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Date : 20191001


Dossier : A-259-19

Référence : 2019 CAF 243

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence de monsieur le juge Webb

ENTRE :

DOUBLE DIAMOND DISTRIBUTION LTD.

appelante

et

CROCS CANADA, INC., CROCS INC, CROCS RETAIL, LLC,

WESTERN BRANDS HOLDING COMPANY, LLC.

intimées

Audience tenue à Saskatoon (Saskatchewan), le 26 septembre 2019.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 1er octobre 2019.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE WEBB

 


Date : 20191001


Dossier : A-259-19

Référence : 2019 CAF 243

En présence de monsieur le juge Webb

ENTRE :

DOUBLE DIAMOND DISTRIBUTION LTD.

appelante

et

CROCS CANADA, INC., CROCS INC, CROCS RETAIL, LLC,

WESTERN BRANDS HOLDING COMPANY, LLC.

intimées

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE WEBB

[1]  Double Diamond Distribution Ltd. (Double Diamond) a présenté une requête en sursis d’exécution de l’ordonnance rendue par le juge Norris de la Cour fédérale le 27 juin 2019, (2019 CF 868) (l’ordonnance). L’ordonnance prévoit ce qui suit :

[traduction]

1.  La requête pour précisions des défenderesses est accueillie en partie.

2.  L’examen de la requête des défenderesses en prorogation du délai pour déposer une défense est ajourné au 11 juillet 2019.

3.  L’examen de la requête en cautionnement pour dépens des défenderesses est ajourné au 11 juillet 2019.

4.  La requête de la demanderesse en jugement par défaut est rejetée.

5.  La requête de la demanderesse en radiation de la demande de précisions des défenderesses est rejetée.

6.  La requête de la demanderesse en vue d’obliger les défenderesses à déposer une défense dans un délai de sept jours est rejetée.

7.  La question des dépens est mise en délibéré jusqu’à ce qu’une décision soit rendue à l’égard de la requête des défenderesses en cautionnement pour dépens.

[2]  À l’exception du premier paragraphe, l’ordonnance ajourne l’examen de certaines questions, rejette certaines requêtes et met en délibéré la question des dépens. La seule partie de l’ordonnance pour laquelle un sursis pourrait être pertinent est le premier paragraphe. Double Diamond, au début de l’audience sur la requête, a confirmé qu’il s’agissait de la seule partie de l’ordonnance pour laquelle elle demandait un sursis.

[3]  Double Diamond a intenté une action devant la Cour fédérale en déposant une déclaration le 6 mars 2019 (délivrée le 8 mars 2019). Crocs Canada, Inc. et les autres défenderesses (ci-après désignées collectivement Crocs Canada) n’ont pas encore déposé une défense. Crocs Canada a présenté une requête fondée sur l’article 206 des Règles des Cours fédérales, DORS 98-106 (les Règles), pour obtenir une ordonnance enjoignant à Double Diamond de fournir des copies de chaque document mentionné dans sa déclaration (requête fondée sur l’article 206). Les parties sont arrivées à un règlement amiable à propos de la requête fondée sur l’article 206.

[4]  Le 13 mai 2019, Crocs Canada a signifié une demande de précisions à Double Diamond, ce qui a amené cette dernière à présenter une requête en jugement par défaut ou, subsidiairement, en radiation de la demande de précisions et à demander que Crocs Canada dépose sa défense. Double Diamond a soutenu que les conditions du règlement de la requête fondée sur l’article 206 empêchaient Crocs Canada de présenter une demande de précisions. La condition (qui est mentionnée dans le courriel provenant de l’avocat de Crocs Canada en date du 3 mai 2019) est la suivante :

[traduction] « Les défenderesses doivent signifier et déposer une défense ou soulever toute autre objection préliminaire au plus tard le 13 mai 2019 ».

[5]  Le juge de la Cour fédérale n’a pas souscrit à cette interprétation par Double Diamond et a rejeté la requête de cette dernière en jugement par défaut ou en radiation de la demande de précisions. Double Diamond a interjeté appel de cette ordonnance et a présenté la requête en sursis d’exécution de l’ordonnance dont nous sommes saisis.

[6]  La Cour suprême du Canada énonce une analyse en trois étapes dans l’arrêt RJR-MacDonald c. Canada, [1994] 1 R.C.S. 311; [1994] A.C.S.no 17, qui permet de juger l’opportunité d’un sursis :

L’arrêt Metropolitan Stores établit une analyse en trois étapes que les tribunaux doivent appliquer quand ils examinent une demande de suspension d’instance ou d’injonction interlocutoire. Premièrement, une étude préliminaire du fond du litige doit établir qu’il y a une question sérieuse à juger. Deuxièmement, il faut déterminer si le requérant subirait un préjudice irréparable si sa demande était rejetée. Enfin, il faut déterminer laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l’on accorde ou refuse le redressement en attendant une décision sur le fond [page 334].

[7]  Pour se voir accorder un sursis, Double Diamond doit établir que les trois volets du critère appuient sa requête.

[8]  L’audience portait principalement sur le deuxième volet, soit le préjudice irréparable. Selon Double Diamond, elle subira un préjudice irréparable si le sursis n’est pas accordé, car son appel sera alors théorique et il fait intervenir l’entente conclue par les avocats relativement au règlement de la requête fondée sur l’article 206.

[9]  En ce qui concerne la possibilité que l’appel devienne théorique, les seules parties de l’ordonnance qui seraient pertinentes à l’égard de l’appel devant nous sont celles qui concernent la demande de précisions et le rejet de la requête en jugement par défaut. Dans les faits, l’instance suivra son cours devant la Cour fédérale ou non. Au cours des plaidoiries sur la requête en sursis, Double Diamond a reconnu qu’elle ne poursuivrait pas l’appel relativement au rejet de sa requête en jugement par défaut. Double Diamond admet ainsi que l’instance devant la Cour fédérale suivra son cours. La seule question est celle de savoir laquelle des deux actions suivra :

  • a) obtempérer à la demande de précisions conformément à l’ordonnance et aux motifs de la Cour fédérale;

b)  déposer la défense.

Si le sursis n’est pas accordé et que des précisions sont fournies, l’appel pourrait devenir théorique.

[10]  De façon générale, si le refus d’accorder un sursis rendait l’appel théorique ou inutile, le préjudice irréparable serait établi (O’Connor v. Nova Scotia, 2001 NSCA 47, [2001] N.S.J. No. 90, par. 17).

[11]  Cependant, comme le souligne la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’arrêt Moore v. British Columbia (Securities Commission), 74 BCAC 136, 22 B.C.L.R. (3d) 277, un sursis n’est pas forcément accordé si son refus a pour effet de rendre l’appel théorique. Dans ce jugement, il est mentionné au paragraphe 9 que [traduction] « les appelants n’ont pas démontré que le témoignage ou la production de documents se rapportant à l’enquête en question peut leur causer un préjudice réel ». Par conséquent, même si le refus d’accorder le sursis rendait l’appel théorique dans cette affaire, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a confirmé la décision de refuser le sursis.

[12]  Comme je le mentionne plus haut, Double Diamond reconnaît que l’instance devant la Cour fédérale suivra son cours. Dans le cadre de l’instance, Crocs Canada déposera une défense. La demande de précisions est liée à la communication de certains renseignements, qui, selon Crocs Canada, sont nécessaires à sa défense. Double Diamond ne conteste pas le fait que les précisions qui seront fournies conformément à l’ordonnance sont nécessaires à la production de la défense de Crocs Canada. Double Diamond confirme également qu’aucun des renseignements devant être fournis conformément à l’ordonnance ne serait confidentiel, et rien n’indique qu’il s’agirait là d’un fardeau indu.

[13]  Double Diamond reconnaît également que les précisions que la Cour fédérale lui a ordonné de fournir seront communiquées à Crocs Canada un jour ou l’autre. Par conséquent, même si le sursis est accordé et que Double Diamond obtient gain de cause en appel, les précisions seront tout de même communiquées à Crocs Canada à un moment donné. Le seul préjudice que subit Double Diamond est la communication anticipée des détails de sa demande. Il ne s’agit pas d’un préjudice irréparable ou suffisant pour étayer la demande de sursis. Il n’y a aucune raison de retarder la communication des précisions ordonnée par la Cour fédérale.

[14]  Double Diamond soutient également que le préjudice irréparable qu’elle subira est lié à l’entente conclue par les avocats relativement au règlement amiable de la requête fondée sur l’article 206 des Règles. Double Diamond craint de ne plus être en mesure de conclure une entente avec l’avocat de la partie adverse. Ce préjudice est toutefois hypothétique. Le préjudice hypothétique ne suffit pas à étayer une requête en sursis (Canada (Procureur général) c. Oshkosh Defense Canada Inc., 2018 CAF 102, [2018] A.C.F. no 576, au paragraphe 25).

[15]  Il convient de mentionner que la question en l’espèce porte sur l’interprétation de l’entente conclue par les avocats. Il arrive que des désaccords surviennent sur l’interprétation d’ententes, y compris les ententes conclues par les avocats. Rien n’indique que le simple fait que les parties à une entente ne s’entendent pas sur les conditions de celle-ci causerait un préjudice irréparable à l’une ou l’autre pour cause d’incapacité à négocier ou à conclure une autre entente avec la partie adverse. Pour éviter un conflit éventuel, tout accord ultérieur pourrait comporter des conditions plus précises.

[16]  Ainsi, je ne suis pas d’avis que Double Diamond subira un préjudice irréparable si le sursis n’est pas accordé. Selon moi, l’instance devrait suivre son cours devant la Cour fédérale sans plus tarder. Par conséquent, la requête en sursis d’exécution de l’ordonnance enjoignant à Double Diamond de fournir des précisions à Crocs Canada est rejetée, avec dépens.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Marie-Luc Simoneau, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


REQUÊTE EN SURSIS D’EXÉCUTION DE L’ORDONNANCE DE LA COUR FÉDÉRALE DATÉE DU 27 JUIN 2019 (2019 CF 868)

DOSSIER :

A-259-19

 

INTITULÉ :

DOUBLE DIAMOND DISTRIBUTION LTD. c.

CROCS CANADA, INC. ET AUTRES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

SASKATOON (SASKATCHEWAN)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 SEPTEMBRE 2019

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

DATE DES MOTIFS :

LE 1ER OCTOBRE 2019

COMPARUTIONS :

Tom Stepper

POUR L’APPELANTE

Alexander Gloor

POUR LES INTIMÉES

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Tom Stepper Professional Corporation

Calgary (Alberta)

POUR L’APPELANTE

Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Ottawa (Ontario)

POUR LES INTIMÉES

 

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