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Date : 20200123


Dossier : A-272-18

Référence : 2020 CAF 21

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE STRATAS

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

PANGAEA ONE ACQUISITION

HOLDINGS XII S.À.R.L.,

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 22 janvier 2020.

Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 23 janvier 2020.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE WOODS

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE STRATAS

 


Date : 20200123


Dossier : A-272-18

Référence : 2020 CAF 21

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE STRATAS

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

PANGAEA ONE ACQUISITION

HOLDINGS XII S.À.R.L.,

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE WOODS

[1]  L’appelante, Pangaea One Acquisition Holdings XII S.À.R.L., fait appel d’un jugement de la Cour canadienne de l’impôt (2018 CCI 158, rendu par le juge Smith) qui a confirmé une cotisation d’impôt établie sous le régime de la partie XIII de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.).

[2]  Pangaea est une société constituée en personne morale sous le régime des lois luxembourgeoises et est non-résidente du Canada.

[3]  En 2013, Telus Communications Inc. a offert d’acheter toutes les actions de Public Mobile Holdings Inc. À l’époque, les actions étaient détenues par trois actionnaires, dont Pangaea. Conformément à une entente unanime des actionnaires, Pangaea disposait d’un droit de veto empêchant les autres actionnaires de vendre leurs actions sans son consentement.

[4]  Pangaea a clairement indiqué qu’elle n’était pas disposée à vendre au prix proposé. Afin d’inciter Pangaea à accepter l’offre, un autre actionnaire, Thomvest Seed Capital Inc. a versé un paiement à Pangaea conformément à une lettre d’accord. Aux termes de cette entente, Thomvest a versé 3 000 000 $ à Pangaea en contrepartie de sa volonté de signer un accord d’achat d’actions proposé avec Telus. Dans l’accord d’achat d’actions, chacun des trois actionnaires de Public Mobile accepterait de vendre ses actions à Telus. Peu après la signature de la lettre d’accord avec Thomvest, la convention d’achat d’actions a été signée par les parties.

[5]  Thomvest a retenu l’impôt sous le régime de la partie XIII sur le paiement de 3 000 000 $ versé à Pangaea. Pangaea a demandé au ministre du Revenu national le remboursement de cet impôt, qui lui a été refusé.  Le ministre a également établi une cotisation d’impôt à Pangaea aux termes du paragraphe 227(7) de la Loi. Pangaea a interjeté appel de cette cotisation devant la Cour de l’impôt.

[6]  La cotisation du ministre a été établie sur la base du fait que le paiement de 3 000 000 $ se rapportait à une clause restrictive qui était assujettie à l’impôt de la partie XIII aux termes du paragraphe 56.4(2) et de l’alinéa 212(1)i) de la Loi. L’expression « clause restrictive » est définie au paragraphe 56.4(1) de la Loi :

clause restrictive En ce qui concerne un contribuable, accord, engagement ou renonciation à un avantage ou à un droit, ayant force exécutoire ou non, qui est conclu, pris ou consenti par lui et qui influe, ou vise à influer, de quelque manière que ce soit, sur l’acquisition ou la fourniture de biens ou de services par lui ou par un autre contribuable avec lequel il a un lien de dépendance, à l’exception d’un accord ou d’un engagement qui, selon le cas :

restrictive covenant, of a taxpayer, means an agreement entered into, an undertaking made, or a waiver of an advantage or right by the taxpayer, whether legally enforceable or not, that affects, or is intended to affect, in any way whatever, the acquisition or provision of property or services by the taxpayer or by another taxpayer that does not deal at arm’s length with the taxpayer, other than an agreement or undertaking

a) dispose des biens du contribuable;

(a) that disposes of the taxpayer’s property; or

b) a pour objet l’exécution d’une obligation visée à l’article 49.1 qui ne constitue pas une disposition, sauf si l’obligation se rapporte à un droit sur des biens ou des services que le contribuable a acquis pour une somme inférieure à leur juste valeur marchande. 

(b) that is in satisfaction of an obligation described in section 49.1 that is not a disposition except where the obligation being satisfied is in respect of a right to property or services that the taxpayer acquired for less than its fair market value. 

[7]  La Cour de l’impôt a conclu que la lettre d’accord était une clause restrictive, telle que définie, et que le paiement effectué aux termes de celle-ci était soumis à l’impôt aux termes de l’alinéa 212(1)i) de la Loi.

[8]  Devant notre Cour, Pangaea soutient que l’arrangement n’est pas visé par la définition de l’expression « clause restrictive » parce qu’il n’influe pas, ou ne vise pas à influer, de quelque manière que ce soit, sur la fourniture de biens par Pangaea. Cette argumentation comporte deux volets.

[9]  Tout d’abord, Pangaea soutient que la Cour de l’impôt a commis une erreur en se concentrant sur les éléments visés par la lettre d’accord. Pangaea suggère que la Cour aurait dû se concentrer plutôt sur la renonciation par Pangaea à son droit de veto aux termes de l’entente unanime des actionnaires. Elle soutient que cette renonciation n’a pas influé sur la fourniture de biens par Pangaea et qu’elle ne relevait donc pas de la définition de « clause restrictive ».

[10]  La Cour de l’impôt n’a pas commis d’erreur en se concentrant sur la lettre d’accord. La question pertinente est de savoir si le paiement de 3 000 000 $ à Pangaea « a trait à une clause restrictive » (paragraphe 56.4(2) et alinéa 212(1)i) de la Loi). Étant donné que le paiement de 3 000 000 $ a été effectué aux termes de la lettre d’accord, la Cour de l’impôt n’a pas commis d’erreur en se concentrant sur les conditions de cet accord. La lettre d’accord prévoit que la somme de 3 000 000 $ est versée pour la signature par Pangaea de la convention d’achat d’actions avec Telus. La lettre d’accord ne fait pas référence au droit de veto de Pangaea aux termes de l’entente unanime des actionnaires. Par conséquent, la Cour de l’impôt n’a pas commis d’erreur en se concentrant sur les conditions réelles de la lettre d’accord.

[11]  Deuxièmement, Pangaea soutient que la définition de « clause restrictive » est correctement interprétée pour n’inclure que les ententes de non-concurrence. Elle suggère que cet argument est étayé par une interprétation textuelle, contextuelle et téléologique de l’expression « influe, ou vise à influer, de quelque manière que ce soit, sur l’acquisition ou la fourniture de biens ou de services par [le contribuable] ». Il s’agit d’une question de droit assujettie à la norme de contrôle de la décision correcte (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 RCS 235).

[12]  À mon avis, le texte, le contexte et l’objectif de la Loi ne soutiennent aucunement la thèse de Pangaea.

[13]  Quant au libellé, il est clair que le langage utilisé ne se limite pas aux ententes de non-concurrence. La disposition précise qu’une clause restrictive comprend un instrument « qui influe, ou vise à influer, de quelque manière que ce soit » sur la fourniture de biens par un contribuable. Une telle formulation inclusive tend à réfuter l’affirmation selon laquelle le libellé est censé s’appliquer uniquement aux ententes de non-concurrence.

[14]  Quant au contexte, Pangaea soutient qu’une interprétation textuelle de l’article 56.4 de la Loi conduit à certains résultats qui n’étaient pas voulus par le législateur. Elle fait référence à des circonstances impliquant des améliorations locatives et à l’article 42 de la Loi. Cette observation ne soutient pas l’interprétation très étroite suggérée par Pangaea. Même si une interprétation textuelle de l’article 56.4 donne lieu à certaines applications de la disposition qui n’étaient pas voulues par le législateur, cette raison n’est pas suffisante pour conclure que la disposition ne s’applique qu’aux ententes de non-concurrence.

[15]  En ce qui concerne l’interprétation téléologique, Pangaea fait référence aux commentaires du ministre des Finances lors de l’introduction de la disposition en 2003, et aux commentaires d’un fonctionnaire du ministère des Finances lors de sa comparution devant un Comité sénatorial en 2008. Ni l’un ni l’autre de ces commentaires ne soutient l’interprétation étroite suggérée par Pangaea.

[16]  L’interprétation de l’expression « clause restrictive » suggérée par Pangaea est rejetée. À mon avis, la lettre d’accord entre Pangaea et Thomvest est une « clause restrictive » telle que définie, car l’entente est destinée à influer sur la fourniture de biens par Pangaea en ayant un effet sur leur disposition. L’intention de la lettre d’accord est d’obliger Pangaea à vendre ses actions de Public Mobile en signant la convention d’achat d’actions avec Telus. Ainsi, la convention est destinée à influer sur la disposition par Pangaea de ses actions de Public Mobile.

[17]  Je rejetterais l’appel avec dépens établis à 1 500 $ (débours compris).

« Judith Woods »

j.c.a.

« Je suis d’accord

Eleanor R. Dawson, j.c.a. »

« Je suis d’accord

David Stratas, j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-272-18

 

 

INTITULÉ :

PANGAEA ONE ACQUISITION

HOLDINGS XII S.À.R.L. c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 22 janvier 2020

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE WOODS

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE STRATAS

 

DATE DES MOTIFS :

Le 23 janvier 2020

 

COMPARUTIONS :

Margaret Nixon

Pour l’appelante

 

Yanick Houle

 

Pour l’intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stikeman Elliott LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour l’appelante

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

 

Pour l’intimée

 

 

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