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Date : 20200325


Dossier : A-2-19

Référence : 2020 CAF 65

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

ALAOWDDIN AHMAR

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 2 mars 2020.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 25 mars 2020.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE MACTAVISH

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

 


Date : 20200325


Dossier : A-2-19

Référence : 2020 CAF 65

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

ALAOWDDIN AHMAR

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE MACTAVISH

[1]  Alaowddin Ahmar interjette appel d’une décision de la Cour de l’impôt prononcée oralement le 5 décembre 2018, dans le dossier n° 2016-4994(GST)G, dans laquelle il a été jugé personnellement responsable de la dette fiscale de TVH d’une société appelée Strong Forming Inc. En le jugeant personnellement responsable, la Cour de l’impôt a conclu que M. Ahmar n’avait pas agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le défaut de versement que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

[2]  Pour les motifs qui suivent, M. Ahmar ne m’a pas convaincue que la Cour de l’impôt a commis une erreur en concluant qu’il ne pouvait pas se prévaloir du moyen de défense de la diligence raisonnable prévu au paragraphe 323(3) de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15. Par conséquent, je rejetterais l’appel.

1.  Les faits

[3]  M. Ahmar a créé la société Strong Forming Inc. (Strong Forming) au milieu des années 1990. La société exploite une entreprise dans le domaine du coffrage de béton. À l’exception de la première année d’activité de la société, M. Ahmar a toujours été le seul actionnaire, administrateur, dirigeant et exploitant de la société.

[4]  La Cour de l’impôt a estimé que, pendant de nombreuses années, M. Ahmar a agi de manière irréprochable. Il a consacré beaucoup d’efforts à son entreprise, qui a acquis la réputation d’exécuter du travail de qualité. M. Ahmar payait les factures de Strong Forming, y compris les charges fiscales de l’entreprise, et, de temps en temps, il injectait une partie de son propre argent dans la société pour qu’elle puisse s’acquitter de ses obligations.

[5]  Les choses ont toutefois changé en 2013, lorsque Strong Forming a exécuté en sous-traitance, pour une société appelée Rossclair, des travaux de bétonnage pour la construction des stations de métro Eglington et Tahoe, à Toronto. Un mur construit par Strong Forming, sur le chantier de la station Tahoe présentait un faux aplomb et les réparations du mur se sont révélées insatisfaisantes. Cette erreur commise par Strong Forming a entraîné un retard de six mois dans la construction.

[6]  M. Ahmar a déclaré que Rossclair était la seule cliente de Strong Forming à l’époque et que les employés de Strong Forming étaient peu occupés pendant cette période. Cependant, Strong Forming a dû garder six employés essentiels et de l’équipement sur le chantier et payer ses fournisseurs. Par conséquent, la société a commencé à manquer d’argent. Rossclair a alors accepté d’aider Strong Forming en payant les frais liés au maintien des employés de Strong Forming sur le chantier. Conformément à cet accord, Strong Forming a commencé à facturer à Rossclair les frais de personnel. Ces factures comprenaient des sommes pour la TVH. Bien que Rossclair ait couvert les frais de personnel de Strong Forming pendant le retard dans la construction, elle n’a versé à Strong Forming aucune somme pour la TVH.

[7]  M. Ahmar a fait ce qu’il a pu pour maintenir à flot Strong Forming aussi longtemps qu’il l’a pu. Il a fait en sorte que l’entreprise effectue de petits paiements aux fournisseurs pour les contenter, et il a veillé à ce que les cotisations syndicales et les primes de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail soient payées afin que les employés de Strong Forming restent sur le chantier. M. Ahmar a injecté plus de son propre argent dans la société pour tenter de la maintenir à flot, tout en utilisant au maximum ses marges de crédit. Il a également produit les déclarations de TVH de Strong Forming, dans lesquelles il a déclaré devoir une taxe nette de 183 180,75 $ pour la période allant du 1er septembre 2013 au 30 novembre 2014. Cependant, comme M. Ahmar l’a expliqué à la Cour de l’impôt, Strong Forming n’a versé aucune somme pour la TVH due parce qu’elle n’avait pas reçu de paiement de TVH de la part de Rossclair.

[8]  M. Ahmar a, en outre, déclaré devant la Cour de l’impôt qu’il essayait de maintenir à flot sa société en espérant que la situation se redresse et qu’il puisse remplir les obligations de la société, notamment sa dette de TVH. En février 2014, Strong Forming a commencé les travaux de construction de la station de métro Eglington, mais, en septembre 2014, le contrat d’assurance de la société a été résilié et l’Agence du revenu du Canada a saisi le compte bancaire de la société, ce qui l’a rendue incapable de payer ses dépenses d’exploitation. Par conséquent, la société a dû cesser ses activités.

[9]  En novembre 2015, le ministre du Revenu national a établi une cotisation à l’égard de M. Ahmar à titre d’administrateur de Strong Forming, en vertu du paragraphe 323(3) de la Loi sur la taxe d’accise, parce que la société n’avait pas versé la TVH, de 196 551,91 $, intérêts compris, pour la période du 1er septembre 2013 au 30 novembre 2014. M. Ahmar a alors interjeté appel de cette cotisation devant la Cour de l’impôt.

2.  La décision de la Cour de l’impôt

[10]  La Cour de l’impôt a été manifestement impressionnée par M. Ahmar en tant que témoin, le trouvant honnête, franc et sincère dans sa description des faits qui ont conduit à l’effondrement de Strong Forming.

[11]  La Cour de l’impôt a examiné l’explication de M. Ahmar quant aux raisons pour lesquelles la société a manqué à ses obligations en matière de TVH. Tout en reconnaissant que l’entreprise avait été victime d’un malheureux concours de circonstances que la Cour a qualifié de [traduction] « tempête parfaite », elle a néanmoins estimé que M. Ahmar connaissait les obligations fiscales de Strong Forming et qu’il n’avait pas agi [traduction] « de manière active et affirmative » pour remplir les obligations fiscales de la société. Plutôt que d’utiliser des fonds qui étaient par ailleurs disponibles pour rembourser la dette fiscale de Strong Forming, M. Ahmar a choisi de les utiliser pour essayer de maintenir la société à flot.

[12]  Après avoir examiné la jurisprudence pertinente, la Cour de l’impôt a estimé que M. Ahmar, bien que sa conduite ait été compréhensible, avait néanmoins détourné des fonds qui sinon auraient pu servir à remplir l’obligation qu’avait Strong Forming, au titre de la Loi sur la taxe d’accise, de payer d’autres créanciers. La Cour a donc conclu que M. Ahmar n’avait pas réussi à démontrer qu’il avait agi avec le soin, la diligence et la compétence nécessaires pour prévenir le manquement par Strong Forming aux obligations que lui impose la Loi sur la taxe d’accise. Par conséquent, la Cour de l’impôt a conclu que M. Ahmar ne pouvait pas invoquer le moyen de défense de la diligence raisonnable prévu au paragraphe 323(3) de la Loi, et il a été tenu personnellement responsable de la TVH non versée de l’entreprise.

3.  Les questions en litige et la norme de contrôle

[13]  Devant notre Cour, M. Ahmar soutient que la Cour de l’impôt a commis une erreur de droit dans son choix de la norme qu’elle a utilisée pour déterminer s’il pouvait invoquer la défense de la diligence raisonnable, lui imposant, dans les faits, la norme de la responsabilité absolue. La Cour de l’impôt a également commis une erreur, selon M. Ahmar, en omettant d’examiner séparément les actes qu’il a commis pendant chacune des périodes de versement entre septembre 2013 et novembre 2014 pour évaluer si sa conduite était celle d’une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances. Enfin, M. Ahmar affirme que la Cour de l’impôt a commis une erreur en ayant omis certaines considérations de fait lorsqu’elle a conclu qu’il n’avait pas fait preuve de suffisamment de diligence pour veiller à ce que Strong Forming s’acquitte des obligations que lui impose la Loi sur la taxe d’accise.

[14]  Le critère juridique appliqué par la Cour de l’impôt pour évaluer la conduite de M. Ahmar est une question de droit susceptible de révision selon la norme de la décision correcte. En revanche, l’examen et l’appréciation qu’a fait la Cour des éléments de preuve pour déterminer si l’administrateur d’une société a fait preuve de diligence raisonnable sont susceptibles de révision selon la norme de l’erreur manifeste et dominante : Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235; Balthazard c. Canada, 2011 CAF 331, [2011] A.C.F. no 1666 (QL), aux paragraphes 22 à 24, et Helgesen c. Canada, 2017 CAF 21, [2017] A.C.F. no 161 (QL), au paragraphe 4.

4.  Analyse

[15]  Aux termes du paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d’accise, les administrateurs d’une personne morale sont solidairement tenus, avec cette dernière, de payer la taxe nette, les pénalités ou les intérêts que la personne morale n’a pas versés. Les administrateurs ne sont toutefois pas responsables de façon absolue des dettes fiscales d’une société : Canada c. Buckingham, 2011 CAF 142, [2013] R.C.F. 86, aux paragraphes 47 et 52, et Balthazard, précité, au paragraphe 30. Les administrateurs ne sont pas non plus tenus de prendre toutes les mesures imaginables pour éviter que les entreprises manquent à leurs obligations fiscales : Moriyama c. Canada, 2005 CAF 207, [2005] A.C.F. no 966 (QL), au paragraphe 19, autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada (CSC) refusée, 31069 (15 décembre 2005), et Balthazard, précité, à l’alinéa 32d). L’administrateur peut éviter d’être tenu personnellement responsable s’il peut établir qu’il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le défaut de versement que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances : voir le paragraphe 323(3) de la Loi sur la taxe d’accise et Buckingham, précité, au paragraphe 33.

[16]  M. Ahmar a été l’unique administrateur et dirigeant de Strong Forming pendant toute la période concernée. La Cour de l’impôt devait déterminer si sa conduite était celle d’une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances. Un examen des motifs de la Cour de l’impôt montre qu’elle comprenait manifestement le critère à appliquer pour déterminer si l’administrateur de la société pouvait invoquer le moyen de défense de la diligence raisonnable prévu au paragraphe 323(3) de la Loi et qu’elle n’a pas assujetti M. Ahmar à la norme de la responsabilité absolue. C’est ce qui ressort clairement de l’analyse faite par la Cour de l’impôt du critère juridique énoncé par notre Cour dans les arrêts Buckingham et Balthazard, précités.

[17]  De nombreuses observations de M. Ahmar devant notre Cour portaient sur les circonstances dans lesquelles Strong Forming s’est retrouvée en 2013-2014. Il soutient que l’une des principales causes du manquement de la société était le fait que Rossclair n’avait pas payé la TVH facturée par Strong Forming pendant la période du retard dans la construction, de sorte qu’il n’aurait pas pu verser la TVH que Strong Forming n’avait pas ou dont elle ne disposait pas. M. Ahmar affirme également qu’il n’aurait pas pu utiliser les fonds reçus de Rossclair pour régler la dette de TVH de Strong Forming, car il avait l’obligation contractuelle et légale d’utiliser ces fonds pour payer ses employés : Loi sur les sociétés par actions, L.R.O. 1990, ch. B.16, paragraphe 131(1). Enfin, M. Ahmar soutient qu’il était raisonnable pour lui d’essayer de maintenir à flot Strong Forming pendant un certain temps dans le but de remettre l’entreprise sur les rails et que la Cour de l’impôt a commis une erreur en n’examinant pas séparément chacune des périodes de versement pour évaluer si sa conduite était celle d’une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

[18]  En ce qui concerne cette dernière observation, notre Cour a conclu, dans l’arrêt Buckingham, que l’examen doit porter sur la conduite de l’administrateur à partir du moment où il se rend compte que l’entreprise entame une période de difficultés financières : Buckingham, précité, au paragraphe 46. En outre, le moyen de défense de la diligence raisonnable vise à « prévenir les défauts de versement et non à y remédier » : Buckingham, précité, aux paragraphes 31, 33 et 53. Dans l’arrêt Balthazard, notre Cour a conclu qu’« il est [...] important pour les administrateurs de prendre rapidement les décisions qui s’imposent s’ils veulent soutenir avec succès une défense de diligence » : précité, au paragraphe 50. La Cour a en outre fait observer que la rapidité dans la prise de décision est importante, car plus la société accumulera de retards dans ses versements fiscaux, plus il sera difficile de soutenir que la société n’utilise pas les sommes dues à la Couronne pour financer ses activités : Balthazard, précité, au paragraphe 50.

[19]  En l’espèce, M. Ahmar s’est rendu compte des difficultés financières de Strong Forming en septembre 2013, et il a néanmoins pris la décision consciente de ne pas verser les sommes dues par la société au titre de ses obligations en matière de TVH. Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que le fait que la Cour de l’impôt n’ait pas examiné séparément chaque période de versement ait eu une incidence sur l’issue de l’appel de M. Ahmar.

[20]  Les motifs de la Cour de l’impôt montrent également que cette dernière était pleinement consciente des circonstances ayant donné lieu au retard dans la construction et des répercussions que cela a eues sur la capacité de Strong Forming de s’acquitter de ses obligations financières. La Cour de l’impôt a examiné la situation personnelle de M. Ahmar de manière assez détaillée, ainsi que sa description des faits et son explication des raisons pour lesquelles Strong Forming a accumulé du retard dans ses versements fiscaux, notamment le fait que Rossclair n’avait pas payé la TVH facturée par Strong Forming.

[21]  Bien que la Cour de l’impôt ait été manifestement sensible à la situation dans laquelle Strong Forming et M. Ahmar se sont trouvés, elle a également fait observer que la société avait reçu de Rossclair 1 660 478 $ du prix total du contrat de 1 705 775 $, dont au moins une partie aurait pu être utilisée pour réduire ou acquitter la dette fiscale de la société. Strong Forming a également reçu un paiement de 250 000 $ d’un autre client, qui concernait un projet de construction antérieur relatif au prolongement du métro de Toronto. En outre, selon des éléments de preuve dont disposait la Cour de l’impôt, M. Ahmar avait périodiquement injecté des fonds dans la société pour tenter de la maintenir à flot, bien que l’on ne sache pas exactement quand ces injections d’argent ont été faites ni quel en était le montant.

[22]  De plus, comme l’avocat de M. Ahmar l’a concédé devant nous, les éléments de preuve qui ont été présentés à la Cour de l’impôt ne révèlent pas précisément quelle part des sommes encaissées par Strong Forming a été effectivement versée aux employés de l’entreprise ni quelle part a été utilisée pour payer les fournisseurs et régler d’autres dépenses de l’entreprise. Ce qui est évident, c’est que ces fonds n’ont en aucun cas été utilisés pour régler la dette de TVH de Strong Forming.

[23]  La Cour de l’impôt a en outre estimé que M. Ahmar était manifestement conscient des obligations fiscales de Strong Forming, de ses difficultés financières et du fait qu’il pouvait être tenu personnellement responsable des dettes fiscales de la société. Cependant la Cour a conclu que M. Ahmar, au lieu d’utiliser une partie des revenus de la société pour respecter ses obligations fiscales, a pris la décision délibérée de différer le paiement de la dette de TVH de Strong Forming et d’utiliser ces revenus pour s’acquitter d’autres obligations, dans l’espoir de redresser la situation financière de l’entreprise. Comme l’a fait remarquer la Cour de l’impôt, il s’agissait précisément de la situation sur laquelle notre Cour s’est penchée dans l’arrêt Buckingham, précité.

[24]  Comme l’a fait observer notre Cour dans l’arrêt Buckingham, la société qui fait face à des difficultés financières « pourrait [se] hasarder à réaffecter les versements dus à la Couronne afin de payer d’autres créanciers et ainsi assurer la poursuite de ses activités ». Notre Cour a toutefois reconnu que c’était précisément le méfait que l’article 323 de la Loi sur la taxe d’accise visait à éviter. Notre Cour a ajouté, dans Buckingham, que le moyen de défense prévu à l’article 323 « ne devrait pas servir à encourager de tels défauts de versement en permettant aux administrateurs d’invoquer une défense de diligence raisonnable lorsqu’ils financent les activités de leur société à l’aide de remises dues à la Couronne, en espérant remédier plus tard à ces défauts » : les deux citations sont tirées du paragraphe 49.

[25]  Comme il est dit au paragraphe 6 des présents motifs, M. Ahmar a déclaré dans son témoignage que Rossclair n’avait pas payé la TVH figurant sur les factures produites par Strong Forming pour que ses employés puissent rester sur le chantier. Rossclair n’ayant jamais versé à Strong Forming la TVH facturée, M. Ahmar soutient qu’il n’a pas utilisé les sommes dues à la Couronne pour financer les activités de Strong Forming et que la Cour de l’impôt a commis une erreur en ne faisant pas de distinction entre la TVH à percevoir et la TVH perçue. Cela donne à penser que les seuls produits et services fournis par Strong Forming entre le 1er septembre 2013 et le 30 novembre 2014 ont été les services fournis à Rossclair, qui concernaient les six employés qui ont été maintenus sur le chantier, et que les sommes reçues de Rossclair pour ces services étaient donc les seules sommes dont disposait Strong Forming pour acquitter sa dette de TVH.

[26]  Il n’est cependant pas contesté que la taxe nette au cours des périodes de déclaration en question était de 183 180,75 $. Il n’y a aucune indication du montant des crédits de taxe sur les intrants de Strong Forming pour les périodes de déclaration visées. Puisque le taux de la TVH en Ontario était de 13 % durant la période visée, pour donner lieu à ce montant de taxe nette, les fournitures taxables effectuées par Strong Forming au cours de ces périodes de déclaration ont dû s’élever au moins à 1 409 083 $ (si on suppose qu’il n’y avait pas de crédit de taxe sur les intrants). On peut en déduire que Strong Forming a probablement effectué des fournitures taxables pendant cette période, outre la fourniture de services pour laquelle Strong Forming facturait à Rossclair une somme égale aux salaires de ces six employés, plus la TVH.

[27]  De plus, la Cour de l’impôt était de toute évidence consciente de la situation personnelle de M. Ahmar et de la situation de Strong Forming, notamment du fait que Rossclair n’avait pas payé la TVH facturée par Strong Forming. La Cour a examiné l’explication de M. Ahmar sur les raisons pour lesquelles la société n’a pas payé ses taxes à la lumière de la jurisprudence pertinente, puis a jugé que M. Ahmar s’était attaché à remédier au défaut de versement plutôt qu’à prévenir ce défaut en premier lieu. La Cour de l’impôt a donc conclu que M. Ahmar n’avait pas démontré qu’il avait agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le défaut de versement que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances. Puisqu’elle a appliqué le critère approprié, la Cour de l’impôt n’a pas commis d’erreur de droit à cet égard.

[28]  En fin de compte, M. Ahmar demande en réalité à notre Cour d’apprécier de nouveau les éléments de preuve dont disposait la Cour de l’impôt et de tirer une conclusion différente quant à sa responsabilité personnelle à l’égard de la dette fiscale de Strong Forming. Ce n’est pas le rôle de notre Cour dans un appel comme celui-ci. Il était loisible à la Cour de l’impôt, au vu du dossier dont elle était saisie, des exigences du paragraphe 323(3) de la Loi sur la taxe d’accise et de la jurisprudence pertinente, de conclure que M. Ahmar n’avait pas réussi à démontrer qu’il pouvait se prévaloir de la défense de la diligence raisonnable. M. Ahmar n’a pas établi que la conclusion était entachée soit d’une erreur de droit, soit d’une erreur manifeste et dominante.

5.  Conclusion

[29]  Pour les motifs qui précèdent, je rejetterais l’appel de M. Ahmar. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur la question des dépens dans un délai de deux semaines à compter de la réception de la présente décision, elles peuvent présenter des observations écrites d’au plus trois pages à la Cour.

« Anne L. Mactavish »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Wyman W. Webb, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Donald J. Rennie, j.c.a. »

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-2-19

 

INTITULÉ :

 

ALAOWDDIN AHMAR c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 2 mars 2020

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE MACTAVISH

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 25 mars 2020

 

COMPARUTIONS :

Jeffrey Radnoff

 

Pour l’appelant

 

Jeremy Tiger

Pour l’intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Radnoff Law Offices

Toronto (Ontario)

Pour l’appelant

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimée

 

 

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