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Date : 20200904


Dossier : A-78-20

Référence : 2020 CAF 138

CORAM :  LE JUGE BOIVIN

LA JUGE RIVOALEN

LE JUGE LEBLANC

ENTRE :

ROUMÈNE BONEV

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Requête écrite décidée sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 4 septembre 2020.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE LEBLANC

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE RIVOALEN

 


Date : 20200904


Dossier : A-78-20

Référence : 2020 CAF 138

CORAM :  LE JUGE BOIVIN

LA JUGE RIVOALEN

LE JUGE LEBLANC

ENTRE :

ROUMÈNE BONEV

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE LEBLANC

[1]  La Cour est saisie d’une requête de l’intimée visant à obtenir le rejet préliminaire du présent appel logé à l’encontre d’un jugement prononcé oralement par la juge St-Hilaire de la Cour canadienne de l’impôt (CCI), le 6 février 2020, dans le cadre d’une procédure informelle initiée en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.).

[2]  Aux termes de ce jugement, la CCI accueillait une requête préliminaire de l’intimée visant à faire annuler l’appel de cotisation initié devant elle par l’appelant au motif qu’elle n’avait pas compétence pour l’entendre. Cette absence de compétence découlait, selon la CCI, du fait, d’une part, que l’avis de cotisation contesté comportait un solde nul, et, d’autre part, qu’elle n’avait pas le pouvoir de se prononcer sur les autres mesures réparatrices recherchées par l’appelant.

[3]  Ces autres mesures réparatrices visaient l’imposition, à l’Agence du revenu du Canada (ARC), de sentences disciplinaires et criminelles pour harcèlement, agression, intimidation, violence et discrimination, l’octroi d’une compensation financière pour ces méfaits, l’ouverture d’une enquête publique sur les agissements de l’ARC et la publication des algorithmes de calcul du supplément de la pension de vieillesse et du crédit pour la taxe sur les produits et services.

[4]  Devant nous, l’appelant, dans son avis d’appel, demande, outre que son appel soit accueilli :

« Que la Cour d’appel se dote de toutes les compétences nécessaires (et non pas avec les compétences restreintes de la CCI) pour qu’elle puisse prendre en considération les différentes facettes de ce litige dans toute sa complexité et se prononcer de façon définitive sur elles.

Que le jugement de la Cour canadienne de l’impôt soit renversé au total pour reconnaitre la présence de graves irrégularités dans la présentation des faits par la défense.

Que tous les éléments de l’accusation présentés dans le document FAITS SAIILANTS [sic] DE L’ACCUSATION soient entendus, traités et jugés de nouveau avec la pleine compétence et l’impartialité de la Cour d’appel et en acceptant la totalité de mes pièces de conviction (rejetées par la CCI).

Que la Cour d’appel soit ouverte à se prononcer sur les actes d’agression, d’intimidation, de violence, de discrimination et de harcèlement (allant jusqu’à la violation de la Charte des droits de l’homme) intentionnellement menés par l’ARC.

Que la Cour d’appel se prononce sur les actions frauduleuses de la Défense (expliquées en détail dans les motifs de l’appel) et qui ont provoqué une décision de la CCI entachée d’erreurs.

Que le jugement de la Cour d’appel soit rendu (si c’est possible) dans une nouvelle audience en présence de 2 témoins clefs de l’appelant représentant l’Agence du Revenu de Canada – M. Bob Hamilton et M-me [sic] Catalina Silvia Tempea.

Que la Cour d’appel se prononce et prenne en considération mes demandes :

  • - De procéder avec des sentences disciplinaires et criminelles pour des actes répétitifs d’agression, d’intimidation, de violence, de discrimination et de harcèlement sciemment et intentionnellement mené par l’ARC ;

  • - De m’accorder des compensations financières (des dommages réels et exemplaires) pour tout ce qui m’est arrivé.

  • - D’obliger l’ARC à publier les algorithmes de calcul du supplément de la pension de vieillesse et du crédit pour la TPS ;

  • - D’ouvrir une enquête publique sur l’ARC qui pourrait bien évoluer vers un recours collectif des citoyens. »

[5]  L’intimée soutient qu’il est manifeste et évident que cet appel est voué à l’échec puisqu’il est bien établi qu’une cotisation portant qu’aucun impôt n’est payable (i.e. prévoyant un solde nul), ne peut faire l’objet d’un appel devant la CCI et que cette Cour, en ce qui a trait aux autres mesures réparatrices recherchées par l’appelant, ne peut, dans le cadre d’un appel entrepris en vertu de l’article 27 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, exercer, au lieu et place de la CCI, des pouvoirs que cette dernière ne possède pas ou encore exercer des pouvoirs qu’elle ne possède pas elle-même.

[6]  Je suis du même avis. La norme applicable au rejet préliminaire d’un appel formé devant cette Cour est certes rigoureuse (Lessard-Gauvin c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 147, au para. 8), mais elle est satisfaite en l’espèce puisqu’il est évident et manifeste, à la face même du dossier qui est devant nous, que le présent appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[7]  Il importe de rappeler, d’entrée de jeu, que la compétence de la CCI dans le cadre d’un appel de cotisation se limite à décider si la cotisation en cause est conforme à la loi à la lumière des faits et des dispositions législatives applicables (Lassonde c. Canada, 2005 CAF 323, au para. 3). Ainsi, le droit d’appel devant la CCI ne peut être exercé que pour faire annuler ou modifier la cotisation, faisant en sorte qu’à moins de contester l’impôt, les intérêts et les pénalités payables aux termes de la cotisation, le contribuable « ne peut faire appel et il n’existe en fait aucun recours que la [CCI] puisse consentir » (Canada c. Interior Savings Credit Union, 2007 CAF 151, au para. 15 (Interior Savings)).

[8]  Il s’en suit qu’une cotisation portant, comme en l’espèce, qu’aucun impôt n’est payable, n’est pas sujet à appel, « toute opposition autre que celle qui se rapporte au montant réclamé [au titre des impôts] [étant] dépourvue de l’objet dont découle le droit d’appel » (Interior Savings au para. 17). La CCI était donc bien fondée, ici, de conclure qu’elle n’avait pas compétence pour entendre l’appel de cotisation de l’appelant puisque l’avis de cotisation en cause portait qu’aucun impôt n’était payable. Le fait qu’un avis de nouvelle cotisation ait été émis en août 2019 afin de corriger une erreur commise par l’ARC dans le calcul du revenu total de l’appelant n’est d’aucune pertinence en l’espèce puisque cela ne changeait rien au fait que ledit avis de cotisation portait qu’aucun impôt n’était payable.

[9]  Ce volet de la décision de la CCI, lorsqu’examiné à la lumière du droit applicable, est inattaquable si bien que l’appel qu’en a fait l’appelant est manifestement voué à l’échec.

[10]  Il en est de même du volet du présent appel fondé sur les autres mesures réparatrices recherchées par l’appelant. Ni la CCI, ni cette Cour n’a le pouvoir d’y faire droit, même en supposant les faits qui les sous-tendent, fondés. Comme on l’a vu, ces demandes excèdent largement la compétence de la CCI, laquelle se limite à décider si la cotisation qui est portée devant elle est conforme à la loi suivant les faits et les dispositions législatives applicables. La conduite du fonctionnaire qui autorise l’établissement d’une cotisation n’est pas pertinente à cette fin, et donc, à ce que la CCI a à décider (Ereiser c. Canada, 2013 CAF 20, aux para. 20 et 31).

[11]  La compétence de cette Cour, lorsqu’elle siège en appel d’une décision de la CCI, est de décider du bien-fondé de la décision prise par la CCI quant à la conformité de la cotisation en cause aux faits et au droit applicable. Dans ce contexte, elle n’a manifestement pas les pouvoirs que lui demande d’exercer l’appelant en regard des mesures réparatrices qu’il recherche aux termes du second volet de son appel. En d’autres termes, elle n’a, ici, ni le pouvoir de constater des cas de harcèlement, criminel ou autre, de discrimination ou de violence, ni celui d’ordonner le paiement de dommages et intérêts ou la production d’algorithmes, pas plus qu’elle est habilitée à ordonner qu’une enquête publique soit menée sur les agissements de l’ARC à l’égard de l’appelant.

[12]  Dans la mesure où l’appelant en a contre la façon dont l’ARC se serait comportée à son égard, c’est autrement – et vraisemblablement devant d’autres forum – qu’il devra faire valoir ses récriminations. Chose certaine, ce n’est pas devant la CCI, dans le cadre d’un appel de cotisation, ou devant cette Cour, dans le contexte d’un appel d’une décision de la CCI, que son réquisitoire à l’encontre de l’ARC peut être validement fait et débattu.

[13]  Pour tous ces motifs, je propose de faire droit à la requête de l’intimée et de rejeter, en conséquence, l’appel de l’appelant, avec dépens.

« René LeBlanc »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Richard Boivin j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Marianne Rivoalen j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-78-20

 

INTITULÉ :

ROUMÈNE BONEV c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

REQUÊTE ÉCRITE DÉCIDÉE SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE LEBLANC

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE RIVOALEN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 4 septembre 2020

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Roumène Bonev

 

Pour l'appelant

(se représentant lui-même)

Julien Wohlhuter

Vlad Zolia

Pour l'intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour l'intimée

 

 

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