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Date : 20201022


Dossier : A-185-18

Référence : 2020 CAF 178

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE RIVOALEN

LE JUGE LEBLANC

 

 

ENTRE :

CARLA GUERRIER

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 14 octobre 2020.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 22 octobre 2020.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE RIVOALEN

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LE JUGE LEBLANC

 


Date : 20201022


Dossier : A-185-18

Référence : 2020 CAF 178

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE RIVOALEN

LE JUGE LEBLANC

 

 

ENTRE :

CARLA GUERRIER

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE RIVOALEN

I. Introduction

[1] Carla Guerrier (Mme Guerrier ou la demanderesse) demande l’annulation d’une décision de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (la Division d’appel) (2018 TSS 560) rendue le 23 mai 2018. Dans cette décision, la Division d’appel a rejeté l’appel de Mme Guerrier d’une décision de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale (la Division générale) (GE-16-4794) rejetant sa demande de prestations de chômage aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi).

[2] Mme Guerrier a perdu son emploi en août 2016, car elle ne s’est pas présentée au travail pendant trois jours consécutifs et n’a pas fourni de billet médical justifiant ses absences, comme l’avait demandé son employeur. Sa demande de prestations de chômage a été rejetée parce que la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a décidé que le défaut de Mme Guerrier de se présenter au travail, sans en aviser son employeur, constituait une inconduite au sens du paragraphe 30(1) de la Loi. La Division générale a confirmé cette décision.

[3] La Division générale a décidé que la demanderesse aurait dû savoir que le fait de ne pas se présenter au travail pendant trois jours consécutifs, sans en informer son supérieur, constituait une violation grave de son contrat de travail et que son licenciement était une possibilité réelle. Pour en arriver à cette décision, la Division générale a tenu compte des événements à l’origine du licenciement de la demanderesse, notamment de ses relations de travail tendues avec son supérieur hiérarchique en raison de ses absences antérieures et de ses retards au travail et du fait qu’on lui avait demandé de communiquer avec lui pour discuter de son congé.

[4] La Division générale a été sensible aux arguments de Mme Guerrier concernant sa maladie, mais a estimé que Mme Guerrier avait délibérément choisi de retarder la remise d’un billet médical à son supérieur hiérarchique jusqu’à son rendez-vous avec un médecin spécialiste, sans avoir conclu un accord préalable à cet effet avec son employeur. En outre, la Division générale a estimé que Mme Guerrier aurait dû consulter un autre médecin afin d’obtenir un billet médical justifiant son absence, ce qu’elle n’a pas fait.

[5] Vu ces éléments de preuve, la Division générale a conclu que Mme Guerrier avait été imprudente et aurait dû savoir qu’elle serait licenciée. La Division générale n’a pas accepté l’argument de Mme Guerrier selon lequel elle a été licenciée en raison de son état de santé. La Division générale a décidé qu’il n’y avait aucune preuve que la décision de l’employeur de mettre fin à l’emploi de la demanderesse était fondée sur des faits autres que ceux liés à ses propres actions. Elle a été licenciée parce qu’elle ne s’est pas présentée au travail pendant trois jours consécutifs sans fournir de billet médical et sans en informer son employeur.

[6] Le 15 décembre 2017, la Division d’appel a accueilli la demande de la demanderesse d’interjeter appel aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, L.C. 2005, ch. 34. Le 23 mai 2018, la Division d’appel a rejeté l’appel.

[7] La Division d’appel a conclu que la Division générale n’avait pas commis d’erreur en concluant que les actions de la demanderesse constituaient une inconduite au sens du paragraphe 30(1) de la Loi. La Division d’appel a conclu que la Division générale n’avait pas commis d’erreur lorsqu’elle a décidé, en fonction des éléments de preuve qui lui étaient présentés, que la demanderesse avait été licenciée parce qu’elle avait manqué trois jours de travail consécutifs sans avoir obtenu l’autorisation préalable de son employeur. La Division d’appel a conclu qu’il ne faisait aucun doute que cela constituait une inconduite. Enfin, la Division d’appel a conclu que la Division générale n’avait pas commis d’erreur dans son interprétation du critère juridique de l’inconduite et qu’elle n’avait ni négligé ni mal interprété les éléments de preuve dont elle disposait lorsqu’elle a déclaré la demanderesse inadmissible aux prestations de chômage aux termes du paragraphe 30(1) de la Loi.

[8] Pour les motifs qui suivent, je rejetterais la présente demande de contrôle judiciaire, sans dépens.

II. Norme de contrôle

[9] La norme de contrôle applicable aux questions en litige est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, 441 D.L.R. (4th) 1). Notre Cour doit décider s’il était raisonnable pour la Division d’appel de confirmer la décision de la Division générale selon laquelle la demanderesse a été licenciée pour inconduite au sens du paragraphe 30(1) de la Loi et, conséquemment, était exclue du bénéfice des prestations de chômage.

III. Observations de la demanderesse

[10] La demanderesse présente essentiellement à notre Cour les mêmes arguments qu’elle a présentés devant la Division d’appel.

[11] Dans ses représentations écrites, la demanderesse fait valoir qu’elle a fourni plusieurs billets médicaux et qu’elle a expliqué qu’elle était malade et ne pouvait pas obtenir un billet médical supplémentaire dans le délai demandé par son employeur. Elle affirme qu’elle ne voulait pas se rendre à l’urgence d’un hôpital ou dans une clinique sans rendez-vous parce que ces professionnels de la santé ne connaissaient pas sa maladie, contrairement au spécialiste qui est responsable de ses soins. Elle justifie l’absence de billet médical par le fait qu’elle ne pouvait pas se le permettre et qu’elle n’a pas eu le temps d’en obtenir un.

[12] La demanderesse affirme que la Division générale et la Division d’appel ont toutes deux commis une erreur parce qu’elles n’ont pas tenu compte de son incapacité à fournir le billet médical en raison de son combat contre sa maladie chronique. Elle soutient qu’en se rangeant du côté de la Commission, la Division générale et la Division d’appel ont toutes deux été injustes et n’ont pas fait preuve de compréhension à son égard. En outre, la demanderesse fait valoir que la Division générale n’a pas tenu compte des éléments de preuve démontrant qu’elle avait communiqué avec l’hôpital et qu’elle avait été informée qu’on ne pouvait pas lui fournir de billet médical dans un délai de trois jours.

[13] La demanderesse a contesté dans ses représentations verbales la thèse voulant qu’elle ait agi de manière imprudente ou délibérée. Elle affirme qu’elle souffrait en raison de son état de santé et qu’elle ne pouvait pas se rendre au travail parce qu’elle prenait des médicaments très forts contre la douleur. Elle a communiqué avec son employeur et n’a pas pu fournir le billet médical dans le délai demandé. Elle connaissait la politique de l’employeur selon laquelle un billet médical était nécessaire pour justifier une absence du travail de plus de trois jours pour cause de maladie.

IV. Analyse

[14] Malheureusement, je ne peux accepter aucun des arguments de la demanderesse. Elle n’a pas réussi à me convaincre que la Division d’appel a rendu une décision déraisonnable en confirmant la décision de la Division générale de lui refuser des prestations de chômage parce qu’elle ne satisfaisait pas aux conditions requises aux termes du paragraphe 30(1) de la Loi.

[15] Il est devenu clair durant sa plaidoirie orale que la demanderesse était surtout préoccupée par la connotation négative découlant du libellé utilisé au paragraphe 30(1) de la Loi, c’est-à-dire qu’elle a été reconnue responsable d’une inconduite. Le dossier et les conclusions de la Division d’appel n’indiquent pas que Mme Guerrier a commis une faute ou a agi de manière illégale. Toutefois, aux fins du paragraphe 30(1) de la Loi, il était raisonnable que la Division d’appel conclue que ses actions constituaient une inconduite. Le dossier appuie la conclusion de la Division générale, confirmée par la Division d’appel, selon laquelle la demanderesse a délibérément manqué trois jours de travail consécutifs, sans billet médical pour justifier son absence, et nonobstant la directive de son employeur selon laquelle un billet était nécessaire. Aucun accord n’a été conclu entre Mme Guerrier et son employeur. Bien qu’elle l’ait déjà fait pour des absences médicales antérieures, à cette occasion, Mme Guerrier a choisi de ne pas se rendre dans une clinique sans rendez-vous ou à l’urgence d’un hôpital pour obtenir un billet médical. La demanderesse admet qu’elle était au courant de la politique de son employeur exigeant le billet médical. Vu les éléments de preuve présentés à la Division générale et examinés par la Division d’appel, il est raisonnable de conclure que la conduite de la demanderesse relève de la définition d’« inconduite » figurant au paragraphe 30(1) de la Loi.

[16] La notion d’inconduite aux fins du paragraphe 30(1) de la Loi a été définie par la jurisprudence comme étant volontaire lorsque le demandeur savait ou aurait dû savoir que sa conduite était telle qu’elle entraînerait un licenciement. Pour être volontaire, il suffit que l’inconduite soit consciente, délibérée ou intentionnelle. Le comportement doit également constituer un manquement à une obligation expresse ou implicite résultant du contrat de travail. En outre, l’inconduite doit être la cause du licenciement de l’employé (Canada (Procureur général) c. Maher, 2014 CAF 22, 2014 CarswellNat 435 (WL Can), au para. 6; Canada (Procureur général) c. Lemire, 2010 CAF 314, [2010] 331 D.L.R. (4th) 247, au para. 11; Canada (Procureur général) c. Brissette, [1994] 1 C.F. 684, 168 N.R. 60 (C.A.F.), au para. 12).

V. Conclusion

[17] Notre rôle n’est pas de rendre une nouvelle conclusion sur le fond du litige. Vu le contenu du dossier dont la Division générale était saisie et l’application des faits au paragraphe 30(1) de la Loi, la Division générale pouvait conclure que la demanderesse avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite et n’avait donc pas droit aux prestations de chômage.

[18] Dans le cas qui nous occupe, compte tenu de l’historique et du contexte de l’instance, il était raisonnable pour la Division d’appel de confirmer les conclusions de la Division générale. Les motifs de la Division d’appel sont fondés sur une analyse cohérente et rationnelle qui se justifie au regard des faits et du droit que la Division d’appel était tenue d’appliquer. Ils appartiennent à la gamme des issues possibles acceptables.

[19] Pour ces motifs, je rejetterais la présente demande de contrôle judiciaire, sans dépens.

« Marianne Rivoalen »

j.c.a.

« Je souscrit à ces motifs.

M. Nadon, j.c.a. »

« Je souscris à ces motifs.

René LeBlanc, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

A-185-18

INTITULÉ :

CARLA GUERRIER c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 octobre 2020

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE RIVOALEN

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LE JUGE LEBLANC

 

DATE DES MOTIFS :

Le 22 octobre 2020

 

COMPARUTIONS :

CARLA GUERRIER

 

POUR LA DEMANDERESSE

(pour son propre compte)

Sandra Doucette

 

Pour l’intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour l’intimé

 

 

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