Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20200519


Dossier : A-9-19

Référence : 2020 CAF 91

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NEAR

LA JUGE RIVOALEN

LE JUGE LOCKE

 

ENTRE :

KIMBERLEY PARKS

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

Audience tenue par vidéoconférence

à Ottawa (Ontario), Winnipeg (Manitoba) et Montréal (Québec), le 5 mai 2020.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 19 mai 2020.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE RIVOALEN

LE JUGE LOCKE

 


Date : 20200519


Dossier : A-9-19

Référence : 2020 CAF 91

CORAM :

LE JUGE NEAR

LA JUGE RIVOALEN

LE JUGE LOCKE

 

ENTRE :

KIMBERLEY PARKS

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NEAR

I.  Aperçu

[1]  La demanderesse, Mme Kimberley Parks, demande un contrôle judiciaire de la décision rendue le 14 décembre 2018 par la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale, qui a rejeté son appel à l’encontre d’une décision de la division générale. La division générale avait conclu que la demanderesse n’était pas admissible à des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada pour le motif qu’elle avait conservé une certaine capacité à détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice et qu’elle n’avait pu établir que ses efforts en vue d’obtenir un emploi et de le conserver avaient été infructueux en raison de sa santé. La division d’appel a accueilli l’appel de la demanderesse en tenant compte du fait que la division générale avait commis des erreurs, mais elle a choisi de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre et elle a finalement rejeté l’appel.

II.  Résumé des faits

[2]  La demanderesse a travaillé comme agente dans un centre d’appels du Nouveau-Brunswick jusqu’en juillet 2014. Elle avait auparavant travaillé dans le secteur du commerce de détail de 2004 à 2013. En mars 2014, la demanderesse a fait une chute sur la glace. Elle a aussi été victime d’accidents d’automobile en 2000 et 2002 et, en 2009, et elle a été hospitalisée à la suite d’une surdose. La demanderesse est retournée au travail après sa chute, mais ses tâches ont été modifiées. En juillet 2014, la demanderesse a obtenu un congé de maladie pour cause de lombalgie. En 2015, elle a appris que son poste au centre d’appels avait été supprimé. Elle n’est pas retournée au travail depuis. Sa période minimale d’admissibilité (PMA) a pris fin le 31 décembre 2016. Durant la période pendant laquelle la demanderesse dit avoir été incapable de travailler, elle a fait plusieurs voyages en avion pour se rendre en Alberta, où elle a passé un certain temps. Quatre mois avant la fin de sa PMA, durant l’été 2016, la demanderesse a aussi tenté de faire de la motomarine, mais cela lui a causé des spasmes dans le dos qui ont provoqué une collision au cours de laquelle elle a subi une commotion.

[3]  La demanderesse a présenté une demande de prestations d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-8 (RPC). Dans sa demande, la demanderesse a énoncé divers problèmes médicaux, dont les suivants : hernies discales, spasmes et engourdissements dans la jambe droite, engourdissements dans le bras droit, migraines et douleur. Sa demande faisait également mention de lésions tissulaires dans l’épaule et au dos à la suite d’un accident de voiture survenu avant sa chute, ainsi que de limitations fonctionnelles, dont une incapacité à se pencher. Le ministre de l’Emploi et du Développement social (le ministre) a rejeté la demande pour le motif que la demanderesse n’avait pu établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au plus tard à la date marquant la fin de sa PMA, le 31 décembre 2016. La demanderesse a demandé au ministre de revoir sa décision, mais elle a de nouveau été déboutée.

[4]  La demanderesse a interjeté appel de la décision du ministre auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a conclu que la demanderesse a conservé sa capacité de travailler durant la période comprise entre le moment où elle a quitté son emploi au centre d’appels en 2014 et la fin de sa PMA, le 31 décembre 2016. Elle a également conclu que la demanderesse n’a pas repris le travail après que ses médecins lui ont donné l’autorisation de le faire et qu’elle n’a pas fait d’efforts pour tenter d’obtenir et de conserver un autre emploi adapté à ses limitations. Pour ces motifs, la division générale a rejeté l’appel. La demanderesse a interjeté appel de la décision de la division générale.

III.  Décision de la division d’appel

[5]  La division d’appel a accueilli l’appel de la demanderesse en tenant compte des deux erreurs commises par la division générale. La division d’appel a d’abord conclu que la division générale avait commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’ensemble des problèmes de santé de la demanderesse dans l’évaluation de sa capacité à travailler. Elle a également conclu que la division générale avait commis une erreur de fait en omettant de démontrer qu’elle avait dûment tenu compte de la preuve médicale présentée par la demanderesse à l’appui de la douleur invoquée. La division d’appel a jugé que le dossier était complet. Elle a donc exercé les pouvoirs qui lui sont conférés par les articles 59 et 64 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, L.C. 2005, ch. 34, et elle a rendu la décision que la division générale aurait dû rendre.

[6]  Après avoir mené sa propre analyse, la division d’appel a convenu avec la division générale que la demanderesse n’avait pu démontrer qu’elle présentait une invalidité grave et prolongée et que l’ensemble de ses problèmes de santé (y compris de santé mentale) ne l’avait pas rendue régulièrement incapable de détenir un emploi véritablement rémunérateur à la fin de sa PMA, le 31 décembre 2016. Elle a donc conclu que la demanderesse n’était pas invalide au sens du RPC.

IV.  Questions en litige

[7]  La question que doit trancher notre Cour dans le cadre du présent contrôle judiciaire est de déterminer si la division d’appel pouvait raisonnablement conclure que la demanderesse n’était pas invalide au sens du RPC durant sa PMA. Alors que le rôle de la division d’appel est de déterminer si la division générale a commis des erreurs de fait ou de droit, le rôle de notre Cour est de déterminer si la décision de la division d’appel est raisonnable en regard du raisonnement suivi et du résultat obtenu (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, au paragraphe 83 [arrêt Vavilov]; Stojanovic v. Canada (Attorney General), 2020 FCA 6, au paragraphe 34 [arrêt Stojanovic]).

V.  Norme de contrôle

[8]  La norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Une décision est dite raisonnable si elle est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et qu’elle est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (arrêt Vavilov, au paragraphe 83). Notre Cour ne doit pas se substituer à la division d’appel en faisant sa propre évaluation de la décision de la division générale et en évaluant la décision de la division d’appel en regard de ses propres conclusions (arrêt Vavilov, au paragraphe 83; arrêt Stojanovic, au paragraphe 34; Canada (Procureur général) c. Hong, 2017 CAF 46, au paragraphe 4).

VI.  Discussion

[9]  La demanderesse prétend que la division d’appel a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de la situation « réelle » dans laquelle elle se trouvait et en n’appliquant pas le critère défini au sous-alinéa 42(2)a)(i) du RPC pour déclarer une personne invalide, à savoir qu’une personne est considérée comme invalide si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Elle fait valoir que la division d’appel aurait dû appliquer un critère fondé sur les [traduction] « tâches essentielles » ou sur la présence d’une « invalidité importante ». La demanderesse prétend également que la division d’appel a commis une erreur en exigeant qu’elle fasse la preuve qu’elle avait fait des efforts pour obtenir et conserver un emploi, mais que ces efforts avaient été infructueux en raison de sa santé. La demanderesse soutient en outre que la division d’appel a commis une erreur en évaluant incorrectement plusieurs éléments de preuve, notamment le rapport de la Dre Brennan daté du 5 octobre 2017, un rapport de la Dre Finnamore, ainsi que certaines activités menées par la demanderesse, dont ses voyages en Alberta et l’accident de motomarine.

[10]  Durant l’audition de cette affaire, l’avocat de la demanderesse a fait valoir que la division d’appel avait commis une grave erreur en écrivant, à l’alinéa 26h) de sa décision, qu’il n’était pas contesté que « [l]a médecin de famille de la requérante n’a pas déclaré que la requérante était incapable de travailler avant la fin de la PMA ». La demanderesse prétend qu’aucun des éléments de preuve médicale qui ont été présentés à la division d’appel n’appuie cette déclaration, et elle propose que notre Cour examine l’ensemble de la preuve médicale afin de déterminer si la conclusion de la division d’appel était raisonnable.

[11]  Cependant, le rôle de la Cour n’est pas d’entendre à nouveau les éléments de preuve et de les réévaluer. Même un examen superficiel de la preuve médicale montre clairement que la position du médecin de famille de la demanderesse, la Dre Brennan, n’était pas sans équivoque avant sa lettre du 5 octobre 2017 (recueil de jurisprudence de la demanderesse, vol. 1, page 280). La PMA a pris fin le 31 décembre 2016. La lettre du 5 octobre 2017 de la Dre Brennan a été rédigée après la fin de la PMA, ce qui est conforme à la conclusion formulée par la division d’appel à l’alinéa 26h) de sa décision. À la page 944 du volume 1 du recueil de jurisprudence de la demanderesse, la Dre Brennan semble reconnaître que la demanderesse, en novembre 2015, n’était pas invalide au sens des dispositions du RPC sur l’invalidité. Je suis d’avis que, dans cette affaire, la division d’appel a examiné l’ensemble de la preuve, comme elle était tenue de le faire. Sa décision ne peut être déclarée déraisonnable à cet égard.

[12]  L’avocat de la demanderesse prétend en outre que la division générale a formulé des conclusions erronées au sujet de la crédibilité de la demanderesse et que la division d’appel s’est fiée, à tort, à ces conclusions. Au paragraphe 61 de sa décision, la division générale a conclu que les voyages faits par la demanderesse entre le Nouveau-Brunswick et l’Alberta à l’automne 2015, de même que sa tentative d’utiliser une motomarine en août 2016, soulevaient des doutes quant à la crédibilité de son témoignage lorsqu’elle disait être incapable de rester assise ou debout pendant plus de dix à quinze minutes sans ressentir de la douleur. Au paragraphe 23 de sa décision, la division d’appel déclare que la division générale n’a pas commis d’erreur en écartant les déclarations subjectives de la demanderesse au sujet de son état de santé.

[13]  Selon l’avocat de la demanderesse, alors que la division générale pouvait tenir compte des voyages effectués par la demanderesse et de sa tentative d’utiliser une motomarine pour évaluer sa capacité de fonctionner, elle ne pouvait faire d’évaluations défavorables de la crédibilité de la demanderesse, puisque cette dernière a franchement reconnu avoir mené ces activités. Je ne suis pas convaincu que cela constitue une erreur. Je suis d’avis que la division générale a correctement évalué les éléments de preuve présentés, comme elle est tenue de le faire. Il était loisible à la division générale de n’accorder que peu ou pas de poids au témoignage de la demanderesse, et il était loisible à la division d’appel de souscrire à cette position.

[14]  Malgré les arguments valables invoqués par l’avocat de la demanderesse, je ne suis pas convaincu que l’analyse ou la conclusion de la division d’appel ait été déraisonnable. La division d’appel a appliqué le bon critère juridique et l’a fait de manière raisonnable. Son analyse est rationnelle et intrinsèquement cohérente et elle se justifie au regard des faits et du droit.

VII.  Conclusion

[15]  Pour ces motifs, je rejetterais la présente demande de contrôle judiciaire, sans dépens.

« D. G. Near »

j.c.a.

« Je souscris aux présents motifs.

Marianne Rivoalen, j.c.a. »

« Je souscris aux présents motifs.

George R. Locke, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme.

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-9-19

 

INTITULÉ :

KIMBERLEY PARKS c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Audience par vidéoconférence tenue à Ottawa (Ontario), Winnipeg (Manitoba) et Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 5 mai 2020

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE RIVOALEN

LE JUGE LOCKE

DATE DES MOTIFS :

Le 19 mai 2020

COMPARUTIONS :

George A. McAllister

Pour la demanderesse

Sandra Doucette

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

George A. McAllister, c.r.

Fredericton (Nouveau-Brunswick)

Pour la demanderesse

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

 

Pour le défendeur

 

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