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Date : 20201019


Dossier : A-163-18

Référence : 2020 CAF 174

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

 

 

ENTRE :

BALRAJ SHOAN

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Audience par vidéoconférence organisée par le greffe le 19 octobre 2020.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 19 octobre 2020.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

 


Date : 20201019


Dossier : A-163-18

Référence : 2020 CAF 174

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

 

 

ENTRE :

BALRAJ SHOAN

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 19 octobre 2020.)

LE JUGE STRATAS

[1] L’appelant interjette appel du jugement rendu le 7 mai 2018 par la Cour fédérale (le juge Russell) : 2018 CF 476. La Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire présentée par l’appelant à l’encontre du décret C.P. 2017-0456. Dans ce décret, le gouverneur en conseil a mis fin, pour un motif valable, à la nomination à titre inamovible de l’appelant au poste de commissaire du CRTC. La Cour fédérale a rejeté une grande partie des éléments de preuve par affidavit de l’appelant comme étant irrecevable, a conclu que le processus menant au décret était équitable sur le plan procédural et qu’il était raisonnable sur le fond.

[2] Nous sommes tous d’avis que l’appel devrait être rejeté, essentiellement pour les motifs énoncés par la Cour fédérale.

[3] La Cour fédérale n’a commis aucune erreur susceptible de révision en rejetant les éléments de preuve par affidavit de l’appelant. Nous sommes en grande partie d’accord avec son analyse aux paragraphes 157 à 164 et ses conclusions aux paragraphes 37 à 41 du mémoire des faits et du droit du procureur général.

[4] Entre autres, la règle habituelle veut que les éléments de preuve relatifs au fond de la question administrative, en l’occurrence la nomination de l’appelant, doivent être présentés au décideur administratif : voir, par exemple, les arrêts Bernard c. Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263, 479 N.R. 189, et Association des universités et collèges du Canada c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, 428 N.R. 297. Nous ne voyons rien en l’espèce qui pourrait remplacer la règle normale. En outre, aux termes de l’article 81 des Règles, les avis, arguments et conclusions juridiques présentés dans un affidavit ne sont pas recevables.

[5] Devant notre Cour, l’appelant s’appuie de manière appréciable sur ces éléments de preuve irrecevables. Nous n’en tiendrons pas compte.

[6] L’appelant soutient que le gouverneur en conseil n’a pas agi conformément à l’équité procédurale. Même dans l’hypothèse qu’un niveau élevé d’équité procédurale était dû (voir les commentaires contraires pour certaines situations dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190), il n’y a eu aucun défaut d’équité procédurale en l’espèce : nous sommes en grande partie d’accord avec les motifs de la Cour fédérale et les observations du procureur général aux paragraphes 50 à 70.

[7] Nous ajoutons que plusieurs préoccupations de l’appelant en matière d’équité procédurale n’ont pas été soulevées auprès du gouverneur en conseil et, par conséquent, il ne peut pas les soulever lors du contrôle judiciaire : voir, par exemple, les arrêts Irving Shipbuilding Inc. c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 116, [2010] 2 R.C.F. 488; Maritime Broadcasting System Limited c. La guilde canadienne des médias, 2014 CAF 59, 373 D.L.R. (4th) 167, aux paragraphes 67 et 68. Si l’appelant craignait de ne pas être traité équitablement, il lui incombait de faire part de ses préoccupations rapidement. Le dossier montre qu’il n’a pas hésité à faire part de ses préoccupations lorsque cela était nécessaire.

[8] L’appelant allègue que le gouverneur en conseil avait fait preuve de fermeture d’esprit. Il souligne, entre autres, la précipitation avec laquelle le décret a été pris et le défaut de purger du dossier des documents liés à des allégations non fiables. Nous estimons qu’il n’y a pas d’éléments de preuve ou que les éléments de preuve sont insuffisants pour étayer la thèse de la précipitation et que la précipitation en elle-même est insuffisante. De plus, l’appelant ne nous a pas convaincus que le gouverneur en conseil avait fondé sa décision sur un motif irrégulier.

[9] L’appelant soutient que la norme de contrôle applicable du décret quant au fond est celle de la décision correcte, car les questions en litige qui le concernent sont de portée générale. Comme l’a expliqué la Cour suprême dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, 441 D.L.R. (4th) 1, aux paragraphes 58 à 62, il s’agit d’une exception très étroite au contrôle selon la norme de la décision raisonnable qui s’appliquera rarement. En des termes qui s’appliquent ici, la Cour suprême nous dit (au paragraphe 61) que le simple fait qu’un litige soit « d’intérêt public général » – ce que l’appelant soutient en l’espèce – est insuffisant pour entraîner l’application de cette exception.

[10] Un grand nombre d’arguments de l’appelant nous invitent à remettre en question le décret du gouverneur en conseil. Or, ce n’est pas notre rôle dans le contexte d’un appel interjeté à l’encontre du rejet d’un contrôle judiciaire.

[11] À notre avis, le décret est raisonnable au sens de l’arrêt Vavilov. Une fois encore, nous sommes en grande partie d’accord avec les motifs de la Cour fédérale et les conclusions du procureur général aux paragraphes 80 à 95. Dans la mesure où la Cour fédérale s’est appuyée sur les motifs de la juge Strickland de la Cour fédérale (une décision antérieure en l’espèce), le recours à ceux-ci était justifié et approprié. L’appelant souligne certaines prétendues lacunes dans les motifs invoqués par le juge Russell de la Cour fédérale. Cependant, même si le décret comportait des lacunes, celles-ci ne le rendent pas déraisonnable. Le décret, y compris sa conclusion sur le motif de licenciement, est étayé par des éléments de preuve suffisants sur des points essentiels, indépendamment des questions de collégialité.

[12] L’appelant a demandé l’admission de nouveaux éléments de preuve dans le présent appel. Nous avons reçu les observations de l’appelant à ce sujet lors de l’audition de l’appel. L’appelant ne nous a pas convaincus qu’il a satisfait au critère rigoureux établi dans l’arrêt Palmer c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 759, 106 D.L.R. (3d) 212, tel qu’il est résumé dans l’arrêt Brace c. Canada, 2014 CAF 92, [2014] 4 C.T.C. 35, au paragraphe 11. Plus précisément, les éléments de preuve, s’ils étaient admis, ne pourraient pas raisonnablement influencer l’issue du présent appel. Une grande partie de ces éléments auraient pu être présentés plus tôt.

[13] L’appelant souhaite également soulever une nouvelle question en litige en appel qu’il n’a pas évoquée dans son avis de demande devant la Cour fédérale, à savoir la prétendue obligation du gouverneur en conseil d’enquêter sur les préjugés raciaux. De nouvelles questions en litige ne devraient généralement pas être entendues par une cour de révision : Alberta (Information and Privacy Commissioner) v. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654, aux paragraphes 22 à 26. C’est d’autant plus vrai dans le cas d’un appel d’un jugement d’une cour de révision : Quan c. Cusson, 2009 CSC 62, [2009] 3 R.C.S. 712; Performance Industries Ltd. v. Sylvan Lake Golf & Tennis Club Ltd., 2002 CSC 19, [2002] 1 R.C.S. 678. Pour ces deux motifs, nous exerçons notre pouvoir discrétionnaire de ne pas analyser cette nouvelle question.

[14] Par conséquent, nous rejetterons l’appel avec dépens.

« David Stratas »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme.

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-163-18

APPEL D’UN JUGEMENT RENDU PAR MONSIEUR LE JUGE RUSSELL LE 7 MAI 2018, DANS LE DOSSIER NO T79617

INTITULÉ :

BALRAJ SHOAN c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE PAR VIDÉOCONFÉRENCE TENUE PAR LE GREFFE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 19 octobre 2020

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE STRATAS

COMPARUTIONS :

Alex Van Kralingen

 

Pour l’appelant

 

Roy Lee

Andrea Bourke

 

Pour l’intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Van Kralingen & Keenberg LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour l’appelant

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

 

Pour l’intimé

 

 

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