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Date : 20200114


Dossier : A-246-18

Référence : 2020 CAF 8

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

EMILIA TOTH

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 14 janvier 2020.

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 14 janvier 2020.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE PELLETIER

 


Date : 20200114


Dossier : A-246-18

Référence : 2020 CAF 8

CORAM :

LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

EMILIA TOTH

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 14 janvier 2020.)

LE JUGE PELLETIER

[1]  Mme Toth a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale, qui a rejeté l’appel qu’elle avait interjeté à l’encontre de la décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a conclu que Mme Toth n’était pas invalide au sens du Régime de pensions du Canada, LRC 1985, ch. C-8. Mme Toth a reçu l’autorisation d’interjeter appel le 5 avril 2018, au motif que son allégation selon laquelle la division générale a commis une erreur de fait en ne tenant pas compte des répercussions des problèmes de santé mentale de Mme Toth sur sa capacité à détenir régulièrement toute occupation véritablement rémunératrice [traduction] « pourrait avoir une chance raisonnable de succès » : Dossier du défendeur, à la page 64.

[2]  L’article 42 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, DORS/2013-60, dispose qu’une personne qui interjette appel devant la division d’appel peut, dans les 45 jours suivant la date à laquelle la permission d’en appeler est accordée, déposer des observations auprès de la division d’appel ou déposer un avis précisant qu’elle n’a pas d’observations à déposer.

[3]  Le 10 mai 2018, à l’intérieur du délai prévu de 45 jours, l’avocat du procureur général a écrit au Tribunal de la sécurité sociale afin d’indiquer que, de l’avis du ministre, l’appel devrait être accueilli et l’affaire renvoyée à la division générale, au motif que cette dernière avait commis une erreur de fait en rejetant le témoignage de Mme Toth concernant ses problèmes de santé mentale sans tenir compte de leurs répercussions sur sa capacité à détenir régulièrement toute occupation véritablement rémunératrice.

[4]  Le 28 mai, le Tribunal de la sécurité sociale, au nom de la division d’appel, a écrit aux parties pour demander ce qui suit :

[traduction]
La permission d’interjeter appel dans le présent dossier a été accordée il y a un certain temps. La demanderesse n’a pas déposé d’observations après avoir reçu la permission d’interjeter appel. Le représentant du ministre a écrit au Tribunal et a affirmé que la division générale avait commis une erreur en droit en ne tenant pas compte des problèmes de santé mentale de la demanderesse et de leurs répercussions sur sa capacité à travailler. Il a suggéré de renvoyer le dossier à la division générale pour une nouvelle audition devant un autre membre de la division générale.

Le ministre est invité à expliquer pour quelle raison la division d’appel ne pourrait pas rendre la décision que la division générale aurait dû rendre dans ce dossier, et pour quelle raison l’affaire devrait être réexaminée par un autre membre de la division générale.

L’avocat de la demanderesse est invité à préciser quelle mesure de réparation elle souhaite obtenir de la division d’appel et les motifs sur lesquels elle s’appuie.

La division d’appel serait prête à tenir une téléconférence de règlement si les parties estiment que ce pourrait être avantageux.

[5]  Mme Toth a répondu à la demande de la division d’appel le 11 juin 2018 en indiquant qu’à la lumière de la concession faite par l’avocat du procureur général, selon laquelle la division générale a commis une erreur, il n’était plus nécessaire de renvoyer l’affaire à la division générale et que la division d’appel devrait rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, soit que Mme Toth devrait être déclarée invalide. Dans l’éventualité où l’avocat du procureur général ne serait pas d’accord avec l’idée que la division d’appel devrait rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, Mme Toth a indiqué qu’elle participerait volontiers à une téléconférence de règlement afin de faciliter le règlement de l’affaire.

[6]  L’avocat du ministre a répondu le 14 juin 2018 en indiquant que l’affaire devrait être renvoyée à la division générale de façon que cette dernière puisse apprécier de nouveau les éléments de preuve au dossier lors d’une nouvelle audition. L’avocat a indiqué que c’était conforme au rôle de la division générale, à titre de juge des faits. Dans sa lettre, l’avocat ne faisait pas mention de la possibilité d’une téléconférence de règlement. Le 26 juin 2018, la division d’appel a tranché l’appel par écrit et a rejeté l’appel de Mme Toth.

[7]  Nous sommes d’avis que, dans les circonstances propres à l’espèce, la demande de contrôle judiciaire devrait être autorisée, et l’affaire devrait être renvoyée à la division d’appel pour un nouvel examen, après avoir permis aux parties de présenter des observations.

[8]  Vu l’ensemble des circonstances, nous jugeons que la manière avec laquelle cette affaire s’est déroulée a injustement privé Mme Toth de la possibilité de présenter des observations complètes sur le bien-fondé de son appel. La concession faite par l’avocat du procureur général ne liait pas la division d’appel, qui était libre de trancher l’appel sur le fond sans tenir compte de cette concession. De la même façon, la demande de la division d’appel quant à la thèse des parties concernant les mesures de réparation n’a pas empêché la division d’appel de trancher les questions sur le fond. Toutefois, à la lumière de la lettre de l’avocat et de sa propre demande, la division d’appel était tenue d’informer les parties qu’elle se proposait de trancher l’affaire sur le fond et de leur permettre de présenter les observations qu’elles étaient prêtes à présenter, selon un échéancier qu’elle jugerait approprié.

[9]  En l’espèce, le défaut de donner cette directive a placé Mme Toth dans une position malheureuse, car elle ne pouvait savoir si, sans égard à la concession de l’avocat, elle devrait exercer son droit de présenter des observations dans le délai de 45 jours prévu au Règlement. Étant donné la situation financière précaire de la plupart des demandeurs de pension d’invalidité, ces derniers ne devraient pas avoir à décider entre engager des dépenses inutiles ou renoncer à leur droit d’être pleinement entendus.

[10]  Cela ne signifie pas pour autant que l’avocat du ministre devrait éviter de faire les concessions appropriées, par crainte de créer une incertitude procédurale. De la même façon, la division d’appel est toujours libre de recueillir les points de vue des parties sans que cela ne nuise à son futur plan d’action. Il suffit que les demandeurs soient informés et qu’on leur offre une chance raisonnable de présenter des observations si l’affaire ne se déroule pas selon ce qui avait été prévu au départ.

[11]  La présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie sans dépens, la décision de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (la division d’appel) datée du 26 juin 2018 sera annulée, et l’affaire sera renvoyée à la division d’appel pour un nouvel examen, après que les parties auront eu la possibilité de présenter d’autres observations, dans la forme prescrite par la division d’appel, et à l’intérieur du délai prévu par cette dernière.

« J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme.

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-246-18

 

INTITULÉ :

EMILIA TOTH c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 janvier 2020

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE DE MONTIGNY

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE PELLETIER

COMPARUTIONS :

Alexandra Victoros

Bozena Kordasiewicz

 

Pour la demanderesse

 

John Unrau

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dietrich Law Office

Kitchener (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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