Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20200116


Dossier : A-234-19

Référence : 2020 CAF 11

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

SUE HILLIER

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 14 janvier 2020.

Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 16 janvier 2020.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

 


Date : 20200116


Dossier : A-234-19

Référence : 2020 CAF 11

CORAM :

LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

SUE HILLIER

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DE MONTIGNY

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire après un déroulement prolongé. La demanderesse a fait une demande de pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC) en mai 2014. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté cette demande, initialement et après réexamen, au motif que la demanderesse n’était pas atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date pertinente, connue sous le nom de période minimale d’admissibilité (établie au 31 décembre 2015). En appel, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale a confirmé cette décision, et la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale a rejeté l’appel de cette décision. Saisie d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour a annulé la décision de la division d’appel, en estimant que celle-ci aurait dû examiner et déterminer tous les motifs soulevés par Mme Hillier dans son avis de demande d’autorisation d’interjeter appel, et a renvoyé l’affaire à un autre membre de la division d’appel. La division d’appel a donc tenu une audience sur toutes les questions soulevées par la demanderesse et a rejeté l’appel le 17 mai 2019. Il s’agit de la décision qui est maintenant contestée devant la Cour.

[2]  Malgré les arguments solides de l’avocate de la demanderesse, je suis d’avis que la présente demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée. Il est incontestable qu’il appartient à la division générale d’apprécier les faits et de soupeser les éléments de preuve, puis de déterminer, sur le fondement de ses conclusions, si le critère juridique de l’invalidité est rempli. Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, L.C. 2005, ch. 34, le rôle de la division d’appel est de déterminer si la division générale a commis une erreur de droit ou de fait ou n’a pas respecté un principe de justice naturelle. En l’absence d’une telle erreur, la division d’appel ne peut pas intervenir.

[3]  Lors du contrôle judiciaire, la Cour doit s’assurer que la décision de la division d’appel est raisonnable. En d’autres termes, nous devons déterminer si la division d’appel aurait pu raisonnablement conclure que la division générale n’a pas appliqué le droit de façon erronée ou n’a pas mal apprécié la preuve. Par suite du récent jugement de la Cour suprême dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, au paragraphe 83 [arrêt Vavilov], cet exercice comprend un examen tant du processus de raisonnement du décideur que du résultat. La Cour suprême a mis en garde les cours de révision contre le fait d’établir leur propre critère et ensuite de jauger la décision administrative d’après ce critère, et nous a rappelé que les motifs ne doivent pas être évalués en fonction d’une norme de perfection. Les contraintes institutionnelles imposées à un décideur administratif doivent être prises en compte, et l’on ne doit pas nécessairement s’attendre à ce que celui-ci fasse preuve du même degré de subtilité et de rigueur qu’un juge (arrêt Vavilov, au paragraphe 92).

[4]  L’avocate de la demanderesse a soulevé plusieurs erreurs de fait et de droit dans la décision de la division d’appel. Après avoir soigneusement examiné l’issue et les motifs de cette décision, ainsi que les motifs de la division générale, je ne suis pas en mesure de conclure que la division d’appel ne pouvait raisonnablement rejeter l’appel. Pour l’essentiel, les observations de la demanderesse ne constituent que de simples désaccords avec l’appréciation des éléments de preuve par la division générale et avec le « défaut » de la division d’appel de partager son point de vue.

[5]  La demanderesse a fait valoir que la division d’appel a commis une erreur de fait et de droit et qu’elle a, par conséquent, rendu une décision déraisonnable au moment d’approuver la conclusion de la division générale selon laquelle la demanderesse était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, faisant ainsi fi des avis contraires du médecin de famille de la demanderesse sans même expliquer pourquoi ces avis étaient insuffisants pour établir la gravité de son invalidité. Pourtant, une lecture attentive des motifs de la division d’appel à cet égard montre qu’elle a dûment noté les efforts déployés par la division générale pour examiner tous les éléments de preuve médicaux objectifs, y compris les éléments de preuve favorables à la demanderesse. La division d’appel a également expliqué pourquoi la division générale n’était pas liée par un avis médical : il appartient à la division générale, dont la tâche consiste à apprécier la preuve, de déterminer en dernier ressort l’admissibilité d’un demandeur à une pension d’invalidité en se fondant sur ses propres conclusions. L’avocate de la demanderesse n’a pas démontré le caractère déraisonnable de ce raisonnement.

[6]  L’avocate de la demanderesse a également fait valoir que la division d’appel a commis une erreur de droit en adoptant la conclusion de la division générale selon laquelle la demanderesse avait une certaine capacité à travailler. Elle a soutenu que cela enfreignait le principe établi dans l’arrêt Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117, au paragraphe 3, selon lequel les demandeurs qui ont une capacité de travail limitée doivent démontrer que leurs efforts pour obtenir un emploi ont été infructueux en raison de leur état de santé.

[7]  Là encore, cet argument est lié à l’appréciation de la preuve. Comme l’a noté la division d’appel, la division générale a estimé que la preuve de la capacité à travailler de la demanderesse n’était pas fiable et que sa demande d’invalidité grave, au sens du RPC, n’était pas suffisamment étayée par des éléments de preuve médicaux objectifs. À mon avis, la division d’appel pouvait raisonnablement conclure que cette conclusion était étayée par le dossier. Ayant par conséquent conclu que la demanderesse avait une certaine capacité à travailler, la division générale devait ensuite déterminer si elle avait fait défaut d’obtenir ou de conserver un emploi en raison de son état de santé. Après avoir examiné les éléments de preuve, la division générale a estimé que la demanderesse n’avait pas fait d’efforts raisonnables pour se recycler ou trouver un autre emploi, et est donc parvenue à la conclusion que son incapacité à trouver un emploi ne résultait pas de son état de santé. La division d’appel a pu raisonnablement conclure que le raisonnement de la division générale était conforme au droit et reposait sur la preuve.

[8]  Enfin, l’avocate de la demanderesse a soutenu que la division générale avait commis une erreur de droit en n’adoptant pas une approche « réaliste » et en ne prenant pas en considération le passé de la demanderesse ainsi que l’ensemble de ses problèmes de santé et de ses caractéristiques personnelles, et que la division d’appel ne pouvait pas simplement adopter ce raisonnement. Au risque de me répéter, cet argument équivaut à un désaccord quant à la bonne appréciation de la preuve. Comme l’a noté la division d’appel, la division générale a exposé avec précision les principes juridiques applicables tels qu’ils ont été développés dans l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, [2002] 1 CF 130, et a ensuite examiné toutes les déficiences de la demanderesse. La demanderesse n’est évidemment pas d’accord avec la conclusion de la division générale selon laquelle ses déficiences, lorsqu’elles sont considérées dans leur totalité, ne constituent pas une invalidité grave au sens de la Loi; il était néanmoins loisible à la division d’appel de conclure, en se fondant sur le critère du caractère raisonnable, que la division générale avait relevé les principes juridiques pertinents et n’avait pas fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire.

[9]  Pour tous les motifs qui précèdent, je rejetterais par conséquent la présente demande de contrôle judiciaire, sans frais.

« Yves de Montigny »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

  M. Nadon, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

  J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-234-19

(APPEL D’UNE DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE (DIVISION D’APPEL) DU 21 MAI 2019, NUMÉRO AD-19-172)

INTITULÉ :

SUE HILLIER c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 janvier 2020

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

DATE DES MOTIFS :

LE 16 JANVIER 2020

COMPARUTIONS :

Bozena Kordasiewicz

Alexandra Victoros

 

Pour la demanderesse

 

John Unrau

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dietrich Law Office

Kitchener (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Gatineau (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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