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Date : 20201013


Dossier : A-376-19

Référence : 2020 CAF 170

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE RIVOALEN

LE JUGE LEBLANC

 

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

BRUNO SOUCY

intimé

Audience tenue par vidéoconférence en ligne organisée par le greffe, le 13 octobre 2020.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 13 octobre 2020.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE LEBLANC

 


Date : 20201013


Dossier : A-376-19

Référence : 2020 CAF 170

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE RIVOALEN

LE JUGE LEBLANC

 

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

BRUNO SOUCY

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 13 octobre 2020.)

LE JUGE LEBLANC

[1]  L’appelant se pourvoit en appel d’un jugement de la Cour fédérale (2019 CF 989), rendu en date du 24 juillet 2019. Ce jugement accueillait une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Commission de la fonction publique du Canada (la Commission) de ne pas mener une enquête, tel que lui permet de le faire l’article 66 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, c. 22, art. 12 et 13 (la Loi), en lien avec un processus de nomination externe, pour lequel l’intimé s’était porté candidat, mené par le ministère de la Défense nationale (le Ministère) en vue de combler un poste de chef du Service des incendies à la Base de Valcartier, au Québec.

[2]  L’intimé se plaignait auprès de la Commission de ne pas avoir été nommé dans ce poste alors qu’il était le candidat le plus qualifié et qu’il s’était même d’abord vu offrir une nomination intérimaire dans ledit poste avant de se faire promettre une nomination indéterminée. Il imputait cette situation à un certain nombres d’irrégularités dans le processus de nomination. En particulier, il reprochait au gestionnaire ayant le dernier mot aux termes de ce processus – soit le nouveau titulaire du poste de commandant du Service des opérations (le Commandant), qui n’avait pas participé aux évaluations initiales des candidats audit processus – d’avoir arrêté son choix sur un autre candidat sans justification valable. Le Commandant expliquera à la Commission avoir notamment arrêté son choix sur le candidat répondant le plus à ses valeurs.

[3]  La Commission a conclu que la plainte de l’intimé ne justifiait pas une enquête aux termes de l’article 66 de la Loi au motif que, contrairement à ce que requiert ladite disposition, elle ne soulevait pas de problème lié à l’application de celle-ci, de ses règlements ou des lignes directrices s’y rattachant.

[4]  Étant d’avis que l’évaluation selon ses « valeurs » effectuée par le Commandant paraissait constituer une évaluation distincte et éminemment personnelle des candidats venant s’ajouter à l’évaluation au mérite requise par l’article 30 de la Loi, la Cour fédérale, appliquant la norme de la décision raisonnable, a statué ne pas comprendre comment la Commission avait pu conclure que la plainte de l’intimé ne soulevait pas un problème lié à l’application de la Loi et, en particulier au principe du mérite censé régir toute nomination à la fonction publique fédérale. Elle en a conclu que de ce point de vue, la décision de la Commission était inintelligible et, par conséquent, déraisonnable.

[5]  L’appelant reproche à la Cour fédérale de s’être méprise sur son rôle en substituant sa propre appréciation des faits à celle de la Commission et en omettant, ce faisant, de faire preuve de la retenue nécessaire à l’égard des conclusions tirées par cette dernière, au vu de l’ensemble des circonstances du présent dossier, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 66 de la Loi. Elle lui reproche d’avoir ainsi mal interprété la Loi en faisant fi du principe voulant que la Loi ne fait désormais plus obligation aux gestionnaires de nommer à un poste à doter le candidat le plus qualifié mais leur permet plutôt de choisir, parmi les candidats qualifiés, celui ou celle qui pourra le mieux répondre aux besoins spécifiques requis par ce poste.

[6]  La Cour, lorsqu’elle siège en appel d’une décision rendue par la Cour fédérale en matière de contrôle judiciaire, doit déterminer si la norme de contrôle appropriée a été utilisée et si elle a été appliquée correctement. En d’autres termes, une fois décidé que la bonne norme de contrôle a été appliquée, ce qui est le cas ici, nous devons nous « mettre à la place » de la Cour fédérale et faire porter notre effort sur la décision administrative faisant l’objet du contrôle judiciaire (Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile)), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559 aux para. 45-47).

[7]  Or, l’appelant ne nous a pas convaincu qu’il y a lieu d’intervenir en l’espèce. Nous sommes en effet tous d’avis que la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur en concluant comme elle l’a fait. S’étant démarqué comme le candidat le plus qualifié au terme du processus de dotation initié par le Ministère et s’étant même vu à toutes fins pratiques offrir le poste à combler sur une base indéterminée, l’intimé était en droit de s’attendre à ce que la Commission explique d’une manière transparente et intelligible, ce qu’elle n’a pas fait, pourquoi la décision de ne pas ultimement lui offrir ledit poste, décision fondée, pour l’essentiel, sur la préférence du Commandant de travailler avec quelqu’un qui partage « ses valeurs », dont on ne sait de quelles valeurs il s’agit, ne soulevait pas de problème lié à l’application de la Loi, et notamment de son article 30 qui fait toujours du principe du mérite le cœur du cadre juridique régissant la dotation dans la fonction publique fédérale.

[8]  Nous sommes donc tous d’avis qu’il y a lieu de rejeter l’appel, avec dépens en faveur de l’intimé.

« René LeBlanc »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-376-19

 

INTITULÉ :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. BRUNO SOUCY

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE EN LIGNE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 octobre 2020

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE NADON

LA JUGE RIVOALEN

LE JUGE LEBLANC

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE :

LE JUGE LEBLANC

 

COMPARUTIONS :

Nadine Perron

Nadia Hudon

 

Pour l'appelant

 

Marie-Michelle Savard

 

Pour l'intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour l'appelant

 

Verreau Dufresne Avocats

Lévis (Québec)

Pour l'intimé

 

 

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