Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20200714


Dossier : A-360-19

Référence : 2020 CAF 120

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NEAR

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

LIVE! HOLDINGS, LLC

appelante

et

OYEN WIGGS GREEN & MUTALA LLP et PICKERING DEVELOPMENTS (BAYLY) INC.

intimées

Audience tenue par vidéo conférence en ligne organisée par le greffe, le 30 juin 2020.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 14 juillet 2020.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE MACTAVISH

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LE JUGE LASKIN

 


Date : 20200714


Dossier : A-360-19

Référence : 2020 CAF 120

CORAM :

LE JUGE NEAR

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

LIVE! HOLDINGS, LLC

appelante

et

OYEN WIGGS GREEN & MUTALA LLP et PICKERING DEVELOPMENTS (BAYLY) INC.

intimées

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE MACTAVISH

[1]  Live! Holdings, LLC (Live!) interjette appel du jugement de la Cour fédérale (2019 CF 1042) confirmant la décision du registraire des marques de commerce de radier la marque « LIVE » du registre des marques de commerce. La Cour fédérale a conclu que l'appelante n'avait pas employé la marque LIVE au Canada au cours de la période pertinente et n'avait pas établi que l'emploi qui aurait pu être fait de la marque par les sociétés liées à Live! devrait être réputé avoir été fait par Live! La Cour a en outre estimé que, quoi qu'il en soit, l'appelante n'avait pas démontré l'emploi réel de la marque LIVE au Canada. Enfin, la Cour fédérale a conclu que l'appelante n'avait pas établi l'existence de circonstances spéciales qui justifierait le défaut d'emploi de la marque.

[2]  Pour les motifs exposés ci‑après, j'ai conclu qu'il n'est pas nécessaire de décider si l'appelante avait établi l'emploi de la marque LIVE au Canada au cours de la période en cause, car la Cour fédérale n'a pas commis d'erreur en concluant que l'appelante n'avait pas établi que l'emploi éventuel de la marque au Canada devait être réputé avoir été fait par Live! La Cour fédérale n'a pas non plus commis d'erreur en concluant qu'il n'y avait pas de circonstance spéciale justifiant le défaut d'emploi de la marque. Par conséquent, je rejetterais l'appel.

I.  Résumé des faits

[3]  Live! Holdings, LLC est une société établie à Baltimore (Maryland). Selon les éléments de preuve produits par Taylor Gray pour le compte de la société, Live! est une société liée à un groupe de centaines de sociétés fermées à responsabilité limitée appelées les « sociétés Cordish ». Live! n'a pas d'employé et ne participe pas aux activités commerciales des autres sociétés Cordish. Il s'agit plutôt d'une société de portefeuille propriétaire de la marque de commerce canadienne no LMC789912, la marque LIVE.

[4]  La marque LIVE a été enregistrée en vue d'un emploi au Canada en liaison avec environ 35 genres de services différents. Est en cause en l'espèce l'emploi de la marque en liaison avec trois catégories générales de services : les services d'hôtel, les services de divertissement et les services de publicité et de commercialisation pour d'autres parties.

[5]  À la demande de l'intimée Oyen Wiggs Green & Mutala LLP, le 3 novembre 2017, le registraire des marques de commerce a envoyé à Live! un avis conformément à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), lui enjoignant de démontrer l'emploi de la marque au Canada au cours des trois ans précédant la date de l'avis (la période pertinente). Live! n'a pas répondu à l'avis. Le registraire a ensuite informé Live! que son enregistrement serait radié conformément au paragraphe 45(4) de la Loi, en raison de son défaut de produire des éléments de preuve démontrant l'emploi de la marque LIVE au Canada au cours de la période pertinente.

[6]  Live! a interjeté appel de la décision du registraire à la Cour fédérale et a déposé l'affidavit de Taylor Gray comme élément de preuve pour appuyer l'appel. M. Gray n'était pas au service de Live!, et bien qu'il déclare dans son affidavit qu'il était vice‑président de la mise en valeur des sociétés Cordish, il a reconnu au cours du contre‑interrogatoire qu'il était en fait payé par une autre société liée aux sociétés Cordish.

[7]  M. Gray déclare que les sociétés liées aux sociétés Cordish comptent notamment des sociétés [TRADUCTION] « de développement, de construction, de gestion et d'exploitation de projets immobiliers commerciaux d'envergure dans les domaines du divertissement, du jeu, de la restauration, de l'habitation et de l'hôtellerie ». Selon M. Gray, les sociétés Cordish possèdent et exploitent des [TRADUCTION] « quartiers de divertissement » aux États‑Unis. Dans plusieurs de ces quartiers, la marque LIVE est affichée à l'extérieur et à l'intérieur des immeubles. Les quartiers comprennent des services et des installations, notamment des hôtels, des salles de conférence, des bureaux, des appartements, des boutiques, des services de santé, des salles de concert, des casinos, des restaurants et des bars. La marque LIVE figurait également sur les sites Web de plusieurs des sociétés Cordish au cours de la période pertinente.

[8]  M. Gray affirme que des Canadiens achètent des billets pour des événements et font des réservations d'hôtel par Internet pour se rendre aux sites de divertissement de Live! aux États‑Unis, et que la marque LIVE figure sur les billets des événements, les sites Web des hôtels et les courriels de confirmation de réservation. Il affirme en outre que la liste d'envoi des sociétés Cordish inclut des personnes ayant une adresse au Canada et qui sont membres du [TRADUCTION] « programme de récompenses de Live! », un programme de fidélisation qui permet aux membres de gagner des points dans des établissements aux États‑Unis et de les utiliser aux établissements des sociétés Cordish dans ce pays. L'affidavit de M. Gray indique également que les sociétés Cordish envoient des milliers de courriels promotionnels et de lettres par courrier ordinaire où figure la marque LIVE à des adresses postales ou électroniques au Canada.

[9]  M. Gray reconnaît que Live! et les sociétés Cordish n'ont actuellement aucun projet ou site au Canada qui offre les services visés par l'enregistrement de la marque de commerce. Il explique toutefois l'emploi de la marque LIVE au Canada de 2007 à 2013 en liaison avec un projet proposé appelé WOODBINE LIVE! dans la région de Toronto.

[10]  L'intimée, Oyen Wiggs Green & Mutala LLP, n'a pas participé à l'appel devant la Cour fédérale. Pickering Developments (Bayly) Inc. a cependant été autorisée à intervenir dans l'instance devant la Cour fédérale et est une intimée dans le présent appel. Pickering Developments s'est opposée à l'appel devant la Cour fédérale, en faisant valoir que la preuve produite par Live! lors de l'appel ne démontrait pas l'emploi de la marque LIVE au Canada et que, par conséquent, la décision du registraire de radier la marque de commerce devait être maintenue.

II.  La décision de la Cour fédérale

[11]  La Cour fédérale a fait remarquer que dans une instance introduite aux termes de l'article 45, le propriétaire de la marque de commerce « doit démontrer qu'au cours de la période pertinente, il a lui‑même employé la marque de commerce ou que celle-ci a été employée par une autre personne » de sorte qu'il est réputé l'avoir employée. La Cour a également mentionné que le paragraphe 50(1) de la Loi prévoit que l'emploi par une entité détenant une licence est réputé avoir le même effet que l'emploi par le propriétaire enregistré, à condition que ce dernier, « aux termes de la licence, contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des produits et services ».

[12]  La Cour fédérale a souligné que, pour déterminer si l'appelant avait démontré l'emploi d'une marque de commerce, la Cour doit effectuer un examen de novo de la décision du registraire lorsqu'on dépose lors de l'appel de nouveaux éléments de preuve qui auraient eu un effet important sur la décision : Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22, [2006] 1 R.C.S. 772, aux paragraphes 35 et 37, Brasseries Molson c. John Labatt Ltée, [2000] 3 C.F. 145 (C.A.F.), au paragraphe 51, autorisation d'interjeter appel à la Cour suprême refusée, no 27839 (14 septembre 2000). Live! n'ayant pas répondu à l'avis du registraire envoyé conformément à l'article 45, la Cour a conclu que les éléments de preuve de M. Gray auraient eu une incidence sur la décision du registraire et qu'il était donc pertinent d'effectuer un examen de novo de celle-ci. Aucune des parties ne conteste ce volet de la décision de la Cour fédérale.

[13]  La Cour fédérale a conclu que Live! n'avait pas démontré l'emploi de la marque LIVE au Canada en liaison avec l'un ou l'autre des services visés par l'enregistrement. Elle a rejeté la prétention de Live! selon laquelle des personnes au Canada tirent un avantage concret et important lorsqu'elles sont au Canada en accédant à des sites Web où figure la marque LIVE, en achetant des billets pour des événements aux États‑Unis annoncés avec la marque, ou en faisant des réservations sur Internet dans des hôtels aux États-Unis portant la marque LIVE. La Cour fédérale a estimé que cela étendait au-delà de ses limites logiques le concept d'« avantage concret et important », et que le fait de réserver une chambre d'hôtel aux États‑Unis ne constituait pas un avantage concret et important dont on pouvait tirer avantage au Canada, même si cela garantissait qu'une chambre serait disponible à l'arrivée.

[14]  La Cour fédérale a estimé que la personne ne reçoit un avantage concret qu'une fois qu'elle se rendait aux États‑Unis et se présentait effectivement à l'hôtel. De même, la Cour a estimé que le fait pour une personne d'obtenir des renseignements sur des événements et de réserver des billets lui assurant d'y être admise à son arrivée aux sites américains ne constituait pas un avantage concret dont la personne profite au Canada. Enfin, la Cour a conclu qu'il n'y avait aucune preuve selon laquelle Live! ou ses sociétés liées fournissaient des services de publicité et de commercialisation pour d'autres parties au Canada.

[15]  La Cour fédérale a également estimé que, quoi qu'il en soit, même si les sociétés liées avaient utilisé la marque LIVE au Canada au cours de la période pertinente, Live! n'était pas réputée l'avoir employée, puisqu'elle n'avait pas démontré qu'elle contrôlait, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des services en cause au cours de la période pertinente, comme l'exige le paragraphe 50(1) de la Loi.

[16]  La Cour a également rejeté la prétention de Live! selon laquelle il existait des « circonstances spéciales » justifiant son défaut d'emploi de la marque LIVE au Canada au cours de la période pertinente.

[17]  Aux termes du paragraphe 45(3) de la Loi, le propriétaire d'une marque de commerce enregistrée qui n'a pas été employée au Canada peut éviter la radiation de la marque s'il établit que le défaut d'emploi au cours de la période pertinente était attribuable à des « circonstances spéciales qui le justifient ». Live! a invoqué l'abandon du projet Woodbine comme raison indépendante de sa volonté constituant des « circonstances spéciales » au sens du paragraphe 45(3) de la Loi.

[18]  Tout en rappelant que les « circonstances spéciales » sont des circonstances rares, inhabituelles ou exceptionnelles, la Cour fédérale a fait remarquer que les éléments de preuve produits par Live! concernant l'échec du projet Woodbine étaient vagues et imprécis et n'établissaient pas l'existence de « circonstances spéciales » justifiant le défaut d'emploi de la marque LIVE.

[19]  En arrivant à cette conclusion, la Cour a mentionné que les difficultés invoquées par Live! pour justifier le défaut d'emploi de la marque, telles que les différends avec ses associés commerciaux et avec les organismes de réglementation, ne sont vraisemblablement pas rares, inhabituelles ou exceptionnelles lors du développement de projets coûteux à grande échelle. Par conséquent, la Cour fédérale a estimé qu'il n'y avait pas de « circonstances spéciales » qui justifiaient le défaut d'emploi de la marque LIVE et que le registraire n'avait pas commis d'erreur en la radiant. L'appel a donc été rejeté.

III.  Les questions en litige

[20]  Live! soulève trois questions dans le présent appel, affirmant que la Cour fédérale a commis une erreur en parvenant aux conclusions suivantes :

1.  la marque LIVE n'a pas été employée au Canada en liaison avec les services visés par l'enregistrement au cours de la période pertinente;

2.  aucun emploi de la marque LIVE par des sociétés liées ne peut être réputé avoir été fait par Live!;

3.  aucune circonstance spéciale ne justifie le défaut d'emploi.

Comme je l'ai indiqué au début des présents motifs, il n'est pas nécessaire d'examiner la première question en litige avancée par Live!, car les deuxième et troisième points sont déterminants quant à l'issue du présent appel.

IV.  La Cour fédérale a‑t‑elle commis une erreur en concluant que l'emploi de la marque LIVE au Canada ne peut être réputé avoir été fait par Live!?

[21]  Dans l'arrêt Spirits International B.Vc. BCF S.E.N.C.R.L., 2012 CAF 131, au paragraphe 7, autorisation d'interjeter appel à la Cour suprême refusée, no 34888 (1er novembre 2012), notre Cour a conclu que dans une instance instruite en vertu de l'article 45, le titulaire de la marque doit démontrer qu'au cours de la période pertinente il a lui‑même employé la marque en liaison avec les biens ou les services indiqués dans l'enregistrement, ou qu'une autre personne l'a fait de sorte qu'il soit réputé l'avoir employée.

[22]  Comme je l'ai indiqué précédemment, Live! reconnaît que bien qu'elle soit la titulaire de la marque LIVE, elle n'a ni employé ni activité commerciale et n'a jamais employé la marque LIVE au Canada en liaison avec l'un des services visés par l'enregistrement. Live! affirme cependant que des sociétés liées du groupe de sociétés Cordish ont utilisé la marque au Canada et que cela suffit pour constituer un « emploi » de la marque par Live! au sens de l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce.

[23]  L'emploi d'une marque de commerce au Canada par son titulaire en liaison avec les produits ou services visés par l'enregistrement satisfait aux exigences de l'article 45 de la Loi. Toutefois, le paragraphe 50(1) de la Loi envisage également l'emploi par une entité aux termes d'une licence octroyée par le propriétaire de la marque de commerce ou avec son autorisation, à condition que le propriétaire contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des produits ou services en question.

[24]  Dans la décision Empresa cubana del tabaco c. Shapiro Cohen, 2011 CF 102, au paragraphe 84, conf. par 2011 CAF 340, la Cour fédérale a relevé les trois principales manières par lesquelles un propriétaire peut démontrer le contrôle requis aux termes du paragraphe 50(1) de la Loi :

1.  le propriétaire peut explicitement affirmer sous serment qu'il exerce effectivement le contrôle prévu : voir, par exemple, Central Transport Inc. c. Mantha & Associés/Associates, [1995] 2 C.F. F‑49, [1995] A.C.F. no 1544 (QL) (C.A.F.), au paragraphe 3;

2.  le propriétaire peut produire des éléments de preuve démontrant qu'il exerce effectivement le contrôle nécessaire : voir, par exemple, Eclipse International Fashions Canada Inc. c. Shapiro Cohen, 2005 CAF 64, aux paragraphes 3 à 6;

3.  le propriétaire peut déposer une copie du contrat de licence qui prévoit expressément l'exercice d'un tel contrôle.

[25]  Si l'on suppose (sans le conclure) que l'emploi de la marque LIVE sur les sites Web, le matériel promotionnel, les billets et les réservations d'hôtel est un « emploi » de la marque au Canada au sens de l'article 45 de la Loi, la question demeure de savoir si cet emploi par les sociétés liées de Live! est réputé avoir été fait par Live!

[26]  La première question à se poser en examinant cet élément de l'appel de Live! est la norme de contrôle applicable à la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle Live! n'avait pas réussi à établir que tout emploi de la marque LIVE au Canada par des sociétés liées est réputé être un emploi par Live!

[27]  Live! affirme que la Cour fédérale a commis une « erreur de fait et de droit » en concluant que l'emploi de la marque LIVE au Canada n'est pas réputé être un emploi par Live! et affirme que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte, car il n'y a aucune question de fait en litige sur l'emploi de la marque LIVE au Canada.

[28]  J'admets que, dans la mesure où la conclusion de la Cour fédérale sur cette question se fonde sur le critère juridique à appliquer pour évaluer si l'emploi par une autre partie est réputé être un emploi par le titulaire de la marque de commerce, la norme de contrôle est celle de la décision correcte. Dans la mesure où il s'agit de l'appréciation des faits par la Cour fédérale ou de son application du droit à ces faits, sa décision est soumise au contrôle selon le critère de l'erreur manifeste et dominante : The Clorox Company of Canada, Ltd. c. Chloretec s.e.c., 2020 CAF 76, Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235.

[29]  Le passage pertinent du paragraphe 45(3) de la Loi sur les marques de commerce porte que l'enregistrement d'une marque de commerce est susceptible de radiation lorsqu'« il apparaît au registraire, en raison de la preuve qui lui est fournie ou du défaut de fournir une telle preuve », que la marque de commerce, « soit à l'égard de la totalité des produits ou services spécifiés dans l'enregistrement, soit à l'égard de l'un de ces produits ou de l'un de ces services », n'a pas été employée au Canada au cours de la période pertinente.

[30]  Les paragraphes 50(1) et (2) de la Loi sont également pertinents à cet égard :

50(1) Pour l'application de la présente loi, si une licence d'emploi d'une marque de commerce est octroyée, pour un pays, à une entité par le propriétaire de la marque, ou avec son autorisation, et que celui-ci, aux termes de la licence, contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des produits et services, l'emploi, la publicité ou l'exposition de la marque, dans ce pays, par cette entité comme marque de commerce, nom commercial — ou partie de ceux‑ci — ou autrement ont le même effet et sont réputés avoir toujours eu le même effet que s'il s'agissait de ceux du propriétaire.

 

50(1) For the purposes of this Act, if an entity is licensed by or with the authority of the owner of a trademark to use the trademark in a country and the owner has, under the licence, direct or indirect control of the character or quality of the goods or services, then the use, advertisement or display of the trademark in that country as or in a trademark, trade name or otherwise by that entity has, and is deemed always to have had, the same effect as such a use, advertisement or display of the trademark in that country by the owner.

(2) Pour l'application de la présente loi, dans la mesure où un avis public a été donné quant à l'identité du propriétaire et au fait que l'emploi d'une marque de commerce fait l'objet d'une licence, cet emploi est réputé, sauf preuve contraire, avoir fait l'objet d'une licence du propriétaire, et le contrôle des caractéristiques ou de la qualité des produits et services est réputé, sauf preuve contraire, être celui du propriétaire. [...]

 

(2) For the purposes of this Act, to the extent that public notice is given of the fact that the use of a trademark is a licensed use and of the identity of the owner, it shall be presumed, unless the contrary is proven, that the use is licensed by the owner of the trademark and the character or quality of the goods or services is under the control of the owner. [...]

 

[31]  Live! fait valoir que la Cour fédérale a commis une erreur de droit en ne reconnaissant pas que le paragraphe 50(1) de la Loi est permissif plutôt qu'obligatoire. Live! soutient en outre que le paragraphe 50(1) énonce simplement certains actes qui constitueront un [TRADUCTION] « refuge » pour le propriétaire de la marque de commerce.

[32]  Live! fait remarquer que, conformément au paragraphe 50(1) de la Loi, lorsque le propriétaire accorde une licence d'emploi d'une marque lui permettant de contrôler les caractéristiques ou la qualité des produits ou services en liaison avec lesquels la marque est employée, l'emploi par le titulaire de licence aux termes de cet accord sera réputé être l'emploi par le propriétaire. Live! affirme par ailleurs que lorsque le propriétaire de la marque de commerce donne l'avis prévu au paragraphe 50(2), il bénéficiera d'une présomption réfutable. Toutefois, rien n'indique qu'on ait donné un avis public selon lequel l'emploi de la marque LIVE au Canada se faisait en vertu d'une licence de Live!; la présomption prévue au paragraphe 50(2) ne s'applique donc pas en l'espèce.

[33]  En ce qui concerne le paragraphe 50(1) de la Loi, Live! soutient qu'il n'est indiqué nulle part dans cette disposition que l'emploi d'une marque de commerce par une personne autre que le propriétaire inscrit ne peut jamais être considéré comme un emploi par le propriétaire de la marque de commerce en l'absence d'un accord de licence en règle qui prévoit un contrôle sur la qualité des produits ou services en question ou d'un avis donné en application du paragraphe 50(2) de la Loi.

[34]  Selon Live!, l'article 50 de la Loi traduit l'intention du législateur de faire évoluer la loi selon la réalité concrète de la façon de faire affaire au Canada. Live! soutient que, fondamentalement, rien ne justifie que, si le propriétaire d'une marque de commerce accorde à une autre personne l'autorisation d'employer sa marque de commerce, l'emploi de cette marque par cette personne ne soit pas réputé avoir été fait par le propriétaire, et ce, même si le propriétaire ne se prévaut pas du [TRADUCTION] « refuge » créé par la disposition déterminative du paragraphe 50(1) ou la présomption réfutable du paragraphe 50(2) de la Loi.

[35]  Il y a plusieurs raisons pour lesquelles je ne peux pas souscrire à la thèse de Live!

[36]  La première est le libellé du paragraphe 50(1) lui‑même. Il est clairement indiqué dans ce paragraphe que, « [p]our l'application de la présente loi », l'emploi d'une marque par une personne qui n'est pas le propriétaire inscrit de la marque sera réputé être un emploi par le propriétaire de la marque de commerce dans des circonstances précises. L'espèce est une instance introduite aux termes de la Loi sur les marques de commerce et, à ce titre, il incombe au propriétaire de la marque d'établir qu'il satisfait aux exigences des paragraphes 50(1) ou 50(2) afin que l'emploi de sa marque par une autre personne soit réputé être un emploi par lui‑même.

[37]  Rien dans le libellé de l'article 50 n'indique que, dans une instance aux termes de la Loi, l'emploi d'une marque par une personne autre que le propriétaire puisse être imputé au propriétaire dans des circonstances autres que celles énoncées dans l'article même. Live! n'a pas non plus invoqué d'éléments dans le contexte ou l'objet de la Loi qui puisse étayer le fait que l'expression « [p]our l'application de la présente loi » devrait avoir un sens autre que son sens ordinaire.

[38]  Le deuxième problème est que Live! n'a renvoyé à aucune jurisprudence qui appuie réellement sa thèse.

[39]  Live! s'appuie sur la décision de 1936 de la Cour de l'Échiquier dans Good Humor Corporation of America v. Good Humor Food Products Ltd., [1937] Ex. C.R. 61, [1937] 4 D.L.R. 145, pour étayer la thèse générale selon laquelle l'emploi de la marque d'une société par une société liée suffit à démontrer un emploi de la marque par le propriétaire.

[40]  Non seulement cette décision est antérieure à l'article 50 de la Loi, mais la Cour de l'Échiquier avait également de nombreux éléments de preuve concernant l'organisation et la gouvernance des sociétés en question, les propriétaires des actions et leurs relations mutuelles. Elle avait également des éléments de preuve selon lesquels les produits fabriqués et distribués par les sociétés liées étaient identiques, et qu'ils étaient fabriqués et distribués sous le contrôle et la supervision du propriétaire de la marque de commerce en question. C'est cet élément de contrôle qui a conduit la Cour à conclure que, bien que les sociétés d'exploitation aient été constituées dans différents États en vertu de chartes distinctes, elles formaient néanmoins, avec la société propriétaire de la marque de commerce, une seule organisation sous la direction et le contrôle de la société propriétaire de la marque, même si elles étaient en principe des personnes morales distinctes : pages 70 à 73.

[41]  Il faut comparer cette situation aux faits de l'espèce. M. Gray a déclaré que les sociétés Cordish étaient composées de centaines de sociétés liées. Aucun élément de preuve n'a été produit devant la Cour fédérale selon lequel Live! avait accordé une licence d'emploi de la marque LIVE à une société précise. Il n'y avait pas non plus de preuve quant à l'identité des sociétés liées qui auraient employé la marque LIVE au Canada, leur structure d'entreprise ou leur rapport avec Live! au-delà de la simple affirmation que les sociétés étaient liées.

[42]  Comme l'a fait observer la Cour fédérale, dans le cas d'une organisation décrite comme étant un très grand groupe de sociétés liées qui s'occupent de projets de grande envergure, « il devrait être possible de rassembler des éléments de preuve sur les licences conclues entre le propriétaire de la marque et les entités qui emploient la marque ». La Cour fédérale a noté en outre que « [p]ar ailleurs, il devrait y avoir suffisamment d'éléments de preuve pour conclure que les licences existaient et que Live exerçait un contrôle sur les caractéristiques et la qualité des services exécutés par les entités autorisées au titre d'une licence ». Compte tenu de l'état du dossier, Live! n'a pas réussi à me convaincre que la Cour fédérale a commis une erreur en concluant qu'elle ne disposait pas de suffisamment d'éléments de preuve pour en déduire l'existence d'un accord de licence entre Live! et l'une de ses sociétés liées en ce qui concerne l'emploi de la marque LIVE. Il n'y avait pas non plus de preuve établissant que Live! avait autorisé ces sociétés liées non nommées à employer la marque au Canada tout en continuant de contrôler, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des services visés par l'enregistrement.

[43]  Live! invoque également la décision de la Cour fédérale dans Enterprise Rent‑a‑Car Co. c. Singer, [1996] 2 C.F. 694 (C.F. 1re inst.), conf. par 1998 CanLII 7405 (C.A.F.), pour étayer sa thèse selon laquelle les exigences du paragraphe 50(1) sont satisfaites lorsqu'une société mère dirige les activités de ses filiales exploitantes fermées, même en l'absence d'une licence portant sur l'emploi d'une marque de commerce. Toutefois, cette décision n'est pas non plus semblable à la situation actuelle, car les éléments de preuve produits dans l'affaire Enterprise ont établi que les filiales en cause ont agi sous le contrôle et l'autorité de la société mère américaine. En outre, la société mère a publié des manuels traitant expressément de l'emploi de la dénomination commerciale ENTERPRISE tant par la société mère que par ses filiales : Enterprise (C.F. 1re inst.), au paragraphe 29.

[44]  En l'espèce, la Cour fédérale n'était saisie d'aucun élément de preuve voulant que Live! ait contrôlé, de quelque manière que ce soit, les caractéristiques ou la qualité des services offerts par les sociétés liées employant la marque LIVE au cours de la période pertinente. M. Gray affirme dans son affidavit que Live! [TRADUCTION] « avait un contrôle direct sur les caractéristiques et la qualité des biens et des services vendus et offerts par Woodbine Live GP, Inc. en utilisant la marque [LIVE] et la marque WOODBINE LIVE! ». Cet élément de preuve n'aide cependant pas Live!, car le projet Woodbine avait été abandonné avant le début de la période pertinente.

[45]  De plus, le fait que M. Gray ait expressément mentionné le contrôle de Live! sur l'emploi de la marque LIVE en liaison avec le projet Woodbine semble montrer qu'il était conscient que le contrôle de l'emploi de la marque était une question importante. Il convient donc de souligner que M. Gray n'a pas fait d'affirmation semblable selon laquelle Live! exerçait un contrôle quelconque en ce qui concerne l'emploi de la marque LIVE au Canada par l'une des sociétés liées non nommées au cours de la période pertinente.

[46]  Enfin, Live! soutient que l'article 51 de la loi [TRADUCTION] « reconnaît le rôle particulier qu'occupent les sociétés connexes » dans la Loi sur les marques de commerce. Malgré le fait que l'article 51 porte sur les marques employées en liaison avec une « préparation pharmaceutique », Live! soutient néanmoins qu'il [TRADUCTION] « n'y a aucune raison logique, vu la version actuelle de la Loi sur les marques de commerce, pour que les sociétés pharmaceutiques soient traitées différemment ». Cet argument a toutefois été rejeté par la Cour fédérale dans la décision Ugine Aciers c. Le registraire des marques de commerce, [1978] 1 C.F. 626, à la page 629, inf. pour d'autres motifs, [1979] 1 C.F. 237 (C.A.F.). En outre, c'est un argument davantage destiné au législateur qu'à une Cour.

[47]  Comme l'a déclaré la Cour fédérale dans la décision Cheung Kong (Holdings) Ltd. c. Living Realty Inc., [2000] 2 C.F. 501, aux paragraphes 44 et 45, un lien entre des sociétés ne suffit pas, à lui seul, à établir que l'emploi de la marque de commerce est réputé fait par le propriétaire. Il faut également démontrer que le propriétaire contrôle les caractéristiques ou la qualité des biens ou des services. La norme de la preuve à laquelle doit satisfaire le propriétaire de la marque de commerce dans une instance introduite aux termes de l'article 45 est peu élevée; néanmoins, la Cour fédérale n'a pas commis d'erreur en concluant que les éléments de preuve produits par Live! en l'espèce ne satisfaisaient même pas à cette norme peu élevée.

[48]  Live! n'a donc pas réussi à me convaincre que la Cour fédérale a commis une erreur de droit ou une erreur manifeste et dominante en concluant que Live! n'avait pas démontré que l'emploi éventuel de la marque LIVE au Canada par ses sociétés liées est réputé avoir été fait par elle.

V.  Les circonstances spéciales

[49]  Live! conteste également la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle elle n'a pas réussi à établir l'existence de « circonstances spéciales » qui justifieraient son défaut d'emploi de la marque LIVE au Canada au cours de la période de trois ans en question.

[50]  Live! fait valoir que la Cour fédérale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de la nature de ses activités lorsqu'elle a examiné la période de défaut d'emploi. Cependant, il ressort de l'analyse des motifs de la Cour fédérale qu'elle était bien consciente de la nature des activités de Live! La Cour a également bien décrit le droit relatif aux « circonstances spéciales » comme il a été établi par notre Cour dans des arrêts comme Scott Paper Ltd. c. Smart & Biggar, 2008 CAF 129, et Registraire des marques de commerce c. Harris Knitting Mills Ltd., [1985] A.C.F. no 226 (QL) (C.A.F.).

[51]  Live! n'a pas non plus relevé d'erreur manifeste et dominante dans l'appréciation des faits par la Cour relativement à cette question ou dans l'application des règles de droit appropriées à ses conclusions de fait. Live! nous demande essentiellement de réexaminer les éléments de preuve qui ont été présentés à la Cour fédérale sur ce point et d'arriver à une conclusion différente. Il n'y a aucune raison qui justifierait l'intervention de la Cour sur cette question : Salomon c. Matte‑Thompson, 2019 CSC 14, [2019] 1 R.C.S. 729, au paragraphe 40, et Mahjoub c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157, [2018] 2 R.C.F. 344, aux paragraphes 70 et 79, autorisation d'interjeter appel à la Cour suprême refusée, no 37793 (17 mai 2018).

VI.  Conclusion

[52]  Pour ces motifs, je rejetterais le présent appel, avec dépens.

« Anne L. Mactavish »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

  D. G. Near j.c.a. »

« Je suis d’accord.

  J.B. Laskin j.c.a. »


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-360-19

 

 

INTITULÉ :

LIVE! HOLDINGS, LLC c. OYEN WIGGS GREEN & MUTALA LLP et PICKERING DEVELOPMENTS (BAYLY) INC.

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

TENUE PAR vidéoconférence, Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 30 juin 2020

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE MACTAVISH

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LE JUGE LASKIN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 14 juillet 2020

 

COMPARUTIONS :

Doug Deeth

Gary Daniel

Matthew Frontini

POUR L'APPELANTE

 

Peter J. Henein

Shane D. Hardy

Any Obando

Pour l'intimée Pickering Developments (Bayly) Inc.

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Deeth Williams Wall LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR L'APPELANTE

 

Cassels Brock & Blackwell

Toronto (Ontario)

Pour l'intimée Pickering Developments (Bayly) Inc.

 

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