Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20200505


Dossier : A-54-19

Référence : 2020 CAF 84

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

ING BANK N.V., IAN DAVID GREEN, ANTHONY VICTOR LOMAS ET PAUL DAVID COPLEY EN LEUR QUALITÉ DE SÉQUESTRES DE CERTAINS BIENS DES DÉFENDERESSES O.W. SUPPLY & TRADING A/S ET O.W. BUNKERS (UK) LIMITED, ET AUTRES

appelants

et

CANPOTEX SHIPPING SERVICES LIMITED, NORR SYSTEMS PTE. LTD., OLDENDORFF CARRIERS GMBH & CO K.G., STAR NAVIGATION CORPORATION S.A., MARINE PETROBULK LTD., O.W. SUPPLY & TRADING A/S ET O.W. BUNKERS (UK) LIMITED

intimées

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 18 novembre 2019.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 5 mai 2020.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GAUTHIER

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE WOODS

 


Date : 20200505


Dossier : A-54-19

Référence : 2020 CAF 84

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

ING BANK N.V., IAN DAVID GREEN, ANTHONY VICTOR LOMAS ET PAUL DAVID COPLEY EN LEUR QUALITÉ DE SÉQUESTRES DE CERTAINS BIENS DES DÉFENDERESSES O.W. SUPPLY & TRADING A/S ET O.W. BUNKERS (UK) LIMITED, ET AUTRES

appelants

et

CANPOTEX SHIPPING SERVICES LIMITED, NORR SYSTEMS PTE. LTD., OLDENDORFF CARRIERS GMBH & CO K.G., STAR NAVIGATION CORPORATION S.A., MARINE PETROBULK LTD., O.W. SUPPLY & TRADING A/S ET O.W. BUNKERS (UK) LIMITED

intimées

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GAUTHIER

[1] Les appelants contestent l’ordonnance de la Cour fédérale (sous la plume du juge Russel) datée du 22 janvier 2019 (2019 CF 89), quantifiant les dépens accordés dans sa décision datée du 28 septembre 2018 (2018 CF 957). Un appel a également été interjeté à l’égard de la décision rendue en 2018 dans le dossier A-351-18. Ces deux appels ont été réunis aux termes d’une ordonnance du juge Webb datée du 6 mars 2019. Un ensemble distinct de motifs a été rendu dans le dossier A-351-18 (2020 CAF 83).

[2] L’historique des procédures en l’espèce est exposé dans les motifs de ma décision (2020 CAF 83) et il n’est pas utile de le répéter ici; les parties le connaissent bien.

[3] Dans l’arrêt ING Bank N.V. c. Canpotex Shipping Services Limited, 2017 CAF 47, notre Cour a traité un premier appel relatif à une décision rendue par la Cour fédérale en 2015 (la première décision rendue après la première phase de l’instance) à l’égard de la requête en procès sommaire également en cause dans le dossier A-351-18. Elle a rendu le jugement qui suit :

[traduction]

L’appel est accueilli avec dépens tant en appel qu’en première instance, la décision de la Cour fédérale datée du 23 septembre 2015 (2015 CF 1108) est annulée et l’affaire est renvoyée au juge Russel pour un nouvel examen compte tenu des motifs de la Cour.

[Non souligné dans l’original.]

[4] Malgré cela, dans sa décision datée du 28 septembre 2018 (deuxième décision rendue après la deuxième phase de l’instance), la Cour fédérale a accordé aux intimées du présent appel les dépens des deux phases des procès sommaires, ces dépens devant être évalués selon l’échelon médian de la colonne III du tarif B. De plus, conformément à l’article 420 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), elle a accordé le double des dépens aux demanderesses devant elle (les intimées devant cette Cour) contre les appelants (autres que les sociétés OW) (tous les défendeurs devant la Cour fédérale), ces dépens devant être calculés à partir du 15 avril 2015. Elle a également accordé à Petrobulk (une défenderesse devant la Cour fédérale) le double des dépens contre les appelants (autres que les sociétés OW), calculés à partir du 28 avril 2015. Enfin, la Cour fédérale a accordé 1 000 $ aux demanderesses et la même somme à Petrobulk à titre de dépens sur la requête visant à régler la question des dépens.

[5] Il semble que la Cour fédérale ait tenté d’annuler le jugement de notre Cour parce qu’elle ne comprenait pas que les dépens à la Cour fédérale puissent être accordés aux appelants en 2017, étant donné que sa décision a été annulée et que l’affaire a été renvoyée pour un nouvel examen. Notre Cour ne pouvait donc pas savoir qui aurait finalement gain de cause dans les requêtes en procès sommaire. En outre, les appelants n’avaient pas demandé, dans leur appel devant notre Cour, leurs dépens en première instance dans l’éventualité où la décision de la Cour fédérale serait annulée et où l’affaire serait renvoyée pour un nouvel examen.

[6] Selon ma compréhension, la Cour fédérale a considéré que notre Cour avait commis une erreur si manifeste en accordant les dépens de première instance qu’elle a choisi de ne pas tenir compte de cette partie du jugement. La Cour fédérale a également tenu compte du fait que l’article 420 des Règles était en jeu, ce que notre Cour ne savait pas en 2017 puisque les questions relatives aux dépens n’avaient pas été abordées par les parties en appel, considérant que les dépens devant la Cour fédérale n’étaient pas demandés si l’affaire était renvoyée pour un nouvel examen.

[7] Il ne fait aucun doute que la Cour fédérale a commis une erreur en agissant ainsi. Le jugement de notre Cour était clair et ne pouvait pas être annulé ou infirmé, et surtout pas par la Cour fédérale. Même la présente formation ne peut pas intervenir pour modifier ce jugement.

[8] En fait, la seule façon pratique de modifier ce jugement était de présenter en temps utile, à la formation qui l’a rendu, une requête aux termes de l’article 397 des Règles.

[9] Puisque l’intimée estimait que notre Cour avait manifestement commis une erreur, le recours consistait à demander à la Cour de corriger son erreur aux termes du paragraphe 397(2) des Règles. Or, elle ne l’a pas fait.

[10] La Cour fédérale n’avait donc le pouvoir d’accorder les dépens aux intimées que pour l’instance de nouvel examen, c’est-à-dire la deuxième phase de l’instance. Ce n’est pas ce qu’elle a fait aux paragraphes 1 et 2 de son ordonnance.

[11] En outre, il n’y a aucune preuve que l’offre de l’article 420 des Règles, qui a été examinée par la Cour fédérale et qui a été faite avant le premier procès, pouvait être invoquée une fois le jugement de 2015 rendu.

[12] La jurisprudence de notre Cour (CIBC World Markets Inc. c. La Reine, 2012 CAF 3, 426 N.R. 182; Wic TV Amalco Inc. c. ITV Technologies Inc., 2005 CAF 253, 2005 CarswellNat 1920) est sans ambiguïté : une offre faite avant le procès n’a pas d’effet sur les dépens d’un appel. Pour bénéficier de l’article 420 des Règles, la partie qui fait l’offre doit la renouveler avant l’audition de l’appel. Une fois que le jugement de 2015 a été rendu, son effet en vertu de l’article 420 des Règles était épuisé.

[13] Il serait absurde qu’une offre devenue caduque une fois la première décision rendue soit rétablie simplement parce qu’un nouveau procès, sommaire ou non, a été ordonné. L’objectif de l’article 420 des Règles est d’inciter le destinataire d’une offre à l’examiner le plus tôt possible. S’il ne le fait pas, la pénalité est assez lourde. Il serait certainement injuste qu’une partie ne sache pas clairement que l’offre est maintenue lorsqu’un nouveau procès, qu’il soit sommaire ou non, commence. Dans ces circonstances, elle ne pourrait pas examiner attentivement l’offre en question.

[14] En outre, la Cour fédérale n’avait aucune raison de distinguer l’espèce de la situation dans la décision Eagle Resources Ltd. v. MacDonald, 2006 ABCA 49, 380 A.R. 333, au motif que l’affaire dont elle était saisie n’était pas un procès sommaire complet, mais seulement un nouvel examen des différences entre la formulation de la clause L.4 qu’elle avait examinée en 2015 et de la clause L.4 des modalités de vente d’OW. Comme je l’ai expliqué dans mes motifs concernant l’appel A-351-18, il s’agissait d’une erreur. La décision rendue par la Cour fédérale en 2015 a été annulée dans son intégralité et les requêtes en procès sommaire ont dû être examinées à nouveau. Le fait que la Cour fédérale ait choisi de s’appuyer sur certaines de ses conclusions antérieures a peu d’importance.

[15] Compte tenu de ce qui précède, les offres faites en 2015 ne pouvaient pas déclencher l’application de l’article 420 des Règles pour la « deuxième phase de l’instance » sans être renouvelées.

[16] À la lumière de ces erreurs déterminantes, notre Cour doit intervenir, même si elle le fait rarement en ce qui concerne les dépens.

[17] J’accueillerais l’appel en partie, avec dépens adjugés aux appelants. L’ordonnance rendue par la Cour fédérale le 22 janvier 2019 doit être modifiée comme suit :

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

  1. Les dépens des demanderesses pour la deuxième phase de l’instance conduisant à la deuxième décision seront à la charge des défendeurs (autres que Marine Petrobulk LTD [MP] et les sociétés OW) et seront calculés et évalués selon l’échelon médian de la colonne III du tarif B;

  2. Les frais de MP pour la deuxième phase de l’instance conduisant à la deuxième décision seront à la charge des défendeurs (autres que MP et les sociétés OW) et seront calculés et évalués selon l’échelon médian de la colonne III du tarif B;

  3. Comme l’a ordonné la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt ING Bank N.V. c. Canpotex Shipping Services Limited, 2017 CAF 47, les dépens des défendeurs autres que MP pour la première phase de l’instance menant à la première décision seront calculés et évalués selon l’échelon médian de la colonne III du tarif B;

  4. Chaque partie assumera ses propres dépens afférents à la requête visant à régler la question des dépens.

« Johanne Gauthier »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Judith Woods, j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL DE L’ORDONNANCE RENDUE PAR MONSIEUR LE JUGE RUSSELL LE 22 JANVIER 2019, DOSSIER NO T-109-15

DOSSIER :

A-54-19

 

 

INTITULÉ :

ING BANK N.V. ET AUTRES c. CANPOTEX SHIPPING SERVICES LIMITED ET AUTRES.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 NOVEMBRE 2019

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GAUTHIER

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE WOODS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 5 MAI 2020

 

COMPARUTIONS :

Michael Feder, c.r.

Patrick Williams

 

POUR LES APPELANTS

David McEwen, c.r.

POUR LES INTIMÉES

CANPOTEX SHIPPING SERVICES LIMITED, NORR SYSTEMS PTE. LTD., OLDENDORFF CARRIERS GMBH & CO K.G., STAR NAVIGATION CORPORATION S.A.

 

H. Peter Swanson

POUR L’INTIMÉE

MARINE PETROBULK LTD.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LES APPELANTS

Alexander Holburn LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LES INTIMÉES

CANPOTEX SHIPPING SERVICES LIMITED, NORR SYSTEMS PTE. LTD., OLDENDORFF CARRIERS GMBH & CO K.G., STAR NAVIGATION CORPORATION S.A.

 

Bernard LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR L’INTIMÉE

MARINE PETROBULK LTD.

 

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