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Date : 20201116


Dossier : A-290-19

Référence : 2020 CAF 198

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence de monsieur le juge Rennie

ENTRE :

MIRNA MONTEJO GORDILLO, JOSÉ LUIS ABARCA MONTEJO, JOSÉ MARIANO ABARCA MONTEJO, DORA MABELY ABARCA MONTEJO, BERTHA JOHANA ABARCA MONTEJO, FUNDACIÓN AMBIENTAL MARIANO ABARCA (FONDATION ENVIRONNEMENTALE MARIANO ABARCA OU FAMA), OTROS MUNDOS, A.C., CHIAPAS, EL CENTRO DE DERECHO HUMANOS DE LA FACULTAD DE DERECHO DE LA UNIVERSIDAD AUTÓNOMA DE CHIAPAS (CENTRE DES DROITS DE LA PERSONNE DE LA FACULTÉ DE DROIT DE L’UNIVERSITÉ AUTONOME DU CHIAPAS), LA RED MEXICANA DE AFECTADOS POR LA MINERÍA (RÉSEAU MEXICAIN DES PERSONNES TOUCHÉES PAR L’EXPLOITATION MINIÈRE OU REMA) et

MININGWATCH CANADA

appelants

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

et

AMNISTIE INTERNATIONALE CANADA et CANADIAN LAWYERS FOR INTERNATIONAL HUMAN RIGHTS ET LA INTERNATIONAL JUSTICE AND HUMAN RIGHTS CLINIC et le CENTRE FOR FREE EXPRESSION DE L’UNIVERSITÉ RYERSON

intervenants

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 16 novembre 2020.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE RENNIE


Date : 20201116


Dossier : A-290-19

Référence : 2020 CAF 198

En présence de monsieur le juge Rennie

ENTRE :

MIRNA MONTEJO GORDILLO, JOSÉ LUIS ABARCA MONTEJO, JOSÉ MARIANO ABARCA MONTEJO, DORA MABELY ABARCA MONTEJO, BERTHA JOHANA ABARCA MONTEJO, FUNDACIÓN AMBIENTAL MARIANO ABARCA (FONDATION ENVIRONNEMENTALE MARIANO ABARCA OU FAMA), OTROS MUNDOS, A.C., CHIAPAS, EL CENTRO DE DERECHO HUMANOS DE LA FACULTAD DE DERECHO DE LA UNIVERSIDAD AUTÓNOMA DE CHIAPAS (CENTRE DES DROITS DE LA PERSONNE DE LA FACULTÉ DE DROIT DE L’UNIVERSITÉ AUTONOME DU CHIAPAS), LA RED MEXICANA DE AFECTADOS POR LA MINERÍA (RÉSEAU MEXICAIN DES PERSONNES TOUCHÉES PAR L’EXPLOITATION MINIÈRE OU REMA) et

MININGWATCH CANADA

appelants

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

et

 

AMNISTIE INTERNATIONALE CANADA et CANADIAN LAWYERS FOR INTERNATIONAL HUMAN RIGHTS ET LA INTERNATIONAL JUSTICE AND HUMAN RIGHTS CLINIC et le CENTRE FOR FREE EXPRESSION DE L’UNIVERSITÉ RYERSON

 

intervenants

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE RENNIE

[1] Canadian Lawyers for International Human Rights et la International Justice and Human Rights Clinic (CLIHR/IJHRC), Amnistie internationale Canada et le Centre for Free Expression (CFE) de l’Université Ryerson demandent l’autorisation d’intervenir dans un appel interjeté auprès de notre Cour à l’encontre d’une décision rendue par la Cour fédérale (2019 CF 950, sous la plume du juge Boswell). Dans cette affaire, la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire de la décision du commissaire à l’intégrité du secteur public, qui avait refusé de faire enquête sur des allégations selon lesquelles des fonctionnaires de l’ambassade du Canada à Mexico avaient omis de respecter les politiques du gouvernement du Canada en matière de protection des défenseurs des droits de la personne et omis de signaler en temps opportun un acte de corruption. Le commissaire a conclu qu’il ne s’agissait pas d’« actes répréhensibles » pour l’application du paragraphe 33(1) et des alinéas 8d) et e) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, L.C. 2005, ch. 46 (la Loi sur la divulgation).

[2] Pour situer l’affaire dans son contexte, rappelons qu’en 2007 une société minière canadienne, Blackfire Exploration Ltd. (Blackfire), a ouvert une mine de barytine dans l’État du Chiapas, au Mexique. La population locale s’est opposée à la mine et a signifié son opposition par la tenue de manifestations devant l’ambassade du Canada à Mexico et l’érection d’un barrage sur l’une des voies de transport menant à la mine. En 2009, le chef du mouvement d’opposition, M. Abarca, a été arrêté et détenu sans inculpation pendant huit jours. Les appelants font valoir que M. Abarca a été assassiné en 2009, peu après avoir déposé une plainte auprès de la police contre deux employés de Blackfire qui avaient proféré des menaces à son endroit.

[3] Le commissaire devait déterminer si, en aidant Blackfire à faire face à l’opposition politique et sociale suscitée par la mine et en assurant la liaison entre Blackfire et les administrations locale, nationale et de l’État sur les exigences réglementaires à respecter, les membres de l’ambassade ont, par leurs actions ou leur inaction, agi conformément aux politiques du gouvernement du Canada en matière de respect du droit international coutumier, ainsi qu’aux politiques officielles du Canada en matière de protection et de promotion des droits de la personne. Les appelants sont d’avis que ces actions ou cette inaction ont contribué aux dangers auxquels M. Abarca a été exposé. La deuxième allégation porte sur un acte de corruption, les appelants faisant valoir que l’ambassade n’a pas signalé cet acte en temps opportun.

[4] L’intimé, le procureur général, « consent » aux requêtes en autorisation d’intervenir présentées par CLIIHR/IJHRC et Amnistie internationale, mais s’oppose à la requête du CFE, alléguant que ce dernier ne répond pas au critère de l’intervention prévu à l’article 109 des Règles des Cours fédérales (les Règles), DORS/98-106. La position du procureur général commande les remarques qui suivent.

[5] Une partie ne peut pas « consentir » à une requête en autorisation d’intervenir : elle peut l’appuyer, s’y opposer ou s’abstenir de prendre position. Les parties ne peuvent « consentir » qu’à des questions de procédure, comme un retard dans l’achèvement d’une étape de la procédure qui serait à leur avantage. Un retard dans le dépôt d’une défense à laquelle une partie aurait autrement droit aux termes des Règles en serait un exemple.

[6] La question de savoir si une intervention devrait être autorisée est une question de fond; par conséquent, le consentement d’une partie importe peu. Au mieux, la partie reconnaît ainsi que, de son point de vue, l’intervention ne porte pas préjudice. Cependant, ce n’est qu’un facteur parmi de nombreux autres. La Cour doit conclure que l’intervention est, dans l’ensemble, dans l’intérêt supérieur de la justice. Si le procureur général estime que les requêtes devraient être accueillies, il devrait le dire et expliquer – sommairement – pourquoi il en est ainsi.

[7] Dans une requête présentée en application de l’alinéa 109(2)b) des Règles, la partie doit expliquer de quelle manière elle désire participer à l’instance et en quoi sa participation aidera la prise d’une décision sur toute question de fait et de droit se rapportant à l’instance. La cour évalue et soupèse ensuite ces observations en regard des facteurs énoncés dans l’affaire Rothmans, Benson & Hedges Inc. c. Canada (Procureur général), [1990] 1 C.F. 74, 1989 CarswellNat 594, (1re inst.), conf. par [1990] 1 C.F. 90 (C.A.), par. 3 (Rothmans, Benson & Hedges Inc.). Comme le souligne notre Cour dans l’arrêt Sport Maska Inc. c. Bauer Hockey Corp., 2016 CAF 44, au paragraphe 37 (Sport Maska Inc.), ces facteurs sont souples et « bien adaptés à cette tâche » (Sport Maska Inc., par. 42).

[8] Les facteurs pertinents peuvent inclure les suivants :

  • 1) La personne qui se propose d’intervenir est-elle directement touchée par l’issue du litige?

  • 2) Y a-t-il une question qui est de la compétence des tribunaux ainsi qu’un véritable intérêt public?

  • 3) Existe-t-il un autre moyen raisonnable ou efficace de soumettre la question à la Cour?

  • 4) La position de la personne qui se propose d’intervenir est-elle défendue adéquatement par l’une des parties au litige?

  • 5) L’intérêt de la justice sera-t-il mieux servi si l’intervention demandée est autorisée?

  • 6) La Cour peut-elle entendre l’affaire et statuer sur le fond sans autoriser l’intervention (Rothmans, Benson & Hedges Inc., (1re inst.), par. 12).

[9] Il n’est pas nécessaire que tous ces facteurs soient réunis, et certains peuvent peser davantage que d’autres. Il pourrait également y avoir de nouveaux facteurs pertinents qui sont propres à l’affaire en cause (voir, par exemple, Première nation de Prophet River c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 120, par. 5 et 6 (Première nation de Prophet River)). Pour cette raison, les critères ne sont pas normatifs. Des critères jugés pertinents dans une affaire ne devraient pas être considérés comme des conditions préalables essentielles dans une autre. Pour reprendre les propos du juge Nadon dans l’arrêt Sport Maska Inc., « la souplesse est de mise » (par. 42). Le critère dominant est de savoir si la Cour sera mieux en mesure d’examiner les questions en litige grâce à la présence de l’intervenant.

[10] Un commentaire s’impose au sujet du sixième critère énoncé dans la décision Rothmans. Ce critère vise à déterminer si la cour peut trancher l’affaire en l’absence des intervenants. Ce facteur est toutefois d’une utilité douteuse et, après un examen plus approfondi, il est non fondé. En effet, si l’on répond à cette question par la négative, et que l’affaire ne peut être instruite sans la présence des intervenants, c’est peut-être que l’instance proprement dite comporte un problème sous-jacent, par exemple, qu’elle revêt un caractère théorique. À l’inverse, si la réponse est positive et que l’affaire peut être instruite en l’absence des intervenants, ce facteur n’apporte alors rien qui puisse faire avancer l’analyse. Il signifie simplement qu’il existe, entre les parties, un litige constitué en bonne et due forme. La question n’est pas de savoir si la présence de l’intervenant est nécessaire à l’instance, mais plutôt si l’intervenant fournira à la Cour d’autres précisions et perspectives utiles qui l’aideront à statuer sur l’affaire (Sport Maska Inc., par. 40).

[11] Si l’on reprend les facteurs énoncés dans la décision Rothmans, aucune des parties en l’espèce n’est « directement touchée », c’est-à-dire qu’aucune n’a le même degré d’« intérêt direct » qu’aurait normalement une entité ou une personne ayant pleine qualité de partie (Forest Ethics Advocacy Association c. Canada (Office national de l’énergie), 2013 CAF 236, par. 19 et 20; Canada (Procureur général) c. Première Nation Pictou Landing, 2014 CAF 21, [2015] 2 R.C.F. 253, par. 9). Ce facteur ne constitue toutefois pas un obstacle, car si une entité manifestait un tel degré d’intérêt, elle serait vraisemblablement partie au litige. Les tribunaux accordent depuis longtemps la qualité d’intervenant dans un litige d’intérêt public à des personnes dépourvues d’un intérêt direct. La cour cherche plutôt à déterminer si l’intervenant a un intérêt véritable dans l’instance.

[12] Pour faire valoir un intérêt véritable, la personne qui souhaite intervenir doit démontrer qu’il existe un lien entre le point en litige et son mandat et ses objectifs. Elle doit préciser l’origine de son intérêt véritable, et l’on doit pouvoir clairement établir à partir de ses observations ce qui justifie son intervention. Parfois, l’intérêt véritable est établi à partir de l’expertise ou de l’expérience que l’intervenant apporte à la question en litige. Parfois, il est établi à partir de la perspective unique de l’intervenant sur les questions. Cependant, pour établir l’existence d’un intérêt véritable, l’intervenant doit manifester plus qu’un intérêt de « nature “jurisprudentielle” » (Amnesty International Canada c. Canada (Défense nationale), 2008 CAF 257, par. 6 et 7; Lignes aériennes Canadien International Ltée c. Canada (Commission des droits de la personne) [2010] 1 R.C.F. 226, [2000] A.C.F. 220, par. 11 et 12). Il ne suffit pas d’avoir un intérêt uniquement dans la question de droit.

[13] En l’espèce, les intervenants proposés ont, dans leurs déclarations sous serment, fourni un bilan historique de leur participation à différents aspects des questions de droit dont la Cour est saisie. CLIHR/IJHRC et Amnistie internationale se décrivent, dans leur mission, comme des organisations non gouvernementales s’intéressant aux questions liées aux droits de la personne dans le monde et expliquent comment les questions en l’espèce intéressent leurs travaux. Dans sa documentation, le CFE décrit également son profond engagement en faveur de la divulgation de renseignements par les institutions gouvernementales, et mentionne sa participation à d’autres instances liées à l’interprétation de la Loi sur la divulgation.

[14] Ainsi qu’il est indiqué dans l’arrêt Sport Maska Inc., la principale question est de savoir si l’intervenant fournira à la Cour d’autres perspectives utiles qui l’aideront à statuer sur l’affaire.

[15] Cette aide peut revêtir diverses formes (Tsleil-Waututh Nation c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 102, par. 49 (Tsleil-Waututh Nation)). L’information peut porter sur le contexte social ou économique global dans lequel se situe une affaire particulière ou sur les répercussions politiques d’une décision – les effets qui ne ressortent pas du dossier ou qui n’ont pas été soulevés par les parties. Ces facteurs peuvent être liés à l’objet de la loi et en éclairer l’interprétation.

[16] En l’espèce, les observations des intervenants reposent sur leur compréhension du droit international – tant le droit coutumier que le droit des traités – et sur le rôle qu’il joue dans l’interprétation des lois nationales. L’intérêt du CFE diffère – il porte principalement sur l’essence et la portée de la Loi sur la divulgation. Dans son affidavit, le CFE décrit diverses initiatives qu’il a mises en œuvre au Canada dans le domaine de la protection de fonctionnaires qui divulguent des renseignements et mentionne notamment la publication d’un examen décennal de l’application et interprétation de la Loi sur la divulgation. Il propose plus précisément de présenter des observations sur l’interprétation des articles 8 et 33.

[17] La requête d’un intervenant proposé sera rejetée si les observations de cet intervenant répètent dans une large mesure celles déjà formulées par les parties ou si elles ne sont pas suffisamment distinctes (Zaric c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CAF 36, par. 16 et 17). Ce n’est pas le cas en l’espèce. Tous les intervenants ont déposé, dans le cadre de leurs dossiers de requête, des ébauches exposant les grandes lignes des arguments qu’ils proposent d’invoquer. Amnistie internationale et CLIHR/IJHRC proposent tous les deux de présenter des arguments sur les répercussions du droit international sur l’interprétation des lois et sur les principes du droit administratif qui sont au cœur de la présente instance. Ni les mémoires des parties ni la décision de la Cour fédérale ne soulèvent ces arguments, mais ceux-ci pourraient aider la Cour à statuer sur l’affaire. Après avoir examiné les observations du CFE et les motifs de la Cour fédérale, je conclus également que l’analyse juridique que le Centre propose est unique et qu’il ne s’agit pas d’une répétition d’observations présentées par les parties.

[18] Ainsi que je le mentionne, le facteur déterminant est de savoir si l’intérêt de la justice sera mieux servi si l’intervention est autorisée. C’est en regard de ce facteur que la Cour peut examiner « les circonstances et les faits particuliers de l’affaire qui fait l’objet de la demande d’intervention » (Sport Maska Inc., par. 39 et 42). Les facteurs pertinents à considérer peuvent porter sur le fond ou la procédure. La liste n’est pas exhaustive, et les facteurs varieront d’une affaire à l’autre. Les facteurs à prendre en compte peuvent inclure les suivants : la partie qui présente la requête prévoit-elle s’en tenir au cadre de l’instance existante; a-t-elle l’intention d’ajouter des éléments au dossier de preuve (Tsleil-Waututh Nation, par. 49); a-t-elle participé à des instances antérieures; les questions en litige dont la Cour a été saisie ont-elles une dimension publique susceptible d’être éclairée par les perspectives des intervenants; l’intervention devrait-elle être assujettie à certaines conditions (Première nation de Prophet River, par. 6); l’intervention a-t-elle été faite en temps opportun ou retardera-t-elle l’audience et portera-t-elle préjudice aux parties?

[19] En l’espèce, aucun fait précis ne milite contre l’intervention d’Amnistie internationale, de CLIHR/IJHRC ou du CFE. Ils ont respecté les délais prescrits pour la présentation de leur requête, ont exposé les grandes lignes de leurs observations et se sont limités au dossier de preuve déjà présenté à la cour.

[20] Le procureur général soulève trois objections principales à l’intervention du CFE. Je ne trouve pas ces objections convaincantes.

[21] Le procureur général allègue premièrement que l’appel ne soulève pas de nouvelles questions de droit et qu’une décision peut être rendue sur le fondement de la jurisprudence établie. Cet argument suppose bien sûr que les faits en l’espèce n’ont rien d’unique qui nécessiterait que l’on distingue la présente affaire d’affaires précédentes. Sans préjuger de la décision que notre Cour pourrait rendre sur le fond après l’audition de l’appel, il suffit de noter que cette hypothèse n’a pas été établie dans l’argumentation présentée dans le cadre de la présente requête.

[22] La deuxième objection veut que l’argument du CFE ne fasse que mettre en doute le caractère raisonnable de la décision du commissaire. Après avoir lu les observations proposées par le CFE, je n’estime pas qu’il s’agisse d’une bonne description de l’intervention proposée, notamment au vu de l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65. Les observations du CFE portent sur le bon critère juridique à appliquer, ainsi que sur la portée des obligations imposées par les lois ou politiques qui orientent l’interprétation des articles 8 et 33 de la Loi sur la divulgation.

[23] Suivant la troisième objection, l’intérêt du CFE est purement théorique. Bien que je convienne, avec l’avocat, que les observations du CFE portent essentiellement sur la nature des critères juridiques, il existe néanmoins un intérêt véritable, étant donné le lien qui existe entre le mandat et l’expertise du CFE et la question en litige. L’exigence voulant qu’une partie manifeste plus qu’un intérêt purement jurisprudentiel se veut une mesure de contrôle; visant à exclure les curieux. Elle ne vise pas à exclure ceux qui ont un intérêt véritable dans le cadre légal pouvant les régir, qu’il s’agisse d’une organisation non gouvernementale ou d’une société.

[24] Tout bien pesé, je conclus que les intervenants proposés ont, par leurs observations, montré qu’ils ont un intérêt véritable dans l’affaire dont notre Cour a été saisie, que les observations qu’ils proposent ne sont répétées par aucune des parties et qu’il serait dans l’intérêt de la justice de leur accorder la qualité d’intervenant. Cela dit, je conclus également qu’il s’impose d’ajuster quelque peu le temps alloué aux différents intervenants, compte tenu du léger chevauchement de certains arguments, ainsi que de la complexité et de la nouveauté d’autres arguments. L’ordonnance tient compte de ce fait dans le temps qui est accordé à chaque intervenant pour les observations orales.

[25] Je fais une dernière observation. Il convient d’établir une distinction entre, d’une part, les questions d’intérêt public jugées en application de la jurisprudence et de principes établis et, d’autre part, les affaires où, comme le juge Stratas de la Cour d’appel fédérale l’affirme dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Kattenburg, 2020 CAF 164, « les intervenants se perdent en arguments axés sur les politiques sans égard pour les faits et les principes juridiques. » Il met en garde contre le risque que ces arguments ne déteignent sur l’examen des questions de droit.

[26] Ce n’est toutefois pas le cas en l’espèce. Bien que les interventions s’inscrivent dans le contexte d’une question de politique générale sur le rôle du Canada dans la promotion des droits de la personne à l’étranger, elles ne cherchent pas à amener la cour à se prononcer sur le fond de cette question. Toutes portent sur la bonne interprétation d’une loi. Toutes s’appuient sur des sources du droit international faisant autorité. Tous les arguments reposent sur des principes juridiques. Contrairement à l’affaire Kattenberg, les intervenants ne soulèvent pas directement de considérations géopolitiques.

[27] Les requêtes en autorisation d’intervenir présentées par Canadian Lawyers for International Human Rights et la International Justice and Human Rights Clinic (un seul groupe d’intervenants), Amnistie internationale Canada et le Centre for Free Expression sont accueillies, sans dépens. L’intitulé de l’instance est modifié par inclusion de ces intervenants. L’autorisation d’intervenir est accordée sous réserve des conditions suivantes :

  • 1) Les intervenants sont tenus d’accepter le dossier tel qu’il a été présenté par les parties et n’ont pas le droit de déposer des éléments de preuve supplémentaires.

  • 2) Les intervenants Canadian Lawyers for International Human Rightset la International Justice and Human Rights Clinicont le droit de déposer un mémoire des faits et du droit d’au plus 20 pages.

  • 3) Les intervenants Amnistie internationale et le Centre for Free Expression ont chacun le droit de déposer un mémoire des faits et du droit d’au plus 15 pages.

  • 4) Les mémoires des faits et du droit des intervenants doivent être déposés au plus tard le 4 décembre 2020.

  • 5) La réponse du procureur général se limite à dix pages par intervention et doit être déposée au plus tard le 15 décembre 2020.

  • 6) Les intervenants Canadian Lawyers for International Human Rightset la International Justice and Human Rights Clinicont le droit de présenter des observations de vive voix à la Cour, d’au plus 20 minutes.

  • 7) Les intervenants Amnistie internationale et le Centre for Free Expressionsont autorisés à présenter des observations de vive voix à la Cour, d’au plus 10 minutes par intervenant.

« Donald J. Rennie »

j.c.a.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-290-19

INTITULÉ :

MIRNA MONTEJO GORDILLO ET AL. c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et AMNISTIE INTERNATIONALE CANADA ET AL.

 

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RENNIE

DATE DES MOTIFS :

Le 16 novembre 2020

COMPARUTIONS :

Yavar Hameed

Nicholas Pope

Pour les appelants

Korinda McLaine

Sarah Jiwan

Pour l’intimé

Daniel Sheppard

Louis Century

Pour l’intervenant,

AMNISTIE INTERNATIONALE CANADA

Jennifer Klinck

Joshua Sealy-Harrington/

Penelope Simons

Pour les intervenants,

Canadian Lawyers for international human rights et la International justice and human rights clinic

David Yazbeck

Michael Fisher

pour l’intervenant,

CENTRE FOR FREE EXPRESSION DE L’UNIVERSITÉ RYERSON

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hameed Law

Avocats

Ottawa (Ontario)

Pour les appelants

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour l’intimé

Goldblatt Partners LLP

Toronto (Ontario)

pour l’intervenant,

AMNISTIE INTERNATIONALE CANADA

Power Law

Vancouver (Colombie-Britannique)

Faculté de droit (Section de common law)

Université d’Ottawa

Ottawa (Ontario)

pour les intervenants,

CANADIAN LAWYERS FOR INTERNATIONAL HUMAN RIGHTS ET LA INTERNATIONAL JUSTICE AND HUMAN RIGHTS CLINIC

Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck

Avocats

Ottawa (Ontario)

pour l’intervenant,

CENTRE FOR FREE EXPRESSION DE L’UNIVERSITÉ RYERSON

 

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