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Date : 20200522


Dossier : A-102-20

Référence : 2020 CAF 92

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence de madame la juge Mactavish

ENTRE :

DROITS DES VOYAGEURS

demandeur

et

OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA

défendeur

Appel jugé sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 22 mai 2020.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LA JUGE MACTAVISH

 


Date : 20200522


Dossier : A-102-20

Référence : 2020 CAF 92

En présence de madame la juge Mactavish

ENTRE :

DROITS DES VOYAGEURS

demandeur

et

OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LA JUGE MACTAVISH

[1]  Comme c’est le cas de bon nombre d’autres secteurs d’activités, l’industrie aérienne et les passagers aériens ont été gravement touchés par la pandémie de COVID-19. Des frontières internationales ont été fermées, des avis aux voyageurs et des interdictions de voyager ont été publiés, les gens ont cessé de voyager pour des raisons non essentielles et les compagnies aériennes ont annulé de nombreux vols.

[2]  En réponse à cette situation sans précédent, l’Office des transports du Canada (OTC) a publié sur son site Web deux déclarations publiques laissant entendre qu’il serait raisonnable pour les compagnies aériennes d’offrir aux voyageurs, dont les vols ont été annulés pour des raisons liées à la pandémie, des crédits de voyage plutôt que de leur rembourser le prix de leurs billets.

[3]  Droits des voyageurs (APR) est un groupe qui représente les passagers aériens et qui défend les droits de ce public. Cet organisme a présenté une demande de contrôle judiciaire à l’encontre des déclarations publiques faites par l’OTC, en alléguant que celles-ci contreviennent au propre Code de déontologie de l’OTC et qu’elles induisent les voyageurs en erreur quant à leurs droits lors de l’annulation de leurs vols. Dans le cadre de cette demande, Droits des voyageurs a présenté une requête par écrit visant notamment à obtenir une ordonnance interlocutoire enjoignant à l’OTC de retirer lesdites déclarations de son site Web. Droits des voyageurs demande également qu’il soit interdit aux membres de l’OTC de traiter les plaintes des passagers concernant des remboursements au motif qu’il existe une crainte raisonnable de partialité de leur part du fait de ces déclarations publiques de l’Office.

[4]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que Droits des voyageurs n’a pas satisfait au critère en trois étapes établi pour accorder une injonction interlocutoire. En conséquence, la requête sera rejetée.

1.  Résumé des faits

[5]  En Amérique du Nord, les effets de la COVID-19 ont commencé à se faire sentir au début de 2020 et ils ont rapidement atteint le niveau d’une pandémie. Le 25 mars 2020, l’OTC a publié sur son site Web une déclaration concernant les annulations de vols. Cette déclaration, intitulée « Message concernant les crédits », souligne les circonstances extraordinaires dans lesquelles se trouvent l’industrie aérienne et ses clients à cause de la pandémie, ainsi que la nécessité d’établir un « équilibre qui soit juste et rationnel entre les mesures visant à protéger les passagers et les réalités opérationnelles des compagnies aériennes » dans les circonstances actuelles.

[6]  Le message précise également que les passagers qui n’ont aucune possibilité d’effectuer au complet leur itinéraire prévu « ne devraient pas avoir à assumer des dépenses pour des vols annulés ». Parallèlement, on y indique qu’on ne peut pas s’attendre à ce que les compagnies aériennes qui voient leurs volumes de passagers et leurs revenus baisser de façon vertigineuse « prennent des mesures qui risqueraient de menacer leur viabilité économique ».

[7]  Le Message concernant les crédits mentionne que l’OTC examinera le bien-fondé de toute plainte qui sera portée à son attention. Cependant, il y est ensuite indiqué que l’Office estime, de façon générale, qu’« une solution qui serait convenable dans le contexte actuel serait que les compagnies aériennes fournissent aux passagers touchés des bons ou des crédits pour des vols futurs qui n’expireront pas dans un délai déraisonnablement court », en précisant qu’un délai de 24 mois pour l’échange des crédits « serait jugé raisonnable dans la plupart des cas ».

[8]  Parallèlement à la publication du Message concernant les crédits, l’OTC a publié une modification à un avis préalablement publié sur son site Web; cette modification, intitulée « Information importante pour les voyageurs pour la période de la COVID-19 » (la page d’information), renvoie notamment au Message concernant les crédits.

[9]  Ce sont ces déclarations qui font l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

2.  Arguments de Droits des voyageurs

[10]  Droits des voyageurs prétend qu’il existe une jurisprudence établie de l’OTC qui confirme le droit des voyageurs d’obtenir un remboursement lorsque le transporteur aérien est incapable de leur fournir un transport aérien, y compris dans les cas où les annulations de vols sont dues à des raisons indépendantes de la volonté de la compagnie aérienne. Selon Droits des voyageurs, cette jurisprudence est conforme à la doctrine de l’impossibilité d’exécution en common law, aux conditions de la force majeure ainsi qu’au bon sens. Les lois en vigueur exigent en outre que les compagnies aériennes élaborent des politiques de remboursement raisonnables lorsqu’elles sont incapables d’offrir des services, pour quelque raison que ce soit.

[11]  Droits des voyageurs fait valoir que les déclarations sur la page d’information ne visent pas uniquement à dégager les transporteurs aériens de leur obligation d’offrir un remboursement aux passagers lorsque des vols sont annulés pour des raisons indépendantes de leur volonté, y compris des circonstances liées à une pandémie. Elles visent aussi à les dégager de leur obligation d’offrir un remboursement lorsque des vols sont annulés pour des raisons attribuables à la compagnie aérienne, y compris lorsqu’il y a annulation par souci de sécurité.

[12]  Droits des voyageurs prétend en outre que les déclarations contestées de l’OTC équivalent à une décision anticipée non sollicitée quant à la manière dont l’Office traitera les plaintes des passagers concernant les remboursements offerts par les transporteurs aériens, lorsque des vols sont annulés pour des raisons liées à la pandémie de COVID-19. Les déclarations laissent entendre que l’OTC penche fortement en faveur de la délivrance de crédits plutôt que de remboursements, et qu’il est fort probable que l’Office rejettera les plaintes des voyageurs concernant le défaut des compagnies aériennes de leur offrir un remboursement durant la pandémie, quelle que soit la raison de l’annulation du vol. Selon Droits des voyageurs, cela soulève une crainte raisonnable que les membres de l’OTC ne traiteront pas les plaintes des voyageurs équitablement.

3.  Critère permettant d’accorder une injonction interlocutoire

[13]  Il est constant que le critère à appliquer pour déterminer si Droits des voyageurs a droit à l’injonction interlocutoire demandée est celui établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, 111 D.L.R. (4th) 385.

[14]  En d’autres termes, notre Cour doit examiner les trois questions suivantes :

  • 1) Droits des voyageurs a-t-il établi que la demande de contrôle judiciaire sous-jacente soulève une question sérieuse à trancher?

  • 2) A-t-il été établi qu’un préjudice irréparable sera causé si l’injonction n’est pas accordée?

  • 3) A-t-il été établi que la prépondérance des inconvénients favorise l’octroi d’une injonction?

[15]  Le critère établi dans l’arrêt RJR-MacDonald est conjonctif, ce qui signifie qu’un demandeur doit satisfaire aux trois volets de ce critère pour avoir droit à réparation : Janssen Inc. c. Abbvie Corporation, 2014 CAF 112, 120 C.P.R. (4th) 385, au paragraphe 14.

4.  Droits des voyageurs a-t-il soulevé une question sérieuse?

[16]  Le critère à remplir pour établir l’existence d’une question sérieuse à trancher est généralement peu exigeant, les demandeurs n’ayant qu’à démontrer que la demande sous-jacente n’est ni futile ni vexatoire. Il n’est en général ni nécessaire ni souhaitable de faire un examen prolongé du bien-fondé de la demande : arrêt RJR-MacDonald, précité, aux pages 335, 337 et 338.

[17]  Eu égard au caractère peu exigeant de ce critère, je présumerai que Droits des voyageurs a satisfait au volet du critère à remplir pour accorder une injonction interlocutoire qui concerne l’existence d’une question sérieuse à trancher, dans la mesure où ce groupe demande qu’il soit interdit aux membres de l’OTC de traiter les plaintes des voyageurs au motif qu’il existe une crainte raisonnable de partialité de leur part. En revanche, comme je l’expliquerai plus en détail dans les présents motifs, je ne suis pas convaincue que Droits des voyageurs ait satisfait sous ce rapport au volet du critère concernant le préjudice irréparable.

[18]  Cependant, Droits des voyageurs demande également que soient rendues des ordonnances mandatoires enjoignant à l’OTC de supprimer les deux déclarations de son site Web et de [traduction] « clarifier tout malentendu pour les voyageurs qui ont déjà communiqué avec l’Office au sujet de remboursements liés à la COVID-19, et pour les principaux intervenants de l’industrie du voyage ». Droits des voyageurs demande en outre que soit rendue une ordonnance mandatoire enjoignant à l’OTC de porter à l’attention des compagnies aériennes et d’une association de tourisme l’ordonnance de notre Cour, ainsi que la suppression de ses déclarations précédentes ou les clarifications qui y sont apportées.

[19]  Le critère à remplir pour établir l’existence d’une question sérieuse à trancher est plus élevé lorsqu’on sollicite une injonction interlocutoire mandatoire enjoignant à un défendeur de prendre des mesures avant qu’il soit statué sur le fond de la demande sous-jacente. En pareils cas, la question appropriée est de déterminer si la partie qui demande l’injonction a établi une forte apparence de droit : R. c. Société Radio-Canada, 2018 CSC 5, [2018] 1 R.C.S. 196, au paragraphe 15. En d’autres termes, je dois conclure, après un examen préliminaire de l’affaire, qu’il existe une forte chance que Droits des voyageurs aura ultimement gain de cause : arrêt Société Radio-Canada, précité, au paragraphe 17.

[20]  Or, comme je l’explique ci-dessous, je ne suis pas convaincue que Droits des voyageurs ait établi, en l’espèce, une forte apparence de droit, car la mesure administrative que ce groupe conteste dans sa demande de contrôle judiciaire ne peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire.

[21]  Droits des voyageurs reconnaît que les déclarations sur le site Web de l’OTC ne constituent pas des décisions, des règlements, des ordonnances ou des décisions juridiquement contraignantes de la part de l’Office. Le groupe note toutefois que le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales ne limite pas le recours au contrôle judiciaire aux décisions officielles ou aux ordonnances et qu’il prévoit plutôt que des demandes peuvent être présentées « par quiconque est directement touché par l’objet de la demande ».

[22]  Ce ne sont toutefois pas toutes les actions administratives qui donnent droit au contrôle judiciaire. Ainsi, il n’existe aucun droit de contrôle lorsque le comportement en litige ne porte pas atteinte à des droits, n’impose pas d’obligations juridiques ou n’entraîne pas d’effets préjudiciables : Canada (Attorney General) v. Democracy Watch), 2020 FCA 69, [2020] F.C.J. No. 498, au paragraphe 19. Voir également l’arrêt Tsleil-Waututh Nation c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 153, [2019] 2 R.C.F. no 3, autorisation d’interjeter appel à la Cour suprême du Canada refusée, n38379 (2 mai 2019); Démocratie en surveillance c. Commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique), 2009 CAF 15, 86 Admin. L.R. (4th) 149.

[23]  À titre d’exemple, il a été établi que les bulletins d’information et les avis non contraignants formulés dans des décisions anticipées en matière d’impôt sur le revenu ne portent pas atteinte à des droits, n’imposent pas d’obligations juridiques ou n’entraînent pas d’effets préjudiciables : voir, par exemple, Air Canada c. Administration portuaire de Toronto et autre, 2011 CAF 347, 426 N.R. 131; Rothmans, Benson & Hedges Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national), [1998] 2 C.T.C. 176, 148 F.T.R. 3. Il convient de souligner que, dans son avis de demande, Droits des voyageurs lui-même mentionne que les déclarations de l’OTC [traduction] « ont pour effet de rendre une décision anticipée non sollicitée » quant à la manière dont l’OTC traitera les plaintes des voyageurs concernant le remboursement de vols annulés à cause de la pandémie.

[24]  Je reviendrai sur la question de l’incidence des déclarations de l’OTC sur Droits des voyageurs dans le cadre de ma discussion sur le préjudice irréparable; je me contenterai pour l’instant de dire que rien n’indique que Droits des voyageurs soit lui-même directement touché par les déclarations en litige. Qui plus est, les déclarations sur le site Web de l’OTC ne statuent pas sur le droit des passagers aériens d’être remboursés lorsque leurs vols ont été annulés par les compagnies aériennes pour des raisons liées à la pandémie.

[25]  Soulignant les circonstances extraordinaires actuelles, les déclarations laissent tout simplement entendre que le fait de permettre aux compagnies aériennes d’offrir aux passagers touchés des bons ou des crédits pour des vols futurs « serait » jugé raisonnable dans le contexte actuel, à condition que ces bons ou crédits n’expirent pas dans un délai déraisonnablement court. Il convient d’établir une différence entre les circonstances actuelles et la situation examinée par la Cour fédérale dans l’affaire Larny Holdings Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé), 2002 C.F. 1re inst. 750, citée par Droits des voyageurs, où la déclaration en litige comportait un énoncé clair sur la manière dont la loi devait être interprétée, selon le défendeur, et où la déclaration en litige se voulait coercitive.

[26]  En règle générale, les documents d’orientation de l’OTC ne sont pas contraignants sur le plan juridique : Chemin de fer Canadien Pacifique c. Cambridge (Ville), 2019 CAF 254, 311 A.C.W.S. (3d) 416, au paragraphe 5. De plus, en l’espèce, le Message concernant les crédits mentionne explicitement que l’Office « examinera le bien-fondé de chaque situation précise qui lui sera présentée ». Par conséquent, les voyageurs touchés ont toujours la possibilité de déposer des plaintes auprès de l’OTC (lesquelles plaintes seront examinées lorsque prendra fin la suspension actuelle des services de règlement des différends) s’ils ne sont pas satisfaits des crédits de voyage qui leur sont offerts, et d’exercer leurs recours devant notre Cour s’ils ne sont pas satisfaits des décisions de l’Office.

[27]  On ne peut donc pas conclure que les déclarations contestées portent atteinte à des droits, imposent des obligations juridiques ou entraînent des effets préjudiciables à Droits des voyageurs ou aux passagers aériens. Bien que cette conclusion soit suffisante pour statuer sur la requête en injonction mandatoire de Droits des voyageurs, je ne suis pas convaincue non plus, comme je l’explique ci-dessous, que Droits des voyageurs ait satisfait au volet du critère concernant le préjudice irréparable.

5.  Préjudice irréparable

[28]  Une partie qui demande une injonction interlocutoire doit établir, au moyen d’éléments de preuve clairs et non conjecturaux, qu’elle subira un préjudice irréparable d’ici à ce qu’une décision finale soit rendue au sujet de la demande de contrôle judiciaire sous-jacente.

[29]  Droits des voyageurs ne prétend pas qu’il subira lui-même un préjudice irréparable si l’injonction n’est pas accordée. Il invoque plutôt le préjudice que subiront, selon lui, les passagers aériens canadiens dont les vols ont été annulés à cause de la pandémie. Cependant, alors que Droits des voyageurs semble instituer cette action à titre de partie à un litige d’intérêt public, cet organisme n’a pas encore demandé, ni ne s’est vu accorder, qualité pour agir dans l’intérêt public.

[30]  En règle générale, seul le préjudice subi par la partie demandant l’injonction peut être pris en compte aux fins du volet de ce critère : arrêt RJR-MacDonald, précité, à la page 341; arrêt Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110, 38 D.L.R. (4th) 321, à la page 128. Il existe une exception limitée à ce principe, et c’est que l’intérêt des personnes qui dépendent d’un organisme de bienfaisance enregistré peut aussi être pris en compte aux fins du volet de ce critère : arrêt Glooscap Heritage Society c. Canada (Revenu national), 2012 CAF 255, 440 N.R. 232, aux paragraphes 33 et 34; arrêt Holy Alpha and Omega Church of Toronto c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 265, [2010] 1 C.T.C. 161, au paragraphe 17. Bien que Droits des voyageurs soit une société à but non lucratif, rien n’indique qu’il s’agisse d’un organisme de bienfaisance enregistré.

[31]  De même, je ne suis pas convaincue qu’un préjudice irréparable ait été établi, même en tenant compte du préjudice potentiel pour les passagers canadiens des compagnies aériennes.

[32]  Pour ce qui est de sa demande d’interdire à l’OTC de traiter les plaintes des voyageurs, Droits des voyageurs fait valoir que les déclarations en litige vont à l’encontre du Code de déontologie de l’OTC. Ce Code interdit aux membres de l’OTC d’exprimer publiquement une opinion sur des cas éventuels ou sur des questions liées au travail de l’Office, qui pourrait susciter une crainte raisonnable de partialité de la part de ses membres. Droits des voyageurs est d’avis que les deux déclarations en litige en l’espèce suscitent une crainte raisonnable de partialité de la part des membres de l’OTC, qui fait en sorte que ceux-ci ne pourront assurer aux plaignants une instruction équitable.

[33]  La partialité est un état d’esprit qui est propre à la personne. Par conséquent, l’allégation de partialité doit viser une personne précise que l’on croit incapable de trancher une question de manière impartiale : arrêt E.A. Manning Ltd. v. Ontario Securities Commission, 23 O.R. (3d) 257, 32 Admin. L.R. (2d) 1 (C.A.), citant l’arrêt Bennett v. British Columbia (Securities Commission) (1992), 69 B.C.L.R. (2d) 171, 94 D.L.R. (4th) 339 (C.A.).

[34]  Comme c’est le cas de bon nombre d’entités administratives, l’OTC assume à la fois des fonctions réglementaires et juridictionnelles. L’OTC doit régler des différends précis liés au transport commercial et au transport des passagers et agir comme organisme de réglementation de l’industrie chargé de délivrer les permis et les licences aux transporteurs. L’OTC donne également à l’industrie du transport et au public voyageur des directives non contraignantes sur les droits et les obligations des fournisseurs et des usagers des services de transport.

[35]  Aucun des éléments de preuve qui m’ont été présentés ne me permet de croire que les membres de l’OTC ont participé à l’élaboration des déclarations en litige en l’espèce ou qu’ils les ont appuyées. Qui plus est, les tribunaux ont rejeté la notion voulant qu’une [traduction« partialité collective » puisse découler de déclarations faites par des membres sans pouvoir juridictionnel d’organisations cumulant de multiples fonctions : arrêt Zündel c. Citron, [2000] 4 FC 225,189 D.L.R. (4th) 131, au paragraphe 49 (C.A.); arrêt E.A. Manning Ltd., précité, au paragraphe 24.

[36]  Même s’il s’avère ultérieurement que des membres de l’OTC ont de fait participé à l’élaboration de ces déclarations, l’argument de Droits des voyageurs pourrait être invoqué dans le contexte d’une plainte réelle déposée par un voyageur, et toute crainte de partialité pourrait alors être examinée dans ce contexte. Le cas échéant, le plaignant pourrait ensuite demander réparation devant notre Cour s’il n’est pas convaincu d’avoir eu droit à une instruction équitable. Le préjudice allégué n’est donc pas irréparable.

[37]  Droits des voyageurs fait également valoir que des voyageurs sont induits en erreur par l’industrie du voyage quant à la signification des déclarations de l’OTC, et que les compagnies aériennes, les assureurs voyage et d’autres s’appuient sur ces déclarations pour refuser de rembourser des passagers dont les vols ont été annulés pour des raisons liées à la pandémie. Si des tiers font une interprétation erronée des déclarations de l’OTC, il est possible d’exercer un recours contre ces tiers; le préjudice allégué n’est donc pas irréparable.

6.  Prépondérance des inconvénients

[38]  Eu égard à ce qui précède, il est inutile d’examiner la question de la prépondérance des inconvénients.

7.  Autres questions

[39]  Comme il allègue que la demande de contrôle judiciaire de Droits des voyageurs ne porte pas sur une question pouvant faire l’objet d’un contrôle judiciaire, l’OTC soutient dans son mémoire des faits et du droit que la demande devrait être rejetée. À ce jour, toutefois, notre Cour n’a été saisie d’aucune requête visant à obtenir pareille réparation et, quoi qu’il en soit, toute requête en ce sens devrait être tranchée par une formation collégiale, et non par un juge siégeant seul. Par conséquent, je refuse de rendre l’ordonnance demandée.

[40]  Droits des voyageurs demande qu’il soit autorisé à présenter des observations sur l’adjudication des frais, lorsque la Cour aura statué sur le bien-fondé de sa requête. Droits des voyageurs disposera de dix jours pour présenter ses observations par écrit sur la question des dépens, ces observations ne devant pas dépasser cinq pages. L’OTC disposera de dix jours pour répondre au moyen d’observations ne dépassant pas cinq pages, et Droits des voyageurs disposera de cinq jours supplémentaires pour présenter une réponse d’au plus trois pages à ces observations.

« Anne L. Mactavish »

j.c.a.

 

Traduction certifiée conforme.

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-102-20

 

INTITULÉ :

DROITS DES PASSAGERS c. OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA

 

  REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :

Le 22 mai 2020

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Simon Lin

Pour le demandeur

Allan Matte

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Evolink Law Group

Burnaby (Colombie-Britannique)

Pour le demandeur

Direction des services juridiques

Office des transports du Canada

Gatineau (Québec)

Pour le défendeur

 

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