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Date : 20200227


Dossier : A-49-19

Référence : 2020 CAF 56

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE RIVOALEN

 

ENTRE :

 

 

BRINK'S CANADA LIMITÉE

 

 

demanderesse

 

 

et

 

 

UNIFOR

 

 

défendeur

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 25 février 2020.

Jugement rendu à Québec (Québec), le 27 février 2020.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE BOIVIN

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE RIVOALEN

 


Date : 20200227


Dossier : A-49-19

Référence : 2020 CAF 56

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE RIVOALEN

 

ENTRE :

 

 

BRINK'S CANADA LIMITÉE

 

 

demanderesse

 

 

et

 

 

UNIFOR

 

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE BOIVIN

[1]  Brink’s Canada limitée (la demanderesse) présente une demande de contrôle judiciaire dans le but de faire annuler une décision du Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) datée du 20 décembre 2018 par laquelle il a accrédité Unifor (le défendeur) pour représenter un groupe d’employés de la demanderesse (Unifor c. Brink’s Canada limitée, LaSalle (Québec) (20 décembre 2018), 32815-C; motifs rendus le 19 février 2019 : 2019 CCRI LD 4102).

[2]  La demanderesse est l’un des principaux prestataires de transport par véhicules blindés, de services relatifs aux guichets automatiques, du traitement du numéraire et de la monnaie, ainsi que d’autres services auprès des institutions financières et des organismes privés ou publics. Au Québec, les opérations de la demanderesse se répartissent en trois catégories :

- Opérations externes, y compris les cueillettes et la livraison; ces opérations sont effectuées par des chauffeurs qui prennent la route tous les jours et ne sortent pas généralement du Québec.

- Opérations internes, y compris la gestion du numéraire, la logistique, la voûte, et l’entreposage; ces opérations sont effectuées par des employés qui préparent les colis pour les routes, consolident des dépôts, et balancent les guichets automatiques.

- « Canada Trucking » / Brink’s Global Services, y compris le transport à l’intérieur et à l’extérieur du Québec par des chauffeurs qui font la cueillette et la livraison de plus grandes quantités que celles effectuées par les chauffeurs des « opérations externes ».

[3]  Le défendeur a présenté une demande au Conseil le 1er novembre 2018 en vertu de l’article 24 du Code canadien du travail, L.R.C., 1985, ch. L-2 (Code) afin d’être accrédité à titre d’agent négociateur pour les chauffeurs effectuant les « opérations externes » et ceux de « Canada Trucking » qui exercent leurs fonctions depuis le bureau de la demanderesse à LaSalle au Québec. De son côté, la demanderesse s’est opposée à l’unité de négociation proposée par le défendeur privilégiant une unité plus grande.

[4]  Le Conseil a accueilli la demande en accréditation du défendeur. Devant notre Cour, la demanderesse conteste la décision du Conseil et allègue essentiellement que ce dernier a rendu une décision déraisonnable, car il a négligé la preuve pertinente soumise par cette dernière.

[5]  Je suis d’accord avec les parties que la norme de la décision raisonnable identifiée dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, 59 Admin. L.R. (6th) 1 [Vavilov] est celle qui s’applique à la présente affaire. Notre Cour doit donc examiner les motifs du Conseil avec « une attention respectueuse » (Société canadienne des postes c. Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67, 312 A.C.W.S. (3d) 545 au para. 31).

[6]  Il convient également de rappeler que l’article 27 du Code confère une large discrétion au Conseil et sa jurisprudence établit divers critères qui peuvent être pris en compte pour déterminer si une unité proposée est effectivement habile à négocier (voir généralement Conseil canadien des relations du travail c. Transair Ltd., [1977] 1 R.C.S. 722, 9 N.R. 181 à la p. 739; Syndicat international des débardeurs et magasiniers, Ship and Dock Foremen, section locale 514 c. Prince Rupert Grain Ltd., [1996] 2 R.C.S. 432, 198 N.R. 99 aux paras. 28, 32, 36; Unifor c. Pipelines Enbridge inc., 2018 CCRI 871, 2018 CarswellNat 1368 aux paras. 27, 31 [Enbridge]; Ouvriers du Secteur Public et Privé du Canada, Local 5 c. Executive Air Craft Ltée, 2018 CCRI 893, 2018 CarswellNat 8658 au para. 28). En fait, déterminer si une unité est habile à négocier constitue indéniablement une question de fait qui doit être évaluée selon le contexte particulier de chaque affaire. En l’espèce, notre Cour doit donc faire preuve de déférence par rapport au poids que le Conseil a attribué à certains critères pour déterminer si l’unité proposée par le défendeur était habile à négocier.

[7]  Contrairement à la prétention de la demanderesse, je suis d’avis que le Conseil a rendu une décision exhaustive et nuancée qui est justifiée, intelligible et transparente (Vavilov aux paras. 15, 95).

[8]  Le Conseil a d’abord procédé à une mise en contexte de l’affaire et il a résumé la position des parties pour ensuite décrire le droit et la jurisprudence applicables en matière d’accréditation. Il a reconnu que les « tâches des employés visés par la demande d’accréditation, soit les employés affectés au transport de valeurs, sont similaires à celles des employés des autres établissements situés au Québec », mais il a toutefois fait les constats suivants :

- Les employés inclus dans l’unité proposée par Unifor s’affairent tous à la cueillette et à la livraison des biens de valeurs, alors que les employés travaillant aux opérations internes, que l’employeur souhaite voir inclus, n’effectuent pas ce type de travail;

- Les employés du département « Canada Trucking » / Brink’s Global Services travaillent tous à partir de l’établissement de LaSalle, ce qui différencie en partie les activités de cet établissement de celles des autres établissements situés au Québec;

- Le Manuel d’information de l’employé de Brink’s révèle que certaines conditions de travail sont propres à chacune des succursales.

[9]  S’appuyant sur la preuve devant lui, le Conseil s’est dit d’avis que l’unité proposée par le défendeur était viable dans les circonstances, car (i) il existe des similarités suffisantes dans les conditions de travail des employés dans l’unité proposée pour établir une communauté d’intérêts entre eux et (ii) il existe aussi une justification pour exclure les employés « internes » de l’unité, puisque ces derniers exécutent des tâches différentes de celles des chauffeurs sur la route (Motifs du Conseil à la p. 9).

[10]  À l’appui de son argument selon lequel le Conseil a erré en n’accréditant pas une unité plus large, la demanderesse renvoie à la décision Groupe TVA Inc. v. C.U.P.E., Local 687, 2000 CCRI 67, 2000 CarswellNat 3793 et soumet que « depuis plusieurs années, le Conseil privilégie l’établissement d’unités plus importantes et plus générales » (Mémoire des faits et du droit de la demanderesse au para. 20).

[11]  Or, cette décision ne lui est d’aucun secours. Il convient de souligner, comme le mentionne le défendeur, que cette décision a été rendue dans un contexte de réexamen des unités existantes et non dans le cadre d’une première syndicalisation—c’est-à-dire « en champ libre »—comme en l’espèce. Le seul fait que l’unité proposée par la demanderesse puisse être plus appropriée ou même idéale ne saurait suffire en soi pour invalider le processus d’accréditation et écarter le droit des employés de négocier collectivement avec leur employeur (Enbridge aux paras. 27, 29, 34). Par ailleurs, le Conseil a déjà reconnu qu’une unité limitée à un secteur géographique particulier pourrait être habile à négocier, même si l’employeur en question intervient dans plusieurs régions ou localités (voir par exemple Enbridge aux paras. 31-32, 42; CEP and Bell Mobilité Inc., RE, 2009 CCRI 486, [2009] C.I.R.B.D. No. 51 aux paras. 12, 16, 19; voir aussi les Motifs du Conseil à la p. 8).

[12]  C’est à la demanderesse qu’il incombait de démontrer pourquoi l’unité proposée par le défendeur était inhabile à négocier. Après avoir considéré les arguments de la demanderesse, le Conseil a clairement expliqué les raisons pour lesquelles les arguments avancés par cette dernière étaient insuffisants. Ayant identifié une communauté d’intérêts suffisante entre les employés dans l’unité proposée et des conditions de travail similaires, et en l'absence de motif impérieux pouvant nuire à la stabilité industrielle, il était loisible au Conseil de conclure, sur la base de la preuve versée au dossier, que l’unité proposée était habile à négocier collectivement.

[13]  Finalement, les nouveaux éléments de preuve que tente d’introduire la demanderesse ne sont pas recevables car, ce faisant, cette dernière demande à notre Cour de se substituer au Conseil alors que notre rôle est de contrôler la légalité de sa décision. Il est bien établi que les éléments de preuve administrés en contrôle judiciaire se limitent à ceux qui ont été présentés devant le tribunal administratif, en l’occurrence le Conseil, et aucune exception à cette règle n’est rencontrée en l’espèce (Delios c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 117, 472 N.R. 171 aux paras. 42-43; Première nation de Namgis c. Canada (Pêches et Océans), 2019 CAF 149, 305 A.C.W.S. (3d) 463 au para. 10).

[14]  Pour tous ces motifs, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire avec dépens.

« Richard Boivin »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

  Yves de Montigny, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

  Marianne Rivoalen, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-49-19

INTITULÉ :

BRINK'S CANADA LIMITÉE c. UNIFOR

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 25 février 2020

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE BOIVIN

 

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE RIVOALEN

 

 

DATE DES MOTIFS :

LE 27 FéVRIER 2020

 

 

COMPARUTIONS :

Zeïneb Mellouli

Jessica Parent

Pour la demanderesse

BRINK'S CANADA LIMITÉE

 

Louise-Hélène Guimond

Romy Segat-Bédard

 

Pour lE défenDEUR

UNIFOR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

LAVERY, DE BILLY, S.E.N.C.R.L.

Montréal (Québec)

 

Pour la demanderesse

BRINK'S CANADA LIMITÉE

 

UNIFOR

Montréal (Québec)

 

Pour lE défendEUR

UNIFOR

 

 

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