Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20200123


Dossier : A-160-18

Référence : 2020 CAF 17

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

BRADMAN LEE

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimés

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 16 janvier 2020.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 23 janvier 2020.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE PELLETIER

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LE JUGE DE MONTIGNY

 


Date : 20200123


Dossier : A-160-18

Référence : 2020 CAF 17

CORAM :

LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

BRADMAN LEE

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PELLETIER

[1]  M. Lee interjette appel du rejet par un juge de la Cour fédérale (2018 CF 504) de son appel à l’égard de l’ordonnance rendue par un protonotaire radiant sa déclaration, pour le motif qu’elle était scandaleuse, frivole ou vexatoire et qu’elle constituait un abus de procédure aux termes de l’article 221 des Règles des Cours fédérales, D.O.R.S./98-106 (les Règles). La déclaration visait à obtenir des dommages-intérêts ou d’autres mesures de réparation à l’encontre de Sa Majesté la Reine et du ministre du Revenu national.

[2]  Les plaintes de M. Lee concernent l’administration fiscale et les activités d’exécution et de recouvrement entreprises par le personnel de l’Agence de revenu du Canada en raison de la déclaration partielle et du défaut de paiement de l’impôt sur le revenu et de la taxe d’accise par M. Lee pour certaines années d’imposition. M. Lee soutient avoir soumis des déclarations de revenus et de taxes d’accise exactes et payé la totalité des sommes dues. Selon lui, c’est en raison de l’inconduite de différents agents de l’État qu’il a fait l’objet d’une condamnation pour une infraction au titre de l’article 239 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), qu’une nouvelle cotisation a été établie à son endroit pour de l’impôt, des taxes, des intérêts et des pénalités impayés et que des mesures d’exécution ont été prises pour recouvrir ces sommes d’argent. M. Lee déclare que, du fait de ces activités, sa famille et lui ont subi un important préjudice et que leurs vies ont été bouleversées. Par conséquent, M. Lee a intenté une action en dommages-intérêts et en mesures de redressement accessoires.

[3]  La difficulté que M. Lee n’a pas pu surmonter devant le protonotaire et le juge de la Cour fédérale est que sa déclaration constitue une attaque indirecte à l’encontre des jugements définitifs et sans appel rendus par les tribunaux dans lesquels il a été établi qu’il était coupable d’une infraction aux termes de l’article 239 de la Loi de l’impôt sur le revenu (R. v. Lee, [2008] 5 C.T.C. 117, [2008] G.S.T.C. 65 (C.J. Ont.)) et où la cotisation du ministre à l’égard de son obligation au titre de l’impôt sur le revenu et de la TPS a été confirmée. L’appel interjeté par M. Lee à l’encontre de sa condamnation au titre de l’article 239 de la Loi de l’impôt sur le revenu a été rejeté par la Cour supérieure de justice de l’Ontario et la Cour d’appel de l’Ontario (Lee v. R. (7 février 2011), C50827, 2011 CarswellOnt 5754 (CA)). L’appel qu’il a interjeté à l’encontre de sa nouvelle cotisation d’impôt sur le revenu a été rejeté (Lee c. La Reine, 2013 CCI 289, 2013 D.T.C. 1227). Les appels qu’il a interjetés à l’égard des cotisations établies relativement à la taxe d’accise ont été rejetés par la Cour canadienne de l’impôt (Lee c. La Reine, 2012 CCI 335, [2012] G.S.T.C. 92), à l’exception de certains rajustements visant à égaliser les sommes d’argent entre les procédures criminelles, les instances devant la Cour canadienne de l’impôt et notre Cour (Lee c. Canada (Revenu national), 2013 CAF 67, [2013] G.S.T.C. 35). Les demandes d’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême ont toutes été rejetées (Lee v. The Queen, [2011] 2 S.C.R. viii, 2011 CanLII 38826; Bradman Lee c. Ministre du Revenu national, [2013] 3 S.C.R. viii, 2013 CanLII 71610).

[4]  Les efforts déployés par M. Lee pour remettre en cause ces questions en cherchant à obtenir des dommages-intérêts et d’autres mesures de redressement constituent une attaque indirecte et s’inscrivent dans le principe de l’abus de procédure. Dans l’arrêt Wilson c. La Reine, [1983] 2 R.C.S. 594, à la page 599, 1983 CanLII 35, la Cour suprême a énoncé le principe qui prohibe les contestations indirectes :

Selon un principe fondamental établi depuis longtemps, une ordonnance rendue par une cour compétente est valide, concluante et a force exécutoire, à moins d’être infirmée en appel ou légalement annulée. De plus, la jurisprudence établit très clairement qu’une telle ordonnance ne peut faire l’objet d’une attaque indirecte; l’attaque indirecte peut être décrite comme une attaque dans le cadre de procédures autres que celles visant précisément à obtenir l’infirmation, la modification ou l’annulation de l’ordonnance ou du jugement.

[5]  En ce qui concerne l’abus de procédure, la Cour suprême a décrit la portée de ce principe comme suit, au paragraphe 37 de l’arrêt Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, 2003 CSC 63, [2003] 3 R.C.S. 77 [arrêt S.C.F.P] :

[L]es tribunaux canadiens ont appliqué la doctrine de l’abus de procédure pour empêcher la réouverture de litiges dans des circonstances où les exigences strictes de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée (généralement les exigences de lien de droit et de réciprocité) n’étaient pas remplies, mais où la réouverture aurait néanmoins porté atteinte aux principes d’économie, de cohérence, de caractère définitif des instances et d’intégrité de l’administration de la justice.

[6]  M. Lee est sincèrement persuadé qu’il a été victime d’une injustice. Sa volonté de remettre en cause les décisions qui ont été rendues à son encontre est compréhensible, mais inadmissible :

Il n’est pas illégitime en soi de vouloir attaquer un jugement; la loi permet de poursuivre cet objectif par divers mécanismes de révision comme l’appel ou le contrôle judiciaire. De fait, la possibilité de faire réviser un jugement constitue un aspect important du principe de l’irrévocabilité des décisions. Une décision est irrévocable ou définitive et elle lie les parties seulement lorsque tous les recours possibles en révision sont épuisés ou ont été abandonnés. Ce qui n’est pas permis, c’est d’attaquer un jugement en tentant de soulever de nouveau la question devant un autre forum.

Arrêt S.C.F.P, au paragraphe 46.

[7]  Une lecture de la longue déclaration de M. Lee révèle que toutes les affirmations factuelles importantes sont soit incompatibles avec les décisions rendues dans des instances antérieures mettant en cause M. Lee, soit des affirmations dénuées de fondement qui ne peuvent être prouvées à moins d’invoquer ces faits incohérents.

[8]  Toute décision selon laquelle un acte de procédure doit être radié au titre de l’article 221 des Règles est considérée comme étant une décision discrétionnaire susceptible de contrôle selon la norme de contrôle en matière d’appel (arrêt Corporation de soins de la santé Hospira c. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215, au paragraphe 79, [2017] 1 R.C.F. 331). Pour les motifs qui précèdent, j’estime que ni le protonotaire ni le juge de la Cour fédérale n’a commis d’erreur manifeste et dominante en rejetant la demande de M. Lee.

[9]  Par conséquent, je rejetterais l’appel de M. Lee avec dépens.

« J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.

« Je souscris aux présents motifs.

M. Nadon, j.c.a. »

« Je souscris aux présents motifs.

Yves de Montigny, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-160-18

 

 

INTITULÉ :

BRADMAN LEE c. SA MAJESTÉ LA REINE ET LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 janvier 2020

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE PELLETIER

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 23 JANVIER 2020

 

COMPARUTIONS :

Bradman Lee

Pour l’appelant

(pour son propre compte)

 

Michael W. Bader, c.r.

 

Pour les intimés

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour les intimés

 

 

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