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Date : 20200415


Dossier : A-293-18

Référence : 2020 CAF 74

CORAM :

LE JUGE NADON

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LOCKE

ENTRE :

 

PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC

 

appelante

 

et

 

SYLVAIN PICARD

et

RBA, GROUPE FINANCIER

 

intimés

 

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA; ASSEMBLÉE DES PREMIÈRES NATIONS; et ASSEMBLÉE DES PREMIÈRES NATIONS QUÉBEC-LABRADOR

 

intervenants

 

Audience tenue à Québec (Québec), le 2 octobre 2019.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 15 avril 2020.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LE JUGE LOCKE

 


Date : 20200415


Dossier : A-293-18

Référence : 2020 CAF 74

CORAM :

LE JUGE NADON

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LOCKE

ENTRE :

 

PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC

 

appelante

 

et

 

SYLVAIN PICARD

et

RBA, GROUPE FINANCIER

 

intimés

 

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA; ASSEMBLÉE DES PREMIÈRES NATIONS; et ASSEMBLÉE DES PREMIÈRES NATIONS QUÉBEC-LABRADOR

 

Intervenants

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DE MONTIGNY

[1]  Le présent appel soulève une question constitutionnelle importante, et porte essentiellement sur la question de savoir si les relations de travail (et plus particulièrement la réglementation et la surveillance du régime de retraite) des policiers autochtones à l’emploi de divers conseils de bande relèvent de l’autorité fédérale ou provinciale. L’appelante, le Procureur général du Québec, et l’intervenant, le Procureur général du Canada, contestent la décision de la Cour fédérale (sous la plume du juge Martineau), qui en est arrivée à la conclusion que les policiers et constables spéciaux embauchés et rémunérés par les conseils de bande aux termes d’une entente tripartite impliquant également les gouvernements fédéral et québécois occupent un emploi dans un ouvrage, une entreprise ou une activité de compétence fédérale. Par voie de conséquence, la Cour s’est dite d’avis que leur régime de pension constituait un régime agréé en vertu de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, L.R.C. 1985, c. 32 (2e suppl.) (LNPP), et que le Bureau des institutions financières du Canada devait continuer à en assurer la gestion.

[2]  Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que l’appel devrait être rejeté.

I.  Faits

[3]  Le Régime de rentes de la Sécurité publique des Premières Nations (le Régime) a été agréé pour la première fois par le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) en 1981 (Dossier d’Appel à la page 1062 (D.A.)), sous l’autorité de la Loi sur les normes des prestations de pension, L.R.C. 1970, ch. P-8 (maintenant la LNPP). Ce Régime a pour but de procurer des prestations de retraite aux policiers et constables spéciaux de plusieurs services policiers de communautés membres des Premières Nations œuvrant en milieu autochtone (voir article 1.1.1 du Règlement du Régime de rentes de la Sécurité publique des Premières Nations, D.A. vol. 4, onglet 11, à la page 1069). Le Régime couvre actuellement les services policiers relevant de 14 conseils de bande au Québec.

[4]  Les services de police des Conseils de bande membres du Régime ont tous fait l’objet d’ententes sur la prestation des services policiers intervenues entre chacun de ces Conseils de bande, Sa Majesté la Reine du chef du Canada représentée par le Ministre de la sécurité publique et de la protection civile, ainsi que le Gouvernement du Québec représenté par le Ministre de la sécurité publique. Ces ententes s’inscrivent dans le cadre du Programme des services de police des Premières Nations (le Programme), qui vient lui-même actualiser la Politique sur la police des Premières Nations adoptée en 1991 (voir Solliciteur général du Canada, Politique sur la police des Première Nations, Ottawa, Ministre des Approvisionnements et Services Canada, 1992, mis à jour en 1996 avec ISBN : 0-662-62631-1 (Politique sur la police des Premières Nations)). En vertu de ce Programme, deux options s’offrent aux communautés autochtones : établir des services de police autogérés, ou signer des ententes communautaires tripartites entre les communautés, le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial. Dans l’un et l’autre cas, le gouvernement fédéral assume 52% des coûts et le gouvernement provincial 48%. Les ententes tripartites du type de celles qui sont en cause dans le présent dossier sont apparemment privilégiées par la vaste majorité des communautés.

[5]  Les ententes tripartites sont toutes au même effet : elles énoncent généralement la mission et les obligations du corps policier, précisent les termes du financement, le partage des coûts et la durée de l’entente. De façon plus précise, les ententes adoptées par les différents Conseils de bande ayant adhéré à titre d’employeur au Régime prévoient notamment que :

  • Le Conseil de bande est l’employeur des membres du corps de police et est responsable de leur embauche;

  • Le Conseil de bande est responsable de la gestion administrative du corps de police et pourvoit à son organisation;

  • Le Conseil de bande peut établir des politiques et des procédures internes propres à la gestion administrative de son service de police;

  • Le corps de police a pour mission de maintenir la paix, l’ordre et la sécurité publique conformément à l’article 93 de la Loi sur la police (L.R.Q. c. P-13.1) (Loi sur la police);

  • Le corps de police exerce ses pouvoirs sur le territoire qui relève de la responsabilité du Conseil de bande;

  • Le Conseil de bande ne peut s’ingérer dans les activités policières; le directeur du corps de police et les policiers ne peuvent recevoir d’instructions, de manière directe ou indirecte, de la part du Conseil;

  • Le corps de police coopère à l’occasion avec les corps policiers fédéraux, provinciaux et municipaux;

  • Seuls les candidats qui répondent aux conditions et qualités requises prévues à l’article 115 de la Loi sur la police peuvent être sélectionnés pour occuper la fonction de policier;

  • Les policiers sont soumis au Code de déontologie des policiers du Québec (R.R.Q., c. O-8.1) (Code de déontologie); le Conseil adopte, en outre, une politique relative à la discipline interne des membres du corps de police. L’annexe « G » des différentes ententes prévoit à cet égard un Modèle de règlement relatif à la discipline interne, et son article 62 prévoit que la procédure applicable au processus de révision et d’arbitrage en cas de destitution est celle prévue au Code canadien du travail, L.R.C. 1985, c. L-2 (Code canadien du travail);

  • Le directeur du corps de police adopte des directives opérationnelles conformes au Guide des pratiques policières produit par le Ministre de la Sécurité publique conformément à l’article 304 de la Loi sur la police, et peut les adapter aux réalités culturelles et locales de la communauté;

  • Le Conseil de bande doit mettre à la disposition du corps de police les installations requises;

  • Le Conseil de bande gère les budgets et les achats de son corps de police;

  • Les contributions des gouvernements sont versées au Conseil de bande;

  • Il est convenu que les personnes embauchées dans le cadre d’une de ces ententes sont des personnes fournissant des services au Conseil, et qu’aucune disposition n’a pour effet de conférer au Conseil, à ses membres ou à ses employés le statut d’employé, de préposé ou de mandataire du Canada ou du Québec.

[6]   Il convient par ailleurs de reproduire ici les articles 90 à 93 de la Loi sur la police, en vertu desquels le gouvernement du Québec est autorisé à conclure de telles ententes avec le gouvernement fédéral et les conseils de bande :

chapitre P-13.1

chapter P-13.1

LOI SUR LA POLICE

POLICE ACT

TITRE I

TITLE I

FORMATION

TRAINING

SECTION IV

DIVISION IV

CORPS DE POLICE AUTOCHTONES

NATIVE POLICE FORCES

90. Le gouvernement peut conclure, avec une ou plusieurs communautés autochtones, chacune étant représentée par son conseil de bande respectif, une entente visant à établir ou à maintenir un corps de police dans un territoire déterminé dans l’entente.

90. The Government may enter into an agreement with one or more Native communities, each represented by its band council, to establish or maintain a police force in a territory determined under the agreement.

Le corps de police ainsi établi ou maintenu est, pendant la durée de l’entente, un corps de police aux fins de la présente loi.

A police force thus established or maintained shall, for the duration of the agreement, be a police force for the purposes of this Act.

91. L’entente doit prévoir des dispositions relatives au lien d’emploi et à la prestation de serments des policiers, à l’indépendance de la direction du corps de police, à la responsabilité civile, à la discipline interne et à la reddition de comptes.

91. The agreement must include provisions relating to the employment status and swearing-in of police officers, the independence of the administration of the police force, civil liability, internal discipline and accountability.

Elle peut aussi prévoir des dispositions relatives, notamment, aux matières suivantes:

The agreement may also include, in particular, provisions relating to

1° les normes d’embauche des policiers;

2° la désignation des membres du Comité de déontologie policière chargé d’entendre une demande de révision ou une citation relative à la conduite d’un policier suivant la présente loi.

(1) standards governing the hiring of police officers;

(2) the appointment of members to the Comité de déontologie policière charged with hearing an application for review or a citation concerning the conduct of a police officer pursuant to this Act.

Les dispositions relatives aux normes d’embauche des policiers peuvent être différentes des normes prévues par la présente loi ou par les règlements du gouvernement pris pour son application et prévalent sur celles-ci en cas de conflit. Le Comité de déontologie policière est lié par les dispositions de l’entente relatives à la désignation des membres du Comité.

The provisions relating to the standards governing the hiring of police officers may vary from the standards prescribed by this Act or the regulations under it and shall, in case of incompatibility, take precedence over the latter. The provisions of the agreement relating to the appointment of members to the Comité de déontologie policière are binding on the Comité.

92. Le ministre dépose toute entente à l’Assemblée nationale dans les 15 jours de la date de sa signature si elle est en session, sinon, dans les 15 jours de la reprise des travaux.

92. The Minister shall table the agreement before the National Assembly within 15 days of the day on which it is signed if the Assembly is in session or, if it is not sitting, within 15 days of resumption.

93. Un corps de police autochtone et chacun de ses membres sont chargés de maintenir la paix, l’ordre et la sécurité publique dans le territoire pour lequel il est établi, de prévenir et réprimer le crime ainsi que les infractions aux lois et aux règlements applicables sur ce territoire et d’en rechercher les auteurs.

93. A Native police force and its members are responsible for maintaining peace, order and public safety in the territory for which it is established, preventing and repressing crime and offences under the laws and regulations applicable in that territory and seeking out offenders.

[7]  Enfin, il est important de mentionner que le BSIF est responsable de la réglementation et de la surveillance des régimes de retraite privés fédéraux agréés en vertu de la LNPP, et ce afin d’accroître la confiance du public envers le système financier fédéral (Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières, L.R.C. 1985, c. 18 (3e suppl.), partie 1, article 4). Pour être agréé aux termes de la LNPP, un régime de retraite doit avant tout se rapporter à un emploi rattaché à la mise en service d’un ouvrage, d’une entreprise ou d’une activité de compétence fédérale (LNPP, articles 4(2) et (4)). Lorsque tel n’est pas le cas, la supervision du régime relève des autorités provinciales, en l’occurrence de Retraite Québec (Loi sur Retraite Québec, R.L.R.Q. c. R-26.3).

[8]  Tel que mentionné plus haut, le Régime est agréé et supervisé par le BSIF depuis sa mise sur pied en 1981. Il est vrai que le BSIF a réévalué la situation en 2011 suite aux décisions rendues par la Cour suprême dans NIL/TU,O Child and Family Services Society c. B.C. Government and Service Employees’ Union, 2010 CSC 45, [2010] 2 R.C.S. 696 [NIL/TU,O] et Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier c. Native Child and Family Services of Toronto, 2010 CSC 46, [2010] 2 R.C.S. 737. Dans ces deux affaires, le plus haut tribunal avait conclu que les salariés d’une agence d’aide à l’enfance relevant du gouvernement provincial (bien que financée par le gouvernement fédéral) et offrant des services aux communautés autochtones étaient régis par les lois du travail provinciales. Le BSIF en était néanmoins arrivé à la conclusion qu’il n’y avait pas lieu de transférer aux autorités provinciales la supervision du Régime. Je reviendrai plus loin sur la portée de ces décisions de la Cour suprême.

[9]  Suite à la décision rendue par cette Cour dans l’arrêt Commission des services policiers de Nishnawbe-Aski c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2015 CAF 211, [2016] 2 R.C.F. 351 [Nishnawbe-Aski], le BSIF a de nouveau senti le besoin de réévaluer la situation. Dans cette affaire, la Cour a conclu que les relations de travail des services policiers de Nishnawbe-Aski tombent sous la juridiction provinciale, dans la mesure où la nature et les fonctions essentielles des forces policières des Premières Nations consistent à fournir des services au même titre que les autres forces policières provinciales et municipales. Dans une lettre en date du 25 avril 2016 adressée à M. Sylvain Picard, Administrateur du Régime, le BSIF se dit d’avis que l’arrêt Nishnawbe-Aski a « renversé » la décision NIL/TU,O de la Cour suprême, et lui demande en conséquence de lui faire parvenir toute information sur la structure des employeurs participants ou des activités qu’ils exercent « démontrant que les relations de travail des employeurs participants du Régime relèvent plutôt de la compétence fédérale » (D.A. à la page 184).

[10]  Un mois plus tard (soit le 20 mai 2016), M. Picard transmet au BSIF une opinion juridique concluant que les activités policières exercées par les conseils de bandes membres du Régime sont de compétence fédérale dans la mesure où ces activités font partie intrinsèque des activités de ces conseils de bande (D.A. à la page 188). Pour les auteurs de cette opinion, la situation était différente de celle qui avait été analysée dans l’affaire Nishnawbe-Aski, du fait que le conseil de bande de cette dernière nation avait confié la gestion des services policiers à une entité distincte du conseil de bande (la Commission des services policiers) plutôt que d’assumer elle-même cette responsabilité.

[11]  Après avoir considéré cette opinion, le BSIF a confirmé sa position initiale. Tout en reconnaissant que l’emploi des conseils de bande est régi par le droit du travail fédéral, le BSIF ajoute que certains groupes d’employés sous la responsabilité d’un conseil de bande peuvent être assujettis à un code du travail provincial lorsque l’emploi qu’ils effectuent relève de la juridiction provinciale. Il en va ainsi, toujours selon le BSIF, des opérations des services de police :

Le pouvoir attribué aux agents de police dans l’exercice de leurs fonctions et celui conféré aux conseils de bande pour l’administration des services policiers découlent de la Loi sur la police, loi qui est provinciale. Les activités qui sont déléguées aux conseils de bande sont d’ailleurs détaillées dans les ententes. Ces ententes stipulent également qu’elles doivent être régies et interprétées conformément aux lois et aux règlements en vigueur au Québec. De plus, si ces ententes n’existaient pas, les services policiers dans ces territoires seraient desservis par la Sûreté du Québec, qui conformément à l’article 50 de la Loi sur la police a le pouvoir de faire appliquer la loi dans toute la province du Québec.

Dans le cas du Régime, il nous apparait d’autant plus évident que les activités des services de police sont distinctes de celles des conseils de bande par le fait que les ententes stipulent que les corps policiers doivent agir de manière indépendante des conseils de bande (articles 7.3 des ententes de Wendake et de Mashteuiatsh et article 2.2.3 de l’entente d’Opitciwan).

Ainsi, l’application du critère fonctionnel démontre que l’emploi effectué par les participants au Régime ne vise pas un emploi dans un ouvrage, une entreprise ou une activité de compétence législative fédérale. Le Régime n’est donc pas agréé en vertu de la LNPP. Le BSIF n’ayant aucune autorité sur le Régime, nous nous devons de transférer.

D.A. à la page 200.

[12]  Le BSIF a donc conclu que le Régime n’est pas agréé en vertu de la LNPP et devait être transféré à Retraite Québec, du fait que l’emploi effectué par les participants du Régime n’est pas exercé dans un ouvrage, une entreprise ou une activité de compétence législative fédérale. C’est de cette décision que les demandeurs M. Picard et RBA, Groupe Financier recherchent le contrôle judiciaire; non seulement en ont-ils demandé l’annulation par la Cour fédérale, mais ils souhaitent également obtenir un jugement déclaratoire indiquant que les participants du Régime occupent un emploi relevant de la compétence fédérale et donc visé par la LNPP.

II.  La décision contestée

[13]  Au terme d’une décision fouillée et exhaustive, la Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire et a conclu que les policiers et constables spéciaux embauchés et rémunérés par les conseils de bande membres du Régime occupent un emploi dans un ouvrage, une entreprise ou une activité de compétence fédérale de telle sorte que la LNPP s’applique au Régime. Appliquant la norme de la décision correcte, la Cour fédérale a fait droit aux prétentions des demandeurs voulant que les activités normales et habituelles des corps de police autochtones soient intimement liées aux activités de gouvernance des conseils de bande et relevaient, pour cette raison, de la compétence du Parlement.

[14]   Après avoir fait état du partage des compétences relativement aux « Indiens », au droit criminel, à l’administration de la justice et au droit du travail, et s’être attardé de façon plus particulière à la réglementation des pouvoirs de police, le juge de première instance a retracé l’histoire des services de police aux Premières Nations, tant au niveau fédéral qu’en Ontario et au Québec. Après avoir ensuite retracé la genèse du présent conflit et résumé la position des parties, le juge a conclu que la BSIF avait erré en mettant l’accent sur la nature du travail d’un policier plutôt que sur l’entreprise qui l’emploie. De l’avis du juge, « la réglementation des relations de travail des constables spéciaux et des policiers a de tout temps été déterminée par le caractère, fédéral ou provincial, voire municipal, des activités de l’employeur en cause, et non par la description des tâches des policiers, ou le fait qu’ils pouvaient agir comme agents de la paix en vertu d’une loi provinciale, ce qui inclut les constables spéciaux et les policiers à l’emploi des conseils de bande » (Picard c. Canada (Procureur général), 2018 CF 747 au paragraphe 116; voir aussi paragraphe 118 (Motifs)).

[15]  Compte tenu du fait que les activités normales et habituelles des corps de police autochtones sont intimement liées aux activités de gouvernance des conseils de bande, et que les relations de travail des conseils de bande sont régies par le Code canadien du travail (voir Francis c. Conseil canadien des relations de travail, [1981] 1 C.F. 225 (C.A.), [1980] A.C.F. No 151 (QL) [Francis], infirmé sur un autre point par A.F.P. (Can.) c. Francis, [1982] 2 R.C.S. 72, [1982] A.C.S. No 62 (QL)), les services policiers membres du Régime doivent être considérés comme des « emplois inclus » aux termes du paragraphe 4(4) de la LNPP. L’essentiel du raisonnement de la Cour fédérale sur ce point tient dans les deux paragraphes suivants :

[119] (…) En l’espèce, une analyse correcte de l’ensemble des faits pertinents, selon le critère fonctionnel, révèle que, dans leur nature essentielle, les services policiers rendus par des constables spéciaux ou des policiers membres d’un corps de police autochtone, qui sont directement à l’emploi des conseils de bande membres du Régime, sont intimement liés et sont indivisibles des activités de gouvernance de chaque conseil de bande partie aux ententes tripartites produites au dossier de la Cour. Vu le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867, le maintien de l’ordre et de la sécurité publique dans les réserves indiennes pouvait être vu par les rédacteurs de la Constitution comme un « accessoire indissociable » de la compétence législative sur les Indiens et les terres aux Indiens (Four B).

[120] En vertu des ententes conclues, le conseil de bande demeure, en tout temps, imputable des obligations et des responsabilités lui incombant de fournir à la collectivité un service de police de qualité. Le bureau a donc erré en considérant que le service de police fourni aux communautés se trouvant sur les réserves et les autres terres réservées aux Indiens était divisible des autres activités de gouvernance du conseil de bande. En l’espèce, le fait pour chaque conseil de bande de contrôler l’embauche et les conditions de travail des salariés participants du Régime constitue un élément déterminant de l’exercice de la compétence qui lui est dévolue par la loi et les ententes. Et, au risque de me répéter, le fait qu’un membre d’un corps de police autochtone ait le statut d’« agent de la paix » en vertu de la Loi sur la police n’affecte pas son lien d’emploi avec le conseil de bande et ne change pas le caractère fédéral des activités de gouvernance du conseil de bande.

[16]  La Cour fédérale estime également que le BSIF a erré en considérant que cette Cour a renversé l’arrêt NIL/TU,O dans l’affaire Nishnawbe-Aski. Au contraire, notre Cour n’aurait fait qu’appliquer le critère fonctionnel à une situation de fait unique et propre à l’Ontario. Dans cette affaire, en effet, ce ne sont pas les conseils de bande eux-mêmes qui offraient les services de police, mais plutôt une Commission provinciale qui recrutait les salariés indépendamment des communautés autochtones. Voilà pourquoi on en serait arrivé à un résultat similaire à celui de l’affaire NIL/TU,O, qui mettait en cause les services à l’enfance fournis aux collectivités autochtones par une entité provinciale.

[17]  Enfin, la Cour fédérale a semblé aborder la deuxième étape de l’analyse fonctionnelle dans ses « Remarques subsidiaires sur l’Indianité » (Motifs aux paragraphes 147-151). En effet, la Cour conclut qu’au regard de la doctrine de l’exclusivité des compétences, les relations de travail des corps de police autochtones ne sauraient relever de la compétence provinciale en raison de l’effet sur la quiddité indienne, au cœur de la compétence fédérale sur les Indiens. Voici comment s’exprime la Cour fédérale à cet égard :

[151] Dans la mesure donc, où une loi provinciale d’application générale prétend réglementer ou limiter les pouvoirs de gérance à titre d’employeur du conseil de bande en vertu de la Loi sur les Indiens – que ce soit au niveau des conditions d’embauche et de la sélection des candidats, des rapports collectifs de travail, des conditions de travail minimales des salariés du conseil de bande, de leur santé et sécurité au travail, ou de la réglementation et de la surveillance de leur régime de retraite – une interprétation compatible constitutionnellement avec la compétence fédérale exclusive prévue au paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 requiert que cette loi provinciale ne s’applique pas aux conseils de bande et aux salariés participants du Régime. De l’avis de cette Cour, toute interprétation contraire « aurait concrètement pour effet de neutraliser l’exercice du pouvoir reconnu par la Constitution » (Gosselin (Tuteur de) c Québec (Procureur général), 2005 CSC 15 au para. 14). Dans le présent dossier, la solution pratique est donc de reconnaître l’application de la réglementation fédérale au Régime, ce qui n’empêche pas les articles 90 à 93 de la Loi sur la police de s’appliquer également.

[18]  Le Procureur général du Québec, intervenante en première instance, en a appelé de cette décision le 27 septembre 2018; de leurs côtés, l’Assemblée des Premières Nations et l’Assemblée des Premières Nation Québec-Labrador ont obtenu la permission d’intervenir au soutien de la position défendue par les intimés.

III.  Questions en litige

[19]  Le Procureur général du Québec a énoncé quatre questions faisant l’objet du présent litige, que les intimés ont reprises dans leur argumentation. J’estime cependant, comme le Procureur général du Canada, intervenant, que la seule question à résoudre dans le présent dossier peut être formulée de la façon suivante :

La Cour fédérale a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que les policiers participant au Régime occupent un emploi rattaché à la mise en service d’un ouvrage, d’une entreprise ou d’une activité fédérale au sens de la LNPP?

IV.  Analyse

A.  La norme de contrôle

[20]  Toutes les parties s’entendent pour dire que la norme de contrôle applicable pour trancher le présent litige est celle de la décision correcte. Il en va ainsi parce que la question fondamentale sur laquelle cette Cour (et la Cour fédérale en première instance) doit se prononcer est de nature constitutionnelle. Il est vrai que d’un point de vue formel, c’est l’interprétation de l’article 4 de la LNPP et plus particulièrement de l’expression « emploi inclus » qui retient l’attention. Mais cet exercice est tributaire du partage des compétences législatives prévu aux articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 (R-U), 30 & 31 Vict, c. 3, reproduite dans L.R.C. 1985, annexe II, no 5 [la L.C. de 1867], auxquels réfère implicitement la définition d’« emploi inclus » et dont il ne peut être dissocié. Le Parlement ne peut en effet légiférer que dans le cadre des pouvoirs qui lui sont dévolus par le texte constitutionnel.

[21]  Il est vrai que cette affaire a été entendue avant la décision rendue par la Cour suprême dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [Vavilov]. Cette récente décision n’a cependant pas modifié l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 au paragraphe 58, à cet égard, et confirme la jurisprudence antérieure selon laquelle les questions de nature constitutionnelle ne peuvent recevoir qu’une seule réponse :

La Constitution tant écrite que non écrite circonscrit l’ensemble des mesures prises par l’État. Les législateurs et les décideurs administratifs sont tenus de respecter la Constitution. Un législateur ne saurait modifier la portée de ses propres pouvoirs constitutionnels par voie législative. Il en saurait non plus modifier les limites constitutionnelles de ses pouvoirs exécutifs en déléguant ceux-ci à un organe administratif. En d’autres termes, si un législateur peut choisir les pouvoirs à déléguer à un organisme administratif, il ne peut déléguer des pouvoirs dont la Constitution ne l’investit pas. Le pouvoir constitutionnel d’agir doit comporter des limites définies et uniformes, ce qui commande l’application de la norme de la décision correcte.

Vavilov au paragraphe 56.

[22]  C’est d’ailleurs la norme qu’a appliquée la Cour fédérale. Le rôle de cette Cour est donc de déterminer si la Cour fédérale a bien appliqué cette norme; en d’autres termes, le rôle de la Cour est de se mettre à la place du juge de première instance et de se concentrer sur la décision du décideur administratif : voir Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559 aux paragraphes 45-47.

B.  Le partage des compétences en matière de relations de travail

[23]  Le pouvoir de légiférer en matière de relations de travail n’a pas été prévu explicitement par la L.C. de 1867. Il est néanmoins acquis depuis maintenant près d’un siècle que le droit du travail relève principalement des paragraphes 92(13) (« propriété et droits civils ») et 92(16) (« matières d’une nature purement locale ou privée dans la province »). Ce n’est que par exception, lorsque le Parlement exerce une compétence exclusive dans un domaine, que les relations de travail tomberont sous son ressort en tant que partie intégrante de sa compétence principale : voir notamment Toronto Electric Commissioners c. Snider, [1925] A.C. 396, [1925] 2 D.L.R. 5; Reference re Industrial Relations and Disputes Investigation Act, [1955] R.C.S. 529; Reference Re Minimum Wage Act of Saskatchewan, [1948] R.C.S. 248, [1948] 3 D.L.R. 801; Commission du salaire minimum c. Bell Telephone Co. Of Canada, [1966] R.C.S. 767; Agence Maritime Inc. c. Conseil Canadien des Relations Ouvrières et al., [1969] R.C.S. 851; Union des facteurs du Canada c. Syndicat des postiers du Canada, [1975] 1 R.C.S. 178; Conseil canadien des relations du travail c. Yellowknife, [1977] 2 R.C.S. 729 [Yellowknife]; Construction Montcalm Inc. c. Com. Sal. Min., [1979] 1 R.C.S. 754; Northern Telecom c. Travailleurs en communication, [1980] 1 R.C.S. 115 [Northern Telecom]; Four B Manufacturing c. Travailleurs unis du vêtement, [1980] 1 R.C.S. 1031 [Four B]; Bell Canada c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), [1988] 1 R.C.S. 749, 15 C.A.Q. 217; Ontario Hydro c. Ontario (Commission des relations de travail), [1993] 3 R.C.S. 327; Consolidated Fastfrate Inc. c. Western Canada Council of Teamsters, 2009 CSC 53, [2009] 3 R.C.S. 407; NIL/TU,O; Tessier Ltée c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), 2012 CSC 23, [2012] 2 R.C.S. 3.

[24]  Les principes applicables ont été utilement résumés par le juge Dickson (au nom d’une Cour unanime) dans l’arrêt Northern Telecom à la page 132 et sont toujours d’actualité :

(1) Les relations de travail comme telles et les termes d’un contrat de travail ne relèvent pas de la compétence du Parlement; les provinces ont une compétence exclusive dans ce domaine.

(2) Cependant, par dérogation à ce principe, le Parlement peut faire valoir une compétence exclusive dans ces domaines s’il est établi que cette compétence est partie intégrante de sa compétence principale sur un autre sujet.

(3) La compétence principale du fédéral sur un sujet donné peut empêcher l’application des lois provinciales relatives aux relations de travail et aux conditions de travail, mais uniquement s’il est démontré que la compétence du fédéral sur ces matières fait intégralement partie de cette compétence fédérale.

(4) Ainsi, la réglementation des salaires que doit verser une entreprise, un service ou une affaire et la réglementation de ses relations de travail, toutes choses qui sont étroitement liées à l’exploitation d’une entreprise, d’un service ou d’une affaire, ne relèvent plus de la compétence provinciale et ne sont plus assujetties aux lois provinciales s’il s’agit d’une entreprise, d’un service ou d’une affaire fédérale.

(5) La question de savoir si une entreprise, un service ou une affaire relève de la compétence fédérale dépend de la nature de l’exploitation.

(6) Pour déterminer la nature de l’exploitation, il faut considérer les activités normales ou habituelles de l’affaire en tant qu’« entreprise active », sans tenir compte de facteurs exceptionnels ou occasionnels; autrement, la Constitution ne pourrait être appliquée de façon continue et régulière.

[25]  Plus récemment, la Cour suprême est venue préciser dans l’arrêt NIL/TU,O au paragraphe 3 la démarche à suivre pour déterminer si la réglementation des relations de travail relève du gouvernement fédéral. Dans un premier temps, il faut appliquer le critère fonctionnel et donc se demander si la nature de l’entité, son exploitation et ses activités en font une entreprise fédérale. Dans un tel cas, les relations de travail seront régies par le Parlement. Si cette première étape n’est pas concluante, il faudra alors se demander si la réglementation des relations de travail de l’entité par un gouvernement provincial porterait atteinte à la compétence fédérale en cause.

[26]  Cette démarche se distingue de celle que l’on suit généralement pour décider si une loi excède les compétences du gouvernement qui l’a adoptée. Parce qu’il faut présumer que la réglementation des relations de travail relève de l’autorité provinciale, la question ne sera pas de savoir si une activité se rattache au contenu essentiel d’un chef de compétence fédérale, mais plutôt de déterminer si une entité visée entre dans la catégorie des « entreprises fédérales » de telle sorte qu’elle échappe à la compétence des provinces en matière de relations de travail. Comme l’indique la majorité dans l’arrêt NIL/TU,O, ces deux démarches sont fondamentalement différentes :

[22] La différence entre ces deux démarches est importante. Le « contenu essentiel » d’un chef de compétence fédéral peut ne pas recouper la portée ou l’étendue potentielle d’une compétence législative fédérale, comme l’a dit notre Cour dans Banque canadienne de l’Ouest. De plus, il est possible qu’une entité soit réglementée en partie par le fédéral et en partie par la province. Dans la mesure où l’application du critère fonctionnel ne permet pas de déterminer qui a compétence sur les relations de travail d’une entité, la présomption de compétence provinciale s’appliquera à moins que la réglementation, par la province, des relations de travail de l’entité porte atteinte au contenu essentiel du chef de compétence fédéral. C’est uniquement dans le cas où l’application du critère fonctionnel n’est pas concluante que l’on entreprendra cette analyse restrictive du « contenu essentiel » de la compétence fédérale. (Italiques dans le texte)

[27]  La Cour suprême a également précisé, au paragraphe 80 de cette même affaire NIL/TU,O, qu’il n’y a pas lieu d’aborder différemment la compétence relative aux relations de travail d’une entité parce qu’elle est contrôlée ou exploitée par des autochtones, ou parce qu’elle opère sur le territoire d’une réserve. Après avoir dûment noté l’existence d’un courant jurisprudentiel suivant lequel des tribunaux ont fait fi du critère fonctionnel en cette matière pour passer directement à la question de savoir s’il y a atteinte au contenu essentiel d’un chef de compétence fédéral, la juge Abella (au nom de la majorité) a réitéré l’approche qu’avait précédemment adoptée la Cour suprême dans l’arrêt Four B.

[28]  Dans cette affaire, faut-il le rappeler, le plus haut tribunal avait décidé que les relations de travail au sein d’une entreprise de fabrication de souliers exploitée sur une réserve autochtone et appartenant à des membres d’une bande étaient régies par les lois du travail provinciales. Appliquant le critère fonctionnel, la Cour s’est dite d’avis que la fabrication de souliers est une « activité industrielle ordinaire » qui relève de la compétence provinciale en ce qui concerne ses relations de travail, et que « [n]i la propriété de l’entreprise par des actionnaires indiens, ni l’embauchage par cette entreprise d’une majorité d’employés indiens, ni l’exploitation de cette entreprise sur une réserve indienne en vertu d’un permis fédéral, ni le prêt et les subventions du fédéral, pris séparément ou ensemble », ne peuvent modifier la nature de cette entreprise (Four B à la page 1046).

[29]  Reprenant cette analyse à son compte, la juge Abella s’est inscrite en faux contre la position retenue par ses deux collègues dissidents de regrouper les deux étapes en un seul examen consistant à se demander si les activités en cause relèvent du « contenu essentiel de l’indianité » protégé par le paragraphe 91(24) de la L.C. de 1867 (NIL/TU,O au paragraphe 46). Même en matière autochtone, insiste-t-elle, il faut d’abord appliquer le critère fonctionnel. Ce n’est que dans l’hypothèse où cette étape n’est pas concluante que l’on devra passer à la seconde étape, à savoir si le fait que les relations de travail d’une entité soient régies par le gouvernement provincial portera atteinte au contenu essentiel de la compétence fédérale sur les autochtones.

[30]  Appliquant le critère fonctionnel, la juge Abella s’est penchée sur les activités de la société NIL/TU,O Child and Family Services (NIL/TU,O) qui représentait un regroupement de Premières Nations. Aux termes d’une entente tripartite avec le gouvernement fédérale et le gouvernement de la Colombie-Britannique la NIL/TU,O c’était vu confié le mandat d’offrir des services d’aide à l’enfance aux enfants et aux familles des Premières Nations visées par l’entente. En vertu de cette entente, le gouvernement provincial déléguait à la société certains de ses pouvoirs en matière d’aide à l’enfance tandis que le gouvernement fédéral finançait la prestation de certains de ces services (à une hauteur de 65%). L’entente prévoyait également que les employés de la société étaient toujours redevables envers les directeurs nommés en vertu de la loi provinciale lorsqu’ils assuraient des services prévus par cette loi, et devaient s’assurer de respecter un certain nombre de principes et d’obligations prévues par cette même loi. La nature et l’étendue des pouvoirs délégués aux divers employés de la société étaient également précisées dans l’entente. Cette dernière prévoyait aussi qu’un directeur désigné sous le régime de la loi provinciale pouvait intervenir pour s’assurer du respect de cette loi.

[31]  NIL/TU,O avait prétendu que le caractère typiquement autochtone de la prestation de ses services faisait en sorte qu’elle constituait une entreprise, un service ou une affaire de compétence fédérale en ce qui concerne ses relations de travail. La majorité a rejeté cette prétention en des termes qui ne souffrent aucune ambiguïté. Après avoir rappelé que les activités de la société sont entièrement réglementées par la loi provinciale, la juge Abella écrit :

[39] Rien de tout cela ne change le caractère distinct de NIL/TU,O à titre d’organisation d’aide à l’enfance pour les communautés autochtones. Mais le fait qu’elle serve ces communautés ne peut lui faire perdre sa nature essentielle d’agence d’aide à l’enfance qui est réglementée à tous égards par la province. Ni l’identité culturelle des clients et des employés de NIL/TU,O, ni son mandat qui consiste à fournir à ses clients autochtones des services adaptés à leur culture ne réfute la présomption selon laquelle les relations de travail sont réglementées par le gouvernement provincial. Comme l’a souligné la Cour d’appel, les services sociaux doivent, pour être efficaces, cibler une clientèle. Cette tentative de fournir des services utiles à une communauté en particulier ne peut toutefois pas écarter la compétence provinciale principale sur les relations de travail des fournisseurs de services. La fonction de NIL/TU,O est incontestablement provinciale.

[32]  Et au risque de ne pas avoir été assez claire, elle conclut dans les termes suivants :

[45] La nature essentielle des activités de NIL/TU,O consiste à fournir des services aux enfants et aux familles, une question qui relève de la compétence provinciale. La présence de financement fédéral et le fait que les services de NIL/TU,O visent à répondre à des besoins précis sur le plan culturel ne changent pas, à mon avis, la nature manifestement provinciale de cette entité. La communauté visée par les activités de NIL/TU,O à titre d’agence d’aide à l’enfance ne change pas ce qu’elle fait, soit offrir des services d’aide à l’enfance. Les bénéficiaires visés peuvent et devraient sans doute influer sur la façon dont ces services sont rendus, mais ils ne changent rien au fait que la prestation de services d’aide à l’enfance, une entreprise provinciale, est essentiellement la fonction de NIL/TU,O. (Italiques dans le texte)

[33]  Cette Cour a eu l’occasion de se pencher à quelques reprises sur les relations de travail en contexte autochtone dans la foulée de la décision NIL/TU,O. La première de ces décisions, qui a amené le BSIF à conclure que le Régime ne pouvait être agréé aux termes de la LNPP et à laquelle toutes les parties nous ont référé étant donné le contexte factuel très similaire à plusieurs égards à celui dans lequel s’inscrit la présente affaire, est celle de Nishnawbe-Aski. Était en cause dans cette affaire la compétence du Conseil canadien des relations industrielles à l’égard des policiers à l’emploi de la Commission des services policiers de Nishnawbe-Aski.

[34]  Conformément à la Politique sur la police des Premières Nations et au Programme, le gouvernement fédéral, l’Ontario et les Premières Nations ont signé une entente ouvrant la porte à trois options pour la fourniture de services policiers dans cette province. Les Premières Nations pouvaient conclure une entente avec des corps policiers déjà existants (services municipaux, régionaux ou Police provinciale de l’Ontario), établir leurs propres services de police, ou créer un service de police régional contrôlé par une autorité policière des Premières Nations. C’est cette troisième option qu’a choisie la Nation Nishnawbe-Aski pour les 49 communautés qui la composent.

[35]  Cette entente prévoit que toutes les responsabilités policières concernant les communautés de la Nation Nishnawbe-Aski assumées par la Police provinciale de l'Ontario (PPO) sont transférées à la Commission des services policiers de Nishnawbe-Aski. À l’origine, tous les agents de ce nouveau corps policier avaient été mutés de la PPO, et ils s’acquittaient essentiellement des mêmes fonctions qu’ils exerçaient lorsqu’ils étaient employés par la PPO. C’est dire que les services policiers de Nishnawbe-Aski ont la responsabilité d’appliquer les lois des Premières Nations, le Code criminel, les lois provinciales et les lois fédérales sur le territoire visé. Quant au recrutement, il s’effectue indépendamment des Premières Nations; une fois sélectionnées, les recrues doivent compléter leur formation au Collège de police de l’Ontario comme toutes les autres recrues de la province. Une fois nommés par le Commissaire de la PPO conformément à l’article 54 de la Loi sur les services policiers, L.R.O. 1990, c. P.15 [Loi sur les services policiers], les agents des Premières Nations possèdent tous les pouvoirs d’un agent de police aux termes de cette Loi et peuvent veiller à l’application de la loi partout en Ontario. Les agents de Nishnawbe-Aski relèvent en dernier ressort du commissaire de la PPO et de la Commission civile de l’Ontario sur la police, de qui relève le pouvoir de les suspendre ou de les congédier. Enfin, le financement de base est assuré à 48% par l’Ontario et à 52% par le gouvernement fédéral.

[36]  Après avoir rappelé les principes et la jurisprudence applicables, cette Cour (sous la plume du juge Stratas) a énuméré les éléments qui l’amenaient à conclure que les relations de travail des services policiers de Nishnawbe-Aski relèvent de la compétence provinciale (Nishnawbe-Aski au paragraphe 65). Au nombre des plus pertinents pour le présent dossier, on note que :

·  Les provinces ont la compétence législative d’établir des services de police provinciaux et municipaux en vertu des paragraphes 92(8) et 92(16) de la L.C. de 1867;

·  La source législative de la nomination des agents des Premières Nations est la Loi sur les services policiers, une loi provinciale; le statut d’agent des Premières Nations découle de cette loi, et non d’une loi fédérale;

·  Cette loi provinciale confère aux agents des Premières Nations les pouvoirs d’agents de police aux fins de l’exercice de leurs fonctions, ce qui inclut le pouvoir de détenir, d’arrêter et si nécessaire de recourir à la force;

·  Cette loi réglemente certaines parties des relations de travail des policiers et permet au commissaire de la PPO de suspendre ou congédier un agent des Premières Nations;

·  Les agents des Premières Nations sont assujettis aux mêmes organismes réglementaires que les agents des autres services de police en Ontario;

·  La nature essentielle des services policiers consiste à fournir des services de police à toute la population, autochtone ou non, qui se trouve dans la région de Nishnawbe-Aski. Les agents des Premières Nations sont tenus d’appliquer la loi à tous. Ces services peuvent être exercés partout en Ontario.

·  Les pouvoirs des services policiers autochtones ne se limitent pas au maintien de l’ordre dans les réserves;

·  Du point de vue fonctionnel, les services policiers de Nishnawbe-Aski sont intégrés à plusieurs égards à d’autres policiers ontariens comme la PPO;

·  Les services policiers de Nishnawbe-Aski sont autonomes et indépendants de la Nation de Nishnawbe-Aski et des membres des bandes qui la composent.

[37]  Après avoir rappelé qu’il faut s’attarder aux activités de l’entité plutôt qu’à l’identité de la communauté qui bénéficie de ces activités, la Cour a cité l’arrêt NIL/TU,O (au paragraphe 39, reproduit au paragraphe 31 des présents motifs) et a indiqué qu’il s’appliquait tout autant aux services policiers de Nishnawbe-Aski. En d’autres termes, « [l]e fait que les services policiers de Nishnawbe-Aski présentent la caractéristique distinctive de desservir des communautés autochtones n’enlève rien à sa nature essentielle de force policière réglementée à tous égards par la province » (Nishnawbe-Aski au paragraphe 70). Et d’ajouter :

[71] Il est vrai que les agents de police de Nishnawbe-Aski appliquent, entre autres choses, des règlements pris par les bandes, quoiqu’il ne s’agisse que d’une partie négligeable de leurs fonctions : [TRADUCTION] Rapport annuel de la Commission des services policiers de Nishnawbe-Aski 2011-2012 (0,6 p. cent seulement des incidents totaux durant l’année d’exploitation). Il est vrai que l’application de règlements des bandes peut aider la Nation Nishnawbe-Aski à gouverner ses régions, et qu’un objectif important des services policiers de Nishnawbe-Aski est de promouvoir l’autonomie gouvernementale autochtone et d’y contribuer. Ces éléments n’ont toutefois rien à voir avec le caractère factuel des activités véritables de ces services policiers. Comme les organismes de protection de l’enfance qui étaient en cause dans les affaires NIL/TU,O et Native Child, au vu du présent dossier, les fonctions et les activités des services policiers de Nishnawbe-Aski ne peuvent qu’être qualifiées de provinciales par nature : il s’agit de fonctions et d’activités adaptées à une communauté particulière, sans plus.

[38]  Plus récemment, cette Cour a adopté une démarche similaire dans l’arrêt Canada (Attorney General) v. Northern Inter-Tribal Health Authority Inc., 2020 FCA 63 [Northern Inter-Tribal]. Était en cause dans cette affaire la décision du BSIF suivant laquelle le régime de pension des employés des deux entreprises intimées ne relevait pas de son autorité et tombait plutôt sous la responsabilité de la province. Ces deux entreprises, des organismes sans but lucratif, ont été constituées en société pour la prestation de services de santé à des Premières Nations, et opèrent en vertu d’un accord conclu entre elles, le gouvernement fédéral et les Premières Nations impliquées. Elles sont financées par le gouvernement fédéral, tout en respectant les lignes directrices et les règlements provinciaux afin de garantir le respect des normes appropriées en matière de santé.

[39]  Appliquant de nouveau le critère fonctionnel et le cadre d’analyse développé dans l’arrêt NIL/TU,O et appliqué dans Nishnawbe-Aski, la Cour a rejeté la prétention des intimées suivant laquelle le caractère typiquement autochtone de la prestation de leurs services modifiait la nature de leur entreprise et de leur activité. Se disant d’avis qu’il s’agissait précisément de la thèse rejetée par la Cour suprême dans NIL/TU,O, le juge Stratas (au nom d’une Cour unanime) écrit :

[TRADUCTION]

[24] L’arrêt Nishnawbe-Aski de notre Cour, à l’instar de l’arrêt NIL/TU,O, étaye solidement le principe selon lequel une entreprise généralement régie par les provinces ne devient pas une entreprise de compétence fédérale pour la seule raison qu’elle est conçue pour répondre aux besoins d’une population autochtone locale. L’entreprise dont il est question dans l’arrêt Nishnawbe-Aski ‑ un conseil d’administration d’un service de police ‑, si elle est constituée en grande partie d’Autochtones, reçoit des consignes de la communauté autochtone locale et joue un rôle très important au sein de cette dernière, demeure sur le plan fonctionnel une entreprise de compétence provinciale.

[40]   La question qui se pose ici est celle de savoir si le fait que les policiers dont le régime de pension est en cause ici sont employés par les conseils de bande est déterminant et suffit à distinguer la présente affaire des arrêts NIL/TU,O et Nishnawbe-Aski. À tous autres égards, en effet, le cadre légal à l’intérieur duquel opèrent les services policiers qui contribuent au Régime n’est guère différent, pour l’essentiel, de celui qui prévaut en Ontario et qui faisait l’objet de l’arrêt Nishnawbe-Aski.

[41]  Dans les deux cas, la création des services policiers autochtones est le fruit d’une entente tripartite impliquant les gouvernements provincial et fédéral. Contrairement à ce que semble avoir affirmé la Cour fédérale, ces corps de police tirent leur existence et leurs pouvoirs d’une loi provinciale et non d’une loi fédérale. C’est en effet sous l’autorité de la Loi sur la police que les corps de police autochtones sont établis et exercent leur juridiction au Québec, et que des ententes sont conclues avec les communautés autochtones.

[42]  Il est acquis depuis longtemps que l’établissement d’une force policière relève des provinces dans le cadre de leur pouvoir sur l’administration de la justice prévu au paragraphe 92(14) de la L.C. de 1867 : voir Procureur général de l’Alberta c. Putnam, [1981] 2 R.C.S. 267 à la page 279; O’Hara c. Colombie-Britannique, [1987] 2 R.C.S. 591 à la page 606. En effet, l’administration de la justice tant civile que criminelle relève des provinces (Di Iorio c. Gardien de la prison de Montréal, [1978] 1 R.C.S. 152 à la page 192), et les corps policiers provinciaux ont la responsabilité de faire respecter tant les lois provinciales que le Code criminel. La compétence fédérale en matière d’administration de la justice se limite à la poursuite et au respect des lois adoptées par le Parlement autres que le Code criminel : P.G. (Can.) c. Transports Nationaux du Can. Ltée, [1983] 2 R.C.S. 206; R. c. Wetmore, [1983] 2 R.C.S. 284. Voir aussi, plus généralement, Peter W. Hogg, Constitutional Law of Canada, 5e éd, United States, Thomson Reuters, 2019, ch. 19.5.

[43]  J’estime donc que le juge de première instance a erré en laissant entendre que l’alinéa 81(1)c) de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I-5 [Loi sur les Indiens], qui délègue aux conseils de bande le pouvoir de prendre des règlements administratifs pour « l’observation de la loi et le maintien de l’ordre », les autorise de ce fait à créer leur propre corps de police. De même m’apparaît-il erroné d’affirmer qu’en l’absence d’entente, la Sûreté du Québec ne pourrait assurer la sécurité dans les territoires visés par les ententes. Il ne fait aucun doute qu’en l’absence d’ententes, ce sont les autorités provinciales qui assureraient le maintien de l’ordre sur les territoires délimités dans ces ententes. C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle en est arrivée la Cour d’appel du Québec dans un autre contexte :

Si les intimés ont pu postuler comme candidats à des postes de policier, c’est qu’une entente est intervenue le 19 août 1999 entre le Conseil de bande de Kanesatake, le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada. Le Conseil de bande seul, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés tant par la Loi sur les Indiens que la Loi sur le gouvernement du territoire provisoire de Kanesatake, n’est pas compétent pour mettre sur pied un corps policier à Kanesatake. Quant au fédéral, à supposer que sa compétence sur les Indiens et les terres réservées aux Indiens lui permette de déléguer ce pouvoir au Conseil de bande, il ne l’a pas fait.

Conseil mohawk de Kanesatake/Mohawk Council of Kanesatake c. Isaac, 2011 QCCA 977 au paragraphe 48.

[44]  Cette Cour en est arrivée à la même conclusion dans l’arrêt Nishnawbe/Aski au paragraphe 65 :

Le CCRI a conclu que les services policiers de Nishnawbe-Aski tiraient leur pouvoir de l’alinéa 81(1)c) de la Loi sur les Indiens, qui prévoit que les conseils de bande peuvent adopter des règlements administratifs aux fins de « l’observation de la loi et [du] maintien de l’ordre ». Je ne suis pas d’accord. Cette disposition accorde aux conseils de bande le pouvoir d’adopter des règlements aux fins du respect de la loi et de l’ordre, rien de plus. L’une des fonctions des services policiers de Nishnawbe-Aski est d’appliquer les règlements pris en vertu de l’alinéa 81(1)c) de la Loi sur les Indiens, mais sa fonction globale est de fournir des services policiers autorisés par la Loi sur les services policiers. Comme l’ont conclu la Cour suprême et la Cour d’appel de l’Ontario, le statut d’agent des Premières Nations découle directement de la Loi sur les services policiers, et non d’une loi fédérale.

[45]  Il n’est pas nécessaire de se prononcer, dans le cadre du présent appel, sur la question de savoir si le Parlement aurait le pouvoir de légiférer pour créer lui-même des corps de police autochtones ou pour autoriser des conseils de bande à le faire. De l’avis même du Procureur général du Canada, le Parlement n’a pas légiféré en ce sens, et il m’apparaît clair que l’alinéa 81(1)c) n’est pas suffisamment explicite pour être interprété de cette façon.

[46]  Pour revenir aux autres similitudes entre le présent dossier et les faits à l’origine de l’arrêt Nishnawbe-Aski, je note que le financement des corps policiers autochtones est assuré dans les deux cas par le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial concerné, et ce dans une même proportion (respectivement 52% et 48%). Dans les deux cas, la participation du gouvernement fédéral n’est pas requise pour établir ces services de police et résulte uniquement de l’exercice de son pouvoir de dépenser.

[47]  Je note également que dans les deux cas, les policiers autochtones tirent leur pouvoir de la loi provinciale, et doivent agir de manière indépendante et sans aucune forme d’ingérence lors des enquêtes et des opérations qu’ils mènent. Ils ne peuvent donc d’aucune façon recevoir d’instructions, de manière directe ou indirecte, de la part du conseil, de ses employés, ou des membres des bandes. Ils sont également assujettis aux critères de sélection et de formation applicables à tous les policiers de la province, et sont soumis au même Code de déontologie. Enfin, les ententes à l’étude ici, comme celle qui était examinée dans l’affaire Nishnawbe-Aski, prévoient la possibilité pour les corps de police autochtones de collaborer sur le plan opérationnel avec les diverses instances policières qui exercent leurs pouvoirs sur le territoire du Québec.

[48]  Il est vrai que dans le cadre des ententes visées par le présent litige, le territoire sur lequel s’exerce la juridiction des services policiers autochtones est celui de la réserve. Il en allait autrement pour les services policiers de Nishnawbe-Aski, dont les agents assuraient le maintien de l’ordre sur les territoires des Premières Nations qu’ils desservent, mais également à l’extérieur de la réserve.

[49]  Bref, mis à part le fait que les services policiers créés par les ententes tripartites au cœur du présent litige relèvent tous des conseils de bande impliqués plutôt que d’une Commission indépendante de ces conseils, rien ne distingue pour l’essentiel le contexte factuel de la présente affaire de celui qui a fait l’objet de l’arrêt Nishnawbe-Aski. Faut-il dès lors appliquer le raisonnement développé dans cette décision et conclure que les relations de travail et partant, le régime de pension, des policiers couverts par le Régime sont assujettis à la juridiction du Québec et non des autorités fédérales? C’est ce que soutiennent les Procureurs généraux du Québec et du Canada.

[50]  Selon le Procureur général du Québec, le fait que le conseil de bande soit l’employeur des policiers de chacun des corps de police en cause n’est pas déterminant, parce que la compétence fédérale sur les relations de travail ne s’exerce pas sur tous les employés des conseils de bande, mais uniquement sur ceux qui sont affectés à l’administration de la bande. Or, d’après le Procureur général du Québec, le rôle du corps de police est d’assurer le maintien de l’ordre dans la communauté visée par l’entente selon les pouvoirs prévus dans la Loi sur la police, un rôle qui « n’a rien à voir avec la mission propre au conseil de bande tel qu’établi par la Loi sur les Indiens » (mémoire du Procureur général du Québec au paragraphe 56). D’ailleurs, d’ajouter le Procureur général du Québec, c’est la Sûreté du Québec qui assumerait ces fonctions en l’absence d’entente puisque ce corps de police provincial a compétence sur l’ensemble du territoire du Québec.

[51]  Toujours selon le Procureur général du Québec, la Cour fédérale a erré dans son application du critère fonctionnel en adoptant un cadre d’analyse différent du fait que l’on est en contexte autochtone, contrairement aux enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt NIL/TU,O. S’appuyant notamment sur les arrêts Yellowknife et Francis, le Procureur général du Québec soutient que la Cour fédérale n’aurait pas dû se concentrer sur la personne de l’employeur, mais plutôt que sur la nature de l’activité. Cette thèse trouve sa plus claire expression au paragraphe 61 de son mémoire :

En concluant que les activités des corps de police font partie intégrante des activités de gouvernance des conseils de bande en l’espèce, il est évident que la Cour fédérale a appliqué différemment le critère fonctionnel en raison de la compétence fédérale sur les Indiens et les terres réservées aux Indiens. En effet, l’activité normale et habituelle des corps de police autochtones devrait en toute logique être qualifiée de « prestation de services de maintien de l’ordre », tout comme les corps de police municipaux ou provinciaux.

[52]  Le Procureur général du Canada défend une position semblable. Il soutient également que les employés d’un conseil de bande ne sont pas tous nécessairement régis par les lois du travail fédérales, et que c’est la nature des fonctions exercées par les employés concernés par le litige qui est déterminante. Dans le cas présent, ce sont les activités des corps policiers qu’il faut considérer; ces activités sont dissociables des autres activités de gouvernance et ne découlent pas de la Loi sur les Indiens, mais bien de la Loi sur la police du Québec. Selon le Procureur général du Canada, il faut non seulement considérer la nature des fonctions exercées par les employés concernés, mais également la source législative des pouvoirs qu’ils exercent. Si les policiers autochtones étaient nommés en vertu de la Loi sur les Indiens ou d’une autre loi fédérale, comme c’est le cas pour les policiers de la GRC, leurs relations de travail relèveraient des autorités fédérales.

[53]  À mon avis, cette thèse ne saurait être retenue. Je suis conscient du fait que les tribunaux doivent faire preuve de circonspection et d’une certaine prudence lorsque les deux niveaux de gouvernement s’entendent quant à l’exercice de leurs compétences respectives : Siemans c. Manitoba (Procureur général), 2003 CSC 3, [2003] 1 R.C.S. 6 au paragraphe 34; Goodwin c. Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles), 2015 CSC 46, [2015] 3 R.C.S. 250 au paragraphe 33; Bande Kitkatla c. Colombie-Britannique (Ministre des Petites et moyennes entreprises, du Tourisme et de la Culture), 2002 CSC 31, [2002] 2 R.C.S. 146 au paragraphe 73; SEFPO c. Ontario (Procureur général), [1987] 2 R.C.S. 2 aux pages 19-20. Il n’en demeure pas moins qu’il incombe aux tribunaux, en dernier ressort, de s’assurer du respect la Constitution. L’un des « attendus » de ces ententes est d’ailleurs à l’effet que le soutien financier apporté par le Canada et le Québec pour les dépenses encourues par les conseils de bande aux fins de l’établissement et du maintien des services policiers se fait « dans le respect de leurs compétences respectives ».

[54]  Il ne fait maintenant plus de doute que le critère fonctionnel doit s’appliquer de la même façon en matière autochtone qu’en toute autre matière. La thèse suivant laquelle le critère fonctionnel doit être écarté « lorsque la compétence législative est attribuée non pas en des termes se rapportant à des objets matériels, à des choses ou à des systèmes, mais à des personnes ou groupes de personnes comme les Indiens ou les aubains » a été définitivement écartée dans l’arrêt Four B (aux pages 1046-1047). Comme l’a rappelé la Cour suprême dans l’arrêt NIL/TU,O, c’est la nature de l’entité son exploitation et ses activités habituelles qu’il faut examiner pour déterminer s’il s’agit d’une entreprise fédérale (au paragraphe 18).

[55]  Dans le cas présent, je suis d’accord avec la Cour fédérale pour dire que l’entité à considérer est le conseil de bande, et non pas les services policiers. En effet, les corps de police autochtones n’ont aucune existence distincte des conseils de bande. Contrairement à la situation qui prévalait dans les arrêts NIL/TU,O et Nishnawbe-Aski, leur employeur n’est pas un organisme indépendant mais le conseil de bande lui-même. Les articles 2.1.3 et 5.4.2 des ententes avec les Premières Nations participantes sont on ne peut plus clairs à cet égard :

2.1.3 Le Conseil est responsable de la gestion administrative du corps de police et pourvoit à son organisation. Il est l’employeur des membres du corps de police, y compris du directeur et de son personnel de soutien, et il est responsable de leur embauche. Le Conseil rédige les contrats d’emploi en y incluant le paragraphe 5.4.2 de la présente entente.

5.4.2 Il est convenu que les personnes embauchées à la suite de la conclusion de la présente entente sont et demeureront des personnes fournissant des services au Conseil et qu’aucune disposition de la présente entente n’a pour effet de conférer au Conseil, à ses membres, à ses cadres, à ses employés, à ses mandataires ou à ses agents contractuels, le statut de cadre, d’employé, de préposé ou de mandataire du Canada ou du Québec, ou le statut de personne agissant dans le cadre d’un partenariat ou coentreprise avec le Canada ou le Québec.

L’Entente sur la prestation des services policiers dans la communauté de Timiskaming, à titre d’exemple, D.A. aux pages 270, 292.

[56]   C’est également le Conseil de bande qui établit les politiques et procédure internes quant à la gestion administrative du corps de police (article 2.1.4), qui procède à l’embauche des membres du corps de police (article 2.3.1), qui sélectionne le candidat pour occuper le poste de directeur de police (article 2.3.2) et qui peut le destituer ou réduire son traitement (article 2.10). C’est également le Conseil qui doit mettre à la disposition du corps de police les installations requises (article 3.1.1), qui est seul responsable de s’assurer que les installations répondent aux normes applicables en matière d’incendie ainsi que de sécurité et santé au travail (article 3.1.4), et qui fournit le matériel et l’équipement nécessaire à la prestation des services policiers (article 3.2.1).

[57]  Or, le Conseil de bande est clairement une « entreprise » qui relève de l’autorité fédérale en matière de relations de travail, comme l’a reconnu cette Cour dans l’arrêt Francis. La question qui se posait dans cette affaire était de savoir si le Code canadien du travail, dont le champ d’application est défini en des termes similaires à ceux qu’utilise la LNPP, régissait l’accréditation d’un groupe d’employés d’une bande indienne. Ces employés s’occupaient « d’administration en matière d’éducation, de l’administration de terres et de patrimoines d’Indiens, de l’administration du bien-être, de l’administration en matière d’habitation, d’administration scolaire, de travaux publics, de l’administration d’un foyer pour personnes âgées, de l’entretien des routes, de l’entretien d’écoles, de l’entretien du système d’approvisionnement en eau et du système sanitaire, et de l’enlèvement des ordures ménagères » (Francis au paragraphe 17).

[58]  Se disant d’avis que les activités auxquelles se livraient ces employés étaient exercées en application de la Loi sur les Indiens et reliées au statut d’Indien, le juge Heald a conclu que les relations de travail de ces employés faisaient partie intégrante de la compétence fédérale en application du paragraphe 91(24) de la L.C. de 1867. À ses yeux, l’administration de la bande était un « ouvrage, entreprise ou affaire » de compétence fédérale. Dans une opinion dissidente (mais pas sur ce point), le juge Le Dain a été encore plus clair :

…les activités auxquelles s’adonnent les employés en question sont des activités qui relèvent de la compétence législative du fédéral relativement aux “Indiens et les terres réservées pour les Indiens” aux termes du paragraphe 91(24) de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, 1867 et constituent un ouvrage, entreprise ou affaire de compétence fédérale au sens des articles 2 et 108 du Code canadien du travail. Ces activités consistent en certaines fonctions exercées ou services fournis par le conseil de bande ou sous sa surveillance et, pris dans leur ensemble, ils peuvent être considérés comme constituant l’administration de la réserve et des affaires de la bande. Elles se rapportent à l’organisation et au maintien de la vie collective dans la réserve. Les pouvoirs que détient le conseil de la bande à cet égard lui sont conférés par les dispositions de la Loi sur les Indiens et des règlements applicables, de même que par les approbations administratives du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien qui établit des programmes pour les réserves et fournit les ressources financières nécessaires à leur mise en œuvre. Le conseil de la bande exerce certaines fonctions administratives qui relèvent de la compétence fédérale relativement aux réserves. De telles fonctions administratives, considérées comme une responsabilité globale de la nature d’un gouvernement local, est un ouvrage, entreprise ou affaire au sens du Code canadien du travail selon le sens large qui doit leur être donné par suite de la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Ville de Yellowknife (précité).

Francis au paragraphe 27.

[59]  Si les activités des employés impliqués dans cette affaire pouvaient être considérées comme « une responsabilité globale de la nature d’un gouvernement local », pour reprendre les termes du juge Le Dain, a fortiori doit-il en aller de même pour les employés d’un corps policier. S’il est une fonction qui relève manifestement de la gouvernance et de la responsabilité d’un gouvernement local, c’est bien celle de maintenir la paix et de faire respecter la loi. Je note à cet effet que l’alinéa 81(1)c) confère aux conseils de bande le pouvoir d’établir des règlements administratifs pour l’observation de la loi et le maintien de l’ordre. Si, tel que je l’ai mentionné plus haut, cette disposition ne me paraît pas suffisamment explicite pour autoriser la création par le conseil d’un corps policier, elle reconnaît à tout le moins au conseil la responsabilité de faire appliquer la loi (peu importe la méthode retenue). Lorsque des employés exercent de telles fonctions, dans les limites mêmes des terres de la communauté, et qu’ils sont embauchés par le conseil de bande, je vois mal comment ils pourraient être dissociés de l’entreprise que constitue le conseil de bande. La Politique sur la police des Premières Nations constituait d’ailleurs un moyen de mettre en pratique la politique fédérale concernant la mise en œuvre du droit inhérent des peuples autochtones à l’autonomie gouvernementale, et avait pour objet d’aider les Premières Nations à se doter d’outils pour devenir autosuffisants et autonomes en établissant des structures de gestion, d’administration et de responsabilisation des services de police fournis dans leurs collectivités (Politique sur la police des Premières Nations, aux pages 3-4).

[60]  À mon avis, le fait que les corps policiers relevant des conseils de bande exercent des pouvoirs délégués par la province et soient soumis à certaines normes générales édictées par cette dernière, notamment en matière de formation, n’est pas déterminant pour les fins de savoir de quel palier de gouvernement relèvent leurs relations de travail. Les employés du gouvernement fédéral sont pareillement soumis à toutes sortes d’exigences provinciales en matière d’accréditation professionnelle. Il ne viendrait à l’idée de personne de considérer que les relations de travail des ingénieurs ou des médecins à l’emploi du gouvernement fédéral ne sont pas régies par le Parlement du seul fait que l’exercice de leur profession est régi par des ordres professionnels provinciaux. Conformément au critère fonctionnel, ce sont les activités normales et habituelles de l’entreprise pour laquelle une personne travaille qui importe. Cela est d’autant plus vrai au niveau gouvernemental, dont les activités ne peuvent être scindées et compartimentées comme celles d’une corporation (privée ou publique). Conclure le contraire entraînerait d’innombrables difficultés d’application, comme l’a reconnu la Cour suprême dans l’arrêt P. G. (Can.) c. St. Hubert Base Teachers’ Assoc., [1983] 1 R.C.S. 498 à la page 508. Ce qui est vrai pour le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux l’est tout autant pour les conseils de bande, qui exercent pareillement un pouvoir de puissance publique (bien que par voie de délégation législative).

[61]  J’estime donc, pour les motifs qui précèdent, que cette affaire se distingue des faits à l’origine des arrêts NIL/TU,O, Nishnawbe-Aski et Northern Inter-Tribal. Dans ces affaires, l’employeur n’était pas le conseil de bande mais une entité indépendante de ces conseils. C’est d’ailleurs précisément sur la base de cette distinction que notre Cour a conclu dans l’arrêt Lac John qu’une demande d’accréditation visant une unité de négociation composée du personnel enseignant d’une école située sur le territoire d’une réserve autochtone relève du Conseil canadien des relations industrielles (Conseil de la Nation Innu Matimekush-Lac John c. Association des employés du nord québécois (CSQ), 2017 CAF 212, [2017] A.C.F. No 997 (QL) [Lac John]). Dans cette affaire, comme ici, l’employeur était le conseil de bande. Voici comment s’exprime la juge Trudel (pour une Cour unanime) sur cette question :

[38] Dans cet arrêt [Nishnawbe-Aski], notre Cour a déterminé que les services policiers de Nishnawbe-Aski n’assumaient aucune partie des fonctions policières d’un organisme fédéral ou d’un service policier fédéral (au paragraphe 17). Les candidats étaient recrutés indépendamment des Premières Nations de Nishnawbe-Aski (ibidem au paragraphe 23). À titre d’employés de ces services policiers, les agents des Premières Nations desservaient autant les citoyens que les non-citoyens des Premières Nations vivant dans les régions touchées par une entente opérationnelle intervenue entre celles-ci et la Police provinciale de l’Ontario (PPO) (ibidem au paragraphe 26). Les services policiers constituaient une entité distincte. Enfin, les agents des services policiers de Nishnawbe-Aski relevaient en dernier ressort du commissaire de la PPO et de la Commission civile de l’Ontario sur la police – tous deux ayant le pouvoir de les suspendre ou les congédier en vertu des paragraphes 54(5) et 54(6) de la Loi sur les services policiers, L.R.O. 1990, c. P-15 (ibidem au paragraphe 27).

[39] Dans notre cas, le demandeur est l’employeur des enseignants et détient le pouvoir de les engager et de les congédier.

[62]  Le même constat s’applique ici, et je fais donc miens les propos de la Cour dans l’affaire Lac John. Je note par ailleurs que la Cour d’appel de la Saskatchewan a appliqué le même raisonnement dans l’arrêt Whitebear Band Council v. Carpenters Provincial Council of Saskatchewan and Saskatchewan Labour Relations Board, 135 D.L.R. (3d) 128 (Sask CA), [1982] 3 C.N.L.R. 181. La Cour fédérale a également suivi la même logique dans au moins deux affaires où des employés d’un conseil de bande exécutaient des fonctions reliées à l’administration générale des affaires de cette bande : voir Canada (Procureur Général) c. Nation Munsee-Delaware, 2015 CF 366, [2015] A.C.F. No 331 (QL); Première nation de Berens River c. Gibson-Peron, 2015 CF 614, [2015] A.C.F. No 1535 (QL).

[63]  Il ne découle pas de ce qui précède que toute activité ou fonction dont la prestation relève d’un conseil de bande sera de compétence fédérale, comme le craint le Procureur général du Québec. Encore faudra-t-il que cette activité ou cette fonction puisse être véritablement assimilée ou associée à la gouvernance d’une Première nation. Ainsi a-t-on conclu dans l’arrêt Nation crie de Fox Lake c. Anderson, 2013 CF 1276, [2013] A.C.F. No 1382 (QL), que les employés d’un bureau de négociation mis sur pied par une bande indienne pour négocier des ententes commerciales complexes avec d’autres parties, et dont l’exploitation était séparée et distincte de l’administration générale de la bande, ne relevaient pas du Code canadien du travail. De même a-t-on considéré que des pêcheurs autochtones employés par un conseil de bande et dont les activités commerciales s’exerçaient principalement à l’extérieur du territoire de la communauté relevaient de la compétence provinciale, dans la mesure où l’activité en cause n’avait aucun lien avec les activités de gouvernance du conseil de bande : Re Waycobah First Nation et TUAC, section locale 864, 2015 CCRI 792, [2015] D.C.C.R.I. No 41 (QL).

[64]  D’autre part, le fait que les relations de travail des corps policiers autochtones soient de compétence fédérale ne remet pas en question l’application régulière des lois québécoises adoptées validement en matière d’administration de la justice civile et criminelle. Ainsi, les normes minimales en matière de formation et d’embauche prévues par les lois provinciales applicables en la matière, et notamment par la Loi sur la police, s’appliquent aux services de police autochtones, comme le prévoit d’ailleurs l’article 2.3.1 des ententes tripartites. Il en va de même du Code de déontologie, conformément à l’article 2.7.1 des ententes tripartites.

V.  Conclusion

[65]  Pour tous les motifs qui précèdent, je suis donc d’avis que la Cour fédérale n’a pas erré en accueillant la demande de contrôle judiciaire et en déclarant que les policiers et constables spéciaux embauchés et rémunérés par les conseils de bande membres du Régime occupent un emploi dans un ouvrage, une entreprise ou une activité de compétence fédérale. Il en découle que la LNPP et son règlement d’application s’appliquent au Régime, du fait que les salariés participants occupent un « emploi inclus » au sens de la LNPP.

[66]  Compte tenu de cette conclusion, je n’estime pas nécessaire de me prononcer sur l’existence d’un droit ancestral lié à la gouvernance ou aux services policiers. Ni l’avis de demande de contrôle judiciaire ni la preuve administrée en première instance n’autorisait un débat sur cette question, et c’est donc à tort que le juge de première instance en a tiré un argument au soutien de sa décision.

[67]  En tout état de cause, la Cour suprême a refusé de se prononcer sur l’existence d’un droit général à l’autonomie gouvernementale dans l’arrêt R. c. Pamajewon, [1996] 2 R.C.S. 821, [1996] A.C.S. No 20 (QL). En supposant même que l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c. 11, puisse fonder l’existence d’un tel droit, il faudrait encore pouvoir délimiter l’activité exacte faisant l’objet d’un droit ancestral et faire la preuve que cette activité était une caractéristique dominante de la culture en cause avant le contact avec les Européens : R. c. Van der Peet, [1996] 2 R.C.S. 507, [1996] A.C.S. No 77 (QL). Or, aucune telle preuve n’a été faite dans le cadre du présent litige. Enfin, bien que l’établissement de corps policiers autochtones puisse contribuer à l’autonomie gouvernementale des Premières Nations, j’estime que cette dimension du problème n’a aucune incidence sur le partage des compétences législatives en matière de relations de travail.

[68]  Je rejetterais donc l’appel, avec dépens en faveur des intimés.

« Yves de Montigny »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

M. Nadon j.c.a. »

« Je suis d’accord.

George R. Locke j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-293-18

INTITULÉ :

PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC c. SYLVAIN PICARD et RBA, GROUPE FINANCIER et PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et ASSEMBLÉE DES PREMIÈRES NATIONS; et ASSEMBLÉE DES PREMIÈRES NATIONS QUÉBEC-LABRADOR

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 2 octobre 2019

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LE JUGE LOCKE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 15 AVRIL 2020

 

COMPARUTIONS :

Annick Dupré

Laurie Anctil

POUR L’APPELANTE

PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC

Serge Belleau

Jean-Philippe LePape

 

pour LES INTIMés

SYLVAIN PICARD ET RBA, GROUPE FINANCIER

Bernard Letarte

POUR L’INTERVENANT PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

David Schulze

David Janzen

Wina Sioui

POUR LES INTERVENANTES ASSEMBLÉE DES PREMIÈRES NATIONS; et ASSEMBLÉE DES PREMIÈRES NATIONS QUÉBEC-LABRADOR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lavoie, Rousseau (Justice – Québec)

Québec (Québec)

pour L’APPELANTE

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

 

Gagné Letarte Sencrl

Québec (Québec)

 

POUR LES INTIMÉS

SYLVAIN PICARD ET RBA, GROUPE FINANCIER

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

pour l’intervenant procureur général du canada

Dionne Schulze

Montréal (Québec)

pour les intervenantEs ASSEMBLÉE DES PREMIÈRES NATIONS; et ASSEMBLÉE DES PREMIÈRES NATIONS QUÉBEC-LABRADOR

 

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