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Date : 20200225


Dossier : A-69-19

Référence : 2020 CAF 54

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LOCKE

 

 

ENTRE :

 

 

ESCAPE TRAILER INDUSTRIES INC.

 

 

appelante

 

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

(LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL)

 

 

intimé

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 4 février 2020.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 25 février 2020.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LOCKE

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE DE MONTIGNY

 


Date : 20200225


Dossier : A-69-19

Référence : 2020 CAF 54

CORAM :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LOCKE

 

 

ENTRE :

 

 

ESCAPE TRAILER INDUSTRIES INC.

 

 

appelante

 

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

(LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL)

 

 

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LOCKE

I.  Aperçu

[1]  Escape Trailer Industries Inc. (Escape Trailer) interjette appel d’une décision (2019 CF 31, sous la plume du juge Manson), dans laquelle la Cour fédérale a rejeté une demande de contrôle judiciaire visant une décision rendue par le sous-commissaire de l’Agence du revenu du Canada (l’Agence). Le sous-commissaire a refusé de recommander qu’un décret de remise soit pris en application du paragraphe 23(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11 (la LGFP), relativement à une demande présentée par Escape Trailer relativement à la taxe de vente harmonisée (TVH) et à l’arriéré d’intérêts totalisant 273 183,39 $ (le montant de la taxe).

[2]  Le paragraphe 23(2) de la LGFP est ainsi libellé :

Remise de taxes ou de pénalités

Remission of taxes and penalties

(2) Sur recommandation du ministre compétent, le gouverneur en conseil peut faire remise de toutes taxes ou pénalités, ainsi que des intérêts afférents, s’il estime que leur perception ou leur exécution forcée est déraisonnable ou injuste ou que, d’une façon générale, l’intérêt public justifie la remise.

(2) The Governor in Council may, on the recommendation of the appropriate Minister, remit any tax or penalty, including any interest paid or payable thereon, where the Governor in Council considers that the collection of the tax or the enforcement of the penalty is unreasonable or unjust or that it is otherwise in the public interest to remit the tax or penalty.

[3]  L’Agence a préparé un Guide sur les remises, énonçant des lignes directrices qui, si elles ne sont pas contraignantes, encadrent néanmoins l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 23(2). Elles énumèrent les « caractéristiques » pouvant justifier une remise :

  1. situation extrêmement difficile;

  2. difficultés financières associées à des circonstances atténuantes;

  3. mesure incorrecte ou conseil erroné des fonctionnaires de l’ARC;

  4. résultats non voulus découlant des dispositions législatives.

[4]  Le Guide prévoit également ce qui suit :

Ces lignes directrices fournissent un cadre dans lequel une remise peut être recommandée. Il ne faut toutefois pas perdre de vue qu[’]elles ne traitent pas de toutes les situations; d’autres motifs pourraient être tout aussi valables pour étayer une recommandation positive. Il est primordial de faire preuve de discernement en toutes circonstances et de tenir compte de tous les facteurs pertinents, p. ex. les antécédents d’une personne en matière d’observation de la loi, sa crédibilité, sa situation, son âge, son état de santé.

[5]  Il est également important de ne pas oublier que la remise est une mesure exceptionnelle : Fink c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 276, par. 1.

[6]  Escape Trailer a présenté une demande de remise en application du paragraphe 23(2) de la LGFP dans une lettre datée du 24 novembre 2014 adressée à l’Agence (la demande de remise). Les circonstances pertinentes sont exposées dans la demande de remise. Escape Trailer a expliqué qu’elle fabrique et vend des caravanes ou véhicules récréatifs (les caravanes). Les caravanes sur lesquelles porte la demande de remise (qui n’étaient pas enregistrées au Canada ou assurées pour une utilisation au Canada) ont été livrées par Escape Trailer à des clients américains dans le stationnement d’une boutique hors taxes à un poste frontalier canadien entre le 1er octobre 2010 et le 30 septembre 2012. Les clients américains traversaient les douanes canadiennes pour se rendre au stationnement et, après livraison de la caravane, traversaient les douanes américaines avec la caravane. Les clients américains étaient inscrits comme importateurs des caravanes. Escape Trailer n’a perçu aucune taxe de vente harmonisée (TVH) auprès de ses clients américains, au motif que la fourniture des caravanes s’effectuait à l’extérieur du Canada; les biens n’étaient donc pas taxables (ou étaient détaxés).

[7]  Toutefois, à la suite d’une vérification, l’Agence a conclu que la fourniture était effectuée au Canada et que les caravanes étaient donc taxables. Des avis de nouvelle cotisation datés du 12 février 2013 et du 10 février 2014 ont confirmé cette conclusion. Escape Trailer n’a pas fait appel de ces nouvelles cotisations et a payé le solde dû (lequel incluait le montant de la taxe) en février 2014. Comme il est indiqué dans la demande de remise, l’article 142 de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15 (LTA), prévoit des règles sur le « lieu de fourniture » qui déterminent la responsabilité à l’égard de la TVH. L’alinéa 142(1)a) porte sur les biens meubles corporels qui sont livrés au Canada et qui sont taxables à moins d’être exonérés ou détaxés. En revanche, l’alinéa 142(2)a) porte sur les biens meubles corporels qui sont livrés à l’extérieur du Canada, et qui ne sont pas taxables. La vérification effectuée par l’Agence a permis de déterminer que les livraisons en question avaient eu lieu du côté canadien de la frontière et qu’elles étaient donc visées par l’alinéa 142(1)a). De plus, l’article 12 de la partie V de l’annexe VI de la LTA énonce les conditions auxquelles il doit être satisfait pour qu’un bien meuble corporel destiné à l’exportation soit détaxé. Ces biens peuvent être détaxés si le fournisseur :

a) expédie le bien à une destination à l’étranger, précisée dans le contrat de factage visant le bien;

(a) ships the property to a destination outside Canada that is specified in the contract for carriage of the property;

b) transfère la possession du bien à un transporteur public ou à un consignataire qui a été chargé d’expédier le bien à une destination à l’étranger par l’une des personnes suivantes :

(b) transfers possession of the property to a common carrier or consignee that has been retained, to ship the property to a destination outside Canada, by

(i) le fournisseur pour le compte de l’acquéreur,

(i) the supplier on behalf of the recipient, or

(ii) l’employeur de l’acquéreur;

(ii) the recipient’s employer; or

c) envoie le bien par courrier ou messager à une adresse à l’étranger.

(c) sends the property by mail or courier to an address outside Canada.

[8]  Une certaine confusion entoure les motifs invoqués par Escape Trailer dans sa demande de remise. Dans sa lettre du 24 novembre 2014, elle mentionne les quatre caractéristiques reproduites au paragraphe 3 des présents motifs et dit s’appuyer sur trois d’entre elles : (i) situation extrêmement difficile (ou situation financière difficile); (ii) mesure incorrecte ou conseil erroné des fonctionnaires de l’ARC; (iii) résultats non voulus découlant des dispositions législatives. Il ressort de la page 4 de la lettre qu’Escape Trailer n’a pas allégué initialement de « difficultés financières associées à des circonstances atténuantes »

[9]  La confusion semble découler de la décision du sous-commissaire, qui a rejeté la demande de remise. Cette décision traitait de chacune des caractéristiques invoquées par Escape Trailer, quoique dans un ordre différent. Elle abordait d’abord la « mesure incorrecte ou conseil erroné des fonctionnaires de l’ARC », suivie des « résultats non voulus découlant des dispositions législatives ». Toutefois, la troisième partie de l’analyse du sous-commissaire semble traiter à la fois de la « situation extrêmement difficile » et des « difficultés financières associées à des circonstances atténuantes ». Cette partie de l’analyse porte sur l’affirmation d’Escape Trailer selon laquelle elle éprouvait des « difficultés financières importantes », et le sous-commissaire conclut que [traduction] « [m]ême si le remboursement de la dette de TVH a pu occasionner des difficultés financières à Escape Trailers (sic) » l’entreprise ne se trouvait pas dans une « situation financière extrêmement difficile ». Il ajoute qu’« il n’existait aucun facteur atténuant indépendant de la volonté [des propriétaires d’Escape Trailer] qui les aurait empêchés de déterminer la bonne façon d’exporter les caravanes en tant que biens détaxés ».

[10]  La confusion autour des motifs invoqués dans la demande de remise a été aggravée par la Cour fédérale, qui indique à tort au paragraphe 14 de ses motifs que la demande de remise invoque les « difficultés financières associées à des circonstances atténuantes » (et non une « situation extrêmement difficile »). La Cour fédérale affirme également à tort que le sous-commissaire a conclu qu’Escape Trailer n’avait pas éprouvé de difficultés financières (voir le paragraphe 26 des motifs de la Cour fédérale). Comme il est indiqué au paragraphe précédent, le sous-commissaire a reconnu qu’il était possible qu’Escape Trailer ait subi des difficultés financières.

[11]  Quoi qu’il en soit, Escape Trailer n’allègue plus la « mesure incorrecte ou conseil erroné des fonctionnaires de l’ARC » ni la « situation extrêmement difficile ». Il reste donc les « résultats non voulus découlant des dispositions législatives » et les « difficultés financières associées à des circonstances atténuantes ». Escape Trailer fait également valoir que la décision rendue par le sous-commissaire ne respectait pas les principes de la justice naturelle et l’équité procédurale.

II.  Norme de contrôle

[12]  La norme de contrôle applicable dans un cas comme celui dont nous sommes saisis (l’appel d’une décision ayant tranché la demande de contrôle judiciaire d’une décision administrative) est celle prévue dans l’arrêt Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, aux paragraphes 45 et 46 : la cour d’appel doit décider si le tribunal d’instance inférieure a employé la norme de contrôle appropriée et s’il l’a appliquée correctement; elle se met à la place du tribunal d’instance inférieure et se concentre effectivement sur la décision administrative.

[13]  La Cour fédérale a indiqué que la norme de contrôle applicable était celle de la décision raisonnable, sauf en ce qui a trait à la question de l’équité procédurale. Je partage cet avis. Notre Cour n’a pas à déférer au sous-commissaire sur la question de l’équité procédurale. Elle doit se demander si l’instruction de l’instance devant le sous-commissaire était équitable.

[14]  Escape Trailer nous demande de garder à l’esprit la récente directive formulée dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] A.C.S. no 65, au paragraphe 83 (Vavilov), selon laquelle « le contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable doit s’intéresser à la décision effectivement rendue par le décideur, notamment au raisonnement suivi et au résultat de la décision ».

III.  Résultats non voulus découlant des dispositions législatives

[15]  Les directives concernant la prise en considération des « résultats non voulus découlant des dispositions législatives » contenues dans le Guide de l’Agence sont brèves et sont reproduites ici dans leur intégralité :

Il arrive parfois que l’application de la législation fiscale pour certaines transactions donne lieu à des conséquences fiscales qui sont de toute évidence inéquitables à l’égard d’une personne et contraires à l’esprit de la loi.

Une remise peut être recommandée pour corriger l’iniquité, jusqu’à ce que des modifications législatives puissent être apportées. Dans ces cas, le ministère des Finances doit approuver l’allègement. Dans de telles circonstances, il pourra aussi arriver à l’occasion que le ministère des Finances parraine un décret de remise de façon unilatérale.

[16]  L’analyse du sous-commissaire sur la question est également brève. Elle est reproduite ci-après :

[traduction]
Vous faites remarquer que l’application de l’alinéa 142(1)a) de la Loi sur la taxe d’accise a mené à un résultat non voulu des dispositions législatives, en ce sens qu’elle a abouti en l’espèce à l’imposition d’une taxe sur des caravanes exportées directement aux États-Unis. Toutefois, la suppression du Programme de remboursement aux visiteurs traduit l’intention du législateur selon laquelle seuls les acheteurs qui ne sont pas consommateurs peuvent prendre possession de biens au Canada pour les exporter en tant que biens détaxés. Les biens achetés par des consommateurs non résidents ne sont détaxés que s’ils sont expédiés à une destination située à l’extérieur du Canada ou sont envoyés par la poste ou par messager à une adresse qui se trouve hors du Canada. Depuis le 1er avril 2007, la loi a pour effet d’appliquer la TPS/TVH aux biens achetés par des consommateurs non résidents qui en prennent livraison au Canada, et Escape Trailers (sic) a, à juste titre, fait l’objet d’une cotisation à cet égard.

[17]  Escape Trailer affirme que le sous-commissaire s’est contenté d’une interprétation littérale de l’article 142 de la LTA et a fait fi de l’économie et de l’objet de cette loi ainsi que de l’intention du législateur. Selon Escape Trailer, le sous-commissaire n’a pas analysé de manière raisonnable les conséquences de la suppression du Programme de remboursement aux visiteurs (PRV) et mentionne des indices donnant à penser qu’un manque d’intérêt – plutôt qu’un changement dans l’intention du législateur – a causé la fin du PRV. Invoquant la décision Montecristo Jewellers Inc. c. La Reine, 2019 CCI 31, au paragraphe 70 (Montecristo), Escape Trailer affirme que l’objet de la LTA est de limiter l’imposition de la TPS/TVH aux biens et services consommés au Canada et de « détaxer » les biens qui sont réellement exportés, pour leur donner un avantage concurrentiel.

[18]  Je souscris à cette caractérisation de l’objet général de la Loi. Toutefois, il ressort du libellé de la LTA qu’elle a également un objectif plus précis, à savoir qu’il doit être satisfait à certaines conditions avant que des marchandises puissent être détaxées; il ne suffit pas de prouver que les biens en question ont réellement été exportés (voir article 12, partie V, annexe VI de la LTA).

[19]  Escape Trailer n’a satisfait à aucune de ces conditions préalables.

[20]  Escape Trailer invoque l’arrêt Première Nation Waycobah c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 191, [2011] A.C.F. no 847, au paragraphe 18 (Waycobah), pour affirmer que le sous-commissaire aurait dû mettre en balance l’intérêt d’Escape Trailer à obtenir une remise et l’intérêt public à l’égard de l’intégrité du système fiscal et de sa bonne administration, ce qu’il n’a pas fait. Je ne souscris pas à une telle interprétation de l’arrêt Waycobah. La mise en balance dont il est question dans cet arrêt concerne le vaste pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 23(2) de la LGFP. Il ne s’agit pas de la mise en balance d’intérêts particuliers visant à déterminer si la législation a donné lieu à des résultats non voulus. De plus, il était implicite dans l’analyse globale du sous-commissaire qu’il mettait en balance ces intérêts divergents. Il n’était pas obligé de le dire explicitement.

[21]  À mon avis, le sous-commissaire a fait une analyse raisonnable de la question des résultats non voulus découlant des dispositions législatives. Il a affirmé que [traduction] « l’intention du législateur [est que] seuls les acheteurs qui ne sont pas consommateurs peuvent prendre possession de biens au Canada pour les exporter en tant que biens détaxés ». Ce faisant, il a tenu compte des conditions précises énumérées à l’article 12 de la partie V de l’annexe VI de la LTA. Il a également reconnu implicitement l’objet général souligné dans la décision Montecristo et cité au paragraphe 17 des présents motifs, à savoir que l’imposition de la TPS/TVH devrait être limitée aux biens et services consommés à l’intérieur du Canada. La phrase suivante de l’analyse du sous-commissaire est tout aussi raisonnable, au vu de l’objectif précis qui ressort des conditions détaillées relatives à la détaxation : [traduction] « Les biens achetés par des consommateurs non résidents sont seulement détaxés s’ils sont expédiés à une destination située à l’extérieur du Canada ou s’ils sont envoyés par la poste ou par messager à une adresse qui se trouve hors du Canada. »

[22]  En mentionnant le PRV, le sous-commissaire indique que la suppression de ce programme étaye sa conclusion sur l’intention du législateur, mais indique aussi que l’intention du législateur existe indépendamment de la suppression de ce programme. À mon avis, la suppression du PRV n’était pas essentielle au raisonnement du sous-commissaire; par conséquent, il n’est pas nécessaire d’analyser les motifs véritables de la disparition de ce programme.

[23]  Le sous-commissaire a conclu de façon raisonnable que les ennuis d’Escape Trailer (devoir payer la TVH qui n’a pas été perçue auprès des clients) n’ont pas été causés par les résultats non voulus découlant des dispositions législatives. Ses ennuis ont été causés par son inobservation des conditions énumérées de détaxation.

IV.  Difficultés financières associées à des circonstances atténuantes

[24]  J’aborde cette section en répétant que, dans sa demande de remise, Escape Trailer a allégué une situation extrêmement difficile (et non des difficultés financières associées à des circonstances atténuantes), mais que le sous-commissaire a traité de ces deux caractéristiques dans sa décision. Dans le présent appel, seule la dernière demeure en litige.

[25]  Je répète également que le sous-commissaire a reconnu la possibilité qu’Escape Trailer ait subi des difficultés financières. Toutefois, il n’estimait pas qu’une remise était indiquée puisqu’il n’a constaté aucune circonstance atténuante. Point n’est besoin d’analyser les arguments avancés par Escape Trailer devant notre Cour concernant ses difficultés financières, puisque ces dernières ne sont pas en litige. L’analyse doit plutôt porter sur les circonstances atténuantes. On limite ainsi de façon considérable les arguments à examiner.

[26]  Comme il est indiqué au paragraphe 9 des présents motifs, le sous-commissaire a conclu qu’[traduction] « il n’existait aucune circonstance atténuante indépendante de la volonté [des propriétaires d’Escape Trailer] qui les aurait empêchés de déterminer la bonne façon d’exporter les caravanes en tant que biens détaxés ».

[27]  Escape Trailer souligne que le Guide de l’Agence prévoit deux principales circonstances atténuantes (« circonstances indépendantes de la volonté d’une personne » et « erreur du contribuable ») et se plaint du fait que le sous-commissaire n’a tenu compte que de la première. Selon elle, il était déraisonnable de la part du sous-commissaire de ne pas tenir compte de l’erreur du contribuable.

[28]  À mon avis, cet argument aurait plus de poids si Escape Trailer avait invoqué la circonstance atténuante que constitue l’erreur du contribuable dans sa demande de remise. Elle ne l’a pas fait. Certes, la demande de remise décrit les discussions avec l’Agence qui ont mené Escape Trailer à croire que la TVH ne s’appliquait pas aux ventes de caravanes en question. Le sous-commissaire a tenu compte de ces discussions (en examinant la question du conseil erroné des fonctionnaires de l’Agence), mais a conclu qu’elles n’étaient pas corroborées et étaient insuffisamment détaillées pour être fiables. Fait plus important encore, il est difficile de reprocher au sous-commissaire son analyse des circonstances atténuantes alors qu’aucune n’avait été énoncée dans la demande de remise (voir Canada Agence du revenu c. Telfer, 2009 CAF 23, [2009] A.C.F. no 71, au paragraphe 31). En abordant les circonstances atténuantes, le sous-commissaire est allé au-delà de ce qu’Escape Trailer avait demandé.

[29]  À mon avis, l’analyse faite par le sous-commissaire des circonstances atténuantes n’a rien de déraisonnable.

V.  Justice naturelle et équité procédurale

[30]  Escape Trailer soutient qu’il n’était pas équitable, sur le plan procédural, pour le sous-commissaire de mentionner des documents et des renseignements qu’elle n’avait pas produits, et sur lesquels elle n’avait pu présenter des observations. Selon elle, la décision qui en a découlé était fondée sur des renseignements incomplets.

[31]  Or, tous les documents et renseignements en question concernaient la situation financière difficile et les difficultés financières. Comme aucune de ces questions ne demeure en litige (la situation difficile parce qu’elle n’est plus invoquée et les difficultés financières parce qu’elles ont été reconnues), la question de l’équité ou de l’iniquité de l’examen fait par le sous-commissaire des documents et des renseignements en question n’est pas pertinente et n’a pas à être examinée.

VI.  Conclusion

[32]  N’ayant constaté aucune erreur dans l’analyse faite par le sous-commissaire de la demande de remise, ayant souligné qu’Escape Trailer n’avait révélé aucune des caractéristiques communes en la matière et vu la nature discrétionnaire et exceptionnelle de cette mesure prévue au paragraphe 23(2) de la LGFP, je rejetterais le présent appel avec dépens.

« George R. Locke »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Donald J. Rennie, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Yves de Montigny, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Marie-Luc Simoneau, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-69-19

INTITULÉ :

ESCAPE TRAILER INDUSTRIES INC. c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA (LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 4 février 2020

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LOCKE

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE DE MONTIGNY

DATE DES MOTIFS :

Le 25 février 2020

COMPARUTIONS :

Michelle Moriartey

Erica Zacharias

Pour l’appelante

Max Matas

Kiel Walker

Pour l’intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Legacy Tax & Trust Lawyers

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR L’APPELANTE

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimé

 

 

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