Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20201229


Dossier : A-242-20

Référence : 2020 CAF 224

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE STRATAS

 

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et DARRYL ZELISKO

appelants

et

STEVAN UTAH

intimé

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe, le 16 décembre 2020.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 29 décembre 2020.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE STRATAS

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LA JUGE GAUTHIER

 


Date : 20201229


Dossier : A-242-20

Référence : 2020 CAF 224

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE STRATAS

 

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et DARRYL ZELISKO

appelants

et

STEVAN UTAH

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE STRATAS

A. Introduction

[1] M. Utah a intenté une action en dommages-intérêts dans laquelle il allègue qu’un fonctionnaire du gouvernement fédéral a omis de traiter sa demande d’asile en temps utile, lui portant ainsi préjudice.

[2] Les défendeurs à l’action, le procureur général du Canada et le fonctionnaire du gouvernement fédéral (ci-après le Canada) ont sollicité un rejet sommaire au motif que le délai de prescription avait expiré avant que M. Utah n’ait intenté son action.

[3] Toutes les parties reconnaissent que le délai de prescription applicable est énoncé dans la loi albertaine, soit à l’alinéa 3(1)a) de la Limitations Act, R.S.A. 2000, ch. L-12. Toutes les parties reconnaissent que cette loi albertaine s’applique en vertu de l’article 39 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7. Tous conviennent que le délai de prescription est de deux ans. Les parties ne s’entendent pas sur le début de ce délai de prescription de deux ans.

[4] Devant la Cour fédérale et maintenant devant notre Cour, M. Utah soutient qu’en droit, le délai de prescription a commencé à courir à la date à laquelle il a reçu des documents relatifs à une demande d’accès à l’information. Si tel est le cas, il a intenté son action dans le délai de deux ans. Selon lui, son action n’est pas prescrite.

[5] Le Canada soutient qu’en droit, le délai de prescription a commencé à courir bien longtemps avant cela. Si tel est le cas, M. Utah a intenté son action après l’expiration du délai de prescription de deux ans. De ce point de vue, son action est prescrite et doit être rejetée.

[6] La Cour fédérale a donné raison à M. Utah et a rejeté la requête : 2020 CF 923 (le juge Diner).

[7] Je suis d’avis que la Cour fédérale a commis une erreur de droit. Sur le plan juridique, le délai de prescription a commencé à courir plus tôt. Lorsque M. Utah a intenté son action, le délai de prescription était expiré. Par conséquent, j’accueillerais l’appel, j’annulerais le jugement de la Cour fédérale, j’accueillerais la requête en rejet et je rejetterais l’action.

B. Analyse

1) Le sens véritable de l’alinéa 3(1)a) de la Limitations Act de l’Alberta

[8] En l’espèce, la principale disposition est l’alinéa 3(1)a) de la Limitations Act de l’Alberta. Cet alinéa nous informe du moment où le délai de prescription de deux ans a commencé à courir. Notre tâche consiste à déterminer le sens véritable de l’alinéa 3(1)a) et à l’appliquer aux faits dont nous sommes saisis.

[9] Nous déterminons le sens véritable de l’alinéa 3(1)a) en prenant le sens ordinaire de ses termes, en les examinant dans leur propre contexte et en prenant à l’esprit l’objet de la disposition visée : Rizzo & Rizzo Shoes Ltd., [1998] 1 RCS 27, 154 D.L.R. (4th) 193; Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559; Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601. Nous le faisons de façon neutre, objective et sans parti pris : Williams c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 252, [2018] 4 R.C.F. 174, par. 41 à 52; Canada c. Cheema, 2018 CAF 45, [2018] 4 R.C.F. 328, par. 73 à 86; Hillier c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 44, 431 D.L.R. (4th) 556, par. 18 et 24 à 27.

[10] La Cour d’appel de l’Alberta, qui a examiné l’alinéa 3(1)a) à maintes reprises, nous a offert beaucoup d’aide afin d’accomplir cette tâche. Sur le plan juridique, ses décisions n’ont normalement qu’un effet persuasif sur nous et n’ont pas force obligatoire : Hon. M. Rowe et L. Katz, A Practical Guide to Stare Decisis (2020), 41 Windsor Rev. Legal Soc. Issues, 1, aux pages 6 et 7. Il ne s’agit toutefois pas d’une situation normale. Il s’agit d’arrêts rendus par le plus haut tribunal de l’Alberta, qui interprètent une loi albertaine. Seule la démonstration manifeste d’une erreur pourrait nous amener à ne pas suivre ces arrêts. En l’espèce, toutes les parties se sont fondées sur des arrêts de la Cour d’appel de l’Alberta portant sur l’alinéa 3(1)a). Personne n’a affirmé qu’elles étaient erronées.

[11] L’alinéa 3(1)a) prescrit que le délai de prescription commence à courir à compter du moment où le demandeur [traduction] « a su, ou eu égard aux circonstances, aurait dû savoir que le préjudice […] a été subi », « que le préjudice était attribuable à la conduite du défendeur » et « que le préjudice [...] justifie l’introduction d’une instance » : aux fins d’éclaircissement sur la norme [traduction] « a su [ou] aurait dû savoir », voir les arrêts suivants : Gratton v. Shaw, 2011 ABCA 175, 505 A.R. 340, par. 32; Boyd v. Cook, 2013 ABCA 27, 542 A.R. 160, par. 28, Condominium Corporation No. 0213028 v. HCI Architecture Inc., 2017 ABCA 375, par. 11; et HOOPP Realty Inc v. Emery Jamieson LLP, 2020 ABCA 159, 5 Alta. L.R. (7th) 213, par. 45. Le délai de prescription est de deux ans. Après l’écoulement de deux ans, les défendeurs [traduction] « sont exonérés de toute responsabilité à l’égard de la demande » : par. 3(1).

[12] Cette disposition législative reflète un choix de politique fait par les législateurs de l’Alberta : lorsque des parties ont su ou auraient dû savoir que le préjudice causé par un défendeur a été subi et justifie une action en justice, cette dernière doit être intentée dans les deux ans.

[13] Cette politique met en équilibre les intérêts des demandeurs et des défendeurs. D’une part, les demandeurs méritent d’avoir accès à la justice. D’autre part, les défendeurs ne doivent pas vivre indéfiniment avec des poursuites planant au-dessus de leurs têtes comme une épée de Damoclès ni se défendre au moyen d’un dossier de preuve obsolète. Voir les arrêts suivants : Yugraneft Corp. c. Rexx Management Corp, 2010 CSC 19, [2010] 1 RCS 649, par. 60 (une affaire concernant la Limitations Act de l’Alberta); James H. Meek Trust v. San Juan Resources Inc., 2005 ABCA 448, 37 A.R. 202, par. 43; arrêt Boyd, par. 4; Bowes v. Edmonton (City), 2007 ABCA 347, 425 A.R. 123, par. 118 à 121. Cette politique consistant à établir un équilibre n’est pas seulement exprimée à l’alinéa 3(1)a), elle est omniprésente dans la Loi : voir, par exemple, les articles 3.1, 5 et 5.1.

[14] Cette politique législative pourrait déplaire à certaines personnes. Elle peut être très stricte. Un demandeur pourrait envisager d’intenter une poursuite qui, sur le fond, semble toute simple et qui offre, de surcroît, une immense possibilité de recouvrement. Cependant, si le demandeur intente cette action après l’expiration du délai de prescription, la Cour doit la rejeter, indépendamment de son bien-fondé.

[15] Cette politique est peut-être très stricte. Toutefois, les juges, même les plus expérimentés, ne peuvent jouer avec la politique législative ou refuser de l’appliquer, sauf si la loi l’ayant adoptée est inconstitutionnelle. Ils ne peuvent non plus, indirectement, fausser leurs motifs pour parvenir aux issues souhaitées ou encore citer des sources non contraignantes qui font la promotion des politiques qu’ils préfèrent : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, 441 D.L.R. (4th) 1, par. 121 (dans le contexte des décisions administratives, mais également applicable aux juges); Canada (Procureur général) c. Kattenburg, 2020 CAF 164, par. 24 à 26. Les juges ne sont que des avocats non élus auxquels a été conféré un pouvoir judiciaire. Ils n’ont pas le droit de se prêter à un exercice d’interprétation législative en faisant valoir leurs propres opinions quant à ce qui est dans l’intérêt commun, puis d’attribuer à leurs opinions un caractère législatif contraignant pour tous. Selon la Constitution, cette tâche n’est réservée qu’à nos législateurs, soit les gens que nous élisons.

2) L’application de l’alinéa 3(1)a) à l’espèce

[16] La demande en dommages-intérêts présentée par M. Utah découle du fait que le Canada a omis de procéder à une enquête et de traiter sa demande d’asile en temps utile : voir, plus précisément, les paragraphes 27 à 78 de la déclaration modifiée de M. Utah, qui font exclusivement référence à cette omission. M. Utah allègue que le retard s’est étalé sur près d’une décennie, ce qui lui a causé un préjudice important.

[17] En l’espèce, nous devons évaluer à quel moment, aux termes de l’alinéa 3(1)a), M. Utah [traduction] « a su ou, eu égard aux circonstances, aurait dû savoir » « que le préjudice […] a été subi », « que le préjudice était attribuable à la conduite du défendeur » et « que le préjudice [...] justifie l’introduction d’une instance ». C’est à ce moment-là que le délai de prescription de deux ans a commencé à courir.

[18] Les parties ont déposé de nombreux éléments de preuve. Toutefois, un élément de preuve ressort.

[19] Au début de 2016, un nouvel agent d’immigration responsable du dossier de M. Utah a demandé à ce dernier de présenter une nouvelle demande d’asile. Il est compréhensible que M. Utah se soit demandé pourquoi il était nécessaire de procéder ainsi puisqu’il avait présenté sa demande neuf ans plus tôt : motifs de la Cour fédérale, par. 16.

[20] L’agent a répondu le 18 janvier 2016. Il a déclaré qu’il reconnaissait que M. Utah avait [traduction] « entamé cette procédure » de demande d’asile « en 2007 ou en 2008 ». L’agent a reconnu que la [traduction] « demande n’avait pas été traitée » en raison « d’erreurs [...] commises par les agents précédents ». L’agent n’a donné aucune explication pouvant justifier ces erreurs.

[21] Lorsque le message a été reçu le 18 janvier 2016, M. Utah savait ou aurait dû savoir quelles étaient les questions visées par l’alinéa 3(1)a), à savoir [traduction] « que le préjudice [...] a été subi », « que le préjudice était attribuable à la conduite du défendeur » et « que le préjudice [...] justifie l’introduction d’une instance » :

  • M. Utah savait déjà, aux termes du sous-alinéa 3(1)a)(i), [traduction] « que le préjudice [le sien] […] [avait] été subi » en raison des longs délais attribuables au fait que sa demande d’asile n’avait pas été traitée : voir, par exemple, la conclusion de la Cour fédérale, par. 43.

  • M. Utah savait ou, eu égard aux circonstances, aurait dû savoir que, aux termes du sous-alinéa 3(1)a)(ii), [traduction] « son préjudice était attribuable à la conduite du défendeur ». Toutefois, s’il y avait quelque doute que ce soit à cet égard, le message reçu le 18 janvier 2016 était on ne peut plus clair : [traduction] « les erreurs commises par les agents précédents » ont fait en sorte que la demande « n’a pas été soumise » pour traitement.

  • Le 18 janvier 2016, M. Utah savait ou, eu égard aux circonstances, aurait dû savoir que le délai était manifestement excessif et que le préjudice qui lui a été causé en raison des « erreurs commises par les agents du ministère précédents » était concret et grave. Les préjudices concrets et graves sont ceux qui justifient l’introduction d’une instance : Community Futures Lesser Slave Lake Region v. Alberta Indian Investment Corporation, 2014 ABCA 232, 1 Alta. L.R. (6th) 180, par. 25. Le 18 janvier 2016, aux termes du sous-alinéa 3(1)a)(iii), M. Utah savait ou aurait dû savoir que le [traduction] « préjudice qu’il a subi justifiait l’introduction d’une instance ».

[22] Le délai de prescription de deux ans a donc commencé à courir le 18 janvier 2016, et a expiré le 18 janvier 2018. À cette date, M. Utah n’avait pas encore intenté son action. Il ne l’a fait que le 29 juin 2018. Par conséquent, son action doit être rejetée.

[23] Cela suffit pour trancher l’appel. Nous disposons toutefois de nombreux autres éléments de preuve, qui, s’ils sont retenus, établissent que le délai de deux ans peut avoir commencé à courir avant le 18 janvier 2016. Dans sa déclaration modifiée, M. Utah allègue qu’il subissait un préjudice depuis 2007 en raison du non-traitement de sa demande d’asile ainsi que d’autres comportements de la part du Canada; il était conscient de ces préjudices au moment où il les subissait. Le témoignage de M. Utah au cours de son contre-interrogatoire dans la présente requête appuie cette affirmation. De septembre 2007 à juin 2015, M. Utah a rencontré l’agent responsable de sa demande d’asile [traduction] « à plus de 70 occasions » : déclaration modifiée, par. 48. En juin 2015, un nouvel agent a dit à M. Utah que sa demande d’asile, déposée en 2007, n’avait pas été soumise à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié : motifs de la Cour fédérale, par. 36, faisant référence aux éléments de preuve produits par le Canada. En outre, pendant de nombreuses années, M. Utah avait accès aux services d’un conseiller juridique indépendant, et s’en est d’ailleurs prévalu. À partir de 2007, après environ une année de retard et après avoir subi un préjudice grave, une personne raisonnable aurait pu ne pas être suffisamment informée pour faire enquête, examiner à qui incombe la responsabilité et se rendre compte qu’une instance juridique était justifiée. Mais après deux ans? Cinq ans? Et encore plus longtemps?

3) Les observations de M. Utah

[24] M. Utah présente des observations sur l’interprétation qu’il convient de donner à l’alinéa 3(1)a), mais il ne suit pas la méthode utilisée pour interpréter une disposition législative. D’une part, il ne commence pas par le libellé de l’alinéa 3(1)a). En fait, il ne se penche nullement sur ce libellé. Lorsqu’il s’agit d’interpréter une loi, son libellé constitue le point de départ : TELUS Communications Inc. c. Wellman, 2019 CSC 19, [2019] 2 RCS 144.

[25] M. Utah souligne plutôt ce qui, selon lui, est l’objet de la Loi : [traduction] « créer un juste équilibre entre les droits des parties et faire régner la justice ». Pour appuyer ses dires, il se fonde sur un arrêt de la Cour suprême qui a interprété une disposition ontarienne en matière de prescription libellée différemment Peixeiro c. Haberman, [1997] 3 RCS 549, 151 D.L.R. (4th) 429. Ensuite, il allègue essentiellement qu’il serait juste et équitable dans les circonstances de l’espèce de conclure que sa demande n’est pas prescrite. Cette approche est erronée. L’arrêt Peixeiro ne dit rien au sujet de la loi albertaine libellée différemment, qui est la disposition législative qui doit s’appliquer en l’espèce.

[26] En l’absence d’un problème constitutionnel (il n’y en a aucun en l’espèce), le législateur de l’Alberta a le droit de mettre en œuvre toutes les politiques qu’il veut dans ses lois sur la prescription. C’est ce qu’elle a fait à l’alinéa 3(1)a).

[27] Aucune Cour ne peut remplacer un choix stratégique fait par le législateur, notamment en important une politique différente d’une disposition législative d’un autre ressort territorial ou en se fondant sur une décision où il était question d’une disposition législative d’un autre ressort territorial : Michel c. Graydon, 2020 CSC 24, par. 16, 40 et 136. Il s’agirait alors d’une substitution ou d’une modification judiciaire irrégulière d’une disposition législative; substituer de façon irrégulière l’opinion des juges à celle des législateurs élus : arrêt Williams, par. 48 à 50; arrêt Cheema, par. 79 et 80; arrêt Hillier, par. 31 à 33.

[28] Ce genre de choses contrevient au principe constitutionnel appelé la hiérarchie des sources de droit. Une partie de ce principe reconnaît que les lois adoptées par les législateurs lient les tribunaux, et non l’inverse : Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie-Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), 2001 CSC 52, [2001] 2 RCS 781; S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 RCS 539, par. 117; Sturgeon Lake Cree Nation c. Hamelin, 2018 CAF 131, 424 D.L.R. (4th) 366, par. 54; Tsleil-Waututh Nation c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 128, par. 82). Ce principe est à ce point fondamental que les tribunaux inférieurs sont connus pour s’éloigner des décisions qui contreviennent au principe de la hiérarchie des sources de droit, même celles du plus haut tribunal du pays : voir, par exemple, l’arrêt Edmonton (Ville) c. Edmonton East (Capilano) Shopping Centres Ltd., 2016 CSC 47, [2016] 2 RCS 293 (dans lequel la Cour suprême a voulu faire en sorte qu’une présomption de la Cour l’emporte sur une loi); l’arrêt Entertainment Software Association c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2020 CAF 100, par. 24 (dans lequel notre Cour a reconnu l’avoir « contourné » pendant des années), et l’arrêt Vavilov, précité (qui a écarté l’arrêt Edmonton East).

[29] Le reste des observations de M. Utah découle de l’interprétation erronée de l’alinéa 3(1)a), notamment son omission de tenir compte du libellé de cet alinéa.

[30] Selon M. Utah, le délai de prescription n’a pas commencé à courir avant qu’il n’ait un degré élevé de connaissance au sujet de son éventuelle action. Il affirme n’avoir atteint ce degré de connaissance que le 20 juin 2018, date à laquelle il a reçu des documents relatifs à une demande d’accès à l’information.

[31] Toutefois, l’alinéa 3(1)a) ne prescrit pas que le délai de prescription de deux ans commence à courir à compter de la date à laquelle le demandeur dispose de la plupart des éléments de preuve se rapportant à l’instance ou à laquelle il a une connaissance parfaite du droit qu’il veut revendiquer : arrêt Gratton, par. 13; Geophysical Service Incorporated v. Encana Corporation, 2018 ABCA 384, 78 Alta. L.R. (6th) 82, par. 19; Weir-Jones Technical Services Incorporated v. Purolator Courier Ltd., 2019 ABCA 49, 86 Alta L.R. (6th) 240, par. 58. Aux termes de la Limitation Act de l’Alberta, le délai de prescription court à compter de la date à laquelle le demandeur savait ou aurait dû savoir quels étaient les critères énoncés à l’alinéa 3(1)a). Le degré de connaissance subjective ou objective qui déclenche le début du délai de prescription est celui qui est fondé sur suffisament d’information pour amener le demandeur à se renseigner sur son droit, et s’il ne se renseigne pas suffisamment ou s’il ne fait pas preuve de diligence raisonnable afin de confirmer les questions pendant le délai de prescription, il le fait à ses propres risques : Pioneer Corp. c. Godfrey, 2019 CSC 42, 437 D.L.R. (4th) 383, par. 31; Canadian Natural Resources Ltd. v. Jensen Resources Ltd., 2013 ABCA 399, par. 46 à 48; arrêt Geophysical Service, par. 20. Le 18 janvier 2016, M. Utah avait ou aurait dû avoir ce degré de connaissance. En fait, comme il est expliqué au paragraphe 21 ci-dessus, en date du 18 janvier 2016, il en savait bien plus que cela.

[32] M. Utah soutient ensuite qu’il n’était pas en mesure d’intenter son action avant de connaître tous les éléments de la cause d’action qu’il avait choisi d’intenter : abus dans l’exercice d’une charge publique. Il indique notamment qu’il ne pouvait pas engager de poursuites avant de connaître l’identité de la personne ayant commis l’abus et de savoir si sa conduite était délibérée. Il mentionne qu’il n’a obtenu cette information que lorsque l’on a répondu à sa demande d’accès à l’information, le 20 juin 2018.

[33] Cet argument ne tient pas compte du libellé de l’alinéa 3(1)a) de la Loi. L’alinéa 3(1)a) [traduction] « porte sur la connaissance du préjudice, et non sur la cause d’action » : Lay v. Lay, 2019 ABCA 21, 80 Alta. L.R. (6th) 221, par. 29; arrêt Geophysical Service, par. 31 et 32; Pedersen v. Soyka, 2014 ABCA 179, 99 Alta L.R. (5th) 139, par. 19; Sun Gro Horticulture Canada Ltd. v. Abe’s Door Service Ltd., 2006 ABCA 243, 397 A.R. 282, par 11. Le terme [traduction] « préjudice » est défini dans la Loi, et il s’agit du même préjudice indépendamment de la cause d’action : alinéa 1e) et arrêt Geophysical Service, par. 31. De plus, la Loi [traduction] « ne vise pas à déterminer si la demande introductive d’instance précise [et sa cause d’action précise] […] avait justifié le dépôt au moment pertinent », mais plutôt « si une instance avait été justifiée » : arrêt Boyd, par. 16.

[34] L’argument avancé par M. Utah ne tient pas compte du contexte historique entourant l’alinéa 3(1)a) de la Loi. La loi sur la prescription de l’Alberta prévoyait que le délai de prescription commençait à courir au moment où la [traduction] « cause d’action a pris naissance » : Limitation of Actions Act, R.S.A. 1980, ch. L-15. L’Alberta a toutefois abrogé cette loi et n’a pas inclus cette expression dans la nouvelle loi. Plutôt, à l’alinéa 3(1)a), le temps commence à courir à compter du moment où le demandeur aurait dû savoir qu’un préjudice était attribuable au défendeur et que ce préjudice justifiait l’introduction d’une instance, et non à compter du moment où la cause d’action a pris naissance.

[35] Comme je l’ai déjà expliqué, le 18 janvier 2016, M. Utah savait ou aurait dû savoir assez d’information pour introduire une demande de dommages-intérêts compensatoires visant à réparer le préjudice, par exemple, une demande en matière de négligence réglementaire. Il n’était pas nécessaire qu’il connaisse l’identité du fonctionnaire négligent pour invoquer ce délit. Il en va de même pour le délit d’abus dans l’exercice d’une charge publique : Administration portuaire de St. John’s c. Adventure Tours Inc., 2011 CAF 198, 335 D.L.R. (4th) 312, par. 61.

[36] Pour étayer son argument voulant que le délai de prescription ne commence à courir qu’au moment où il a pris connaissance de tous les éléments de la cause d’action qu’il a choisi d’intenter, M. Utah cite des extraits des arrêts récents suivants : Milota v. Momentive Specialty Chemicals, 2020 ABCA 413 et Canadian Natural Resources Limited v. Husky Oil Operations Limited, 2020 ABCA 386. Toutefois, les extraits qu’il invoque proviennent d’arrêts fondés sur la version antérieure de la Loi, qui faisaient référence au moment où [traduction] « une cause d’action a pris naissance » : voir, par exemple, l’arrêt Luscar Ltd. v. Pembina Resources Limited, 1994 ABCA 356, [1995] 2 W.W.R. 153, par. 138. Ils ne sont pas pertinents en ce qui concerne l’alinéa 3(1)a) de la Loi actuelle.

[37] Un argument connexe avancé par M. Utah concerne le type de « préjudice » qui déclenche l’écoulement du délai de prescription selon l’alinéa 3(1)a). M. Utah et le Canada ne s’entendent pas sur ce point. Cela est sans importance. En l’espèce, le type de préjudice : [traduction] « lésions corporelles », « perte économique » ou « manquement à une obligation » n’a pas d’importance : alinéa 1e). Aux termes de l’alinéa 3(1)a), tout ce qui compte est le moment où M. Utah savait ou aurait dû savoir qu’il avait subi un préjudice attribuable au défendeur et que ce préjudice justifiait l’introduction d’une action.

[38] M. Utah soutient ensuite qu’une dissimulation frauduleuse retarde le moment où le délai de prescription de deux ans commence à courir. La Cour fédérale a souscrit à cet argument (par. 48). C’était une erreur. L’article 4 de la Loi dispose qu’on peut faire valoir une dissimulation frauduleuse à l’encontre de l’écoulement du délai de prescription de dix ans prévu à l’alinéa 3(1)b) de la Loi, et non du délai de prescription visé à l’alinéa 3(1)a). De plus, la dissimulation frauduleuse n’agit plus en tant que doctrine indépendante dans les instances où est invoqué l’alinéa 3(1)a); elle est fusionnée avec l’analyse de la possibilité de découvrir le préjudice subi dans cette disposition : arrêt Pioneer, par. 51; Zeppa v. Woodbridge Heating & Air-Conditioning Ltd., 2019 ONCA 47, 144 O.R. (3d) 385. Quoi qu’il en soit, même s’il y avait dissimulation frauduleuse, le 18 janvier 2016, M. Utah savait ou aurait dû savoir tous les éléments visés à l’alinéa 3(1)a) de la Loi : voir le paragraphe 21 ci-dessus.

4) La décision de la Cour fédérale

[39] La Cour fédérale a commis plusieurs erreurs de droit qui ont eu une incidence sur son analyse de la requête en rejet. Par conséquent, notre Cour peut intervenir : Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 RCS 235.

[40] La Cour fédérale a indiqué que la question clé concernait « la date à laquelle la découverte devient possible » : motifs de la Cour fédérale, par. 26. Elle ne s’est pas demandé si tous les critères énoncés à l’alinéa 3(1)a) étaient satisfaits. Elle a appliqué des principes qui se dégagent de décisions rendues dans d’autres ressorts, où les lois sur la prescription sont libellées différemment : voir, par exemple, les motifs de la Cour fédérale, par. 30 et 51. En appliquant l’alinéa 3(1)a), la Cour fédérale a seulement tenu compte de ce que M. Utah savait, et non de ce qu’il aurait dû savoir, eu égard aux circonstances : motifs de la Cour fédérale, par. 55. La Cour fédérale a également commis une erreur en tenant compte des controverses factuelles relativement au fond de l’instance envisagée par M. Utah, et en évaluant la solidité de sa demande : motifs de la Cour fédérale, par. 32, 44, 45 et 48 à 50. Contrairement au précédent jurisprudentiel cité au paragraphe 35 ci-dessus et au libellé exprès de l’alinéa 3(1)a), la Cour fédérale a également conclu que la période de deux ans n’avait commencé à courir qu’à la date à laquelle l’identité de l’agent ayant fait preuve de mauvaise conduite avait été portée à la connaissance de M. Utah : motifs de la Cour fédérale, par. 47.

[41] La Cour fédérale a également cité et appliqué l’arrêt de la Cour suprême Novak c. Bond, [1999] 1 RCS 808, 172 D.L.R. (4th) 385, une instance qui tombait sous le coup de la Limitation Act, R.S.B.C. 1996, ch. 266 de la Colombie-Britannique : motifs de la Cour fédérale, par. 51. L’arrêt Novak reposait en grande partie sur l’alinéa 6(4)b) de la Limitation Act de la Colombie-Britannique. Cette disposition autorise un tribunal à examiner la capacité du demandeur à intenter une action compte tenu de son intérêt et des circonstances qui lui sont propres. À la lumière de cette disposition, la Cour suprême a adopté le critère suivant dans l’arrêt Novak (par. 90) : « Dans chaque cas, la tâche consiste à déterminer le moment où le demandeur aurait pu raisonnablement intenter une action, compte tenu de son intérêt et des circonstances qui lui sont propres ». La Cour fédérale a appliqué ce critère dans la présente instance albertaine régie par la Limitations Act de l’Alberta. Elle n’a pas appliqué l’alinéa 3(1)a) de la Limitations Act de l’Alberta. À cet égard, la Cour fédérale a commis une erreur de droit.

[42] Comme la Cour suprême l’a récemment reconnu, l’interprétation judiciaire d’une loi d’une province n’est pas nécessairement pertinente quant à l’interprétation d’une loi d’une autre province : arrêt Michel, précité. De plus, comme la Cour suprême l’a également récemment reconnu, conformément au principe de la hiérarchie des sources de droit, un texte législatif clair sur la prescription peut écarter toute décision judiciaire ou doctrine de common law : arrêt Pioneer, précité, par. 32.

[43] C’est exactement ce que fait l’alinéa 3(1)a) de la Limitations Act de l’Alberta. Il exige que la Cour s’informe du moment où les demandeurs [traduction] « ont d’abord pris connaissance ou, eu égard aux circonstances, aurait dû prendre connaissance » des critères énoncés à l’alinéa 3(1)a). Conformément à ce libellé exprès, la situation personnelle des demandeurs ne concerne que la question de savoir si les demandeurs auraient dû prendre connaissance les critères énoncés à l’alinéa 3(1)a).

[44] Pour ce motif, il n’est pas surprenant de constater que la Cour d’appel de l’Alberta n’a jamais adopté le critère élargi établi dans l’arrêt Novak pour « déterminer le moment où le demandeur aurait pu raisonnablement intenter une action compte tenu de son intérêt et des circonstances qui lui sont propres ». Dans certaines instances, la Cour d’appel de l’Alberta a fermement rejeté l’idée selon laquelle la capacité raisonnable du demandeur d’intenter une instance, en soi, était pertinente : arrêt Boyd; arrêt Condominium Corporation No. 0213028, par. 11; arrêt HOOPP Realty Inc., par. 45. Dans d’autres instances, en conformité avec le libellé exprès de l’alinéa 3(1)a), la Cour a limité l’application de l’arrêt Novak à la question de savoir si la situation personnelle du demandeur aurait eu une incidence sur le fait qu’il savait ou aurait dû savoir que l’introduction d’une instance était justifiée : voir, par exemple, l’arrêt Gayton v. Lacasse, 2010 ABCA 123, 16 Alta. L.R. (5th) 182, par. 20, 21, 32, 33, 57 et 58. Enfin, la Cour d’appel de l’Alberta n’a jamais souscrit à l’idée de l’arrêt Novak selon laquelle les intérêts du demandeur qui lui sont propres doivent être pris en compte. On peut y voir une invitation faite à la Cour de tenir compte des intérêts du demandeur dans la poursuite de sa demande; autrement dit, son bien-fondé, ce qui ne se trouve nulle part dans la loi de l’Alberta. Ainsi, pour une excellente raison, les arrêts de la Cour d’appel de l’Alberta ne citent l’arrêt Novak que brièvement ou au passage : voir, par exemple l’arrêt Boyd, précité.

[45] Même si l’analyse qui précède est erronée et que le critère élargi établi dans l’arrêt Novak s’applique d’une quelconque façon et sans restriction à l’Alberta, je conclus qu’il était raisonnable que M. Utah intente la présente action dans les deux ans suivant la réception du message du 18 janvier 2016. Dans ce message, le Canada a reconnu qu’il avait fait preuve d’une conduite inférieure aux normes. Ainsi, le 18 janvier 2016, M. Utah savait ou aurait dû savoir que le préjudice qu’il a subi en raison du retard du Canada était concret et grave : voir le paragraphe 21 ci-dessus. En l’espèce, le dossier de la preuve ne révèle rien, notamment les troubles mentaux ou affectifs ou autres inconvénients qui auraient pu avoir une incidence sur ce que M. Utah savait ou aurait dû savoir à ce moment-là. Il ne révèle rien qui pourrait donner à penser que M. Utah n’était pas raisonnablement en mesure d’intenter une instance à ce moment-là.

[46] Malgré l’absence d’éléments de preuve de troubles mentaux ou affectifs ou autres inconvénients subis par M. Utah, la Cour fédérale a mentionné qu’il était « vulnérable ». Elle n’a pas expliqué ce qu’elle entendait par « vulnérable » ou la façon dont cela a influé sur l’analyse des critères énoncés à l’alinéa 3(1)a). Elle n’a mentionné aucun élément de preuve à l’appui de cette vulnérabilité. En fait, il existe des éléments de preuve qui permettent de tirer une conclusion différente. M. Utah était une [traduction] « personne avertie, qui avait de bonnes relations; il avait reçu l’aide d’agents des [services de police de Calgary] dans sa demande d’asile et il était représenté par un conseiller juridique pendant presque toute la période en cause » : mémoire des faits et du droit du Canada, par. 74 à 83, citant la preuve par affidavit et les éléments de preuve recueillis lors du contre-interrogatoire.

[47] En l’espèce, la loi applicable, la Limitations Act de l’Alberta, n’autorise pas un tribunal à proroger un délai de prescription pour cause de « vulnérabilité ». Selon l’alinéa 3(1)a), un tribunal est tenu d’examiner si les circonstances ont eu une incidence sur le moment où M. Utah a d’abord su ou aurait dû savoir qu’un préjudice était attribuable au défendeur et que ce préjudice justifiait l’introduction d’une instance. Comme il est mentionné au paragraphe 45 ci-dessus, le dossier de la preuve ne révèle rien, que ce soit les troubles mentaux ou affectifs ou autre chose qui aurait pu avoir une incidence sur ce que M. Utah savait ou aurait dû savoir, surtout au moment où il a reçu le message du 18 janvier 2016.

[48] La Cour fédérale a également donné à entendre que M. Utah ne voulait pas nuire à l’issue de sa demande d’asile en intentant des procédures judiciaires : motifs de la Cour fédérale, par. 51. M. Utah abonde dans le même sens. Il soutient qu’il n’était pas raisonnablement en mesure d’introduire une instance alors que sa demande d’asile était en cours, soit parce qu’il voulait se concentrer sur sa demande d’immigration, soit parce qu’il croyait que l’introduction d’une instance pouvait d’une certaine façon nuire à sa demande.

[49] Là encore, cela ne concerne pas l’alinéa 3(1)a) : cela n’a rien à voir avec ce que M. Utah savait ou aurait dû savoir au sujet du préjudice qui lui a été causé. Et même si cela était pertinent sur le plan juridique, je rejetterais cet argument. Un tribunal indépendant et impartial, et non le ministère de l’Immigration ou ses fonctionnaires, statue sur les demandes d’asile. Une personne raisonnable dans la situation de M. Utah saurait que le fait d’intenter une instance judiciaire contre le ministère ou les fonctionnaires du ministère n’aurait pas nui à sa demande d’asile; en fait, un recours en mandamus entamé plus tôt l’aurait plutôt accélérée.

[50] La Cour fédérale a également donné à entendre que M. Utah tentait de régler la situation sans avoir recours à la justice : motifs de la Cour fédérale, par. 51. Il n’y a rien dans la loi albertaine qui indique que les tentatives de règlement permettent de proroger le délai de prescription.

[51] Enfin, la Cour fédérale a déclaré qu’elle n’était pas en mesure d’accueillir la requête en rejet en raison des éléments de preuve contradictoires et des problèmes de crédibilité : motifs de la Cour fédérale, par. 32, 45, 46, 48 à 50, et 53. C’est une erreur. Les éléments de preuve contradictoires et les problèmes de crédibilité auraient pu se répercuter sur le bien-fondé des allégations que M. Utah a formulées dans son action. Toutefois, les éléments de preuve se rapportant au moment où le délai de prescription a commencé à courir aux termes de l’alinéa 3(1)a) ne sont pas contestés.

[52] Nous disposons d’un exposé conjoint des faits. Nous sommes saisis de la déclaration modifiée de M. Utah, et, pour les besoins de la requête, nous pouvons présumer que les faits pertinents qui y sont énoncés sont véridiques. Nous disposons d’un affidavit de M. Utah et nous pouvons également présumer qu’il est véridique, de même que le témoignage qu’il a donné portant sur celui-ci. Enfin, fait plus important encore, à cet affidavit est joint le message non contesté du 18 janvier 2016 dans lequel il est reconnu que le Canada a fait preuve d’une conduite inférieure aux normes pendant des années.

[53] Tout cela nous mène à une seule conclusion : le 18 janvier 2016, M. Utah aurait dû savoir qu’un préjudice était attribuable au défendeur et que ce préjudice justifiait l’introduction d’une instance.

C. Conclusion

[54] Le 18 janvier 2016, les critères énoncés à l’alinéa 3(1)a) de la Limitations Act de l’Alberta étaient satisfaits. Le délai de prescription de deux ans a commencé à courir à compter de cette date. M. Utah a introduit sa demande le 29 juin 2018. Il était trop tard.

D. Jugement

[55] Pour les motifs qui précèdent, j’accueillerais l’appel, j’annulerais le jugement de la Cour fédérale, j’accueillerais la requête en rejet et je rejetterais l’action.

[56] Bien que le Canada ait droit aux dépens en l’espèce et en première instance, je ne lui accorderais pas de dépens au-delà de l’étape des actes de procédure. La requête en jugement sommaire a été présentée tardivement. Le Canada aurait dû présenter cette requête immédiatement après le premier échange des actes de procédure. Cela remonte à bien avant la pandémie de COVID-19. Lorsque le Canada a déposé sa défense, il aurait dû être au courant du courriel très important du 18 janvier 2016.

[57] Ayant examiné le tarif B des Règles des Cours fédérales, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire qui m’est conféré d’adjuger des dépens relativement peu élevés en raison du retard, je fixerais les dépens du Canada à une somme globale de 2 000 $.

[58] Rien de tout cela ne se veut une critique de l’avocate du Canada, dont les observations écrites et orales ont été très utiles à la Cour.

« David Stratas »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

M. Nadon, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Johanne Gauthier, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-242-20

APPEL D’UNE ORDONNANCE DE L’HONORABLE MONSIEUR LE JUGE DINER DATÉE DU 22 SEPTEMBRE 2020, DOSSIER NO T-1281-18

INTITULÉ :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et DARRYL ZELISKO c. STEVAN UTAH

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 décembre 2020

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE STRATAS

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LA JUGE GAUTHIER

 

DATE DES MOTIFS :

Le 29 décembre 2020

 

COMPARUTIONS :

Jennifer Lee

 

Pour les appelants

 

William S. Klym

Brian Meronek, c.r.

Susan G. Lawson

Pour l’intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

 

Pour les appelants

 

DD West LLP

Calgary (Alberta)

Pour l’intimé

 

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