Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20191218


Dossier : A-174-19

Référence : 2019 CAF 316

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NEAR

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

 

ENTRE :

HAMID ALAKOZAI

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 26 novembre 2019.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 18 décembre 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

 


Date : 20191218


Dossier : A-174-19

Référence : 2019 CAF 316

CORAM :

LE JUGE NEAR

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

 

ENTRE :

HAMID ALAKOZAI

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NEAR

I.  Aperçu

[1]  L’appelant, M. Hamid Alakozai, interjette appel d’une décision de la Cour fédérale en date du 1er mai 2019, qui a rejeté sa demande de contrôle judiciaire parce qu’elle a conclu que la décision de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), qui a rejeté sa demande en vue d’obtenir une cote de fiabilité approfondie, était raisonnable.

II.  Résumé des faits

[2]  L’appelant, à la fois citoyen du Canada et de l’Afghanistan, travaille actuellement pour le Corps canadien des commissionnaires et détient une cote de sécurité de niveau secret de la fonction publique, telle que définie dans la Norme sur le filtrage de sécurité du Conseil du Trésor du Canada (norme du SCT). En septembre 2015, l’appelant a présenté une demande en vue de devenir membre régulier de la GRC. Comme condition préalable à l’emploi à titre de membre régulier, qui exige une cote de sécurité de niveau secret, l’appelant était tenu d’obtenir une cote de fiabilité approfondie. Sur présentation de la demande de l’appelant, la GRC a entamé son processus interne de filtrage de sécurité. Dans le cadre du processus, l’appelant était tenu de se soumettre à un test polygraphique préalable à l’emploi et à une entrevue de sécurité et de faire l’objet d’une évaluation par un enquêteur de la GRC afin de vérifier son identité, ses diplômes d’études et ses compétences professionnelles, de même que son honnêteté et sa loyauté.

[3]  Le processus de filtrage de la GRC a fait ressortir un certain nombre de préoccupations à l’égard de l’appelant, surtout en ce qui concerne sa présence en ligne et sur les réseaux sociaux. Ces préoccupations ont été exprimées dans le Rapport de continuation, rédigé par l’enquêteur de la GRC, qui a été continuellement mis à jour avec l’ajout d’inscriptions datant du 27 novembre 2017 au 7 mars 2018. Ces préoccupations comprenaient les descriptions que l’appelant se faisait de lui-même, notamment comme [traduction] « ambassadeur de l’humanité », médecin, conseiller juridique principal, consultant juridique et politique international et dirigeant du parti afghan National Uprising.

[4]  L’enquêteur de la GRC a également souligné dans le Rapport de continuation les apparitions de l’appelant dans diverses vidéos sur YouTube, dont l’une d’entre elles identifiait l’appelant comme le [traduction« prochain président de l’Afghanistan ». L’enquêteur de la GRC a également révélé dans le Rapport de continuation que l’appelant avait plus de 2 000 amis Facebook dont l’un d’eux, selon les experts en sécurité nationale, était membre d’un groupe extrémiste.

[5]  L’enquêteur a décidé de faire faire passer une entrevue complémentaire à l’appelant pour lui donner la possibilité de fournir des explications sur les sujets de préoccupation. Le 15 janvier 2018, l’appelant s’est présenté à une deuxième entrevue. Au cours de cette entrevue, l’appelant a attribué les fausses déclarations à des différences culturelles et linguistiques entre le Canada et l’Afghanistan. L’appelant a mentionné à l’enquêteur qu’il ne connaissait pas personnellement la plupart de ses amis Facebook, que son épouse avait accès à son compte et qu’elle pouvait avoir accepté plusieurs demandes d’amitié sans discernement. Il a également déclaré que, malgré ce qu’il disait sur Facebook, il n’était plus engagé dans le parti politique afghan qu’il avait fondé et qu’il ne vivait plus à Kaboul. Il a indiqué qu’il faisait le ménage de son compte Facebook et qu’il avait discuté avec sa femme de l’importance d’examiner minutieusement les demandes d’amitié.

[6]  L’enquêteur a demandé un réexamen des comptes de médias sociaux de l’appelant deux mois après la deuxième entrevue. Le réexamen a révélé que l’appelant n’avait pas corrigé les fausses déclarations ni supprimé les amis Facebook posant problème, et qu’en fait, il avait accepté d’autres contacts douteux. Un autre réexamen mené le 22 mars 2018 a indiqué que l’appelant n’avait toujours pas corrigé les fausses déclarations.

[7]  Dans une note de service adressée au directeur général de la Sous-direction de la sécurité ministérielle de la GRC (« le directeur »), en date du 16 avril 2018, l’enquêteur a recommandé que la demande de l’appelant visant l’obtention d’une cote de fiabilité approfondie soit rejetée. Cette recommandation était fondée sur les ambitions politiques afghanes apparentes de l’appelant, les problèmes de sécurité auxquels faisaient face la famille de l’appelant en Afghanistan, les nombreuses inexactitudes et fausses déclarations dans les comptes de médias sociaux de l’appelant, le fait qu’il acceptait des amis Facebook qui semblaient adopter un extrémisme violent et son omission de prendre des mesures correctives à l’égard des inquiétudes soulevées par la GRC quant aux réseaux sociaux, qui, selon l’enquêteur, dénotaient un manque de discernement.

[8]  Le 4 juin 2018, la GRC a envoyé une lettre à l’appelant l’informant que le directeur avait rejeté sa demande visant l’obtention d’une cote de fiabilité approfondie au motif qu’il se livrait à des comportements et à des activités qui avaient des incidences sur la sécurité et la fiabilité. Ces comportements et activités comprenaient notamment l’association, l’affiliation ou les communications avec des personnes mêlées à des activités criminelles, un manque d’honnêteté en fournissant des renseignements vagues, trompeurs ou faux pendant le contrôle de sécurité. L’appelant a demandé le contrôle judiciaire de la décision défavorable.

III.  Décision de la Cour fédérale

[9]  Lors du contrôle judiciaire, la Cour fédérale a conclu que la norme de contrôle applicable était celle de la décision raisonnable.

[10]  La Cour fédérale a souligné que la norme du SCT accorde aux administrateurs généraux de tous les ministères le pouvoir discrétionnaire de déterminer les exigences particulières de leur ministère en matière de filtrage de sécurité. Par conséquent, il incombe aux fonctionnaires de la GRC d’évaluer la fiabilité des demandeurs pour des postes au sein de la GRC conformément aux politiques internes de la GRC. La Cour fédérale a également souligné que l’appelant avait bénéficié de l’équité procédurale tout au long du processus, qu’il avait l’occasion de répondre aux préoccupations de l’enquêteur au cours de la deuxième entrevue et d’apporter des modifications aux comptes de médias sociaux qui posaient problème.

[11]  La Cour fédérale a conclu que le directeur disposait d’éléments de preuve suffisants pour conclure que la demande de l’appelant visant l’obtention d’une cote de fiabilité approfondie devrait être rejetée et que la décision était donc raisonnable. La Cour a donc rejeté la demande de contrôle judiciaire.

IV.  Question en litige

[12]  En l’espèce, la question en litige est de savoir si la Cour fédérale a choisi la norme de contrôle appropriée et si elle l’a appliquée correctement; voir l’arrêt Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, aux paragraphes 45 à 47.

V.  Analyse

[13]  Lors du contrôle judiciaire, le rôle de la Cour fédérale n’est pas de réévaluer la preuve. Il est plutôt de déterminer si la décision du directeur était raisonnable compte tenu des éléments de preuve dont il était saisi. De la même façon, le rôle de notre Cour, en appel, se limite à déterminer si la Cour fédérale a choisi la norme de contrôle appropriée et l’a appliquée correctement.

[14]  Je suis d’avis que la Cour fédérale a correctement choisi la norme de contrôle qui s’applique aux décisions concernant la cote de sécurité, soit celle de la décision raisonnable : (Varin c. Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2016 CF 213, au paragraphe 19; Canada (Ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités) c. Jagjit Singh Farwaha, 2014 CAF 56, au paragraphe 86). La Cour fédérale a également appliqué correctement la norme de contrôle. Une décision raisonnable doit être justifiée, transparente et intelligible, et elle doit appartenir aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47.

[15]  La loyauté de l’appelant envers le Canada, sur laquelle l’appelant a mis l’accent dans son mémoire et tout au long de l’audience, n’est pas en cause dans la présente instance et n’a pas influencé la décision du directeur. Plutôt, comme il a été communiqué à l’appelant dans la lettre de la GRC en date du 4 juin 2018, la décision était fondée sur le fait que l’appelant se livrait à des comportements et à des activités qui avaient des incidences sur la sécurité et la fiabilité. Deux exemples sont présentés dans la lettre. Le premier a trait à l’association, à l’affiliation ou aux communications de l’appelant avec des personnes qui avaient été mêlées à des activités criminelles. Plus précisément, la GRC était préoccupée par le fait que l’appelant avait des amis Facebook qui, selon les experts en sécurité nationale, étaient probablement membres d’un groupe extrémiste. Le deuxième exemple concernait le manque d’honnêteté de l’appelant lorsqu’il a fourni des renseignements vagues, trompeurs ou faux pendant le contrôle de sécurité. Je suis d’avis que ces motifs suffisent à justifier la décision. En outre, je suis d’avis que la décision était également transparente et intelligible.

[16]  Il était loisible au directeur de rendre sa décision au regard des faits et du droit. La GRC était saisie de nombreux éléments de preuve à l’appui d’une décision de refuser d’accorder une cote de fiabilité approfondie. Les éléments de preuve comprenaient les deux exemples expressément mentionnés dans la lettre à l’appelant ainsi que les autres préoccupations de l’enquêteur soulignées dans sa recommandation, y compris les ambitions politiques afghanes apparentes de l’appelant et les problèmes de sécurité auxquels faisait face la famille de l’appelant en Afghanistan. Je ne vois donc pas d’erreur dans l’application de la norme de contrôle par la Cour fédérale.

VI.  Conclusion

[17]  Pour ces motifs, je rejetterais l’appel, sans dépens.

« D. G. Near »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

J.B. Laskin, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Anne L. Mactavish, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme.Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR FÉDÉRALE DATÉ DU 1er MAI 2019, RÉFÉRENCE NO 2019 CF 550, DOSSIER NO T-1267-18

DOSSIER :

A-174-19

 

INTITULÉ :

HAMID ALAKOZAI c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 NOVEMBRE 2019

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS :

LE 18 DÉCEMBRE 2019

COMPARUTIONS :

Hamid Alakozai

POUR SON PROPRE COMPTE

Gregory Tzemenakis

Elsa Michel

POUR L’INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

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