendre possession après l’entrée au Canada, ce qui n’était pas le cas.

[7]  Devant nous, la seule question qui se pose est celle de savoir si la décision de la Commission est raisonnable puisque la norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la décision raisonnable.

[8]  Nous estimons que la décision de la Commission est raisonnable pour deux motifs. Premièrement, il n’était pas déraisonnable de conclure que le demandeur avait violé le paragraphe 16(1) de la Loi et qu’il a importé les piments farcis au Canada parce qu’il les a amenés au pays. Deuxièmement, le manque d’intention de la part du défendeur n’est pas pertinent puisque le régime des sanctions pécuniaires mis en place par la Loi sur les sanctions crée un régime de responsabilité absolue.

[9]  Plus spécifiquement, le paragraphe 18(1) de la Loi sur les sanctions prévoit qu’un contrevenant ne peut invoquer en défense le fait qu’il a pris les mesures nécessaires pour empêcher la violation ou qu’il croyait raisonnablement et en toute honnêteté à l’existence de faits qui, avérés, l’exonèreraient. Tel qu’indiqué par le juge Létourneau dans l’affaire Doyon c. Canada (Procureur général) (2009 CAF 152, 395 N.R. 176) au paragraphe 27, ce régime incorpore « les éléments les plus punitifs du droit pénal en prenant soin d'en écarter les moyens de défense utiles et de diminuer le fardeau de preuve du poursuivant. Une responsabilité absolue, découlant d'un actus reus que le poursuivant n'a pas à établir hors de tout doute raisonnable, laisse au contrevenant bien peu de moyens de disculpation. »

[10]  Vu la portée du paragraphe 18(1) de la Loi sur les sanctions, la décision de la Commission en l’espèce ne peut être qualifiée de déraisonnable. Cette demande sera ainsi rejetée avec dépens.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-395-18

 

 

INTITULÉ :

GEORGE GANTCHEFF c. LE PROCUREUR GÉRÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 décembre 2019

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

LA JUGE RIVOALEN

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE :

LA JUGE GLEASON

 

COMPARUTIONS :

Elisabeth Ouaknine

 

Pour le demandeur

 

Dominique Guimond

Geneviève Bourbonnais

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Elisabeth Ouaknine

Avocate

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur

 

Ottawa (Ontario)

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