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Date : 20201006


Dossier : A-312-19

Référence : 2020 CAF 164

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence de monsieur le juge Stratas

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

DAVID KATTENBURG et PSAGOT WINERY LTD.

intimés

Requêtes jugées sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 6 octobre 2020.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE STRATAS

 


Date : 20201006


Dossier : A-312-19

Référence : 2020 CAF 164

En présence de monsieur le juge Stratas

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

DAVID KATTENBURG et PSAGOT WINERY LTD.

intimés

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE STRATAS

[1] Il a été interjeté appel d’un contrôle judiciaire effectué par la Cour fédérale (2019 CF 1003, la juge Mactavish, alors juge à la Cour fédérale). L’appel est en instance devant notre Cour.

[2] La Cour est saisie d’une série de requêtes en autorisation d’intervenir présentées en vertu de l’article 109 des Règles des Cours fédérales, de même que d’une requête de Psagot Winery Ltd. en vue d’être constituée comme partie intimée.

A. Les requêtes en autorisation d’intervenir

[3] Le contrôle judiciaire sous-jacent portait sur la question de savoir si le décideur administratif, en l’espèce l’Agence canadienne d’inspection des aliments (l’Agence), a interprété et appliqué certaines exigences légales se rapportant à l’étiquetage de produits alimentaires, des vins en l’occurrence, d’une manière justifiée et acceptable, soit conformément aux exigences énoncées dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] A.C.S. no 65. Rien de plus. Il semble s’agir d’un contrôle judiciaire ordinaire d’une décision sur l’application de règlements.

[4] Cependant, 12 parties distinctes ont maintenant demandé à intervenir : la Ligue des droits de la personne de B’Nai Brith Canada; Voix juives indépendantes; le Centre consultatif des relations juives et israéliennes; Centre for Free Expression; Amnistie internationale Canada; M. Eugene Kontorovich; M. Michael Lynk, rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967; Arab Canadian Lawyers Association; Transnational Law and Justice Network; les Juristes canadiens pour les droits de la personne dans le monde; Al-Haq et Psagot Winery Ltd. Plusieurs de ces intervenants éventuels estiment que le contrôle judiciaire en l’espèce n’est pas ordinaire parce que l’étiquette qualifie le vin en question de [traduction] « Produit d’Israël » alors qu’il vient de la Cisjordanie.

[5] Certains requérants demandent l’autorisation d’intervenir parce qu’ils souhaitent se prononcer sur l’occupation de la Cisjordanie par Israël, notamment sur le statut de la Cisjordanie, la souveraineté territoriale d’Israël, des considérations touchant les droits de la personne et la situation humanitaire, le droit international et d’autres questions connexes. Plusieurs semblent souhaiter que notre Cour statue sur le fond de ces questions.

[6] Cependant, leur démarche bute sur un obstacle majeur : le fond de ces questions n’est pas en cause dans le présent appel. Comme je l’expliquerai plus loin, sa portée est plus restreinte.

[7] Et ce n’est pas tout. Certains requérants souhaitent également intervenir sur d’autres questions, comme les aspects du droit commercial international qui sont à l’origine des exigences en matière d’étiquetage et des questions se rapportant à l’alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés.

[8] Conformément à l’article 109 des Règles des Cours fédérales, la disposition qui régit les interventions, le principal élément du critère encadrant les autorisations d’intervenir est l’utilité des observations du requérant pour la formation de juges saisie de l’appel.

[9] Pour établir si les observations seront utiles, il faut répondre à quatre questions. Pour certaines requêtes en autorisation d’intervenir, comme celles dont est saisie la Cour en l’espèce, il est judicieux de répondre à ces questions séparément. Les quatre questions sont les suivantes :

  • 1) Quelles sont les questions que doit trancher la formation de juges saisie de l’affaire? Les questions en litige sont énoncées dans l’acte introductif d’instance, l’avis d’appel en l’espèce, et expliquées dans les mémoires des faits et du droit qui sont déposés (Tsleil-Waututh Nation c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 174, [2017] A.C.F. no 827 (QL), aux paragraphes 54 à 56). En l’espèce, la Cour doit rechercher la « véritable nature » et la « nature essentielle » de l’affaire et faire fi des questions vouées à l’échec (Canada (Revenu national) c. JP Morgan Asset Management (Canada) Inc., 2013 CAF 250, [2014] 2 R.C.F. 557, aux paragraphes 49 et 50). Pour ce faire, elle doit bien comprendre son rôle dans l’instance. Par exemple, dans les contrôles judiciaires, le rôle de la Cour se limite souvent à faire le contrôle de la décision au fond rendue par le décideur administratif, lequel est le seul à pouvoir se prononcer sur le fond (Association des universités et collèges du Canada c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, [2012] A.C.F. no 93 (QL); Bernard c. Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263, [2015] A.C.F. no 1396 (QL); Robbins c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 24, [2017] A.C.F no 182 (QL); Sharif c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 205, [2018] A.C.F. no 1162 (QL), aux paragraphes 26 à 28; Tsleil-Waututh Nation c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 128, [2017] A.C.F. no 601 (QL), aux paragraphes 87 et 97). Pour éviter que le contrôle ne devienne en fait un contrôle selon le norme de la décision correcte, la Cour doit s’abstenir d’examiner le fond de l’affaire (Vavilov, au paragraphe 83; Delios c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 117, [2015] A.C.F. no 549 (QL), au paragraphe 28).

  • 2) Quelles observations le requérant entend-il formuler? La Cour doit se méfier des formules mystifiantes des plaideurs habiles. Elle doit plutôt s’attacher à saisir la « véritable nature » et la « nature essentielle » de ce que l’intervenant éventuel a l’intention de dire. Pour y arriver, la Cour doit lire les documents de la requête de manière « globale et pratique, sans s’attacher aux questions de forme » (JP Morgan Asset Management, précité, aux paragraphes 49 et 50).

  • 3) Les observations du requérant sont-elles vouées à l’échec? Quand elle procède à l’examen d’une requête en autorisation d’intervenir, la Cour ne doit pas s’attarder trop longtemps au fond des questions que doit trancher la formation de juges. Cela dit, la formation ne devrait pas avoir à examiner des observations qui sont vouées à l’échec ou qui ne sont pas recevables, par exemple des observations manifestement mal fondées en droit ou qui n’aideront en rien la Cour à trancher les questions en litige. Les questions nécessitant de nouveaux éléments de preuve de même que les nouveaux éléments de preuve en tant que tels ne sont pas recevables (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Ishaq, 2015 CAF 151, [2016] 1 R.C.F. 686, aux paragraphes 17 et 36; Canada (Procureur général) c. Canadian Doctors for Refugee Care, 2015 CAF 34, [2015] A.C.F. no 147 (QL), au paragraphe 19; Zaric c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CAF 36, [2016] A.C.F. no 138 (QL), au paragraphe 14; Teksavvy Solutions Inc. c. Bell Média Inc., 2020 CAF 108, [2020] A.C.F. no 716 (QL), au paragraphe 11). De même, les observations et les articles de doctrine qui, en réalité, introduisent de nouveaux éléments de preuve imbriqués dans la discussion juridique sont également irrecevables : Public School Boards’ Assn. of Alberta c. Alberta (Procureur général), 2000 CSC 2, [2000] 1 R.C.S. 44; Forest Ethics Advocacy Association c. Office national de l’énergie, 2014 CAF 88, [2014] A.C.F. no 356 (QL), au paragraphe 14; Zaric, au paragraphe 14).

  • 4) Les observations défendables du requérant aideront-elles la formation des juges à trancher l’appel? La Cour devrait exclure les observations qu’une partie a déjà présentées. Elle devrait aussi exclure les observations qui expriment un point de vue politique qui n’a rien de juridique ou une position de principe qui n’est pas liée à une question juridique, ainsi que les observations qui n’aideront en rien la Cour à exercer son rôle.

[10] Je me penche maintenant sur les questions ci-dessus.

1) Quelles sont les questions que doit trancher la formation de juges saisie de l’affaire?

[11] La Cour est saisie d’un appel visant une demande de contrôle judiciaire. La formation de juges devra déterminer si la décision de l’Agence concernant deux étiquettes de vin est justifiée et acceptable, soit conforme aux exigences énoncées dans l’arrêt Vavilov. Rien de plus.

[12] En particulier, la formation de juges devra examiner la façon dont le décideur administratif a interprété et appliqué les lois qui le régissent. Le décideur administratif en l’espèce, l’Agence, devait interpréter et appliquer une exigence en matière d’étiquetage du pays d’origine prévue par le Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870, article B.02.108, à l’égard de deux vins produits en Cisjordanie, et décider ensuite si ces vins étaient étiquetés de manière fausse ou trompeuse au sens du paragraphe 5(1) de la Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. (1985), ch. F-27, et du paragraphe 7(1) de la Loi sur l’emballage et l’étiquetage des produits de consommation, L.R.C. (1985), ch. C-38.

[13] Quel est le sens des termes « pays d’origine » et « trompeuse » dans ces lois? Pour répondre à cette question, l’Agence devait procéder, directement ou indirectement, à une analyse textuelle, contextuelle et téléologique des dispositions dans lesquelles figurent ces termes (Vavilov, aux paragraphes 115 à 124; voir également Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, 1987 CanLII 837; Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559; Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601).

[14] Lorsqu’elle fera le contrôle de l’interprétation des lois qu’a faite l’Agence, la formation de juges qui tranchera le présent appel appliquera la norme de la décision raisonnable. Je prends note que l’intimé entend faire valoir que l’interprétation qu’a faite le décideur administratif des lois pertinentes devra être examinée suivant la norme de la décision correcte au motif que la question est d’intérêt public. Cependant, selon les paragraphes 53 à 72 de l’arrêt Vavilov, il s’agit d’un argument voué à l’échec et je ne puis considérer qu’il s’agit d’une question en litige. La formation de juges en appel appliquera à l’interprétation des lois la norme de la décision raisonnable et non la norme de la décision correcte.

[15] Lorsqu’elle applique la norme de la décision raisonnable, la formation de juges ne peut pas substituer sa propre interprétation de la loi à celle de l’Agence (Vavilov, au paragraphe 83; Delios, au paragraphe 28).

[16] La formation de juges devra en outre décider si la décision de l’Agence était raisonnable, c’est-à-dire si l’Agence a rendu sa décision à l’issue d’une enquête appropriée conformément à sa loi habilitante et si elle a suffisamment justifié sa décision (voir, en général, Vavilov).

[17] Par ailleurs, la formation de juges en appel devra déterminer si la Cour fédérale a commis une erreur de droit en affirmant que l’Agence aurait dû examiner les questions en litige au regard de l’alinéa 2b) de la Charte. Il s’agit d’une question en litige. Cela dit, il n’appartient pas à notre Cour de déterminer de quelle manière l’alinéa 2b) pourrait influer sur l’interprétation et l’application des dispositions légales en cause. Cette analyse incombera à l’Agence si l’affaire lui est renvoyée pour nouvelle décision.

2) Quelles observations le requérant entend-il formuler?

[18] La véritable nature ou la nature essentielle des observations des intervenants comporte trois aspects :

  • Plusieurs des intervenants ont l’intention de faire valoir qu’Israël occupe illégalement la Cisjordanie. Ils invoquent à ce sujet toute une panoplie d’instruments internationaux. De plus, certains d’entre eux veulent présenter des observations sur les droits de la personne et la situation humanitaire des habitants de la Cisjordanie.

  • D’autres intervenants, notamment Voix juives indépendantes, Centre for Free Expression, B’nai Brith, le Centre consultatif des relations juives et israéliennes et Amnistie internationale, ont l’intention de soutenir que l’alinéa 2b) s’applique en l’espèce. D’autres voudraient débattre du fond de l’alinéa 2b), notamment la manière dont le droit international peut éclairer son interprétation et son application.

  • M. Kontorovich a l’intention de soutenir principalement qu’il existe des conventions internationales régies par l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce et l’Organisation mondiale du commerce, y compris sur l’importance des obstacles non tarifaires comme les règles sur l’étiquetage. Il soutient que ces conventions doivent être prises en compte dans l’interprétation des lois visées en l’espèce.

3) Les observations du requérant sont-elles vouées à l’échec?

[19] Les observations sur l’occupation de la Cisjordanie par Israël sont vouées à l’échec pour ce qui a trait à la question de l’interprétation des lois.

[20] À juste titre, aucun des requérants ne soutient que les dispositions de la Loi sur les aliments et drogues, du Règlement sur les aliments et drogues et de la Loi sur l’emballage et l’étiquetage des produits de consommation ont pour objet d’aider le Canada à défendre ses intérêts internationaux ou à s’acquitter de ses obligations internationales ou portent sur la question d’Israël et de la Cisjordanie. Rien n’indique que ces dispositions ont été adoptées en réponse à l’occupation d’un territoire par un État, et plus précisément à l’occupation de la Cisjordanie par Israël.

[21] Il s’agit de dispositions d’application générale qui font partie d’un ensemble de dispositions semblables et qui visent à réglementer, souvent dans le moindre détail, les produits alimentaires et les interactions du public avec ces produits au moyen, entre autres, des étiquettes apposées sur les contenants. Le but de ces dispositions, d’un point de vue très général, est de protéger les consommateurs et d’assurer la qualité ainsi que la salubrité des produits. Il reviendra à la formation de juges d’examiner leur objet précis.

[22] Pour étayer leurs observations, les requérants invoquent de nombreux instruments internationaux, opinions étrangères et conventions internationales. Dans leurs observations, ils semblent tenir pour acquis que ces documents seront d’emblée intégrés au processus d’interprétation des lois et qu’ils constituent une espèce de méta-Charte qui peut être utilisée pour compléter, modifier ou supplanter les dispositions des lois canadiennes. Ce n’est pas le cas.

[23] La formation de juges sera liée par certains précédents de notre Cour au sujet de l’application du droit international, lesquels se fondent fortement sur la jurisprudence de la Cour suprême. La manière dont les requérants entendent appliquer le droit international n’est pas compatible avec cette jurisprudence. Leurs observations à cet égard sont vouées à l’échec.

[24] Les moyens par lesquels le droit international peut entrer en jeu dans l’interprétation de textes législatifs canadiens comme la Loi sur les aliments et drogues, le Règlement sur les aliments et drogues et la Loi sur l’emballage et l’étiquetage des produits de consommation sont limités (Association canadienne du logiciel de divertissement c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2020 CAF 100, [2020] A.C.F. no 671 (QL), aux paragraphes 69 à 92, ainsi que les nombreux arrêts de la Cour suprême du Canada qui y sont cités, notamment le plus récent, Nevsun Resources Ltd. c. Araya, 2020 CSC 5, [2020] A.C.S. no 5 (QL); voir également Brown c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CAF 130, [2020] A.C.F. no 835 (QL), aux paragraphes 54 à 59). Les requérants ne peuvent se prévaloir d’aucun de ces moyens limités en l’espèce. L’obligation d’interpréter les lois du pays au regard des obligations internationales ne peut être invoquée pour modifier la législation canadienne (Association canadienne du logiciel de divertissement, aux paragraphes 89 à 91; B010 c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 58, [2015] 3 R.C.S. 704).

[25] Le droit international n’est d’aucune utilité pour dégager l’objet de dispositions légales dans une affaire comme en l’espèce (Nation Gitxaala c. Canada, 2015 CAF 73, [2015] A.C.F. no 289 (QL), aux paragraphes 11 à 18; Ishaq, au paragraphe 27). L’objet d’une disposition légale est révélé par son libellé, les dispositions connexes et, avec la prudence voulue, l’historique législatif ainsi que les résumés d’études d’impact de la réglementation ou les déclarations explicatives officielles (Hillier c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 44, [2019] A.C.F. no 228 (QL), aux paragraphes 25 à 27 et 35; Williams c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 252, [2018] 4 R.C.F. 174, aux paragraphes 50 et 51). Il peut arriver que ces éléments révèlent clairement que la disposition légale a pour objet de mettre en œuvre une partie ou la totalité d’un instrument international (Association canadienne du logiciel de divertissement, aux paragraphes 73, 74 et 82). Dans d’autres cas, le droit international sert à élucider des ambiguïtés (Association canadienne du logiciel de divertissement, aux paragraphes 83 et 84).

[26] Hormis ces applications, lorsqu’il s’agit d’interpréter l’objet d’une disposition légale, le droit international n’est pas un buffet de plats savoureux duquel nous pouvons choisir ce qui nous plaît. L’objet d’une disposition légale représente la raison même pour laquelle le législateur a adopté la loi. Il n’est pas ce que des instances internationales, des juges, des parties et des intervenants croient être « ce qu’il y a de mieux pour la société canadienne » ni ce qu’ils considèrent comme étant « juste », « bien » ou « équitable » (Hillier, Williams et Ishaq; voir également TELUS Communications Inc. c. Wellman, 2019 CSC 19, [2019] 2 R.C.S. 144; R. c. Rafilovich, 2019 CSC 51, [2019] A.C.S. no 51 (QL), et Michel c. Graydon, 2020 CSC 24, [2019] A.C.S. no 102 (QL), notamment les observations à l’encontre des motifs dissidents de ces jugements, ainsi que Marc Mancini, « The ‘Return’ of ‘Textualism’ at the SCC[?] » (9 avril 2019), en ligne (blogue) : Double Aspect <doubleaspect.blog/2019/04/09/the-return-of-textualism-at-the-scc/>). Ainsi, les préférences des intervenants en matière de politiques administratives et les politiques administratives qu’ils souhaiteraient voir mises en œuvre par la législation ne sont d’aucune utilité pour la Cour lorsqu’elle définit l’objet de dispositions (Atlas Tube Canada ULC c. Canada (Revenu national), 2019 CAF 120, aux paragraphes 5 à 9).

[27] Les dispositions détaillées axées sur les consommateurs et les produits qui sont en cause en l’espèce ont été adoptées sans égard aux questions concernant l’occupation de la Cisjordanie par Israël. Plus précisément, ces dispositions ont été adoptées sans égard aux instruments internationaux que les requérants souhaitent faire jouer dans le présent appel. Ces instruments comprennent les avis consultatifs des Nations Unies intitulés Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité et Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé; les résolutions adoptées par l’Assemblée générale des Nations Unies Le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, Souveraineté permanente du peuple palestinien dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et de la population arabe dans le Golan syrien occupé sur leurs ressources naturelles, Les colonies israéliennes dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, Règlement pacifique de la question de la Palestine, ainsi que les résolutions 2435, 2649, 3236, 43/177, 48/94 et 73/158; la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies intitulée La situation au Moyen-Orient, y compris la question de la Palestine, ainsi que les résolutions 446, 465, 476 et 2334; d’autres documents publiés par les Nations Unies, dont Territories Occupied By Israel (Territoires occupés par Israël), Les colonies de peuplement israéliennes dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, Règlement pacifique de la question de la Palestine, Settlements and Creeping Annexation (Colonies de peuplement et annexion subreptice), Accord relatif à la bande de Gaza et à la région de Jéricho, et d’autres résolutions des Nations Unies confirmant le droit du peuple palestinien à l’autodétermination. Le même raisonnement s’applique aux documents de nature plus générale également invoqués : la Charte des Nations Unies; les Articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite; la Convention de Vienne sur le droit des traités; la Déclaration de principe sur des arrangements intérimaires d’autonomie; le règlement en annexe à la Convention (IV) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre de la Haye; le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; le Pacte international relatif aux droits civils et politiques; le Statut de Rome de la Cour pénale internationale; les Observations finales de 2019 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies; les Observations finales de 2019 du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations Unies; le Pacte de la Société des Nations; l’Israeli-Palestinian Agreement on the West Bank and the Gaza Strip (Oslo III) (Accord israélo-palestinien sur la Cisjordanie et la bande de Gaza (Oslo III)) et la Convention (IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre.

[28] Indépendamment de l’interprétation donnée à la Loi sur les aliments et drogues, au Règlement sur les aliments et drogues et à la Loi sur l’emballage et l’étiquetage des produits de consommation, plusieurs des requérants font valoir que le droit international fait partie intégrante du processus par lequel ces textes législatifs sont appliqués aux faits en l’espèce. À leur avis, ils doivent être appliqués de manière à ce que soient mises en œuvre les obligations et exigences découlant des instruments internationaux.

[29] Cette thèse est également vouée à l’échec.

[30] Tout d’abord, elle procède d’une mauvaise compréhension de la tâche qui incombe à notre Cour dans le présent appel. Notre Cour n’appliquera pas les dispositions légales aux faits en l’espèce. Elle ne fera que contrôler la décision de l’Agence selon la norme de la décision raisonnable afin d’établir si celle-ci est acceptable et justifiable et si elle est suffisamment justifiée, conformément aux critères énoncés dans l’arrêt Vavilov. Dans un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, il revient au décideur administratif, l’Agence en l’espèce, et non à notre Cour, d’appliquer le sens véritable de la loi aux faits de l’espèce (Association des universités et la jurisprudence connexe citée au paragraphe 9(1) ci-dessus).

[31] Là encore, les requérants utilisent indûment le droit international et leur thèse est vouée à l’échec. Quand une cour de justice ou un décideur administratif adopte une interprétation définitive d’une disposition d’une loi – y compris, s’il y a lieu, une disposition touchant au droit international –, il lui incombe d’appliquer, de manière rationnelle et objective, le sens véritable de la disposition aux faits de l’espèce. Pour trancher une affaire, la cour de justice ou le décideur administratif ne peut pas se fonder sur d’autres normes, telles que celles qui découlent du droit international, pour compléter, modifier ou supplanter le sens véritable du droit canadien. Le droit international n’est pas une source directement contraignante de règles juridiques de fond qui complètent, modifient ou supplantent le sens véritable du droit canadien (Association canadienne du logiciel de divertissement, aux paragraphes 78 et 79, ainsi que les nombreux précédents qui y sont cités, dont plusieurs arrêts de la Cour suprême). Le sens du droit canadien ne peut pas être modifié par le droit international (Association canadienne du logiciel de divertissement, précité, au paragraphe 85; voir également Németh c. Canada (Justice), 2010 CSC 56, [2010] 3 R.C.S. 281, au paragraphe 35; R. c. Hape, 2007 CSC 26, [2007] 2 R.C.S. 292, au paragraphe 54; Schreiber c. Canada (Procureur général), 2002 CSC 62, [2002] 3 R.C.S. 269, au paragraphe 50; Tapambwa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CAF 34, 69 R.J. Imm. (4th) 297; Nation Gitxaala, au paragraphe 16).

[32] Plusieurs des observations que les requérants proposent de faire valoir sont vouées à l’échec pour une autre raison. Beaucoup reposent sur des éléments de preuve dont la Cour n’est pas saisie. Certains requérants ont fourni des hyperliens menant à des rapports, à des avis, à des articles de presse et à des articles informels pour étayer leurs thèses concernant le fond du droit international et l’illégalité de l’occupation de la Cisjordanie par Israël. Or, pour ce qui est des faits, les juges ne peuvent se fonder que sur les éléments de preuve dont ils disposent, les faits relevant de la connaissance d’office ou les dispositions créant une présomption (Canada c. Kabul Farms Inc., 2016 CAF 143, [2016] A.C.F no 480 (QL), au paragraphe 38; Pfizer Canada Inc. c. Teva Canada Limited, 2016 CAF 161, [2016] A.C.F. no 579 (QL), aux paragraphes 79 et 80). Ils ne peuvent pas se fonder sur des hypothèses personnelles (Première Nation de Kahkewistahaw c. Taypotat, 2015 CSC 30, [2015] 2 R.C.S. 548). Aussi, la règle habituelle en matière de contrôle judiciaire veut que les éléments de preuve soient présentés au décideur administratif et non à la cour procédant au contrôle (Association des universités, précité). Enfin, en aucun temps un dossier de preuve en bonne et due forme ne peut être complété par des documents trouvés ici et là sur Internet.

[33] Je n’ai absolument aucun doute que le droit international, s’il est bien appliqué, peut jouer un rôle important dans l’interprétation de dispositions légales et la recherche de leur sens véritable (voir notamment Association canadienne du logiciel de divertissement, au paragraphe 92). Cependant, la situation en l’espèce ne s’y prête pas.

[34] Certains requérants invitent notre Cour à ordonner une mesure que l’auteur de la demande de contrôle judiciaire n’a pas demandée. Cette demande est vouée à l’échec. La cause demeure celle de l’auteur de la demande de contrôle judiciaire. On ne saurait permettre à d’autres personnes de s’en emparer pour demander des mesures que le demandeur n’a pas sollicitées (Tsleil-Waututh Nation c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 174, [2017] A.C.F. no 827 (QL), aux paragraphes 55 et 56; Teksavvy Solutions, au paragraphe 11; Renvoi relatif au titre du paragraphe 18.3(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, 2019 CF 261, au paragraphe 50). De toute manière, compte tenu des faits, les mesures demandées par certains intervenants (non-renvoi de l’affaire à l’Agence et décision favorable de notre Cour quant au fond) ne peuvent pas être accordées (D’Errico c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 95, [2014] A.C.F. no 370 (QL), et Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada (Agence d’inspection des aliments), 2017 CAF 45, 2017 A.C.F no 241 (QL), aux paragraphes 51 à 56 et 84, conformément à Vavilov, au paragraphe 142).

[35] Certains des intervenants éventuels semblent vouloir soutenir que les étiquettes des vins constituent pour certaines personnes une violation des droits que leur garantit l’alinéa 2b). La formation de juges qui tranchera le présent appel n’examinera pas cette question. Elle cherchera plutôt à établir si la Cour fédérale a commis une erreur de droit en concluant que l’Agence aurait dû examiner les questions relatives à l’alinéa 2b) de la Charte. Cette question, qui est purement une question de droit, fait déjà partie de celles dont est saisie la Cour et les intervenants n’ont rien à ajouter qui pourrait aider celle-ci dans son examen.

[36] Si notre Cour souscrit à la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle l’Agence aurait dû prendre en considération l’alinéa 2b) de la Charte, il appartiendra à l’Agence, et non à notre Cour, d’étudier cette question et de la trancher. Par conséquent, notre Cour n’a pas besoin d’entendre d’observations sur le fond de l’alinéa 2b) de la Charte.

4) Les observations défendables du requérant aideront-elles la formation de juges à trancher l’appel?

[37] Je constate qu’un certain nombre des observations que les requérants entendent présenter dans le présent appel ont déjà été présentées par l’intimé M. Kattenburg. Leur intervention n’est donc pas nécessaire. La formation de juges qui entendra l’appel se prononcera elle-même sur la pertinence et l’effet des observations de M. Kattenburg.

[38] La formation de juges qui entendra l’appel devra peut-être déterminer si la décision de l’Agence était raisonnable en ce sens qu’elle a été prise à l’issue d’une enquête appropriée conformément à sa loi habilitante. La formation de juges déterminera également quels éléments l’Agence a pris en considération pour rendre sa décision. Elle saura que l’Agence a reçu des avis d’Affaires mondiales Canada et s’est fondée sur ceux-ci. Il reviendra aussi à la formation de juges d’établir si l’Agence a été consciencieuse et a tenu compte d’avis d’autres sources. De toute évidence, la formation de juges saura, au même titre que la Cour fédérale (au paragraphe 125), que la présence d’Israël en Cisjordanie est une question controversée, qui suscite diverses opinions et des convictions profondes dans chaque camp. Elle n’aura pas besoin d’entendre les observations des requérants pour examiner ces points.

[39] À maints égards, les observations du requérant M. Kontorovich divergent de celles de la plupart des autres intervenants. Elles sont mieux ciblées. Il entend formuler des observations concernant les conventions liées à la notion de pays d’origine dans le domaine du commerce international, ainsi que les obligations du Canada dans ce domaine. Toutefois, la Cour doute que ces observations soient utiles ou nécessaires. Dans une large mesure, ces questions sont discutées dans les observations de l’intimé M. Kattenburg (mémoire des faits et du droit de M. Kattenburg sur le fond de l’appel, aux paragraphes 77 à 83). Notre Cour aura également les motifs de l’Agence à sa disposition. Elle pourra déterminer si l’Agence aurait dû prendre en considération ces questions et, le cas échéant, si sa décision était déraisonnable parce qu’elle ne l’a pas fait. Si sa décision est jugée déraisonnable pour ce motif, il appartiendra à l’Agence de revoir son interprétation des lois et d’examiner ces questions sur le fond.

[40] Le présent appel porte sur la façon dont l’Agence a appliqué certaines exigences légales canadiennes en matière d’étiquetage à des produits alimentaires importés, soit des vins. Pourtant, plusieurs requérants souhaitent plaider en faveur de l’adoption par le gouvernement du Canada d’une politique étrangère bien précise. Au lieu de nous aider dans la tâche qui nous incombe d’établir si la décision de l’Agence était raisonnable, ils nous demandent de tirer des conclusions qui serviront leur cause.

[41] Notre Cour n’est qu’une cour de justice. Ce n’est pas une tribune de débat politique, et encore moins un ministère des Affaires étrangères appelé à se prononcer sur des questions internationales délicates. Notre domaine de compétence est le droit, non pas les politiques administratives ou les idéologies en tant que telles. Nous ne sommes que des avocats auxquels un pouvoir judiciaire a été conféré (Canada c. Cheema, 2018 CAF 45, [2018] 4 R.C.F. 328, au paragraphe 79; Schmidt c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 55, [2019] 2 R.C.F. 376, au paragraphe 30). Notre Cour n’est pas une commission d’enquête itinérante qui peut se pencher sur les sujets de son choix. Nous ne sommes pas non plus des décideurs à qui sont confiés d’énormes budgets pour déterminer quelles sont les politiques administratives les meilleures pour des millions de personnes. Nous ne sommes pas non plus de grands prêtres qui s’érigent en arbitres des valeurs, qui dictent ce qui est « juste », « bien » et « équitable » et qui donnent libre cours à leurs croyances personnelles.

5) Observations finales sur les requêtes en autorisation d’intervenir

[42] Loin de moi l’intention d’être trop sévère à l’endroit des requérants. Je soupçonne que plusieurs d’entre eux se sont laissés convaincre de participer au présent appel par des comptes rendus déformés de la décision de la Cour fédérale dans la presse. Souvent, quand un groupe demande l’autorisation d’intervenir dans une affaire portant sur une question aussi controversée que celle en l’espèce, d’autres se sentent obligés de leur emboîter le pas.

[43] Cela dit, plusieurs requêtes en autorisation d’intervenir révèlent une tendance grandissante et fâcheuse dans les affaires de droit public au Canada : la propension de certaines personnes revendiquant des réformes politiques et sociales à considérer les tribunaux comme des instances investies du pouvoir absolu de prendre des décisions politiques ou idéologiques susceptibles de les aider à faire avancer leur cause. Comment expliquer ce phénomène? Je crains, hélas, que certains tribunaux et certains juges aient une part de responsabilité.

[44] Des tribunaux autorisent les interventions en appel de quiconque, ou à peu près, veut donner son point de vue, et parfois même à exprimer des opinions politiques ou idéologiques sans tenir compte des principes juridiques qui lient le tribunal (voir les observations à ce sujet dans les arrêts Teksavvy Solutions, au paragraphe 11, Ishaq, aux paragraphes 25 à 27, et Atlas Tube, aux paragraphes 4 à 12). Dans certains cas, au-delà d’une vingtaine de groupes de défense d’intérêts spéciaux ou d’intérêts politiques obtiennent l’autorisation d’ajouter leur grain de sel, ce qui donne aux appels des allures de vaste audience de comité parlementaire ou de tribune téléphonique à la radio, dans lesquels le débat est trop souvent à sens unique (Nation Gitxaala, aux paragraphes 21 à 24; Zaric, au paragraphe 12; Teksavvy Solutions, au paragraphe 11; Atlas Tube, au paragraphe 12). Une trop grande partie de leurs discours politiques vagues, qui ne reposent sur aucun fait avéré ni principe établi, peut s’infiltrer dans les motifs d’un jugement et entraîner des inexactitudes qui peuvent avoir des conséquences réelles (voir les exemples donnés dans Brown c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CAF 130, aux paragraphes 156 à 159, citant Teksavvy Solutions, au paragraphe 22, et renvoyant tous les deux à R. c. Bird, 2019 CSC 7, [2019] 1 R.C.S. 409, et à Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. Chhina, 2019 CSC 29, [2019] A.C.S. no 29 (QL)).

[45] Pour ce qui est des juges, certains donnent l’impression de rendre des décisions à travers le prisme de leurs préférences personnelles, de leurs allégeances politiques et de leurs idéologies, qu’elles soient libérales, conservatrices ou autres. Ils s’aventurent de plus en plus dans l’arène publique pour donner des leçons de vertu et verser dans le populisme. Ils écrivent des articles d’opinion, prononcent des discours et donnent des entrevues dans lesquels ils présentent les droits constitutionnels comme des droits absolus qui ne peuvent laisser place même à des considérations urgentes d’intérêt public, et ils s’associent à des personnes, à des groupes et à des causes défendant la même idée que la leur de ce qui est « juste », « bien » et « équitable ». Ils continuent d’agir ainsi même lorsqu’ils ont pris des affaires en délibéré et qu’ils se sont fait assigner d’autres affaires.

[46] Ils devraient s’abstenir d’agir ainsi et rester à leur place. Leur place n’est pas dans l’arène publique, aux côtés des militants et des politiciens, au cœur de la mêlée. Leur place est au palais de justice, où ils peuvent écouter toutes les parties, soupeser et apprécier les éléments de preuve admissibles, déterminer quels principes juridiques s’appliquent et les appliquer, en gardant en tout temps un esprit rationnel, ouvert et impartial, tant en apparence que dans les faits.

B. La requête de Psagot Winery Ltd. en vue d’être constituée comme partie intimée

[47] Psagot Winery a présenté une requête en vue d’être autorisée à intervenir ou d’être constituée comme partie intimée. Elle devrait être désignée comme intimée. Toutefois, pour les motifs qui suivent, sa participation devra être limitée.

[48] Psagot Winery a produit l’un des deux vins en cause dans l’instance devant l’Agence, mais elle n’a jamais été invitée à participer cette instance. Elle estime que l’Agence aurait dû l’informer du litige et l’inviter à participer à l’instance. Elle affirme qu’elle a entendu parler de l’instance devant l’Agence seulement quand les médias ont parlé de la décision de la Cour fédérale.

[49] Pour attaquer l’omission alléguée de l’Agence, Psagot Winery aurait dû présenter sa propre demande de contrôle judiciaire. Elle ne l’a pas fait, et maintenant il y a prescription. Elle ne peut pas maintenant utiliser la présente requête pour demander indirectement un contrôle judiciaire.

[50] La requête de Psagot Winery comporte toutefois une autre dimension. Il pourrait être considéré que Psagot Winery reproche à la Cour fédérale de ne pas l’avoir informée de la demande de contrôle judiciaire de M. Kattenburg et de ne pas l’avoir invitée à y participer. Il s’agit d’une thèse défendable, qui milite pour la constitution de Psagot Winery comme partie intimée à la présente instance. Elle peut déposer des éléments de preuve à l’appui de sa thèse mettant en cause l’équité procédurale devant la Cour fédérale et déposer un court mémoire qui portera sur ce sujet seulement (Mediatube Corp. c. Bell Canada, 2018 CAF 127, [2018] A.C.F. no 679 (QL), au paragraphe 58, ainsi que la jurisprudence qui y est citée). Les autres parties doivent avoir la possibilité de répondre à Psagot Winery et, s’il y a lieu, de la contre-interroger sur ses éléments de preuve et de produire leurs propres observations en réponse.

C. Autre question de procédure

[51] L’appelant a déposé son mémoire des faits et du droit sur le fond de l’appel, qui comportait des observations concernant la norme de contrôle, avant que la Cour suprême rende l’arrêt Vavilov. L’intimé, M. Kattenburg, a déposé son mémoire après la publication de l’arrêt Vavilov. La Cour a donné instruction aux parties de lui indiquer si, à leur avis, l’appelant devrait avoir la possibilité de présenter des observations sur l’arrêt Vavilov. Les parties ont jugé que cette possibilité devrait lui être donnée et qu’il faudrait permettre à M. Kattenburg de répondre aux observations de l’appelant. Ces parties devraient également avoir la possibilité de répondre aux éléments de preuve et au mémoire de Psagot Winery.

D. Dispositif

[52] Par conséquent, pour les motifs qui précèdent, les requêtes en autorisation d’intervenir seront rejetées. La requête présentée par Psagot Winery en vue d’être constituée comme partie intimée sera accueillie. L’intitulé sera modifié pour tenir compte de ce qui précède et sera celui qui figure dans les présents motifs. Une ordonnance sera prononcée pour donner effet à tout ce qui précède et aux éléments procéduraux connexes.

[53] Le procureur général du Canada a eu gain de cause en grande partie à l’égard des requêtes. Toutefois, il n’a pas demandé de dépens et aucuns ne seront adjugés.

« David Stratas »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-312-19

 

INTITULÉ :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. DAVID KATTENBURG et al.

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE STRATAS

 

DATE DES MOTIFS :

Le 6 octobre 2020

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Gail Sinclair

Negar Hashemi

 

Pour l’appelant

 

A. Dimitri Lascaris

 

Pour l’intimé DAVID KATTENBURG

 

David Matas

 

POUR L’INTERVENANTE PROPOSÉE LA LIGUE DES DROITS DE LA PERSONNE DE B’NAI BRITH CANADA

Barbara Jackman

 

pour L’INTERVENANT PROPOSÉ Voix juives indépendantes

Mark J. Freiman

pour L’INTERVENANT PROPOSÉ LE Centre consultatif des relations juives et israéliennes

David Elmaleh

Aaron Rosenberg

pour L’INTERVENANTE ET PARTIE INTIMÉE PROPOSÉE Psagot Winery Ltd.

Faisal Bhabha

Madison Pearlman

pour L’INTERVENANT PROPOSÉ Centre for Free Expression

Paul Champ

Bijon Roy

pour L’INTERVENANT PROPOSÉ Amnistie internationale

Asher G. Honickman

pour L’INTERVENANT PROPOSÉ Eugene Kontorovich

Matthew R. Gourlay

pour L’INTERVENANT PROPOSÉ Michael Lynk, rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967

Sujith Xavier

pour les INTERVENANTS PROPOSÉS Arab Canadian Lawyers Association et Transnational law & Justice Network

Ceyda Turan

James Yap

 

pour les INTERVENANTS PROPOSÉS Juristes canadiens pour les droits de la personne dans le monde et Al-Haq

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

 

Pour l’appelant

 

A. Dimitri Lascaris

Montréal (Québec)

 

Pour l’intimé DAVID KATTENBURG

 

David Matas

Winnipeg (Manitoba)

POUR L’INTERVENANTE PROPOSÉE LA LIGUE DES DROITS DE LA PERSONNE DE B’NAI BRITH CANADA

Jackman & Associates

Toronto (Ontario)

 

pour L’INTERVENANT PROPOSÉ Voix juives indépendantes

Rosen & Company

Toronto (Ontario)

pour L’INTERVENANT PROPOSÉ LE Centre consultatif des relations juives et israéliennes

Re-Law LLP

Toronto (Ontario)

pour L’INTERVENANTE PROPOSÉE ET INTIMÉE Psagot Winery Ltd.

Pooranlaw Professional Corporation

Toronto (Ontario)

pour L’INTERVENANT PROPOSÉ Centre for Free Expression

Champ & Associates

Ottawa (Ontario)

pour L’INTERVENANT PROPOSÉ Amnistie internationale

Matthews Abogado LLP

Toronto (Ontario)

pour L’INTERVENANT PROPOSÉ Eugene Kontorovich

Henein Hutchison

Toronto (Ontario)

pour L’INTERVENANT PROPOSÉ Michael Lynk, rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967

Sujith Xavier

Windsor (Ontario)

pour LES INTERVENANTS PROPOSÉS Arab Canadian Lawyers Association et Transnational law & Justice Network

Juristes canadiens pour les droits de la personne dans le monde

Toronto (Ontario)

Al-Haq

Ramallah, Cisjordanie

pour les INTERVENANTS PROPOSÉS Juristes canadiens pour les droits de la personne dans le monde et Al-Haq

 

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