Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20200505


Dossier : A-351-18

Référence : 2020 CAF 83

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE WOODS

 

ENTRE :

 

ING BANK N.V., IAN DAVID GREEN, ANTHONY VICTOR LOMAS ET PAUL DAVID COPLEY EN LEUR QUALITÉ DE SÉQUESTRES DE CERTAINS BIENS DES DÉFENDERESSES O.W. SUPPLY & TRADING A/S ET O.W. BUNKERS (UK) LIMITED, ET AUTRES

 

appelants

 

et

 

CANPOTEX SHIPPING SERVICES LIMITED, NORR SYSTEMS PTE. LTD., OLDENDORFF CARRIERS GMBH & CO K.G., STAR NAVIGATION CORPORATION S.A., MARINE PETROBULK LTD., O.W. SUPPLY & TRADING A/S ET O.W. BUNKERS (UK) LIMITED

 

intimées

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 18 novembre 2019.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 5 mai 2020.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GAUTHIER

MOTIFS CONCOURANTS :

LA JUGE WOODS

MOTIFS DISSIDENTS :

LE JUGE PELLETIER


Date : 20200505


Dossier : A-351-18

Référence : 2020 CAF 83

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE WOODS

 

ENTRE :

 

ING BANK N.V., IAN DAVID GREEN, ANTHONY VICTOR LOMAS ET PAUL DAVID COPLEY EN LEUR QUALITÉ DE SÉQUESTRES DE CERTAINS BIENS DES DÉFENDERESSES O.W. SUPPLY & TRADING A/S ET O.W. BUNKERS (UK) LIMITED, ET AUTRES

 

appelants

 

et

 

CANPOTEX SHIPPING SERVICES LIMITED, NORR SYSTEMS PTE. LTD., OLDENDORFF CARRIERS GMBH & CO K.G., STAR NAVIGATION CORPORATION S.A., MARINE PETROBULK LTD., O.W. SUPPLY & TRADING A/S ET O.W. BUNKERS (UK) LIMITED

 

intimées

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GAUTHIER

[1]  Les appelants contestent la décision de la Cour fédérale (le juge Russell) au sujet de l'interprétation des liens contractuels entre Canpotex Shipping Services Limited (Canpotex), O.W. Bunkers (UK) Limited (OW) et Marine Petrobulk Ltd. (Petrobulk).

[2]  Il s'agit de la deuxième fois que les appelants réclament l'intervention de notre Cour en ce qui concerne les trois requêtes en jugement sommaire présentées en application des articles 108 et 216 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles), dans l'action no T‑109‑15 (voir la décision ING Bank N.V. c. Canpotex Shipping Services Limited, 2017 CAF 47, inf. 2015 CF 1108).

[3]  Canpotex a demandé à la Cour fédérale de rendre un jugement sommaire selon lequel le fait qu'elle avait consigné une somme d'argent à la Cour la déchargeait de toute obligation qu'elle pouvait avoir à l'égard de l'achat et de la livraison de combustible de soute à deux navires qu'elle avait affrétés, à savoir le MS Ken Star et le MS Star Jing. ING Bank N.V. (ING), ainsi que Ian David Green, Anthony Victor Lomas et Paul David Copley (les séquestres), ont également demandé un jugement sommaire portant qu'ING avait droit à la totalité des fonds consignés par Canpotex conformément à l'ordonnance du protonotaire Lafrenière (tel était alors son titre) du 27 mars 2015. Enfin, Petrobulk a demandé que soit rendu un jugement sommaire portant qu'elle avait droit aux fonds détenus en fiducie, moins la marge bénéficiaire de 5 575,75 USD due à OW qui avait fait l'objet d'une facture distincte, à titre de fournisseur physique réel du combustible à Vancouver, en Colombie‑Britannique.

I.  Les faits

[4]  Les faits du présent litige sont exposés aux paragraphes 3 à 26 des motifs de la Cour fédérale faisant l'objet de l'appel (les motifs) (2018 CF 957) et il n'est pas nécessaire de les reproduire ici. Il suffit de les résumer comme suit.

[5]  Le 22 octobre 2014, comme c'était son habitude, Canpotex a communiqué avec OW, un négociant international en combustible de soute, pour ses achats au comptant. OW fait partie de ce que l'on appelle le groupe OW Bunker. OW a ensuite conclu un contrat avec Petrobulk, l'un des deux seuls fournisseurs à livrer physiquement du combustible aux navires long‑courriers à Vancouver. Lorsque Petrobulk a accepté la commande, OW a confirmé à Canpotex que Petrobulk serait en fait le fournisseur. Ce n'était pas la première fois qu'OW traitait avec Petrobulk pour les achats au comptant de Canpotex. En fait, cela s'était produit une cinquantaine de fois au cours de l'année précédente.

[6]  Avant que Canpotex ne paie OW, et avant qu'OW ne paie Petrobulk, le groupe OW Bunker a fait faillite. ING, un créancier garanti des sociétés en faillite, avec l'appui des séquestres, demande le paiement de la somme totale due pour le combustible et déclare que Petrobulk devrait déposer une réclamation en tant que créancière non garantie parce qu'elle n'a pas de lien contractuel avec Canpotex.

[7]  Généralement, si un fournisseur fait faillite après la livraison du produit, il a néanmoins droit au paiement pour le produit. Cependant, en l'espèce, Petrobulk déclare que Canpotex est également contractuellement tenue de payer ses factures pour le combustible qu'elle lui a effectivement fourni et livré.

[8]  L'issue de l'appel repose donc sur l'interprétation des modalités des deux contrats en cause, notamment la disposition L.4 des modalités de vente d'OW, qui est une disposition inhabituelle.

II.  L'histoire de la procédure et la disposition L.4

[9]  Dans une première décision rendue en 2015, la Cour fédérale a conclu que les modalités du contrat entre Canpotex et OW étaient celles à l'annexe 3 du contrat à prix fixe de 2014 conclu entre Canpotex et O.W. Supply and Trading A/S, qui fait également partie du groupe OW Bunker.

[10]  Après avoir rejeté de manière sommaire l'argument des appelants concernant l'absence de lien contractuel entre Canpotex et Petrobulk (2015 CF 1108, aux paragraphes 132 et 133), la Cour fédérale a interprété la disposition L.4 des modalités susmentionnées, ainsi que les modalités applicables à l'approvisionnement en combustible de Petrobulk (les modalités de Petrobulk). Elle a conclu que Canpotex était contractuellement tenue de payer à Petrobulk 648 917,40 USD, majorés des intérêts applicables en matière d'amirauté, et que le solde des fonds détenus en fiducie conformément à l'ordonnance du 27 mars 2015 devait être versé à ING (5 575,75 USD, plus les intérêts applicables en matière d'amirauté). La Cour fédérale a également conclu qu'après le paiement des sommes susmentionnées, toute responsabilité de Canpotex et des deux navires envers Petrobulk et OW concernant le combustible de soute fourni par Petrobulk le 27 octobre 2014 serait éteinte.

[11]  Enfin, la Cour fédérale a adjugé les dépens à Canpotex et à Petrobulk pour l'action et les requêtes, ajoutant qu'une partie de ces dépens pouvait être déduite de la somme à verser à ING à même les fonds détenus en fiducie. Les appelants ont fait appel.

[12]  Lors de l'appel à l'égard de cette décision, notre Cour a cerné quatre questions; cependant, elle n'a traité que les trois premières. En fait, après avoir conclu que la Cour fédérale avait commis une erreur en concluant que les modalités énoncées à l'annexe 3 du contrat à prix fixe s'appliquaient en l'espèce, notre Cour a estimé qu'il ne serait pas approprié qu'elle interprète les modalités d'OW qui s'appliquaient effectivement pour établir si Canpotex était contractuellement tenue de payer Petrobulk. Notre Cour a fourni plusieurs motifs pour ne pas le faire. Tout d'abord, les observations des parties portaient sur les modalités de l'annexe 3 du contrat à prix fixe. Deuxièmement, notre Cour a relevé des différences entre la disposition L.4 à laquelle ont renvoyé les parties et la Cour fédérale et celle qui s'appliquait effectivement. La Cour n'était pas disposée à examiner si ces différences auraient une incidence sur la question ultime de l'obligation contractuelle de Canpotex envers Petrobulk. Elle a expressément mentionné qu'elle bénéficierait de l'interprétation de la Cour fédérale si la question devait faire l'objet d'un autre appel (2017 CAF 47, aux paragraphes 128 à 131). Par conséquent, notre Cour a annulé la décision de la Cour fédérale et a renvoyé l'affaire pour nouvel examen en tenant compte des motifs de notre Cour.

[13]  Après le nouvel examen, et dans la décision qui fait l'objet du présent appel, la Cour fédérale a noté que, conformément à la décision de notre Cour, les seules réclamations qui pouvaient donner lieu à une procédure d'interplaidoirie aux termes de l'article 108 des Règles étaient les réclamations contractuelles d'OW et de Petrobulk. Ainsi, la seule question à résoudre était de savoir si OW (et donc ING) ou Petrobulk avait un droit contractuel aux fonds en fiducie (motifs, aux paragraphes 34 à 37).

[14]  La Cour fédérale a ensuite interprété la version appropriée de la disposition L.4 des modalités d'OW à la lumière de la preuve dont elle était saisie et les modalités de Petrobulk. Pour ce faire, la Cour fédérale a supposé que notre Cour n'avait pas trouvé d'erreur dans son analyse et ses conclusions antérieures, sauf quant à la version de la disposition L.4 qui s'appliquait (motifs, au paragraphe 30). Cela comprenait sans doute son rejet sommaire de l'argument de ING selon lequel il n'y avait pas de lien contractuel entre Canpotex et Petrobulk (2015 CF 1108, au paragraphe 133). La Cour fédérale s'est concentrée sur les différences les plus importantes entre la disposition L.4 qu'elle avait examinée dans la première décision et la disposition L.4 des modalités d'OW.

[15]  L'argument principal des appelants à la Cour fédérale était que cette version de la disposition L.4 ne s'appliquait pas en l'espèce, car Petrobulk n'avait pas [TRADUCTION] « insisté » pour que l'acheteur d'OW soit lié par ses propres modalités (voir le paragraphe 16 qui suit). Les appelants ont également affirmé que même si la disposition L.4 s'appliquait, Petrobulk n'aurait quand même aucun droit contractuel aux fonds en fiducie, notamment parce que, quelque vaste que soit le sens du mot [TRADUCTION] « client » dans les modalités de Petrobulk, Canpotex n'était pas partie au contrat conclu entre OW et Petrobulk. Pour les appelants, seule OW pouvait être poursuivie aux termes du contrat. Les appelants ont fait valoir que si la disposition L.4 s'appliquait, elle ne ferait que modifier les modalités du contrat conclu entre OW et Canpotex afin qu'il soit compatible avec le contrat conclu entre OW et Petrobulk (voir les motifs, au paragraphe 64, où sont résumés tous les arguments des appelants).

[16]  Bien qu'il soit quelque peu inhabituel de reproduire une disposition contractuelle à ce stade des motifs, il est nécessaire d'en reproduire au moins une partie pour mieux comprendre la décision de la Cour fédérale. La partie la plus pertinente de la disposition L.4 est reproduite ci‑dessous :

[TRADUCTION]

L.4a) Les présentes modalités sont susceptibles d'être modifiées lorsque la fourniture physique du combustible est effectuée par une tierce partie qui insiste pour que l'acheteur soit également lié par ses propres modalités. Dans un tel cas, les présentes modalités sont modifiées en conséquence, et l'acheteur est réputé avoir lu et avoir accepté les modalités imposées par la tierce partie.

[Non souligné dans l'original.]

[17]  La Cour fédérale a traité en détail tous les arguments au sujet du mot [TRADUCTION] « insister » à l'alinéa L.4a) (motifs, aux paragraphes 72 à 124). Elle a conclu ce qui suit :

[123]  À mes yeux, le sens du terme « insister » sera toujours défini ou modifié par référence au contexte de son emploi et à la façon dont traitent les parties. Dans le présent cas, comme OW UK et Canpotex ont accepté les conditions standard [de Petrobulk], cette dernière n'avait pas pour insister à négocier plus avant et à imposer de force ses modalités types à OW UK ni à Canpotex. C'est simplement une autre façon de dire que le sens d'« insister » sera chaque fois une question de dosage inévitablement et que le degré d'insistance à prévoir sera toujours proportionnel au degré de résistance manifesté en opposition. Dans la présente affaire, [Petrobulk] a demandé avec insistance, requis ou exigé que ses modalités s'appliquent aux livraisons de combustible de soute. À la considérer objectivement, la formulation des confirmations manifeste une nette insistance sur l'application des conditions standard de [Petrobulk] à la vente de combustible. Ce libellé était le suivant :

[TRADUCTION]

L'acceptation de la présente confirmation ainsi que des conditions standards de Marine Petrobulk est considérée comme finale sauf si l'acheteur s'y oppose dans les trois jours ouvrables suivant la réception de la présente confirmation.

[Soulignement ajouté.]

[124]  L'insistance est franche ici. Qu'une opposition puisse être exprimée n'en fait pas une offre de négocier et, par action ou inaction, tant OW UK que Canpotex ont démontré entièrement le comprendre et l'accepter. Aucune opposition n'a été marquée dans la présente affaire. L'insistance était toujours là et OW UK et Canpotex ont accepté de passer contrat selon les modalités de [Petrobulk]. Cette dernière ne devait ni ne pouvait rien faire de plus dans les circonstances, puisqu'il n'y avait aucune résistance à ce que [Petrobulk] demandait ou requérait avec insistance, c'est‑à‑dire que ses conditions standard soient [TRADUCTION] « finales ».

[18]  La Cour fédérale a donc conclu qu'en l'espèce, la disposition L.4 s'appliquait. Comme je l'ai déjà dit, même si notre Cour n'a rien dit à ce sujet, la Cour fédérale a rejeté la thèse des appelants selon laquelle elle devait revoir toutes ses conclusions sur les rapports contractuels, et plus précisément sur la question du lien contractuel. Par conséquent, en raison de ces conclusions, la Cour fédérale a conclu que les décisions sur les paiements à même les fonds en fiducie et sur l'extinction des obligations entre Canpotex, OW et Petrobulk resteraient les mêmes que dans sa première décision, en ce qui concerne les questions contractuelles.

[19]  Pour ce qui est des dépens, étant donné que leur étendue et leur montant peuvent être difficiles à établir et que les parties ne sont pas parvenues à s'entendre à ce sujet, la question a fait l'objet d'une ordonnance distincte à la suite d'observations écrites. Cette ordonnance a été rendue le 22 janvier 2019 (2019 CF 89) et fait l'objet d'un appel distinct dans le dossier no A‑54‑19, qui a également été entendu par notre formation. Elle fera l'objet de motifs et d'un jugement distincts.

III.  Les questions en litige

[20]  La question principale dont nous sommes saisis est de savoir si la Cour fédérale a commis une erreur en concluant que Canpotex était contractuellement tenue de payer Petrobulk au motif que la disposition L.4 s'appliquait et que Canpotex était partie au contrat avec Petrobulk.

[21]  Les intimées ont soulevé des questions accessoires, comme celle de savoir si, à la lumière des arrêts ITO‑Int'l Terminal Operators c. Miida Electronics, [1986] 1 R.C.S. 752, London Drugs Ltd. c. Kuehne & Nagel International Ltd., [1992] 3 R.C.S. 299, et Morris v. C.W. Martin & Sons, [1966] Q.B. 716, notre Cour devrait assouplir l'application de la règle du lien contractuel en l'espèce. Je n'ai pas l'intention de commenter ces arrêts qui concernaient des actions en responsabilité délictuelle ou en dépôt. Elles ne sont pas vraiment pertinentes, car la question qui nous occupe est de savoir si Canpotex était contractuellement tenue de payer Petrobulk. En outre, il s'agit d'une affaire unique et singulière qui porte sur une disposition contractuelle très inhabituelle des modalités d'OW.

[22]  Il y a également un différend à propos de la norme de contrôle qui devrait s'appliquer pour l'interprétation par la Cour fédérale des contrats en question. Même si j'examinerai cette question, elle ne me semble pas déterminante. Ma conclusion serait la même que j'examine le sens de la disposition L.4 selon la norme de la décision correcte ou selon la norme de l'erreur manifeste et dominante.

[23]  Les appelants ont également fait valoir que la Cour fédérale avait commis une erreur en supposant qu'à l'exception du fait qu'elle avait examiné la mauvaise version de la disposition L.4, notre Cour avait approuvé ses autres conclusions, notamment celles au sujet des rapports contractuels, et notamment celles concernant les modalités de Petrobulk, qui continuaient de s'appliquer lors du nouvel examen. J'examinerai cette question succinctement puisqu'à mon avis, elle n'est pas non plus déterminante.

[24]  Enfin, la question du lien contractuel ne se pose que si les contrats présentés à la Cour fédérale ne pouvaient être interprétés de façon à obliger Canpotex à payer Petrobulk, que ce soit du fait du contrat attesté par les modalités d'OW modifiées par les modalités de Petrobulk, ou simplement parce que Canpotex était partie au contrat conclu avec Petrobulk en raison des pouvoirs que Canpotex avait donnés à OW.

IV.  Analyse

A.  Les normes de contrôle

[25]  Les normes de contrôle définies dans l'arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, s'appliquent aux questions dont nous sommes saisis. À mon avis, les questions principales soulèvent plusieurs questions mixtes de fait et de droit assujetties à la norme de l'erreur manifeste et dominante.

[26]  Les parties n'ont pas fait valoir que la Cour fédérale avait utilisé les mauvais principes d'interprétation, ce qui pourrait être considéré comme une erreur de droit isolable. ING est simplement en désaccord avec l'application de ces principes généraux par la Cour fédérale.

[27]  Dans l'arrêt Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, [2014] 2 R.C.S. 633 (Sattva), au paragraphe 50, la Cour suprême du Canada a conclu que, de manière générale, l'interprétation d'un contrat est une question mixte de fait et de droit assujettie à la norme de l'erreur manifeste et dominante. Quelques années plus tard, dans l'arrêt Ledcor Construction Ltd. c. Société d'assurance d'indemnisation Northbridge, 2016 CSC 37, [2016] 2 R.C.S. 23 (Ledcor), au paragraphe 39, la Cour suprême du Canada a fait observer qu'il y avait une exception à ce principe général. L'interprétation d'un contrat pouvait toujours être contrôlée comme une question de droit lorsque l'interprétation portait sur un contrat type, que l'interprétation en litige avait valeur de précédent et que l'exercice d'interprétation ne reposait sur aucun fondement factuel significatif qui était propre aux parties (au paragraphe 46).

[28]  Dans le présent appel, bien que les modalités de Petrobulk soient en cause, les parties n'ont soulevé aucune question quant à leur interprétation en tant que telle. Les modalités d'OW sont des modalités types. Cependant, comme il a déjà été mentionné, la disposition en question, soit la disposition L.4, est assez inhabituelle. En fait, les parties ont reconnu qu'elles n'avaient jamais rien vu de tel. Le groupe OW Bunker est en faillite et ces conditions types n'ont pas été utilisées au cours des trois dernières années.

[29]  Rien ne prouve qu'elles seraient de nouveau utilisées en tant que telles. Il n'existe au Canada aucune affaire dans laquelle notre décision pourrait avoir valeur de précédent. En outre, si l'alinéa L.4a) s'applique, l'interprétation des modalités d'OW modifiées par les modalités de Petrobulk est propre à ces modalités et à la façon dont elles interagissent. Si on dit que l'exception s'applique en l'espèce, cela affaiblirait trop le principe général énoncé dans l'arrêt Sattva. Ainsi, le principe général devrait s'appliquer et l'interprétation de la disposition L.4 sera contrôlée selon la norme de l'erreur manifeste et dominante.

[30]  Cela dit, à mon avis, la norme de contrôle applicable à l'interprétation de l'alinéa L.4a) ne changerait pas ma conclusion. J'estime que la Cour fédérale a correctement interprété les termes de cette disposition, et plus précisément le verbe [TRADUCTION] « insister », auquel ING a accordé une grande importance dans son mémoire et lors de ses plaidoiries.

[31]  Je tiens à préciser qu'une fois que le libellé de l'alinéa L.4a) a été correctement interprété, il est incontestable que son application en l'espèce est assujettie à la norme de contrôle favorisant la retenue. Les arrêts Sattva et Ledcor ne sont plus pertinents lorsque la question est de savoir si, au regard des faits de l'espèce, Petrobulk est ou non une tierce partie « qui [a] insist[é] pour que l'acheteur soit également lié par ses propres modalités ».

B.  L'effet de la décision de la Cour d'appel fédérale de 2017

[32]  Avant d'examiner la disposition L.4 et son application possible en l'espèce, je vais brièvement commenter l'interprétation faite par la Cour fédérale de la décision de notre Cour en 2017. Je suis d'accord avec les appelants sur le fait que notre Cour n'a pas approuvé les conclusions de la Cour fédérale à l'égard du lien contractuel ou de son interprétation des modalités de Petrobulk. Elles n'étaient pertinentes qu'à l'égard de la quatrième question dont notre Cour était saisie, qui était une question qu'elle n'a pas traitée. Comme je l'ai mentionné précédemment, notre Cour a expressément mentionné qu'il ne serait pas convenable qu'elle traite l'une ou l'autre des observations des parties à ce sujet. Ainsi, elle n'aurait évidemment pas pu examiner la question du lien contractuel sans avoir préalablement interprété correctement les contrats en cause.

[33]  Par conséquent, la Cour fédérale a commis une erreur en supposant que notre Cour avait approuvé ces conclusions (motifs, au paragraphe 42). Cela dit, la Cour fédérale, qui avait déjà entendu les observations des parties sur toutes ces questions en 2015, pouvait choisir d'adopter ce qu'elle avait déjà décidé. En fait, il semble qu'elle l'ait fait. Par exemple, au paragraphe 80 des motifs, elle renvoie expressément aux paragraphes 130 à 137 de sa décision précédente, qui traitent de son point de vue sur la façon dont Canpotex était devenue solidairement responsable, avec OW, de payer à Petrobulk la totalité du prix d'achat du combustible livré aux navires. La Cour fédérale a fait observer que le libellé de la disposition L.4 des modalités d'OW étaye sa conclusion antérieure quant à l'intention d'OW et de Canpotex selon une appréciation objective. Il ne fait aucun doute que notre Cour peut examiner toutes ces questions, si elles sont contestées, dans le présent appel.

[34]  Notre Cour ajoute parfois une phrase indiquant expressément que ses motifs ne constituent pas une approbation des conclusions de la cour de compétence inférieure. Cela peut rendre les choses plus claires dans certains cas, notamment lorsque l'appel est rejeté ou accueilli en partie seulement. Cependant, sauf si notre Cour énonce expressément le contraire, lorsqu'une décision de la Cour fédérale est annulée dans son intégralité, il n'est pas nécessaire d'ajouter une telle phrase puisque l'effet est clair. La décision antérieure devient caduque. La Cour fédérale doit traiter à nouveau les requêtes en procès sommaire. La Cour fédérale peut donc, dans de tels cas, faire ce qu'elle estime préférable dans les circonstances en ce qui concerne toutes les questions dont elle est saisie et pour lesquelles notre Cour n'a pas donné d'instructions précises dans ses motifs.

C.  Interprétation de la disposition L.4 des modalités d'OW

[35]  Passons maintenant à l'interprétation de la disposition L.4a) et à son application. Je vais examiner si la Cour fédérale a commis une erreur en concluant que la disposition L.4 s'appliquait. Il faudra pour cela interpréter la condition préalable à son application; plus précisément, je dois examiner le sens des mots [TRADUCTION] « insiste pour que l'acheteur soit également lié ». Ensuite, je dois déterminer si les appelants ont établi que la Cour fédérale a commis une erreur en concluant que cette condition était remplie.

[36]  Ensuite, si la disposition L.4 s'applique effectivement, comme l'a estimé la Cour fédérale, j'examinerai son effet sur les rapports entre Canpotex, OW et Petrobulk afin de déterminer si la Cour fédérale a commis une erreur lorsqu'elle est arrivée à sa conclusion en ce qui concerne le versement des fonds en fiducie.

1)  La disposition L.4 s'appliquait‑elle?

[37]  Il n'existe aucune preuve qu'un droit étranger différent du droit canadien s'applique à ce contrat. En fait, on n'a pas soutenu que la Cour fédérale ou notre Cour devait appliquer des principes d'interprétation autres que ceux énoncés dans l'arrêt Sattva (voir les motifs, aux paragraphes 77 et 78, et le mémoire des appelants, aux paragraphes 43 et 44). C'est un peu étonnant; si, comme l'a affirmé ING, la disposition L.4 ne s'appliquait pas en l'espèce, les modalités d'OW sont assujetties au droit anglais conformément à la disposition P.1 de ces modalités.

[38]  Il convient de noter que, contrairement à ce qui s'est produit dans le cas du contrat à prix fixe de 2014 dont il a été question dans la première décision de la Cour fédérale, il n'y a eu aucune négociation quant aux modalités d'OW pour les achats au comptant, dont la dernière révision date de mai 2013. Elles étaient intégrées par renvoi aux confirmations de commande d'OW et étaient publiées sur le site Web d'OW.

[39]  Le premier point de désaccord est le sens des mots [TRADUCTION] « qui insiste pour que l'acheteur soit également lié par ses propres modalités » [non souligné dans l'original] à l'alinéa L.4a) (voir le paragraphe 16 qui précède).

a)  Le sens des mots [TRADUCTION] « insiste pour que l'acheteur soit également lié »

[40]  Les parties reconnaissent que le verbe [TRADUCTION] « insiste » n'est pas un terme technique ayant un sens précis dans l'industrie; il ne renvoie pas à une ligne de conduite ni à un modèle commercial précis.

[41]  On doit donc examiner son sens en tenant compte du contrat dans son ensemble, en donnant aux mots figurant à l'alinéa L.4a) le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec les circonstances dont les parties avaient connaissance au moment de la formation du contrat. Rien n'indique le sens du verbe [TRADUCTION] « insiste » dans la disposition L.4; toutefois, la phrase où ce verbe apparaît est suivie d'une phrase qui indique notamment que [TRADUCTION] « l'acheteur est réputé avoir lu et avoir accepté les modalités imposées par la tierce partie » [non souligné dans l'original] (voir le paragraphe 16 ci‑dessus).

[42]  Le seul autre paragraphe des modalités d’OW où le verbe [TRADUCTION] « insister » apparaît est la disposition C.5, que voici :

[TRADUCTION]

Si la partie qui demande le combustible n'est pas le propriétaire du navire, le vendeur a le droit [...] d'insister, comme condition préalable à la vente, que le propriétaire fournisse une garantie de paiement. [...] si le propriétaire ne fournit pas la garantie de paiement lorsque le vendeur la demande [...]

[Non souligné dans l'original.]

[43]  À mon avis, il ressort assez clairement du paragraphe qui précède que le verbe [TRADUCTION] « insister », dans son sens ordinaire et grammatical, signifie « exiger ou demander fermement ». La jurisprudence étrangère fournie par les parties en ce qui concerne les différends relatifs au groupe OW Bunker n'examine pas expressément la disposition C.5, alors qu'il était manifestement pertinent de le faire pour décider du sens à donner au verbe [TRADUCTION] « insister ».

[44]  Après avoir examiné attentivement la jurisprudence étrangère en question, je conviens avec la Cour fédérale que l'interprétation la plus convaincante du sens ordinaire et grammatical à donner au mot [TRADUCTION] « insiste » à l'alinéa L.4a) est celle adoptée dans la décision NCL Bahamas Ltd v. OW Bunker USA Inc., 280 F. Supp. (3d) 324 (Cour de district, district du Connecticut, 2017), dossier renvoyé, 745 Fed. Appx. 416 (2e circuit, 2018) (NCL). Bien que la Cour fédérale se soit concentrée sur la décision du magistrat doyen de la Cour de district (aux paragraphes 114 à 118), je trouve que les motifs succincts de la Cour d'appel fédérale des États-Unis du 2e circuit quant au sens du verbe [TRADUCTION] « insiste » à la disposition L.4a) sont particulièrement pertinents. Selon la Cour d'appel fédérale des États-Unis, le sens du verbe [TRADUCTION] « insister » n'est pas obscur : il signifie [TRADUCTION] « réclamer », [TRADUCTION] « exiger » ou [TRADUCTION] « imposer », et tous ces verbes répondent au sens ordinaire du mot [TRADUCTION] « insister » que l'on retrouve dans les dictionnaires auxquels renvoie la Cour d'appel. Ils exigent tous que la tierce partie ait adopté une position ferme. Cette interprétation est assurément conforme à l'emploi du verbe [TRADUCTION] « insiste » dans la disposition C.5.

[45]  Je souligne que les appelants font valoir que les mots [TRADUCTION] « imposer » et [TRADUCTION] « insister » ne sont pas utilisés de manière interchangeable et que chacun doit recevoir une interprétation différente. C'est un peu étonnant lorsque l'on sait que devant la Cour de district et la Cour d'appel fédérale des États‑Unis, OW USA, une autre société affiliée régionale du groupe OW Bunker utilisant les mêmes modalités qu'OW (et faisant appel au même expert en droit anglais), a affirmé que le verbe [TRADUCTION] « insister » signifiait [TRADUCTION] « imposer ». À mon avis, l'expression [TRADUCTION] « lorsque le vendeur le demande » à la disposition C.5 et l'adjectif [TRADUCTION] « imposées » à l'alinéa L.4a) aident à comprendre le sens du verbe [TRADUCTION] « insister ». Quoi qu'il en soit, je suis d'accord avec la Cour fédérale pour dire que ces mots ne renvoient pas à un modèle précis de négociation contractuelle et qu'il n'est pas nécessaire qu'une partie ait suivi un modèle précis pour constater une insistance (motifs, aux paragraphes 96 et 100).

[46]  Rien d'autre dans les rapports entre les parties n'éclaire le sens à donner à ce verbe, si ce n'est que, comme l'a mentionné la Cour fédérale, Petrobulk a adopté la même position dans les 49 cas où elle a fourni du combustible à Canpotex et à OW au cours des neuf premiers mois de 2014; c’est-à-dire, ses modalités, qui disposaient expressément que Canpotex était un [TRADUCTION] « client » solidairement responsable aux termes des modalités, s'appliquaient à chacune de ces fournitures (motifs, au paragraphe 87).

[47]  Après avoir examiné le verbe [TRADUCTION] « insister » tel qu'il est utilisé à la disposition C.5 et à l'alinéa L.4a), et vu le contexte général, je conclus que la Cour fédérale n'a pas commis d'erreur en concluant qu'il signifiait « requérir » ou « exiger quelque chose avec force, ne pas accepter de refus » (motifs, aux paragraphes 117 et 118).

[48]  Je ne souscris pas à l'observation des appelants selon laquelle la Cour fédérale n'a pas fait de distinction entre les « souhaits » de Petrobulk (la tierce partie en l'espèce) et la question de savoir si elle a « insisté » pour que l'acheteur d'OW soit lié par ses modalités. La Cour fédérale était parfaitement au courant de cette observation (voir les motifs, aux paragraphes 62 et 88) et une juste interprétation de ses motifs permet de constater qu'elle n'a pas commis une telle erreur.

[49]  Les autres mots importants à l'alinéa L.4a) sont ceux qui précisent ce sur quoi la tierce partie doit insister. À cet égard, l'alinéa L.4a) précise ce qui suit : [TRADUCTION] « insiste pour que l'acheteur soit également lié par ses propres modalités » [non souligné dans l'original]. En l'espèce, il n'est pas contesté que Canpotex (de même que les propriétaires des navires) est un acheteur au sens de ces termes, et que les modalités de Petrobulk indiquent clairement que Canpotex satisfait à la définition du terme [TRADUCTION] « client ». Comme nous le verrons plus loin, les modalités de Petrobulk prévoient expressément que Canpotex, à titre de cliente, serait solidairement responsable, avec OW, du paiement du prix du combustible (voir les dispositions 1 et 2 et l'alinéa 11d) des modalités de Petrobulk).

[50]  Je souligne également que, contrairement à ce qui est mentionné à la disposition C.5 des modalités d'OW, l'alinéa L.4a) n'énonce pas expressément que la demande doit être adressée à une partie précise. L'alinéa L.4a) ne porte plutôt que ce sur ce qui est insisté. Je conviens avec la Cour fédérale que l'alinéa L.4a) n'oblige nullement Petrobulk à adresser sa demande directement à Canpotex. Si tel était le cas, on s'attendrait à ce qu'une partie avisée comme OW utilise un libellé semblable à celui employé à la disposition C.5, où il est précisé que la demande doit être faite par le vendeur au propriétaire du navire.

b)  La Cour fédérale a‑t‑elle commis une erreur en concluant que Petrobulk avait insisté?

[51]  J'examinerai maintenant la question de savoir si la Cour fédérale a commis une erreur manifeste et dominante en concluant, compte tenu de tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés, que Petrobulk avait effectivement insisté pour que l'acheteur d'OW soit également lié par ses modalités et que, par conséquent, l'alinéa L.4a) s'appliquait.

[52]  Pour cette question, la jurisprudence étrangère à laquelle renvoient les parties n'est pas particulièrement utile, car je suis d'accord avec Canpotex, Petrobulk et la Cour fédérale pour dire que ces décisions avaient toutes leurs caractéristiques distinctes et qu'aucune n'a appliqué la norme de contrôle que je suis tenue d'appliquer.

[53]  Comme l'a fait observer la Cour fédérale, l'application du verbe [TRADUCTION] « insiste » à l'alinéa L.4a) dépend des circonstances d'une affaire donnée. Une interprétation juste des motifs montre clairement que la Cour fédérale s'est demandée si on avait insisté que l'acheteur soit également lié par ces modalités. Pour le décider, la Cour fédérale a examiné les échanges entre les parties, les dispositions précises des modalités de Petrobulk et les rapports entre les parties au fil du temps.

[54]  C'est exactement ce que la Cour d'appel fédérale des États-Unis avait ordonné à la Cour de district de faire dans NCL. Cette décision n'est donc pas utile aux appelants, qui ont choisi de s'appuyer simplement sur le fait que l'affaire a finalement été renvoyée à la Cour de district. Si la Cour de district a rendu une deuxième décision, les parties ne l'ont pas fournie à notre Cour. Je n'ai moi-même pas trouvé une telle décision, mais j'ai remarqué qu'EKO, le fournisseur physique du combustible dont les modalités étaient en cause dans la décision NCL, était le même fournisseur physique que dans la décision Cocket Marine Oil DMCC v. ING Bank N.V., [2019] EWHC 1533 (Comm.) (H.C. Angl.). La Cour ne mentionne les modalités précises d'EKO dans aucun des deux jugements. Rien n'indique que les modalités d'EKO aient inclus comme partie liée par son contrat la société qui tentait d'invoquer la disposition du contrat sur le tribunal ayant compétence. Dans ces jugements, les rapports contractuels étaient également plus complexes, parce qu'il y avait des fournisseurs intermédiaires au sens du terme [TRADUCTION] « fournisseur » dans les modalités d'OW qui n'étaient pas les fournisseurs physiques visés à l'alinéa L.4a).

[55]  En l'espèce, il est clair que les définitions et les autres modalités précises de Petrobulk ont joué un rôle crucial dans la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle Petrobulk avait insisté pour que Canpotex (un acheteur conformément aux modalités d'OW) soit également liée par ses modalités.

[56]  Je ne suis pas persuadée que la Cour fédérale a commis une erreur manifeste et dominante en concluant que l'alinéa L.4a) s'appliquait.

2)  Quel est l'effet de l'alinéa L.4a) sur les rapports entre Canpotex, OW et Petrobulk?

[57]  Il ne reste donc qu'à trancher la question de l'effet de l'alinéa L.4a) sur les rapports entre OW, Canpotex et Petrobulk et à déterminer qui a droit aux fonds en fiducie.

a)  Quel est l'effet de la disposition L.4 sur les rapports contractuels entre Canpotex et OW?

[58]  Il n'est pas contesté qu'il existe un contrat entre Canpotex et OW, et que ce contrat est modifié lorsque l'alinéa L.4a) s'applique. J'examinerai maintenant son effet. Tout d'abord, j'examinerai le sens du mot [TRADUCTION] « modalités » à l'alinéa L.4a) et son incidence sur les modalités du contrat conclu entre OW et Canpotex. Cela me permettra d'examiner l'argument avancé par ING selon lequel les modifications prévues à l'alinéa L.4a) sont limitées et ne visent pas toutes les modalités de Petrobulk, notamment celles relatives au paiement et à la responsabilité du paiement, comme la disposition 11 (voir l'annexe).

[59]  L'alinéa L.4a) contient une référence générale et non qualifiée aux [TRADUCTION] « propres modalités » de la tierce partie. Les premiers mots de l'alinéa L.4b) ([TRADUCTION] « Sans restreindre la portée générale de ce qui précède ») sont également sans équivoque. Ainsi, la modification prévue à l'alinéa L.4a) est expressément présentée comme n'étant aucunement limitée par les dispositions de l'alinéa L.4b) (voir l'annexe). Les sous‑alinéas L.4b)(i) à (ii[i]) fournissent plutôt des éclaircissements ou des explications supplémentaires sur les modifications à faire.

[60]  Par exemple, en ce qui concerne les délais établis dans l'un ou l'autre document, le délai plus court prévaudra (voir le sous‑alinéa L.4b)(i)), tandis qu'on ajoute simplement les dispositions de non‑responsabilité supplémentaires aux modalités, et les dispositions sur le ressort et le droit applicables des modalités du tiers sont intégrées (et sans doute l’emportent en cas d'incompatibilité) à celles à la disposition P des modalités d'OW.

[61]  Enfin, l'alinéa L.4c) précise qu'il est en outre convenu que les droits de l'acheteur envers le vendeur ne peuvent avoir une portée plus large que les droits du fournisseur envers la tierce partie.

[62]  Il est difficile de comprendre cet alinéa, car une tierce partie au sens de l'alinéa L.4a) pourrait, si le vendeur lui a demandé de fournir le combustible, correspondre au terme « fournisseur » lorsque s'applique la définition que donnent les modalités à ce terme. À mon avis, cet alinéa, où le mot « fournisseur » n'a pas le sens donné par les modalités, aurait pu établir une distinction entre un fournisseur qui ne s'engage pas à fournir physiquement le combustible et la tierce partie qui le fait nécessairement. Comme cela a été expliqué lors de l'audience, et comme le montre la jurisprudence étrangère qui nous est présentée, plus d'une société du groupe OW pourrait contribuer à la chaîne d'approvisionnement. Par exemple, dans la décision NCL, susmentionnée aux paragraphes 44 et 54, OW Bunker USA et OW Bunker Malta ont participé à la fourniture, tout comme le fournisseur réel, EKO. Il se peut que le groupe OW ait également pu fonctionner d'autres manières. Quoi qu'il en soit, le libellé de cette disposition s'appliquerait certainement lorsqu'OW n'est pas directement liée par contrat à la tierce partie qui fournit physiquement le combustible et que les droits d'un fournisseur intermédiaire ayant conclu un contrat avec la tierce partie sont plus limités aux termes de ce contrat.

[63]  Je note que la disposition L.4 figure sous le titre [TRADUCTION] « Exonérations et force majeure », ce qui pourrait mener à la conclusion que l'expression [TRADUCTION] « propres modalités » de l'alinéa L.4a) se limite aux modalités qui exonèrent OW ou l'acheteur de leur responsabilité. Bien que les titres fassent partie du contrat que je dois examiner, je ne pense pas que le titre justifie une telle conclusion en l'espèce.

[64]  En fait, le libellé de la disposition L.4 indiquerait le contraire. Si le renvoi aux [TRADUCTION] « modalités » à l'alinéa L.4a) se limite aux dispositions d'exonération, il serait absurde d'ajouter le sous‑alinéa L.4b)(ii), dont le seul but est de préciser que les dispositions d’exclusion de responsabilité additionnelles (c’est-à-dire des dispositions d'exonération) dans les modalités du tiers doivent être intégrées avec les modifications qui s'imposent, et ce, après avoir indiqué au début de l'alinéa L.4b) que les sous‑alinéas n'avaient pas pour but de restreindre la portée générale de l'alinéa L.4a). En outre, les dispositions sur le droit et le ressort applicables ne sont pas des exonérations. Le sous‑alinéa L.4b)(ii[i]) ne correspond pas, en soi, au titre. Enfin, les dispositions prévoyant des délais pour l'exécution d'un acte (soit des questions d'exécution) ne sont pas non plus des exonérations.

[65]  À mon avis, la disposition L.4 aurait pu avoir son propre titre; cependant, je peux comprendre la logique de la placer sous le titre [TRADUCTION] « Exonérations et force majeure », car, comme il a été mentionné, le sous‑alinéa L.4b)(ii) intègre effectivement les clauses d’exclusion de responsabilité qui peuvent figurer dans les modalités de la tierce partie. Comme l'a noté la majorité des juges de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Tercon Contractors Ltd. c. Colombie‑Britannique (Transports et Voirie), 2010 CSC 4, [2010] 1 R.C.S. 69 (Tercon), la thèse d'OW ne tient pas compte du fait qu'il s'agit d'une entreprise ayant de l'expérience commerciale, et que des parties avisées sont en mesure de rédiger des dispositions d’exclusion de responsabilité très claires lorsqu'elles entendent le faire (Tercon, aux paragraphes 73 et 62).

[66]  Je conclus que les modalités du contrat entre OW et Canpotex se trouvent dans les modalités d'OW et de Petrobulk, lues et interprétées conjointement. En ce qui concerne les dispositions des modalités de Petrobulk qui ne sont pas expressément énoncées ou traitées aux alinéas L.4b) et c) (voir par exemple la disposition F.1 des modalités d'OW, selon laquelle on doit utiliser quatre échantillons représentatifs, alors que l'alinéa 8c) des modalités de Petrobulk fait référence à deux échantillons représentatifs scellés et numérotés), la Cour devra interpréter le résultat du renvoi selon les règles générales d'interprétation, car il n'existe pas d'instructions précises à cet égard.

[67]  Bien qu'elle ne soit pas idéale, cette situation n'est pas inhabituelle, d'autant plus que les modalités d'OW ont été rédigées de sorte qu'elles peuvent s'appliquer, peu importe les modalités précises d'une tierce partie. De plus, d'après mon examen, il semble y avoir de nombreuses modalités qui sont similaires et probablement souvent utilisées dans l'industrie (comparer, par exemple, les paragraphes D.3 et D.4 des modalités d'OW et les alinéas 7c) et d) des modalités de Petrobulk).

[68]  Je conclus donc que les dispositions de Petrobulk, comme la disposition 11 intitulée [TRADUCTION] « Modalités de paiement » (et plus précisément l'alinéa 11d)), ainsi que les autres dispositions selon lesquelles les acheteurs d'OW étaient tenus de payer la facture de Petrobulk si OW ne le faisait pas, sont visées par l'alinéa L.4a). Ces dispositions auront une incidence sur celles figurant dans les modalités d'OW, comme la disposition I.2, à laquelle les appelants renvoient dans leur mémoire.

[69]  Les appelants déclarent qu'aux termes de cette disposition, le paiement des factures d'OW doit être effectué sans compensation, retenue, déduction ou ainsi de suite à la banque indiquée sur les factures d'OW. Le sens des mots [TRADUCTION] « factures respectives » à la disposition I.2 n'est pas clair. Je note qu'une disposition similaire se trouve à l'alinéa 11a) des modalités de Petrobulk.

[70]  Il serait dénué de sens, lorsqu'on lit les modalités d'OW et de Petrobulk conjointement, de conclure que cette disposition devait s'appliquer à la somme réellement versée par Canpotex pour le combustible selon les modalités d'OW, de sorte que Canpotex soit responsable du paiement à la tierce partie si OW n'effectuait pas le paiement.

[71]  Comme il a déjà été mentionné, ce n'est pas la faillite d'OW qui rend cette affaire inhabituelle. C'est certainement la raison du litige, mais ce qui rend cette affaire différente est l'effet de la disposition L.4 sur les modalités du contrat conclu entre Canpotex et OW.

[72]  En l'espèce, le fait que Canpotex ait choisi de traiter avec une entité comme OW, en raison de sa connaissance générale du prix du combustible sur le marché et des fluctuations internationales, signifie simplement que Canpotex était prête à payer un supplément pour ce service. Lorsque Canpotex a autorisé OW à intégrer à son contrat les conditions de la tierce partie, elle courait de toute évidence un risque. En l'espèce, comme l'a déterminé la Cour fédérale, les modalités de Petrobulk ont rendu Canpotex solidairement responsable du paiement de la facture de la tierce partie pour ce combustible précis. Cela n'a pas été contesté. La question en litige est de savoir si Canpotex était également partie au contrat de Petrobulk avec OW. Ainsi, s'il y avait un lien contractuel entre Canpotex et Petrobulk, il se peut bien que si Canpotex avait déjà payé OW, elle devrait encore payer Petrobulk si OW ne payait pas sa facture. Ce n'est toutefois pas le cas en l'espèce. Cette modification prévue à l'alinéa L.4a) n'a pas d'incidence sur le droit d'OW d'être payée pour ses services en voyant à la livraison du combustible (5 575,75 USD), comme l'ont fait valoir les appelants (mémoire, au paragraphe 76). Il s'agit plutôt d'une directive de payer Petrobulk dans le cas où OW ne respecterait pas sa propre obligation de payer la facture de Petrobulk dans les délais prévus par les modalités de Petrobulk.

[73]  Une fois que Canpotex a reçu de la tierce partie une demande de paiement parce qu'OW ne l'avait pas payée dans le délai prescrit, les modalités d'OW, qui ont été modifiées par les modalités de Petrobulk, ont en fait autorisé Canpotex à verser à la tierce partie, au compte bancaire indiqué à la disposition 11 des modalités de Petrobulk (qui fait maintenant partie des modalités modifiées d'OW), le montant de la facture de la tierce partie et à verser le solde au compte bancaire d'OW. Arriver à une autre conclusion signifierait qu'on ne donne aucun effet aux modalités de Petrobulk qui rendent Canpotex conjointement responsable du paiement de la facture de Petrobulk, alors que cette obligation a été manifestement imposée à OW et a été acceptée par Canpotex comme le dispose l'alinéa L.4a), et a donc été ajoutée par renvoi.

[74]  OW savait ou aurait dû savoir que les modalités de Petrobulk étaient sans équivoque. Petrobulk ne comptait pas seulement sur le crédit d'OW; OW a accepté ces modalités en toute connaissance de ses propres modalités. OW ne peut pas affirmer maintenant que Petrobulk a accepté le risque de non-paiement par OW et qu'une partie importante des modalités de Petrobulk n'a tout simplement pas été intégrée aux modalités d'OW.

[75]  Je conclus qu'à ce moment, ING n'a pas le droit de réclamer, aux termes du contrat d'OW, le montant intégral détenu en fiducie. Il s'agit d'une situation assez unique en raison d'une disposition inhabituelle intégrant deux ensembles de modalités qui n'ont pas été rédigées de sorte à être compatibles. Cependant, à mon avis, c'est ce que des parties avisées à un contrat aussi complexe auraient objectivement voulu en l'espèce. Contrairement à ce que les appelants ont affirmé, la Cour ne modifie pas le contrat d'OW; elle ne fait que mettre en application la disposition rédigée par OW.

[76]  Il n'est pas nécessaire de décider si Petrobulk pouvait poursuivre en vertu du contrat d'OW car, comme je l'expliquerai, à mon avis, la Cour fédérale n'a pas commis d'erreur en concluant que Petrobulk pouvait poursuivre Canpotex sur le fondement de son propre contrat conclu avec son client, tel que ce terme est défini dans les modalités. Je note cependant qu'en droit anglais, une tierce partie à qui un contrat accorde un avantage peut intenter un procès pour faire respecter cette obligation en application de la loi intitulée Contracts (Rights of Third Parties) Act 1999 (Loi de 1999 sur les droits contractuels des tiers).

b)  Quel est le lien entre Petrobulk et Canpotex, le cas échéant?

[77]  Les appelants ont affirmé que Canpotex n'était pas partie au contrat avec Petrobulk, même si Petrobulk a insisté pour que Canpotex, en tant qu'acheteur d'OW, soit également liée par ses modalités. Selon les appelants, le seul effet de l'alinéa L.4a) est de modifier les modalités du contrat conclu entre OW et Canpotex. Comme je l'ai mentionné précédemment, selon eux, la modification ne comprendrait rien à propos d'une responsabilité solidaire pour le paiement à Petrobulk. J'ai expliqué, dans la partie a) qui précède, ma conclusion sur l'effet de la modification en l'espèce et les modalités du contrat conclu entre OW et Canpotex. J'examinerai maintenant l'autre argument que la Cour fédérale a retenu, à savoir que Canpotex avait un lien contractuel avec Petrobulk.

[78]  Selon ce que je comprends, la Cour fédérale a accepté que la dernière partie de l'alinéa L.4a), qui dispose que [TRADUCTION] « l'acheteur est réputé avoir lu et avoir accepté les modalités imposées par la tierce partie », confirme, lorsqu'elle est interprétée en tenant compte du contexte de la matrice factuelle en preuve devant la Cour, que Canpotex acceptait d'être également liée par ces modalités envers Petrobulk (la tierce partie), car c'est exactement ce que cet alinéa dispose (motifs, aux paragraphes 87 et 88).

[79]  Lors de l'audience à notre Cour, Canpotex et Petrobulk ont fait valoir que cet alinéa, lu dans son contexte en tenant compte des faits, donnait à OW le pouvoir de lier Canpotex envers Petrobulk d'une façon semblable à un mandat limité, ainsi que de modifier en conséquence les modalités du contrat d'OW. Je suis du même avis.

[80]  En fait, l'argument des appelants, selon lequel le seul effet est l'intégration des modalités de Petrobulk (ou d'une partie de celles‑ci), paraissait intéressant puisqu'une simple lecture de la disposition pouvait l'étayer. Il offrait une solution facile au présent appel. Cependant, comme la Cour fédérale, j'ai vite compris que cela obligerait la Cour à supposer que l'intention objective d'OW était réellement de ne pas tenir compte des modalités de son contrat avec Petrobulk. D'après les faits dont nous sommes saisis, cela serait absurde, puisqu'OW a elle‑même clairement indiqué que l'alinéa L.4a) ne s'applique que parce que Petrobulk insiste pour que l'acheteur (Canpotex, en l'espèce) soit également lié par ses propres modalités. L'objectif premier de cette disposition est de mettre en application les modalités imposées par la tierce partie (Petrobulk) et de garantir que son acheteur sera lié par celles‑ci. L'objectif secondaire est de s'assurer que ses propres modalités ne sont pas incompatibles avec les modalités imposées par la tierce partie et ne confèrent pas plus de droits à Canpotex que ceux qu'elle aurait aux termes des modalités de Petrobulk.

[81]  S'il n'avait pas été mentionné, à la disposition L.4, que la tierce partie avait insisté pour que l'acheteur soit également lié par les modalités (voir, par exemple, la disposition dans le contrat à prix fixe conclu entre OW et Canpotex reproduite en annexe), j'aurais très bien pu conclure que l'unique objet de la disposition L.4 était de garantir qu'OW ne serait pas lésée par les divergences entre ses modalités et ce qui était convenu avec le fournisseur physique. Par exemple, si les modalités d'OW prévoyaient que la livraison ne devait pas prendre plus de 24 heures alors que les modalités du fournisseur physique prévoyaient 36 heures, OW pourrait manquer à ses obligations sans qu'il n'y ait de manquement de la part du fournisseur réel.

[82]  Cependant, selon le libellé réel, OW ne pouvait pas bénéficier d'une telle modification à moins que la tierce partie n'insiste pour que l'acheteur soit également lié par ses propres modalités. Si la tierce partie n'insistait pas, OW pouvait se retrouver coincée. On doit supposer qu'il y avait une autre raison commerciale d'inclure une telle modalité. La Cour ne peut pas simplement supposer qu'il s'agit d'une disposition mal rédigée; OW était une partie commerciale avertie.

[83]  Ainsi, comment Canpotex, à titre d'acheteuse raisonnable, interpréterait‑elle objectivement cette disposition? Dans l'industrie du transport maritime, il serait assurément logique, d'un point de vue commercial, que la tierce partie (le fournisseur véritable de combustible) insiste pour être liée contractuellement non seulement à OW, mais aussi aux acheteurs d'OW, notamment Canpotex, à titre d'affréteur et de partie bénéficiant de la livraison. En fait, il serait illogique, d'un point de vue commercial, que Petrobulk insiste pour que Canpotex, à titre d'acheteuse d'OW, soit également liée par ses modalités d'une autre façon qu'en ayant un lien contractuel. OW devrait s'assurer que son acheteur accepte d'être lié. Il est donc logique, d'un point de vue commercial, qu'OW s'assure que Canpotex accepte d'être liée de manière à ce que ces modalités aient effet et qu'OW veuille également modifier ses propres modalités afin de préserver ses propres rapports contractuels avec Canpotex et de s'assurer qu'il n'y a pas de contradiction entre ses propres modalités et les modalités imposées à OW et à Canpotex, à titre d'acheteuse, par les modalités de Petrobulk.

[84]  Bien qu'il ne fasse aucun doute que l'alinéa L.4a) modifiera les modalités du contrat conclu entre OW et Canpotex, à mon avis, il confirme également que lorsque la tierce partie [TRADUCTION] « insiste pour que l'acheteur soit également lié par ses propres modalités », Canpotex accepte qu'OW la lie aux modalités imposées par cette partie, ce qui, en l'espèce, nécessite de toute évidence qu'elle soit liée, à titre de cliente, par le contrat de Petrobulk. La simple modification des modalités du contrat d'OW ne suffirait pas pour donner pleinement effet aux modalités imposées par la tierce partie.

[85]  Aucun principe général de droit n'empêche OW de conclure un contrat avec le fournisseur réel en son propre nom ainsi qu'au nom de son acheteur, lorsque ce dernier a accepté qu'OW pouvait le faire aux termes de son propre contrat conclu avec OW.

[86]  La question de savoir si des dispositions comme celle qui nous occupe lient une partie autre que Canpotex — par exemple, le propriétaire du navire — n'est pas une question à laquelle il faut répondre ici. Il se peut que, malgré la disposition C.6 des modalités d'OW (la garantie d'autorisation; voir l'annexe), Canpotex n'ait jamais informé le propriétaire des modalités d'OW ou n'ait pas été autorisée à lier le navire et son propriétaire. Il se pourrait bien que le propriétaire ne soit pas lié. Cependant, cela n'annule pas l'effet de ces dispositions sur Canpotex, qui a accepté d'être liée par les modalités d'OW, y compris l'alinéa L.4a). Canpotex n'a soulevé aucune objection relativement à l'équité et au caractère raisonnable de l'interprétation de la disposition déterminative comme donnant à OW le pouvoir de lier Canpotex au fournisseur réel du combustible. En fait, lors de l'audience de notre Cour, elle a appuyé cette interprétation.

[87]  D'après mon expérience, il n'est pas rare que les fournisseurs de produits de première nécessité (peu importe la place qu'ils occupent dans la chaîne d'approvisionnement) ajoutent diverses dispositions qui comprendront une garantie d'autorité et un privilège puisque, dans l'industrie du transport, le navire est la garantie de paiement la plus tangible et les fournisseurs tenteront invariablement de lier le propriétaire et le navire. Le caractère exécutoire de ces dispositions dépend du contexte, du droit applicable (les privilèges maritimes résultent du droit) et du ressort où l'audience a lieu. À mon avis, si l'on examine le contrat dans son ensemble, ces dispositions ont une valeur limitée lors de l'interprétation de l'alinéa L.4a) à l'égard de Canpotex et de ses rapports avec OW et Petrobulk.

[88]  Je conclus que la Cour fédérale n'a pas commis d'erreur lorsqu'elle a conclu que des négociations directes entre Canpotex et Petrobulk n'étaient pas nécessaires pour que Canpotex soit liée à Petrobulk (motifs, au paragraphe 87). Canpotex a accepté d'être liée par les modalités de la tierce partie. Il était pour le moins implicite qu'OW avait le droit de lier Canpotex à Petrobulk lorsque c'était nécessaire pour donner effet à ses modalités.

[89]  Canpotex était donc contractuellement et solidairement responsable, avec OW, de payer le combustible réellement livré par Petrobulk. OW n'a pas payé le combustible dans le délai prescrit; Petrobulk avait le droit de demander à Canpotex de payer, car la faillite d'OW ne libérait pas un codébiteur comme Canpotex.

[90]  Une fois de plus, bien que cela puisse être inhabituel, rien n'empêche que Canpotex soit partie à deux contrats, car les deux sont harmonisés par la modification prévue à l'alinéa L.4a). Les deux contrats stipulent que Canpotex est tenue de payer la tierce partie si OW omet de le faire.

V.  Conclusion

[91]  Je conclus donc que la Cour fédérale n'a commis, dans sa conclusion quant à qui avait droit aux fonds en fiducie, aucune erreur qui justifierait l'intervention de notre Cour.

[92]  Je propose de rejeter l'appel avec dépens aux intimées. Comme je l'ai mentionné au début des présents motifs (au paragraphe 19), des motifs distincts seront rendus pour l'appel dans le dossier no A‑54‑19.

« Johanne Gauthier »

j.c.a.

LA JUGE WOODS (motifs concourants)

[93]  Je suis tout à fait d'accord avec les motifs de ma collègue la juge Gauthier. Je souhaite ajouter un bref commentaire concernant la question du lien contractuel entre Canpotex et Petrobulk.

[94]  Dans ses motifs, la juge Gauthier a établi qu'il existait un lien contractuel au motif qu'OW avait reçu le pouvoir de lier Canpotex à Petrobulk. Il s'agit d'une conclusion raisonnable.

[95]  La Cour fédérale a également établi qu'il existait un lien contractuel, mais elle l'a fait pour un motif différent. Elle a déclaré ce qui suit au paragraphe 87 de ses motifs :

[...] Le caractère constant des rapports (49 opérations antérieures) entre Canpotex, OW UK et [Petrobulk] montre bien que les trois parties comprenaient et convenaient que les combustibles de soute seraient livrés par [Petrobulk] et que celle‑ci insisterait auprès d'OW UK pour que Canpotex soit contractuellement liée. Canpotex n'a pas exigé de négociations directes avec [Petrobulk] et a accepté et assumé la responsabilité quant à des obligations que [Petrobulk] avait insisté auprès d'OW UK pour incorporer à la vente et à l'achat de ces combustibles destinés aux navires.

[96]  À mon avis, il était convenable que la Cour fédérale considère les rapports entre ces parties, notamment, comme étayant la conclusion qu'il y avait un lien contractuel entre Canpotex et Petrobulk. La norme de contrôle à appliquer à cette décision est celle de l'erreur manifeste et dominante. Nous ne sommes pas en présence d'une telle erreur.

« Judith Woods »

j.c.a.

LE JUGE PELLETIER (motifs dissidents)

[97]  J'ai lu l'ébauche des motifs de ma collègue. Avec égards, et pour les motifs exposés ci‑dessous, je ne peux être d'accord avec elle.

I.  La norme de contrôle

[98]  Je note que ma collègue a renvoyé aux arrêts Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, [2014] 2 R.C.S. 633, et Ledcor Construction Ltd. c. Société d'assurance d'indemnisation Northbridge, 2016 CSC 37, [2016] 2 R.C.S. 23. Contrairement à ma collègue, je pense que la décision de la Cour fédérale en l'espèce pourrait bien avoir valeur de précédent. La décision de la Cour fédérale fait en sorte que le libellé de l'un ou l'autre de ces contrats permet à un créancier non garanti, en cas d'insolvabilité, de l'emporter sur la réclamation d'un créancier garanti. Cela ne passera pas inaperçu dans le monde du commerce.

[99]  La question n'est pas de savoir si OW utilisera de nouveau ce libellé (ce qui est peu probable, puisqu'elle a fait faillite), mais si d'autres, en s'appuyant sur les motifs de la Cour fédérale, inséreront un libellé semblable à leurs documents contractuels.

[100]  Par conséquent, je conclus que cette affaire a une valeur jurisprudentielle et que la norme de contrôle est celle de la décision correcte.

II.  Analyse

[101]  Il est peut-être utile de s'attarder un instant sur la nature des opérations dont il est question en l'espèce. Canpotex avait besoin de combustible pour ses navires. OW a accepté de fournir ce combustible, soit à partir de ses propres stocks, soit à partir de ceux d'une tierce partie. Comme OW n'a pas d'entrepôt de combustible à Vancouver, elle a acheté le combustible à Marine Petrobulk (MP), qui l'a livré aux navires de Canpotex.

[102]  OW étant devenue insolvable avant de payer ce qu'elle devait à MP, cette dernière se démène pour obtenir le paiement directement de Canpotex. Sa tâche est compliquée par le fait qu'OW a cédé ses créances à ING. ING s'oppose à la réclamation de MP; elle déclare qu'elle a droit au prix d'achat aux termes du contrat conclu entre Canpotex et OW.

[103]  MP s'appuie sur la disposition L.4 du contrat conclu entre Canpotex et OW, qui intègre, en tout ou en partie, les modalités du contrat conclu entre OW et MP à celui conclu entre Canpotex et OW si MP [TRADUCTION] « insiste » qu'elles soient intégrées. Pour les besoins de mon analyse, je suis prêt à accepter la thèse la plus favorable à MP. Je suppose donc que MP a insisté et que, par conséquent, les modalités du contrat conclu entre OW et MP ont été intégrées, en tout ou en partie, au contrat entre Canpotex et OW.

A.  Le lien contractuel

1)  Le contrat conclu entre Canpotex et OW

[104]  Même si l'on suppose que les modalités intégrées exigent que Canpotex paie MP plutôt qu'OW, il n'en demeure pas moins que MP n'est pas partie au contrat signé par Canpotex et OW. Aucun élément du contrat conclu entre Canpotex et OW ne ferait de MP une partie contractante. Par conséquent, la règle du lien contractuel s'applique et une action engagée par MP pour faire exécuter ce contrat échouerait. Ainsi, MP n'a pas droit aux fonds consignés en vertu du contrat conclu entre Canpotex et OW.

[105]  Je conviens avec ma collègue que, dans son premier arrêt, notre Cour n'a pas tranché la question de savoir si la règle du lien contractuel rendait la réclamation de MP irrecevable. Dans sa première décision (2015 CF 1108), la Cour fédérale n'a pas tranché la question du lien contractuel puisqu'elle a conclu qu'elle ne se posait pas, étant donné qu'elle considérait que Canpotex et MP étaient parties au même contrat. Notre Cour n'a pas examiné cette question parce qu'elle a conclu que la Cour fédérale avait fondé sa décision sur le mauvais contrat.

[106]  La règle du lien contractuel découle de la jurisprudence et elle a été modifiée dans certaines circonstances pour permettre à des tierces parties de se prévaloir d'un droit prévu dans un contrat conclu par d'autres : New Zealand Shipping Co. v. A. M. Satterthwaite & Co. (The Eurymedon), [1975] A.C. 154, [1974] 1 All E.R. 1015 (C.P.), ITO‑Int'l Terminal Operators c. Miida Electronics, [1986] 1 R.C.S. 752, aux pages 782 à 800, London Drugs Ltd. c. Kuehne & Nagel International Ltd., [1992] 3 R.C.S. 299, aux pages 447 à 450, Fraser River Pile & Dredge Ltd. c. Can‑Dive Services Ltd., [1999] 3 R.C.S. 108, au paragraphe 30. Il ne s'agit pas d'un cas où les parties ont négocié une stipulation pour autrui. Canpotex et OW ont négocié leur contrat dans leur intérêt réciproque. L'intégration des dispositions du contrat conclu entre OW et MP n'était pas censée profiter à MP, mais plutôt aider OW à respecter ses obligations contractuelles envers Canpotex.

[107]  Si la règle du lien contractuel a souvent été critiquée, elle n'a pas été abrogée : voir l'arrêt 1196303 Ontario Inc. v. Glen Grove Suites Inc., 2015 ONCA 580, aux paragraphes 93 à 104. Il ne s'agit pas d'un cas où notre Cour devrait se lancer dans ce genre d'exercice. Les conséquences de la modification ou de l'abrogation de la règle du lien contractuel sont nombreuses et leur portée est étendue. S'il faut modifier cette règle, le législateur devra le faire.

[108]  Par conséquent, je conclus que la règle du lien contractuel empêche MP de réclamer l'avantage du contrat conclu entre Canpotex et OW, quel que soit le nombre de modalités du contrat conclu entre OW et MP qu'il intègre.

[109]  Cela dit, j'ajouterais simplement qu'il ne me semble pas évident que la disposition L.4 ait l'effet que ma collègue lui donne. Il ne semble pas improbable que des parties averties, comme celles‑ci, conviennent que les droits de Canpotex par rapport à OW ne devraient pas excéder les droits d'OW par rapport à son fournisseur, comme le prévoit l'alinéa L.4c). On éviterait ainsi qu'OW ne se trouve coincée entre deux contrats aux conditions incompatibles. J'estime que l'alinéa L.4b) vise le même résultat, de sorte que les parties aux deux contrats étaient sur un pied d'égalité en ce qui concerne diverses autres questions précisées dans cette disposition et des questions de nature similaire.

[110]  En outre, il ne faut pas supposer qu'OW conclurait des contrats qui nuiraient à la garantie d'ING, avec toutes les conséquences qui découlent généralement d'un tel acte. De même, il ne faut pas supposer que Canpotex serait partie à des ententes qui privilégieraient l'un des créanciers d'OW (MP) par rapport à un autre (ING).

[111]   Les dispositions sur lesquelles s'appuie MP sont des dispositions insérées dans le contrat type d'OW pour son propre profit, et non au profit de ses clients ou de tierces parties comme MP. MP néglige ce simple fait lorsqu'elle tente d'utiliser ces dispositions pour redéfinir le rôle d'OW dans ces opérations à celui de courtier dont le rôle était de faciliter la conclusion d'un contrat d'achat‑vente entre Canpotex et MP en échange d'une commission.

[112]  Il est établi depuis longtemps, dans le contexte fiscal, qu'il n'appartient pas aux tribunaux de requalifier, en raison de la « réalité économique », les rapports juridiques véritables : voir les arrêts MacDonald c. Canada, 2020 CSC 6, au paragraphe 38; Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622, au paragraphe 39; Tsiaprailis c. Canada, [2005] 1 R.C.S. 113, 2005 CSC 8, au paragraphe 39. C'est d'autant plus vrai pour les opérations privées qui n'ont pas, contrairement aux opérations fiscales, un élément d'intérêt public.

2)  Le contrat conclu entre OW et MP

[113]  MP renvoie ensuite à son propre contrat pour étayer sa réclamation concernant les fonds consignés à la Cour. Elle s'appuie sur la définition du mot [TRADUCTION] « client » dans son accord conclu avec OW, qui comprend [TRADUCTION] « toute partie tirant avantage de la consommation du combustible de soute, de même que toute autre partie qui commande le combustible de soute ». Cette définition est suffisamment large pour inclure Canpotex. Cependant, Canpotex n'est pas partie à ce contrat. Là encore, la règle du lien contractuel empêche les parties contractantes d'imposer une responsabilité à une tierce partie sans son consentement. Cet argument ne peut pas non plus être retenu.

B.  Le mandat

[114]  La seule autre façon pour MP d'obtenir gain de cause est que le contrat passé entre OW et MP soit, en droit, un contrat conclu entre Canpotex et MP. Pour que cet argument soit recevable, il faut qu'OW ait agi comme mandataire de Canpotex lors de la conclusion du contrat avec MP. Ma collègue invoque cette possibilité aux paragraphes 79 et 85 de ses motifs, lorsqu'elle parle du fait que Canpotex avait autorisé OW à négocier avec MP en son nom.

[115]  Le juge de première instance a estimé qu'il n'avait pas à décider si OW était le mandataire de Canpotex : voir la première décision de la Cour fédérale, au paragraphe 136.

[116]  MP cherche à faire interpréter les derniers mots de l'alinéa L.4a) du contrat conclu entre Canpotex et OW comme autorisant OW à conclure le contrat avec MP au nom de Canpotex, c'est‑à‑dire à titre de mandataire de Canpotex. MP ne peut s'appuyer sur ces mots pour parvenir à ce résultat. L'alinéa L.4a) est rédigé comme suit :

[TRADUCTION]

a) Les présentes modalités sont susceptibles d'être modifiées lorsque la fourniture physique du combustible est effectuée par une tierce partie qui insiste pour que l'acheteur soit également lié par ses propres modalités. Dans un tel cas, les présentes modalités sont modifiées en conséquence, et l'acheteur est réputé avoir lu et avoir accepté les modalités imposées par la tierce partie. [Non souligné dans l'original.]

[117]  Lorsqu'on lit les mots soulignés dans leur contexte, il est évident qu'ils renvoient à l'acceptation des modalités incorporées au contrat conclu entre Canpotex et OW. Il ne s'agit pas d'autoriser OW à conclure un contrat avec MP. Dans le premier cas, Canpotex accepte que certaines modifications soient apportées à ses modalités contractuelles avec OW, mais elle limite néanmoins ses liens contractuels à OW elle‑même. Dans le second cas, Canpotex accepterait d'être liée à une autre partie selon des modalités qui lui sont inconnues. Les deux cas sont différents.

[118]  Le meilleur argument contre le mandat est que Canpotex avait déjà conclu un contrat pour la fourniture de combustible selon des modalités qu'elle acceptait. Elle n'a pas eu à autoriser OW à la lier par un second contrat pour le même combustible selon des conditions qui lui étaient inconnues.

III.  Conclusion

[119]  J'accueillerais l'appel d'ING avec dépens. J'annulerais la décision de la Cour fédérale et j'ordonnerais que les fonds détenus en fiducie soient versés à ING, majorés des intérêts applicables en matière d'amirauté.

« J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.


Annexe

(Extraits seulement)

[TRADUCTION]

GROUPE OW BUNKER

MODALITÉS DE VENTE DE COMBUSTIBLE DE SOUTE

ÉDITION 2013

[...]

B.  INTERPRÉTATION

« vendeur » OWB; tout bureau, succursale ou entreprise affilié au groupe OWB, soit la personne morale faisant partie du groupe OWB, dont le nom apparaît dans la confirmation de commande envoyée à l'acheteur;

« acheteur » Le navire auquel le combustible est livré, et solidairement son capitaine, ses propriétaires, ses exploitants, ses armateurs disposants et ses affréteurs, notamment à temps ou en coque nue; toute partie qui demande des offres pour du combustible ou qui commande du combustible ou des services; toute partie pour le compte de laquelle les offres et commandes ont été effectuées et par laquelle les accords ont été conclus;

« fournisseur » Toute partie à laquelle le vendeur a demandé de fournir le combustible;

[...]

OFFRES ET PRIX

[...]

C.5  Si la partie qui demande le combustible n'est pas le propriétaire du navire, le vendeur a le droit (mais non l'obligation) d'insister, comme condition préalable à la vente, que le propriétaire fournisse une garantie de paiement. Le vendeur a le droit (mais non l'obligation) d'annuler l'entente conclue avec l'acheteur à tout moment si le propriétaire ne fournit pas la garantie de paiement lorsque le vendeur le demande. La décision du vendeur de renoncer à la garantie de paiement au titre de la présente disposition C.5 n'a pas d'effet sur le droit du vendeur à un privilège sur le navire au titre de la présente entente.

C.6  L'acheteur garantit qu'il est autorisé, en tant que mandataire, à commander le combustible pour le navire et que le vendeur détient un privilège sur le navire pour le combustible fourni aux termes de la présente entente. Si la partie qui demande le combustible n'est pas le propriétaire du navire, l'acheteur est seul responsable de communiquer les modalités de la présente entente au propriétaire du navire avant la livraison.

[...]

I  Paiement – Privilège maritime

I.1  L'acheteur paie le combustible et/ou les services et/ou les frais selon les directives du vendeur dans le délai convenu par écrit.

I.2  Le paiement est versé intégralement, sans compensation, réclamation, retenue ou escompte, et sans frais bancaires, au compte bancaire indiqué par le vendeur sur les factures respectives.

[...]

L.  EXONÉRATIONS ET FORCE MAJEURE

[...]

L.4  a) Les présentes modalités sont susceptibles d'être modifiées lorsque la fourniture physique du combustible est effectuée par une tierce partie qui insiste pour que l'acheteur soit également lié par ses propres modalités. Dans un tel cas, les présentes modalités sont modifiées en conséquence, et l'acheteur est réputé avoir lu et avoir accepté les modalités imposées par la tierce partie.

b) Sans restreindre la portée générale de ce qui précède, si les modalités de la tierce partie prévoient :

(i) un délai plus court pour l'exécution d'un acte ou la présentation d'une réclamation, le délai plus court est intégré aux présentes modalités;

(ii) une exclusion de responsabilité supplémentaire, elle sera intégrée aux présentes modalités avec les modifications nécessaires;

(ii[i]) une disposition portant que le droit ou le ressort pertinent sera autre que celui prévu dans la présente convention, cette disposition sera intégrée aux présentes modalités.

c)  Les parties conviennent que l'acheteur n'aura pas de droit envers le vendeur qui excède le droit du fournisseur envers la tierce partie.


 

Contrat à prix fixe – Annexe 3

L.4a)  Les présentes modalités sont susceptibles d'être modifiées lorsque la fourniture physique du combustible est effectuée par une tierce partie. Dans un tel cas, les présentes modalités sont modifiées en conséquence, et l'acheteur est réputé avoir lu et avoir accepté les modalités imposées au vendeur par la tierce partie.


 

MARINE PETROBULK LTD.

MODALITÉS TYPES POUR LA VENTE ET LA LIVRAISON DE COMBUSTIBLE DE SOUTE

À moins que les parties n'en décident autrement et en conviennent par écrit, les modalités suivantes s'appliquent à la vente et à la livraison de combustible de soute et de produits connexes, quelle qu'en soit la nature ou la qualité, effectuées par Marine Petrobulk au client selon la définition qui suit :

1.  INTERPRÉTATION

[...]

« client » Le client visé par chaque entente; y sont assimilées les entités indiquées dans la confirmation, ainsi que le navire, son capitaine, ses propriétaires, ses exploitants, ses affréteurs et toute partie tirant avantage de la consommation du combustible de soute, de même que toute autre partie qui commande le combustible de soute.

[...]

2.  GARANTIE D'AUTORISATION DU CLIENT

Si le client n'est pas le propriétaire du navire, il garantit expressément que le propriétaire du navire l'a habilité à agir pour le compte du propriétaire et du navire lors de la conclusion de la présente entente, notamment qu'il est habilité à conclure un contrat pour le compte du propriétaire et celui du navire. Pour les besoins de la présente entente de fourniture de combustible au navire, le client est réputé posséder et contrôler le navire. Le client certifie par ailleurs qu'il a fait part ou fera part au propriétaire des modalités de la présente disposition ainsi que de la disposition 10 des présentes. Si un mandataire, un gestionnaire ou un courtier commande le combustible, lui et le mandant seront liés tout comme si le mandataire était le mandant, que le mandant soit connu ou non, et même si le mandataire, le gestionnaire ou le courtier prétend conclure le contrat uniquement à ce titre. Nonobstant toute disposition des présentes, le mandant, le mandataire, le gestionnaire et le courtier sont tous réputés être le client pour les besoins des présentes et sont tous solidairement responsables à ce titre.

[...]

11.  MODALITÉS DE PAIEMENT

a) Le paiement du combustible de soute, du transport et des autres frais applicables sera fait intégralement (sans retenue, compensation, réclamation, escompte ou frais bancaires) en fonds américains immédiatement accessibles par transfert électronique, en indiquant le numéro de facture de Marine Petrobulk et le nom du client, à l'adresse suivante :

Marine Petrobulk Ltd., bénéficiaire final

Banque HSBC Canada

Bureau 200

885, rue West Georgia

Vancouver (C.‑B.) Canada

No de compte USD [...]

Code Swift :   [...]

 

Banque d'acheminement :

HSBC Bank USA

New York, New York

Pour le compte de la Banque HSBC Canada

Numéro d'acheminement [...]

b) Si, à tout moment avant la livraison, Marine Petrobulk décide, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, que la solvabilité du client ou celle du navire ou de son propriétaire est en doute, Marine Petrobulk peut exiger du client (i) qu'il paie au comptant avant la livraison, (ii) qu'il fournisse une garantie suffisante, ou (iii) qu'il paie immédiatement toutes les créances pour les livraisons antérieures de combustible de soute par Marine Petrobulk. Si le client ne se conforme pas à ces exigences, Marine Petrobulk peut annuler la livraison et résilier le présent contrat, sans responsabilité ni pénalité.

c) Si l'on n'exige pas un paiement à l'avance ou lors de la livraison du combustible de soute, le paiement pour le combustible de soute est exigible dans les 30 jours suivant la date de livraison. Des intérêts de 1,5 % par mois (18 % par an) sont exigibles pour les montants en souffrance.

d) Nonobstant toute autre modalité du présent contrat, et sans préjudice du fait que Marine Petrobulk se fonde sur la solvabilité du navire et de son propriétaire, si le client agit pour le compte de mandants, connus ou non, ou pour le compte d'un mandataire pour le compte de mandants, connus ou non, le client est solidairement responsable de l'exécution du présent contrat.

e) Le client accepte de payer tous les frais juridiques et judiciaires de Marine Petrobulk (i) pour percevoir le paiement dû à Marine Petrobulk, notamment pour faire exécuter un privilège maritime, un droit réel, une saisie ou un autre recours, en common law, en equity ou d'une autre façon, (ii) pour recouvrer des dommages‑intérêts pour le préjudice subi du fait d'un manquement par le client à une modalité du contrat.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL DU JUGEMENT DU JUGE RUSSELL DU 28 SEPTEMBRE 2018, DOSSIER NO T‑109‑15

DOSSIER :

A-351-18

 

INTITULÉ :

ING BANK N.V. ET AL. c. CANPOTEX SHIPPING SERVICES LIMITED ET AL.

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 18 novembre 2019

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GAUTHIER

 

MOTIFS CONCOURANTS :

LA JUGE WOODS

 

MOTIFS DISSIDENTS :

LE JUGE PELLETIER

 

DATE DES MOTIFS :

Le 5 mai 2020

 

COMPARUTIONS :

Michael Feder, c.r.

Patrick Williams

 

Pour les appelants

David McEwen, c.r.

Pour les intimées

CANPOTEX SHIPPING SERVICES LIMITED, NORR SYSTEMS PTE. LTD., OLDENDORFF CARRIERS GMBH & CO K.G., STAR NAVIGATION CORPORATION S.A.

 

H. Peter Swanson

Pour l'intimée

MARINE PETROBULK LTD.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour les appelants

Alexander Holburn Beaudin + Lang LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour les intimées

CANPOTEX SHIPPING SERVICES LIMITED, NORR SYSTEMS PTE. LTD., OLDENDORFF CARRIERS GMBH & CO K.G., STAR NAVIGATION CORPORATION S.A.

 

Bernard LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour l'intimée

MARINE PETROBULK LTD.

 

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