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Date : 20200203


Dossier : A-423-18

Référence : 2020 CAF 35

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LOCKE

 

 

ENTRE :

CHENG XIA

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 3 février 2020.

Jugement rendu à l’audience à Vancouver (Colombie-Britannique), le 3 février 2020.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE DE MONTIGNY

 


Date : 20200203


Dossier : A-423-18

Référence : 2020 CAF 35

CORAM :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LOCKE

 

 

ENTRE :

CHENG XIA

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Vancouver (Colombie-Britannique), le 3 février 2020)

LE JUGE DE MONTIGNY

[1]  M. Xia interjette appel d’un jugement de la Cour canadienne de l’impôt (rendu par la juge Campbell) prononcé de vive voix le 23 novembre 2018 (2017-3448(IT)I) (les motifs) ayant rejeté ses appels interjetés à l’encontre des cotisations établies aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu (L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), en sa version modifiée) pour les années d’imposition 2011 et 2012.

[2]  La Cour de l’impôt a estimé que les pourboires gagnés par l’appelant dans le cadre de son emploi de préposé aux machines à sous au casino avaient été correctement inclus dans son revenu pour les années d’imposition en cause. En appliquant les critères établis par la Cour dans l’arrêt La Reine c. J.E. Cranswick, [1982] 1 CF 813 (CAF) [arrêt Cranswick] aux pages 818 et 819, afin de déterminer si un revenu particulier constitue ou non un gain fortuit (et n’est donc pas imposable), la Cour de l’impôt a conclu que les pourboires reçus des clients du casino par les préposés aux machines à sous, qui ont été mis en commun et distribués selon certains critères, ne constituaient pas des gains fortuits. Ils devaient plutôt être considérés comme des montants récurrents reçus à la suite de services fournis dans l’exercice de leurs fonctions au casino.

[3]  La juge de première instance a également confirmé les pénalités pour négligence grave imposées à l’appelant en application du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, en se fondant notamment sur le fait qu’il avait des connaissances en matière fiscale grâce à son expérience antérieure, qu’il était très instruit, que les montants en cause représentaient un pourcentage très important de son revenu annuel et qu’il ne s’était pas renseigné pour vérifier l’exactitude de son opinion selon laquelle les montants des pourboires n’étaient pas imposables.

[4]  Devant nous, l’appelant a une nouvelle fois fait valoir que les montants des pourboires n’étaient pas imposables, car ils provenaient des gains des clients du casino. À notre avis, la Cour de l’impôt n’a commis aucune erreur susceptible de révision en rejetant cet argument. Le paragraphe 5(1) et l’alinéa 6(1)a) de la Loi sur l’impôt sur le revenu ont une portée très vaste quant à ce qui constitue un revenu. Le paragraphe 5(1) inclut les traitements, les salaires et « toute autre rémunération, y compris les gratifications » en tant que types de revenus provenant d’une charge ou d’un emploi qui doivent être inclus dans la déclaration annuelle du contribuable. L’alinéa 6(1)a), quant à lui, énonce que « tout autre avantage que reçoit ou dont jouit le contribuable [...] dans le cadre ou en raison de la charge ou de l’emploi du contribuable » est à inclure dans le calcul du revenu du contribuable pour une année d’imposition. Il ressort clairement du libellé de ces dispositions que les gratifications entrent dans le champ d’application du revenu imposable.

[5]  Le fait que les montants des pourboires reçus par l’appelant proviennent de revenus non imposables n’est pas pertinent aux fins de l’impôt. C’est la nature du pourboire en tant que source de revenus aux mains de l’appelant qui importe. Même si les gains de jeu ne sont généralement pas imposables entre les mains d’un client du casino, un pourboire ou une gratification donné par ce même client à un employé du casino n’est pas un cadeau et constitue un revenu imposable si les critères énoncés dans l’arrêt Cranswick sont remplis (voir, par exemple, Bach c. La Reine, 2003 CCI 328, [2003] 4 CTC 2005 [décision Bach]). En appliquant ces critères, la Cour de l’impôt a estimé que les montants des pourboires ne constituaient pas des gains fortuits ou des cadeaux, mais étaient liés aux services que l’appelant a rendus alors qu’il était employé comme préposé aux machines à sous au casino.

[6]  L’appelant ne nous a pas convaincus que la Cour de l’impôt avait commis une erreur en appliquant ces critères à l’affaire en instance. En effet, la décision de la Cour de l’impôt est conforme à ses décisions antérieures selon lesquelles les pourboires versés sur les gains de jeu constituent un revenu imposable (décision Bach, au paragraphe 5). Comme l’a déclaré la Cour de l’impôt, « [l]e fait que le pourboire soit confié à un comité et mis en commun avec les autres montants versés aux préposés avant d’en faire la répartition ne change pas la nature du paiement. Il s’agit toujours d’un pourboire reçu pour les services fournis par le préposé aux machines à l’occasion de son emploi. » (motifs, au paragraphe 14)

[7]  En ce qui concerne les pénalités pour négligence grave, l’appelant ne nous a pas convaincus que la Cour de l’impôt a commis une erreur en concluant qu’il a affiché « une attitude méprisante et indifférente » en ne s’informant pas sur la question de savoir s’il devait déclarer les montants des pourboires. M. Xia est une personne intelligente et très instruite, il a fourni des conseils fiscaux et financiers et il connaît les avantages et les conséquences fiscaux des fonds de sécurité et de l’assurance-vie; pourtant, il n’a fait aucun effort pour vérifier si les montants des pourboires qu’il a reçus des clients du casino devaient être déclarés. Il est clair que les éléments de preuve permettent de conclure que l’appelant a fait preuve d’aveuglement volontaire et qu’il a commis une faute lourde.

[8]  L’appelant a également soulevé devant la Cour des arguments liés à l’équité procédurale. Ces arguments semblent découler du délai que le ministre a mis à traiter son avis d’opposition, du montant des intérêts dus et du fait que le ministre a peut-être conclu des accords avec d’autres contribuables. Non seulement aucun de ces arguments n’a-t-il de fondement, mais ils touchent à la question du privilège relatif aux règlements que la Couronne a invoqué.

[9]  Pour tous les motifs qui précèdent, l’appel sera rejeté avec dépens.

« Yves de Montigny »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-423-18

 

INTITULÉ :

CHENG XIA c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 3 février 2020

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LOCKE

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE DE MONTIGNY

COMPARUTIONS :

Cheng Xia

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Shannon Fenrich

David Everett

Pour l’intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour l’intimée

 

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